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5.1 RETOUR SUR LE CADRE CONCEPTUEL

5.1.1 SCHÉMA D’ANALYSE

Une entreprise est en crise financière lorsque sa marge de sécurité est négative, celle-ci est négative lorsque la capacité de remboursement maximale (CDRmax) est plus petite que les annuités à rencontrer. Lorsque cela se produit, c'est soit parce que la CDR est trop faible et/ou parce que les annuités sont trop grandes (AGL, 1994). Les éléments qui composent le résultat de la CDR sont les produits, les charges variables et les charges fixes dont le coût du travail. Quant aux annuités, le niveau de celles-ci est affecté par le montant de la dette et la durée des emprunts.

CRISE MS ‹ 0 CDR TROP FAIBLE PRODUITS CHARGES VARIABLES CHARGES FIXES AMORTISSEMENTS ET INTÉRÊTS MLT TRAVAIL ANNUITÉS TROP GRANDES DURÉE DE LA DETTE ENDETTEMENT GESTION DU TRAVAIL GE STI ON À MO YE N E T L ONG T E R ME GE STI ON QUOT IDI E NNE

Ces éléments sont issus de trois grands domaines de gestion interne : soit celui de la gestion quotidienne de l’entreprise touchant la composante de l’organisation « Technico-Économique », celui de la gestion à moyen et long terme par les décisions stratégiques d’investissements et de financement touchant les composantes du « Capital » et de la « Finance » ou encore de la gestion du travail touchant évidemment la composante « Humain ».

Alors, suite aux analyses et résultats obtenus au cours de l’analyse comparative, il est possible maintenant de reprendre les concepts de base en ayant en main plusieurs éléments de réponse. Les différences significatives de résultats entre les fermes les plus rentables et celles ayant les ratios de rentabilité les plus faibles analysées au cours de l’analyse comparative a permis d’identifier le domaine de gestion ayant le plus d’influence sur la rentabilité économique.

5.2 UNE GESTION AU QUOTIDIEN

Ce qui est considéré comme étant du domaine de la gestion quotidienne, c’est tout ce qui est en lien avec la production du lait comme telle, soit l’alimentation et la gestion du troupeau, la gestion des cultures et des fourrages, etc. C’est un domaine plutôt d’ordre technique, dont les décisions se prennent au quotidien par l’agriculteur. C’est ce qui influence en bout de ligne la quantité et la qualité du lait produit ainsi que son coût de production. Car une notion importante de la gestion quotidienne est à quel coût le lait est produit, entre autres, une bonne gestion des fourrages et de l’alimentation aura une influence sur les coûts de production en plus d’être déterminante dans la quantité de lait produite et les composantes de celui-ci.

Les fermes de tête sont plus productives par unité que celles du groupe de queue. Que ce soit sur le nombre de litres produits par vache et par hectare fourrager ou le nombre de vache par hectare fourrager, les fermes les plus rentables ont de meilleures performances. De plus, les fermes du groupe de tête ont aussi davantage amélioré leur productivité au cours des années.

Les fermes les plus rentables sont aussi les plus efficaces, elles produisent davantage avec moins. Elles ont en moyenne moins de charge pour chaque dollar produit, entre autre parce qu’elles produisent plus de lait par unité de production. Bien que leur taux de charge ait augmenté au cours des années et

que les fermes de tête sont un peu moins efficaces qu’il y a neuf ans, la comparaison des charges permet de conclure que la gestion des coûts est meilleure pour ce groupe.

Les plus grands écarts de taux de charges par rapport aux produits entre le groupe de tête et le groupe de queue sont pour les postes de moulée et d’entretien de la machinerie. L’analyse en détail des charges pour les cultures a permis de constater qu’en valeur absolue et pour une superficie cultivée semblable, les fermes de têtes ont plus de charges de semences et de machinerie que les autres groupes, elles exploitent leur terre différemment et de façon plus productive.

Parmi toutes les variables étudiées des dix catégories d’information, les différences de résultats entre les groupes pour les charges sur les produits sont celles qui ont le plus d’impact sur les résultats de rentabilité. Les fermes du groupe de queue ont le plus haut taux de charges par rapport aux produits totaux et, tel que vu précédemment, une différence de quelques pourcentages représente des bénéfices importants.

Produire plus de lait à meilleur coût génère de plus grands bénéfices et c’est positivement corrélé avec la rentabilité, c’est dans la logique économique! Les bénéfices générés sont l’élément de base pour la pérennité de l’entreprise. Si ceux-ci ne sont pas au rendez-vous la CDR dégagée ne sera pas suffisante pour rencontrer les dettes, la marge de sécurité sera négative et c’est la crise. Les bénéfices générés donnent (ou enlèvent) les moyens de soutenir les projets d’investissements. Produire plus de lait par unité avec de meilleures composantes, ce qui permet d’obtenir un meilleur prix par hectolitre, est le fruit d’un ensemble d’actions et de décisions prisent par l’agriculteur. C’est la gestion au quotidien de la production globalement en passant par la gestion du troupeau, de l’alimentation, par la gestion des fourrages, des champs, etc…

La capacité de remboursement dégagée par une ferme dépend des bénéfices que celle-ci réussi à générer et ces derniers sont tributaires de la capacité de la ferme à produire le plus de lait au moindre coût. Alors la productivité et l’efficacité technique et économique de la ferme ont une grande influence sur la rentabilité de la ferme. Les fermes en crise financière ne sont pas assez productives et efficaces, la cause principale des problèmes financiers de ces fermes trouve son origine dans la gestion au quotidien de l’entreprise.

5.3 UNE GESTION À MOYEN ET LONG TERME

Au début de cette étude, d’autres questions ont été soulevées : est-ce que le fait d’être en difficulté financière pouvait dépendre principalement du niveau d’endettement et du montant des annuités à rencontrer? Est-ce que le fait d’emprunter davantage était un signe de difficulté financière? Et est-ce que les choix d’investissements et de financement dans le temps pouvaient avoir un lien avec la rentabilité économique? Les fermes ayant fait des investissements plus importants les dernières années ont-elles une bonne rentabilité ou se retrouvent- elles dans le groupe de queue?

La littérature contient plusieurs fois l’affirmation que les problèmes financiers des fermes laitières proviennent de l’endettement. Le Rapport Pronovost fait lui- aussi état de ce questionnement sur l’endettement dans le premier énoncé de son document. Et bien cette étude indique que les fermes les plus rentables sont aussi celles les plus endettées, elles doivent rencontrer les annuités les plus élevées. Alors non, l’endettement pris isolément n’est pas la principale cause de la crise financière.

Les fermes du groupe de queue sont moins endettées en moyenne que celles du groupe de tête ou même du groupe du milieu, pourtant la moyenne de leurs ratios de rentabilité économique est négative. Le groupe de tête est plus efficace et plus rentable, c’est ce qui leur permet de supporter un plus haut niveau de dette. Les fermes de tête ont plus de dettes car elles ont investi davantage au cours des années, elles ont aussi incidemment plus d’actifs. Ce qui mène à conclure que le niveau d’endettement comme tel n’est pas un signe de difficulté financière, les chiffres peuvent même faire dire le contraire.

Concernant la durée de la dette choisie, il n’y a pas de différence entre les fermes rentables et celles moins rentables dans ce choix. Ce n’est pas un élément de différenciation, par contre les fermes de queue ont eu davantage recours à la consolidation de dette comparativement aux fermes plus rentables. Aussi, les choix des types et des catégories d’investissements dans le temps n’ont pas été les mêmes pour les fermes performantes que ceux des fermes moins performantes. Les résultats indiquent qu’il y a effectivement une différence de comportement entre les groupes dans les décisions stratégiques à

moyen et long terme. En effet, 67,5% des investissements réalisés par le groupe de tête de 1999 à 2008 furent pour de l’expansion dont 42,5% de tous leurs investissements pour l’achat de quota. Tandis que pour le groupe de queue, ce ne sont que 29,7% des investissements qui ont servi à l’expansion de l’entreprise, le reste fut pour le renouvellement d’actifs. De tous leurs investissements au cours des ans, le groupe de queue a choisi le poste d’actifs « machinerie et équipement » pour 49,3% du montant. Ces choix se matérialisent aussi à travers les variables de structure, les fermes du groupe de tête ont un plus grand troupeau et détiennent plus de quota et l’écart de taille au cours des années s’est accentué entre les groupes. Incidemment, les postes d’actifs en lien avec les choix d’investissement et d’expansion ont varié également.

Les entreprises plus rentables ont la possibilité d’investir davantage car elles peuvent rencontrer leurs annuités. Elles ont choisi de prendre de l’expansion en augmentant leurs unités productives (animaux, terre, quota), ce qui a augmenté leurs bénéfices. Et en améliorant leur efficacité technique au cours des ans, cela a amélioré encore davantage les bénéfices générés malgré que le taux de charge soit un peu plus élevé. C’est une roue qui tourne… une rentabilité positive permet à l’entreprise de pouvoir continuer à investir. Les fermes du groupe 1 furent en mode croissance au cours des années tandis que les fermes de queue ont pris moins d’expansion et leur choix d’investissement s’est fait majoritairement pour des actifs peu productifs.

L’analyse réalisée confirme que ce sont les bénéfices générés (ou manquants) qui ultimement donne (ou enlève) les moyens de faire et/ou de supporter des projets d’investissement et de se développer. Les bénéfices proviennent du cumul de la productivité et de l’efficacité technico-économique, alors les entreprises sont rentables (ou pas) principalement à cause du niveau respectif de ces deux éléments clés. Ce sont vraiment les éléments de base.

Alors oui, il y a des différences entre les groupes de fermes quant aux stratégies d’investissements et de financement mais selon les constats faits au cours de cette recherche, la gestion à moyen et long terme, bien qu’elle influence la rentabilité, n’est pas la source principale des problèmes financiers. C’est dans la capacité de l’entreprise à générer suffisamment de CDR pour rencontrer ses dettes que la crise financière trouve son origine, c’est du domaine de la gestion au quotidien principalement.

Les bénéfices générés grâce à une bonne efficacité permettent de supporter des investissements bien choisis par l’agriculteur qui lui permettent de poursuivre cette rentabilité positive… et la roue continue. Et autant à l’inverse, des bénéfices manquants et de mauvais choix qui maintiennent l’inefficacité…. maintiennent les problèmes de non-rentabilité. Comme le souligne aussi l’étude de Paillat et al : « Les difficultés financières sont le fruit d’une lente détérioration de la situation… » (Paillat, 1997)

5.4 UNE GESTION DU TRAVAIL

Afin de répondre à la question: « Est-ce que le TRAVAIL est un élément important de la santé financière des fermes?», la réponse s’étudie sous deux volets soit l’efficacité de la main-d’œuvre et son coût. Le premier volet analysé est l’efficacité du travail, il y a effectivement une différence significative dans l’efficacité du travail entre les fermes de tête et celles de queue. Les fermes les plus rentables supportent plus d’unités productives par UTP et, de ce fait, génèrent plus de revenus par unité de travail personne. De plus, l’étude de l’évolution de ces variables dans le temps permet de remarquer que l’écart se creuse entre les groupes. La main d’œuvre est de plus en plus efficace au cours des années pour les fermes plus rentables car la croissance des hectolitres produits par UTP et celle du nombre de vache par UTP sont plus grandes.

Deuxièmement, le coût de la main d’œuvre est comparable d’un groupe à l’autre car il n’y a pas de différence importante dans le nombre d’UTP par ferme ni de rémunération par UTP. Par contre, par rapport aux produits totaux générés, le poids de la charge TRAVAIL est plus grand pour les fermes moins rentables, c’est près de 25% des produits totaux. Le coût du travail à supporter pour les entreprises moins rentables est plus élevé que leur capacité.

La question du travail s’articule plutôt autour de sa capacité à générer des revenus. La réflexion passe donc par les différences de productivité technique et d’efficacité technico-économique à la ferme citées maintes fois précédemment qui, en bout de ligne, permettent à chaque UTP de produire plus de lait. Le même constat revient : la productivité et l’efficacité font la différence dans la rentabilité économique, donc c’est principalement le domaine de la gestion du quotidien qui a le plus d’impact sur la crise financière.