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3.5 L’ÉCHANTILLON

3.5.2 ANALYSE DE L’ÉCHANTILLON

L’analyse des données de l’échantillon permet de constater qu’en moyenne les fermes ont pris de l’expansion au cours des années. La structure productive est en croissance tant en nombre d’hectares (+14%), en nombre de vaches (+31%) qu’en quantité de quota détenu (+34%). Les actifs totaux (à partir des bilans de fin d’exercice) ont augmenté de 68% en moyenne, soit de plus de 1 million de dollars (1 172 246$) bien que les catégories d’actifs n’aient pas toutes connu les mêmes taux de croissance. Les passifs totaux ont connu une hausse en moyenne de 118%, soit un montant de 557 642$, plus d’un demi-million de dette supplémentaire.

Ces résultats permettent de constater que les passifs augmentent plus rapidement que les actifs et cela cause des répercussions négatives sur le ratio d’autonomie financière, à terme les entreprises se détériorent. L’autonomie financière est le rapport entre l’avoir propre et les actifs totaux et ce ratio est passé de 72% en 1999 à 64% en 2008 malgré la hausse en valeur absolue de l’avoir propre de 614 604$ (soit une augmentation de 49%).

De plus, l’augmentation des actifs de 68 % est largement supérieure à la croissance de la structure productive (terres +14 %, vaches + 31 %). La différence entre les deux est l’inflation qui pèse sur la valeur des actifs agricoles. En fait, du 1 172 246$ de hausse de valeur des actifs, il y a 393 748$, c’est à dire 34%, qui proviennent de l’inflation sur les actifs et principalement de l’inflation sur la terre et le quota. Un même hectare de terre vaut 43% de plus en 2008 qu’en 1999 et la valeur du kilo de quota (qui est règlementée depuis 2007) a augmenté de 23% pour la période. Cette plus-value sur les actifs s’équilibre par l’augmentation des capitaux propres, donc sur une hausse totale de l’avoir propre de 614 604$, l’inflation en représente 64 %. Les fermes se sont enrichies principalement avec l’inflation sur les actifs et non pas à partir des excédents de l’entreprise ni de son expansion. Par l’inflation, les actifs ont augmenté davantage que la capacité productive et cela a également dégagé des « garanties disponibles » qui facilitent les emprunts.

Tableau 14 : Investissements et financement sur 10 ans Investissements et financement 1999 - 2008

Nouveaux investissements 1 264 848$

Amortissements cumulés 464 665$

Nouveaux emprunts 1 795 909$

Montant pour consolidation 641 667$

Les nouveaux investissements réalisés de 1999 à 2008 représentent en moyenne 1 264 848$ par ferme. Les investissements totaux se divisent en deux types, les investissements d’expansion correspondant à l’augmentation de la structure productive et les investissements de renouvellement (remplacement des actifs amortissables). Sur une période de 10 ans, il est supposé que les actifs amortissables ont été renouvelés pour un montant équivalent aux amortissements. Il y a eu 800 183$ (soit 63% des investissements totaux) pour l’expansion de l’entreprise et 464 665$ (soit 37%) pour le renouvellement des actifs. Selon la classification des investissements et selon leur productivité (Levallois, 2011), une forte proportion des investissements totaux se sont faits dans des catégories d’actifs considérées peu productives, en effet environ 50% de ceux-ci pour de la machinerie et des bâtiments.

Au cours des 10 ans, il y a eu 1 795 909$ de nouveaux emprunts par ferme en moyenne. De ce montant c’est 641 667$ (soit 36%) de ces emprunts qui ont servi pour consolider des dettes existantes, la balance des emprunts fut pour les investissements. Pour l’année de référence uniquement, c’est 55% des nouveaux emprunts de 2008 qui ont servi à mettre à plus long terme des dettes existantes. Consolider des dettes est un signe de détérioration financière, des dettes de court terme sont consolidées sur du moyen-long terme et de plus, il y a eu peu d’autofinancement des investissements, alors il y a surendettement des fermes de cet échantillon. Ceci explique en partie pourquoi les passifs augmentent plus rapidement que les actifs.

L’endettement moyen des fermes est passé de 98$ par hectolitre produit en 1999 à 159$ par hectolitre en 2008, c’est une hausse de 63%. L’endettement par ferme a augmenté et la durée moyenne des emprunts également, cette dernière est passée de 8,92 ans à 10,35 ans. De plus, la durée moyenne des emprunts est plus grande que la durée théorique (10,35 ans versus 8,24 ans) selon une saine gestion d’entreprise. Ce sont des signes de détérioration pour ces fermes. Cela a eu comme impact de doubler, ou presque, les annuités à payer. Les annuités par ferme ont en moyenne augmenté de 93% à la suite de cette hausse des emprunts. Les intérêts moyens payés sur les emprunts ont diminué au cours de la période donc les annuités sont plus grandes à cause du montant de la dette et non du taux d’intérêts.

La structure productive des fermes a augmenté et cela a aussi été combiné à une amélioration de la productivité technique et du travail en plus d’une hausse du prix du lait de 35% au cours des années. Cela eu comme impact d’augmenter les produits totaux moyens par ferme, ceux-ci ont en effet augmenté de 73%, les fermes sont demeurées spécialisées en production laitière. Le prix du lait par hectolitre a augmenté de 35%, ce qui est plus élevé que la hausse de l’indice des prix à la consommation qui a été de +23% pour la même période. L’agriculteur n’a pas d’influence sur le prix du lait, celui-ci est règlementé pour tous.

Les charges totales ont quant à elles augmenté de 75% pour la même période, ce qui est 2 points de plus que la hausse des produits. Les charges variables ont augmenté davantage que les charges fixes malgré une amélioration de la productivité technique et la hausse du prix du lait. L’efficacité technico- économique de l’échantillon s’est donc détériorée en moyenne pour les années sous étude. Le ratio de charges avant intérêts-salaires-amortissement par hectolitre a augmenté de 36% de 1999 à 2008 tandis que les produits totaux par hectolitre n’ont augmenté que de 27%. Plusieurs postes de charges ont augmenté, les principaux sont la moulée, les entretiens en machinerie et équipements et la main d’œuvre. Les salaires et coût de vie ont connu une hausse de 51%, c’est une augmentation réelle nette de la rémunération et ce poste représente 17,52% des produits en 2008, c’est le poste de charge par rapport aux produits le plus élevé.

Graphique 11 : Évolution de la rentabilité économique et financière

Le bénéfice net a augmenté de 46% pendant la période comparativement à 68% de croissance pour les actifs. Et parce que les actifs ont augmenté davantage que les bénéfices nets, cela cause des répercussions négatives sur les ratios de rentabilité, la rentabilité économique est stable et faible. Le taux de rentabilité économique moyen au cours des années est de 2,67%, ce qui est supérieur au taux de rentabilité financière qui est de 1,59 mais inférieur au taux d’intérêts moyen payé sur les emprunts de 5,5% environ. En moyenne, les fermes de l’échantillon sont en effet levier négatif à chaque année.

Les bénéfices augmentent au cours de la période mais compte tenu de la diminution de l’efficacité technico-économique et de l’augmentation des annuités, les soldes résiduels sont faibles. Les annuités ont augmenté plus rapidement que la CDR, soit une hausse de 93% versus 67% pour la CDR. Il y a une disparité de plus en plus grande entre la croissance de la dette et celle de la capacité de l’entreprise à générer suffisamment de bénéfices pour supporter cette nouvelle dette.

Les soldes résiduels étant faibles, il y a plus d’emprunt pour le renouvellement des actifs car les soldes ne couvrent pas la part prévue pour les amortissements. L’autofinancement représente 8,75% des investissements totaux faits au cours de la période. En théorie, l’autofinancement devrait couvrir tous les investissements de remplacement et une part des investissements pour expansion (20%) selon les principes d’une saine gestion financière.

0,00% 1,00% 2,00% 3,00% 4,00% 5,00% 6,00% 7,00% 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008

Graphique 12 : Marge de sécurité (optimum et maximum)

En 1999 sur le total des 235 fermes, il y avait 71 fermes avec un solde résiduel négatif, donc en crise financière, cela représente 30% l’échantillon. Pour l’année de référence de 2008, cette proportion de fermes en crise a grimpé à 45% pour toucher 106 fermes au total. Toutes ces années, en moyenne la marge de sécurité sur les produits n’a jamais atteint les ratios théoriques de saine gestion financière (entre 8 et 10% de marge souhaité), le ratio le plus élevé en 10 ans fut de 6,59%. Et lorsque le la marge de sécurité est calculée à partir de la capacité de remboursement optimale, son résultat est négatif chaque année.

Cette proportion d’autofinancement en deçà de la saine gestion financière amène conséquemment des problèmes de surendettement. De plus, 36% des nouveaux emprunts ont servi à consolider des dettes existantes, ces proportions importantes de consolidation expliquent aussi en partie pourquoi les passifs MLT augmentent plus vite. Les dettes augmentent sans que la capacité productive augmente dans les mêmes proportions, les annuités croissent de façon plus importante que la CDR dégagée par l’expansion des activités de production. Ces résultats favorisent un endettement accéléré, les dettes augmentent plus rapidement que les actifs : les entreprises sont dans une spirale d’endettement.

-12,00% -10,00% -8,00% -6,00% -4,00% -2,00% 0,00% 2,00% 4,00% 6,00% 8,00% 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 Marge de sécurité (Max) Marge de sécurité (opti)