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Situation financière des fermes laitières du Québec : évolution 1999-2008

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Academic year: 2021

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Texte intégral

(1)

MARIE-FRANCE REID

SITUATION FINANCIÈRE DES FERMES LAITIÈRES DU QUÉBEC Évolution 1999-2008

Mémoire présenté

à la Faculté des études supérieures et postdoctorales de l’Université Laval dans le cadre du programme de maîtrise en agroéconomie

pour l’obtention du grade Maîtres ès sciences (M. Sc.)

DÉPARTEMENT D'ÉCONOMIE AGROALIMENTAIRE ET DES SCIENCES DE LA CONSOMMATION

FACULTÉ DES SCIENCES DE L'AGRICULTURE ET DE L'ALIMENTATION UNIVERSITÉ LAVAL

QUÉBEC

2013

(2)

RÉSUMÉ

Cette recherche porte sur l'étude de l'évolution de la situation financière des fermes laitières du Québec et plus particulièrement sur la crise financière qui se vit au niveau de la ferme. Pour ce faire, les données sur dix années (de 1999 à 2008) de 235 fermes faisant partie des groupes conseils agricoles ont été analysées afin de définir la crise financière et d'en identifier les principales caractéristiques. De plus, il a été possible de spécifier de quel domaine de gestion de la ferme proviennent principalement les problèmes financiers.

Cette recherche permet de conclure que les fermes sont en crise financière lorsque leur marge de sécurité sur les produits est négative. Mais afin d'utiliser un critère tenant compte de la pérennité de l'entreprise à plus long terme, les entreprises ont été comparées entre elles selon leur rentabilité. La méthode de l'analyse comparative a été appliquée afin d'identifier quelles sont les différences statistiquement significatives entre les fermes plus rentables et celles les moins rentables. Ces démarches ont permis d'identifier le domaine de la gestion au quotidien de l'entreprise, soit les décisions plus techniques de la production de lait, comme étant celui ayant le plus d'influence sur la situation financière de la ferme et donc sur le fait d'être en crise financière ou pas.

(3)

REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier plus que sincèrement mon directeur de recherche M. Jean-Philippe Perrier, professeur au département d'économie agroalimentaire et des sciences de la consommation et directeur du programme d'agroéconomie. Je le remercie pour ses précieux conseils, le généreux partage de ses connaissances, ses encouragements, sa patience et son intégrité.

Je tiens à dire merci également à mon conjoint Dominic qui m'a toujours soutenu et encouragé depuis les débuts de ce long processus. Sa confiance inébranlable m'a donné l'appui dont j'avais besoin afin de finaliser ce mémoire. Merci pour sa disponibilité et sa patience à toute épreuve!

Un merci tout spécial à mes enfants Anthony et Samuel pour avoir accepté, parfois à contrecoeur, de partager leur maman avec les travaux universitaires. Je les encourage à persévérer dans leurs études et à faire preuve de ténacité et de courage. Ma famille m'a appris qu'il faut savoir défendre avec énergie ses croyances et ses convictions, j'espère avoir été un bon exemple pour mes deux fils et pouvoir leur transmettre ces valeurs.

(4)

Table des matières

RÉSUMÉ ... i

REMERCIEMENTS ... ii

LISTE DES GRAPHIQUES ... viii

LISTE DES SCHÉMAS ... viii

LISTE DES TABLEAUX ... ix

INTRODUCTION ... 1

1.0 PROBLÉMATIQUE ... 2

1.1 OBJECTIFS ...13

2.0 CADRE CONCEPTUEL ...15

2.1 DÉFINITION DE LA CRISE ...15

2.1.1 TYPE DE CRISE SOUS ÉTUDE ...15

2.1.2 DÉFINITION DE LA CRISE FINANCIÈRE ...16

2.2 LES SYMPTÔMES ET INDICATEURS DE LA CRISE ...19

2.2.1 SYMPTÔMES, CARACTÉRISTIQUES OU CAUSES ...19

2.3 INDICATEURS ...22

2.3.1 SOLDE RÉSIDUEL : INTÉRÊTS ET LIMITES DE CET INDICATEUR ...22

2.4 EXPLICATIONS DE LA CRISE ...24

2.4.1 RENTABILITÉ ...24

2.4.2 RECHERCHE DES ÉLÉMENTS EXPLICATIFS ...26

2.5 CADRE CONCEPTUEL ...27

3.0 MÉTHODOLOGIE ...31

3.1 CHOIX MÉTHODOLOGIQUE ...31

3.2 ANALYSE COMPARATIVE ...33

(5)

3.2.2 TESTS DE MOYENNE ...35

3.2.3 LIMITES DE LA MÉTHODE ...37

3.3 ANALYSE COMPARATIVE : INDICATEURS ...38

3.3.1 CRITÈRE DE CLASSEMENT ET GROUPAGE ...38

3.3.2 CATÉGORIES D'INFORMATION ...39

3.3.3 IDENTIFICATION DES VARIABLES...41

3.4 SOURCES DE LA CRISE FINANCIÈRE : DOMAINES DE GESTION ...49

3.4.1 UNE GESTION AU QUOTIDIEN ...50

3.4.2 UNE GESTION À MOYEN ET LONG TERME ...50

3.4.3 UNE GESTION DU TRAVAIL ...51

3.5 L’ÉCHANTILLON ...51

3.5.1 DESCRIPTION DE L’ÉCHANTILLON ...51

3.5.2 ANALYSE DE L’ÉCHANTILLON ...52

3.5.3 CONSTATS ...57

4.0 ANALYSE COMPARATIVE...58

4.1 PRÉSENTATION RÉSULTATS ET VARIABLES DE CLASSIFICATION ...58

4.1.1 PRÉSENTATION DES RÉSULTATS : INTERPRÉTATION ET LÉGENDE ...58

4.1.2 RENTABILITÉ ...59

4.1.3 MARGE DE SÉCURITÉ ...60

4.1.4 CONCLUSION SUR LES VARIABLES DE CLASSIFICATION ...62

4.2 DESCRIPTION: STRUCTURE ET BILAN ...62

4.2.1 VARIABLES DE STRUCTURE ...62

4.2.1.1 NOMBRE D’HECTARES CULTIVÉS ...63

4.2.1.2 NOMBRE DE VACHES ...63

4.2.1.3 NOMBRE DE KILOS DE QUOTA DÉTENU ...64

4.2.1.4 CONCLUSIONS SUR LES VARIABLES DE STRUCTURE ...65

4.2.2 VARIABLES DE L'ACTIF ...66 4.2.2.1 ACTIFS TOTAUX ...66 4.2.2.2 CATÉGORIES D’ACTIFS ...67 4.2.2.3 ANIMAUX ...67 4.2.2.4 MACHINERIE ET ÉQUIPEMENT ...69 4.2.2.5 BÂTIMENTS ...70 4.2.2.6 TERRE ...71

(6)

4.2.2.7 QUOTA ...72

4.2.2.8 CONCLUSIONS SUR LES VARIABLES ACTIFS ...73

4.2.3 VARIABLES DU PASSIF ...74

4.2.3.1 CONCLUSIONS SUR LES VARIABLES DU PASSIF ...75

4.2.4 VARIABLES AVOIR PROPRE ...75

4.2.4.1 CONCLUSIONS SUR LES VARIABLES DE L’AVOIR PROPRE...77

4.3 UNE GESTION AU QUOTIDIEN ...77

4.3.1 VARIABLES DE PRODUCTIVITÉ...78

4.3.1.1 LITRES PRODUITS PAR VACHE ...78

4.3.1.2 VACHES PAR HECTARE FOURRAGER ...79

4.3.1.3 CONCLUSIONS SUR LES VARIABLES DE PRODUCTIVITÉ ...79

4.3.2 VARIABLES RÉSULTATS ...80

4.3.2.1 ÉVOLUTION DE POSTES GÉNÉRAUX À L’ÉTAT DES RÉSULTATS ...80

4.3.2.1.1 CROISSANCE DES PRODUITS DU LAIT ...81

4.3.2.1.2 CROISSANCE DES PRODUITS TOTAUX ...81

4.3.2.1.3 CROISSANCE DES CHARGES VARIABLES ...82

4.3.2.1.4 CROISSANCE CHARGES TOTALES ...83

4.3.2.2 PRODUITS DU LAIT OBTENUS PAR HECTOLITRE EN 2008 ...83

4.3.2.3 DÉTAILS DES CHARGES VARIABLES SUR LES PRODUITS TOTAUX ...84

4.3.2.3.1 CHARGES DE MISE EN MARCHÉ DU LAIT ET DES ANIMAUX ...85

4.3.2.3.2 CHARGES DE MOULÉE ...86

4.3.2.3.3 CHARGES FRAIS VÉTÉRINAIRES ET DE REPRODUCTION ...86

4.3.2.3.4 CHARGES EN SEMENCES, FERTILISANTS, PESTICIDES (ETC.) ...87

4.3.2.3.5 CHARGES TRAVAUX À FORFAIT ...88

4.3.2.3.6 CHARGE EN ENTRETIEN DE MACHINERIE ET EN CARBURANT ...88

4.3.2.3.7 CHARGES VARIABLES TOTALES ...89

4.3.2.3.8 CONCLUSION SUR LES CHARGES VARIABLES ...90

4.3.2.4 DÉTAILS DES CHARGES FIXES EN 2008 ...90

4.3.2.4.1 CHARGES FIXES AVANT ISA ...91

4.3.2.4.2 CHARGE D’INTÉRÊTS MLT ...92

4.3.2.4.3 CHARGE EN SALAIRE ET COÛT DE VIE ...92

4.3.2.4.4 CHARGE D’AMORTISSEMENT ...93

4.3.2.4.5 CHARGES TOTALES ...93

4.3.2.5 BÉNÉFICES ET PRODUCTIVITÉ DU CAPITAL ...94

4.3.2.5.1 BÉNÉFICES NETS ...95

4.3.2.5.2 PRODUCTIVITÉ DU CAPITAL ...95

(7)

4.4 UNE GESTION À MOYEN ET LONG TERME...97

4.4.1 VARIABLES INVESTISSEMENT ...98

4.4.1.1 CATÉGORIES D’INVESTISSEMENTS ...98

4.4.1.1.1 PROPORTION DES INVESTISSEMENTS ANIMAUX ...99

4.4.1.1.2 PROPORTION DES INVESTISSEMENTS EN MACHINERIE ...99

4.4.1.1.3 PROPORTION DES INVESTISSEMENTS EN BÂTIMENTS ...100

4.4.1.1.4 PROPORTION DES INVESTISSEMENTS EN TERRE ...100

4.4.1.1.5 PROPORTION DES INVESTISSEMENTS EN QUOTA ...101

4.4.1.2 TYPES D’INVESTISSEMENTS ...101

4.4.1.2.1 PROPORTION DES INVESTISSEMENTS DE RENOUVELLEMENT ...102

4.4.1.2.2 PROPORTION DES INVESTISSEMENTS D’EXPANSION ...103

4.4.1.2.3 PROPORTION D’AUTOFINANCEMENT ...103

4.4.1.3 CONCLUSIONS SUR LES VARIABLES INVESTISSEMENTS ...104

4.4.2 VARIABLES EMPRUNTS...104

4.4.2.1 CONSOLIDATION DE DETTES...105

4.4.2.1.1 PROPORTION CONSOLIDATION DE DETTE ...105

4.4.2.2 DURÉE DE LA DETTE ...106

4.4.2.2.1 DURÉE RESTANTE RÉELLE ...107

4.4.2.2.2 DURÉE THÉORIQUE ...107

4.4.2.2.3 ÉCART ENTRE LA DURÉE RÉELLE ET LA DURÉE THÉORIQUE ...108

4.4.2.3 CONCLUSIONS SUR LES VARIABLES EMPRUNTS ...108

4.4.3 VARIABLES ANNUITÉ ET ENDETTEMENT ...109

4.4.3.1 ANNUITÉS PAR HECTOLITRE ...109

4.4.3.2 ENDETTEMENT MLT PAR HECTOLITRE ...110

4.4.3.3 CONCLUSIONS VARIABLES D’ANNUITÉS ET D’ENDETTEMENT ...110

4.5 UNE GESTION DU TRAVAIL ...111

4.5.1 VARIABLES DU TRAVAIL...111

4.5.1.1 UTP TOTALES 2008: ...112

4.5.1.2 HECTOLITRES PRODUITS PAR UTP TOTALE ...112

4.5.1.3 VACHES PAR UTP TOTALE ...113

4.5.1.4 RÉMUNÉRATION PAR UTP ...114

4.5.2 CONCLUSIONS SUR LES VARIABLES DU TRAVAIL ...114

5.0 CONCLUSIONS ...116

5.1 RETOUR SUR LE CADRE CONCEPTUEL ...116

(8)

5.2 UNE GESTION AU QUOTIDIEN ...120

5.3 UNE GESTION À MOYEN ET LONG TERME...122

5.4 UNE GESTION DU TRAVAIL ...124

5.5 RÉFLEXION : SPIRALE DE L’ENDETTEMENT ...125

5.5.1 ÉVOLUTION DES FERMES ENTRE 1999 ET 2008 ...126

5.6 CONCLUSION GÉNÉRALE ...127

BIBLIOGRAPHIE ...132

(9)

LISTE DES GRAPHIQUES

NUMÉRO TITRE PAGE

01 Évolution de l’actif et du passif- Québec- (base 100 en 2001) 3

02 Évolution des produits et des charges : fermes laitières-Québec (base100 en 2001)

4

03 Revenus agricoles nets totaux - Québec – 1981 à 2011 5

04 Revenu agricole net en pourcentage de l’actif 6

05 Bénéfice net par dollar de produit brut - Québec 7

06 Répartition des fermes par production selon leur rentabilité – Québec - 2006

8

07 Rentabilités économique et financière - fermes laitières – Québec de 1998 à 2007

9

08 Marge de sécurité - fermes laitières – Québec – de 1999 à 2011

10

09 Proportion d’entreprises avec une marge de sécurité négative - fermes laitières – Québec – de 1999 à 2011

11

10 Situation : endettement des fermes laitières- Québec-1999 à 2011

12

11 Évolution de la rentabilité économique et financière 55

12 Marge de sécurité (optimum et maximum) 56

LISTE DES SCHÉMAS

NUMÉRO TITRE PAGE

01 L’ENTREPRISE EST UN SYSTÈME 30

(10)

LISTE DES TABLEAUX

NUMÉRO TITRE PAGE

01 Table de valeurs critiques du coefficient de corrélation de Pearson

34

02 Groupage des entreprises et rentabilité économique 39

03 Catégories et nombre de variables explicatives 41

04 Variables de structure 42

05 Variables de productivité 43

06 Variables du travail 43

07 Variables de l’actif 44

08 Variables des investissements 45

09 Variables du passif 46

10 Variables des emprunts 46

11 Variables des annuités et de l’endettement 47

12 Variables de l’avoir propre 47

13 Variables des résultats 48

14 Investissements et financement sur 10 ans 53

15 Légende 58

16 Résultats 2008: Rentabilité économique, Rentabilité financière 59

17 Résultats 2008: Marge de sécurité maximale, Marge de sécurité optimale

60

18 Résultats 2008 et Croissance 1999-2008: hectares cultivés, nombre de vache, quota détenu

62

19 Résultats 2008 et Croissance 1999-2008: Actifs totaux 66

20 Résultats et proportions 2008; Croissance 1999-2008: Actifs ANIMAUX

67

21 Résultats et proportions 2008; Croissance 1999-2008: Actifs Machinerie et Équipement

69

(11)

BÂTIMENT

23 Résultats et proportions 2008; Croissance 1999-2008: Actifs TERRE

71

24 Résultats et proportions 2008; Croissance 1999-2008: Actifs QUOTA (en valeur)

72

25 Résultats 2008 et Croissance 1999-2008: Passifs Totaux 74

26 Résultats 2008 et Croissance 1999-2008 : Autonomie financière

76

27 Résultats 2008 et Croissance 1999-2008: litres par vache et vache par hectare fourrager

78

28 Croissance 1999-2008 : Produits du lait, Produits totaux, Charges variables, Charges totales

81

29 Résultats 2008: Produits provenant du lait par hectolitre produit

83

30 Charges sur les produits 2008: Mise en marché, Moulée, Vétérinaire et reproduction, Semences, Travaux forfait, Entretien machinerie, Charges variables totales

85

31 Charges sur les produits 2008: Charges fixes avant ISA, Intérêts MLT, Salaires et coût de vie, Amortissement, Charges totales

91

32 Résultats 2008: Bénéfices nets sur les produits, Productivité du capital

94

33 Proportion des investissements de chaque catégorie d’actifs par rapport aux investissements totaux: Animaux,

Machineries, Bâtiments, Terre, Quota

98

34 Proportion par rapport aux investissements totaux: Renouvellement, Expansion, Autofinancement

101

35 Proportion des emprunts de consolidation sur les nouveaux emprunts totaux 1999-2008

105

36 Résultats 2008: Durée restante des emprunts, Durée théorique des emprunts, Écart entre les durées

107

37 Résultats 2008 et Croissance 1999-2008: Annuités par hectolitre, Endettement MLT par hectolitre

109

38 Résultats 2008 et Croissance 1999-2008: UTP totale, Hectolitres par UTP, Vaches par UTP, Rémunération par UTP

112

(12)

INTRODUCTION

Le sujet de cette recherche est l’étude de l’évolution de la situation financière des fermes laitières du Québec. Les problématiques identifiées sont de définir quand il est possible de conclure qu’une ferme est en situation de crise, quels sont les critères qui caractérisent cet état et quelle en est la cause. De plus, comme sous-objectif, cette recherche identifiera de quel domaine de gestion, pratiquée par l’agriculteur, les problèmes financiers trouvent leur origine principalement. Sans pouvoir analyser la situation financière de toutes les fermes laitières du Québec, l’étude a été réalisée pour un groupe plus restreint de fermes. L’échantillon analysé est constitué de 235 fermes laitières faisant partie des Groupes Conseils Agricoles, ces données ont permis d’étudier les données financières de ce groupe de 1999 à 2008.

En premier lieu, les conditions devant être réunies afin de pouvoir considérer une entreprise en crise ont été définies et identifiées. Ensuite, afin de répondre adéquatement aux questions de recherche à savoir quels critères différencient une ferme en difficulté financière d’une ferme plus saine, les données ont été analysées en deux étapes. Tout d’abord l’échantillon dans son ensemble a été étudié, cette démarche a permis, entre autres, d’identifier des questions de recherches plus précises et des variables explicatives d’intérêts à analyser à l’étape subséquente.

Par la méthode de l’analyse comparative, les fermes de l’échantillon ont été comparées sur le critère de la rentabilité économique. En tout, 73 variables d'intérêts ont été comparées entre le groupe de ferme ayant les meilleurs ratios de rentabilité et le groupe de ferme ayant les rentabilités les plus faibles. Cette étape a permis d’identifier les caractéristiques statistiquement différentes entre le groupe de tête et le groupe de queue. Ces résultats ont aussi permis d’identifier si le fait d’être plus ou moins rentable était principalement du domaine de la gestion quotidienne de l’entreprise, des choix et de décisions stratégiques dans le temps ou du domaine de la gestion du travail.

L’échantillon n’étant pas représentatif, cette étude ne prétend pas pouvoir généraliser ses résultats à l’ensemble des fermes laitières du Québec mais les tendances lourdes et les constats tirés de cette analyse permettront de comprendre davantage la problématique et les caractéristiques de la crise qui se vit au niveau de la ferme.

(13)

1.0 PROBLÉMATIQUE

Le gouvernement du Québec a par décret constitué en juin 2006 la « Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois » afin de dresser un état de la situation sur les enjeux et les défis de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois (Rapport Pronovost, p.5). Cette commission s’est terminée en janvier 2008 avec le dépôt d’un Rapport officiel par son président M. Jean Pronovost. La Commission s’est tenue dans 15 régions et 27 municipalités du Québec et a permis de recevoir 770 présentations dont 720 étaient soutenues par un mémoire (Rapport Pronovost, p.5). Le rapport s’est aussi appuyé sur plusieurs mandats d’études externes et sur toute une série de rencontres avec divers interlocuteurs. La Commission avait le mandat de dresser l’état et les enjeux de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois.

Le premier énoncé de la commission sur « L’Agriculture, Enjeu de société » fait état de la situation problématique qui se vit dans ce milieu « …l’agriculture est entrée dans une phase de doute, de remise en question et même de crise» (Rapport Pronovost, p.13). Selon les auteurs du Rapport, cet état de tension peut être illustré entre autres par la baisse des revenus agricoles et l’endettement sans précédent des agriculteurs. Un endettement « en partie lié à

la recherche de gains de productivité, au prix des quotas ainsi qu’à l’augmentation de la taille des fermes et à la modernisation de celles-ci ». (Rapport Pronovost, p.13)

Cette « crise » relevée dans le rapport Pronovost serait la résultante de plusieurs facteurs combinés dont la plupart font l’objet d’études et de conférences de la part de plusieurs experts en analyse de l’agriculture du Québec. La baisse des revenus agricoles rapportée dans le rapport Pronovost laisse penser que ne sont pas atteints les objectifs visés par les gains de productivité et la modernisation en raison, entre autres, de l’augmentation de valeur des actifs agricoles qui est aussi en lien avec la croissance sans précédent de l’endettement tel que souligné par certains chercheurs. La littérature est riche en recherches et analyses sur plusieurs éléments de cette problématique.

Tout d’abord effectivement, en agriculture les actifs ont augmenté rapidement depuis les dernières années mais moins rapidement que les passifs (Gouin 2010, Perrier 2010 et Levallois 2012). En effet, les passifs agricoles totaux ont augmenté davantage que les actifs agricoles totaux au Québec de 1987 à 2009 et leurs taux de croissance se sont accélérés davantage à partir de 1998 environ

(14)

(Gouin, 2010). Le graphique ci-contre tiré de Statistique Canada illustre le même phénomène, les passifs croissent plus rapidement que les actifs depuis la dernière décennie malgré un resserrement de l’écart entre les deux en fin de période.

Graphique 01 : Évolution de l’actif et du passif- Québec- (base 100 en 2001)

Source : Statistique Canada. Tableau 002-0064 - Enquête financière sur les fermes, bilan de l'agriculture canadienne et régionale, annuel et nos calculs

Quant au secteur laitier du Québec, les actifs totaux des fermes laitières ont augmenté de 99% tandis que la croissance de leurs passifs a été de 133% entre 1998 et 2007 (Perrier et al, 2010). Bien que ce secteur contingenté soit touché de façon particulièrement plus importante par l’inflation de ses actifs, les passifs ont cru davantage. Cela est un signe qui laisse entrevoir plusieurs problèmes financiers.

Aussi, une part importante de la croissance des actifs est due à l’inflation et non à la croissance de la capacité productive. Entre 1997 et 2008, c’est 55% de l’augmentation totale des actifs des fermes laitières qui provient de l’inflation (surtout terre et quota), c’est beaucoup plus que la croissance de leur capacité productive en quantité (de +20% à 25%) pour la même période (Perrier et al, 2010). De plus les actifs augmentent plus rapidement que les produits au cours des années et donc incidemment la productivité du capital diminue (Perrier et al,

100 110 120 130 140 150 160 170 180 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 actif Passif

(15)

100 110 120 130 140 150 160 170 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 Produits Charges

2010). La valeur des actifs agricoles a doublé de 1997 à 2008 principalement grâce à l’inflation sur la terre et le quota tandis que les produits n’ont augmenté que de 79% au cours de cette période (Perrier et al, 2010).

En plus de la baisse de productivité des capitaux, le secteur fait aussi face à une diminution de l’efficacité technico-économique (Perrier, 2011). Les produits ont connu une croissance plus modeste par rapport aux actifs mais ils ont aussi augmenté moins rapidement que les charges au cours des années. Le graphique suivant démontre ce phénomène, en effet les charges ont augmenté de 2% de plus que les produits. Ce résultat indique aussi qu’il y a une diminution de l’efficacité technico-économique (mesurée par le pourcentage de charges). Malgré l’augmentation de la structure productive et des gains de productivité atteints par les agriculteurs en modernisant leurs entreprises, les charges augmentent au moins aussi, sinon plus, rapidement que les revenus sur les fermes laitières, c’est aussi un problème.

Graphique 02 : Évolution des produits et des charges : fermes laitières du Québec (base100 en 2001)

(16)

Bien que les produits, en valeur absolue, aient augmenté au cours des années, mais compte tenu de la diminution de l’efficacité technico-économique, le revenu net agricole global a stagné jusqu’en 2010. Les données suivantes tendent à démontrer que globalement au Québec, les revenus nets totaux ont stagné en agriculture depuis plusieurs années (Gouin, 2010).

Graphique 03 : Revenus agricoles nets totaux - Québec – 1981 à 2011

Source : Statistiques Canada Tableau 002-0009

Ce graphique démontre qu’avant 1988 environ, les revenus agricoles nets étaient en croissance au Québec et ils ont été relativement stagnants depuis, même s'ils ont connu une reprise dans les deux dernières années. Mais considérant la diminution du nombre de ferme au fil des ans, le revenu net par ferme a augmenté dans la même proportion. Cependant des revenus de 750 000 000$ pour environ 30 000 fermes, cela représente 25 000$ de revenu net par ferme (avant la rémunération du capital et du travail non salarié), ce qui est relativement faible selon diverses études. Même pour l’augmentation des deux dernières années, en grande partie due au prix des grains, un revenu net de 36000 $ par ferme reste faible si l’on considère qu’il y a en moyenne 1.5 agriculteurs par ferme.

0 200000 400000 600000 800000 1000000 1200000 1400000 19 81 19 83 19 85 19 87 19 89 19 91 19 93 19 95 19 97 19 99 20 01 20 03 20 05 20 07 20 09 20 11

(17)

Compte tenu que les actifs totaux des fermes ont augmenté plus rapidement au cours des années, les revenus nets par rapport aux actifs sont aussi en baisse (Gouin, 2009). Le graphique suivant démontre la tendance à la baisse du revenu net agricole au Québec par rapport aux actifs totaux des fermes entre 1981 et 2007.

Graphique 04 : Revenu agricole net en pourcentage de l’actif

Source : Statistiques Canada, Cansim 002-0009 et 002-0020

La combinaison de l’augmentation de la capacité de production, des gains de productivité et de la hausse du prix du lait a résulté en une croissance des bénéfices nets des fermes laitières en valeur absolue de 137% entre 1998 et 2007 (Perrier et al, 2010). Bien que les bénéfices nets aient augmenté au cours des dernières années, leur proportion par rapport aux produits a diminué tel que précédemment souligné par la baisse de l’efficacité technico-économique des fermes laitières. En effet, l’ensemble des revenus nets agricoles au Québec par rapport aux recettes monétaires sont en diminution (Gouin, 2009).

0% 1% 2% 3% 4% 5% 6% 7% 8% Québec

(18)

Graphique 05 : Bénéfice net par dollar de produit brut - Québec

Source : Statistiques Canada, tableau 002-0044

Certains signaux pourraient laisser croire que le secteur laitier au Québec est en amélioration financièrement au fil des ans. En effet, le prix du lait a augmenté de 35% en 10 ans (Perrier et al, 2010). Par la modernisation de leur façon de faire et de leur entreprise les agriculteurs ont aussi réalisé plusieurs gains de productivité technique, de plus la croissance de la structure productive a permis de produire davantage. Le graphique suivant est tiré d’une étude de Gouin en 2009 et présente le niveau de rentabilité des fermes par domaine de production au Québec. Sur ce graphique, le niveau de rentabilité est divisé en trois groupes, soit les fermes ayant des revenus nets négatifs, celles avec des revenus nets entre 0$ et 25000$ et celles avec des revenus nets plus élevés que 25 000$. 0,14 0,145 0,15 0,155 0,16 0,165 0,17 0,175 0,18 0,185 0,19 19 93 19 94 19 95 19 96 19 97 19 98 19 99 20 00 20 01 20 02 20 03 20 04 20 05 20 06 20 07 20 08 20 09 20 10 20 11 Québec

(19)

Graphique 06 : Répartition des fermes par production selon leur rentabilité – Québec - 2006

Graphique tiré de Gouin, 2009

Les résultats permettent de confirmer que le secteur laitier est le plus rentable effectivement. Le graphique démontre que c’est en production laitière que l’on retrouve le plus de ferme ayant un revenu net supérieur à 0$ suivi de près par la volaille qui est aussi un secteur contingenté. À la lumière de ces données globales, le secteur laitier est celui qui devrait aller le mieux financièrement en théorie. Malgré ce fait, en consultant les conclusions de certaines études dans ce domaine, le secteur laitier montre des signaux alarmants.

Parce que les actifs ont augmenté davantage au cours des ans que les bénéfices nets par ferme, cela affecte négativement les ratios de rentabilité. D’abord les actifs ont augmenté principalement par l’inflation, ce n’est pas en lien avec l’expansion de l’entreprise, donc les produits n’ont pas augmenté dans la même proportion que ceux-ci et l’efficacité technico-économique a diminué. Le ratio de rentabilité économique est stable et faible au cours des ans et il est aussi supérieur à la rentabilité financière à chaque année. Les fermes laitières sont en effet levier négatif, la rémunération globale des capitaux est inférieure au taux d’emprunt (Perrier et Lepage, 2011, p3), c’est un problème à long terme pour les entreprises.

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Graphique 07 : Rentabilités économique et financière - fermes laitières – Québec de 1998 à 2007

Source : Statistiques Canada, enquête financière sur les fermes Graphique tiré de Perrier et al, 2010.

Ce graphique démontre que le ratio de rentabilité économique a été supérieur au ratio de rentabilité financière à chaque année de 1998 à 2007. Dans ces conditions, augmenter l’endettement est dangereux pour les entreprises (Perrier et al, 2010).

Les bénéfices bruts augmentent sur les fermes mais à la fin, compte tenu de l’augmentation des charges et des annuités, les soldes résiduels sont faibles. Les entreprises devraient dégager en théorie entre 8% à 10% de marge de sécurité sur les produits et ces objectifs ne sont pas atteints.

0,00% 0,50% 1,00% 1,50% 2,00% 2,50% 3,00% 3,50% 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007

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Graphique 08 : Marge de sécurité - fermes laitières – Québec – de 1999 à 2011

Source : Agritel et Traget, analyse de l’endettement des fermes Graphique tiré de Levallois et Perrier, 2012.

À moins de 5% de marge de sécurité une entreprise est fragile (Levallois et al, 2012). Au cours des 13 ans, une seule année dépasse le 5% mais l’objectif d’une saine gestion financière est d’au moins 8% à 10% de marge de sécurité, ce qui n’a pas été atteint une seule fois par le groupe de ferme en moyenne. De plus, le graphique 09 démontre qu’ « il y a en permanence plus de 30% des fermes qui ont des remboursements à faire plus élevés que leur capacité de remboursement et dès qu’il y a des imprévus, on atteint 50% » (Levallois et al, 2012). La marge de sécurité est négative pour une proportion importante de fermes laitières annuellement.

0% 1% 2% 3% 4% 5% 6% 1 999 2 000 2 001 2 002 2 003 2 004 2 005 2 006 2 007 2 008 2 009 2 010 2 011

Marge de sécurité

5%

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Graphique 09 : Proportion d’entreprises avec une marge de sécurité négative - fermes laitières – Québec – de 1999 à 2011

Source : Agritel et Traget, analyse de l’endettement des fermes Graphique tiré de Levallois et Perrier, 2012.

Même les entreprises qui « arrivent » financièrement sont vulnérables car elles ont une marge de sécurité trop faible (en moyenne moins de 5%). Lorsque les marges visées ne sont pas atteintes, cela signifie que les bénéfices générés ne sont pas suffisants pour renouveler les actifs et atteindre des cibles adéquates d’autofinancement, l’entreprise doit emprunter davantage afin de renouveler ses actifs et prendre de l’expansion. C’est une spirale négative d’endettement, c’est ce qui explique en partie le phénomène initial, soit que les passifs augmentent plus rapidement que les actifs. De plus, le phénomène est accéléré par l’augmentation de la valeur des actifs, l’inflation dégage des garanties disponibles qui permettent de s’endetter plus (Perrier et al, 2010). Les données tirées de l’étude Levallois et Perrier de 2012 démontrent que l’endettement par ferme a plus que triplé entre 1999 et 2011 tandis que le quota a été multiplié par 1,6.

L’endettement en valeur absolue ne cause pas nécessairement de problème en soit, c’est lorsqu’il y a déséquilibre entre celui-ci et la capacité de remboursement générée par l’entreprise que cela pose problème. Le graphique 10 met en évidence cette disparité entre la croissance de la dette et celle de la capacité de l’entreprise à supporter cette dette.

0,00% 10,00% 20,00% 30,00% 40,00% 50,00% 60,00% 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011

% d'entreprises avec une Marge de

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Graphique 10: Situation : endettement des fermes laitières- Québec-1999 à 2011

Source : Agritel et Trajet, analyse de l’endettement des fermes Graphique tiré de Levallois et Perrier, 2012.

La capacité de remboursement (CDR) des fermes a été multipliée 2,25 fois en moyenne tandis que les annuités ont été multipliées 2,4 fois au cours de la même période (Levallois et al, 2012). Le solde résiduel (qui est la différence entre les deux) a donc progressé de façon moindre, soit de 1,5 fois. Les produits sont plus élevés mais les entreprises sont moins efficaces et leurs annuités ont augmenté davantage que leur CDR générée.

Tel que souligné précédemment, selon Statistiques Canada et les conclusions de Gouin (2009), le secteur laitier est celui qui a connu les plus hauts niveaux de revenus nets agricoles au Québec en 2006. En théorie c’est le secteur agricole qui s’en tire le mieux mais à la lumière des constats précédents, ce secteur n’est pas exempt de « crise ». Il y a en effet de 30% à 50 % des entreprises laitières en crise financière annuellement, celles-ci ne sont pas en mesure de couvrir leurs paiements. 0 20000 40000 60000 80000 100000 120000 140000 160000 180000 1 999 2 000 2 001 2 002 2 003 2 004 2 005 2 006 2 007 2 008 2 009 2 010 2 011 CDR Annuités Solde résiduel 72 000 162 000 60 500 144 000 11 700 17 700

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Les produits et les bénéfices des fermes laitières augmentent mais la rentabilité est faible et elles sont en effet levier négatif compte tenu entre autres de la croissance des actifs, de la diminution de l’efficacité technico-économique et de l’augmentation des annuités. La rémunération des capitaux est plus faible que le taux d’intérêt pourtant les dettes augmentent, les capitaux empruntés sont mieux rémunérés que les capitaux investis, c’est inquiétant à long terme pour la pérennité des entreprises.

Tous ces éléments sont cohérents entre eux et ont une conséquence directe sur la marge de sécurité. Lorsque les marges de sécurité visées ne sont pas atteintes, cela signifie que les bénéfices générés ne sont pas suffisants pour renouveler les actifs et autofinancer adéquatement les investissements, l’entreprise doit emprunter davantage afin de renouveler ses actifs et prendre de l’expansion. C’est une spirale négative d’endettement, c’est ce qui explique que les passifs augmentent plus rapidement que les actifs et l’augmentation de la valeur des actifs joue un rôle significatif dans ce phénomène.

Alors si de 30 à 50% des entreprises laitières (a priori les plus sécuritaires) sont en problème (marge de sécurité négative), il est légitime et intéressant de se poser des questions, comme l’a fait le Rapport Pronovost, sur la crise en agriculture et plus particulièrement dans le secteur laitier. Ce secteur est le plus important dans l’économie agricole québécoise, en nombre de fermes et en volume d’affaires. Il réussit à obtenir les plus grands revenus nets de tous les domaines de production mais il montre des signaux inquiétants.

1.1 OBJECTIFS

Différentes problématiques viennent d’être mises en évidence, peut-on alors parler de crise agricole tel que le suggère le rapport Pronovost ? Mais avant même de pouvoir conclure sur un contexte de crise ou non, il faut d'abord préciser comment peut se définir une situation de crise et de quel type de crise il peut s'agir. Est-ce une crise qui se vit au niveau de l’entreprise elle-même ou au niveau du secteur? Ou même du milieu dans son ensemble? Et s'il y a effectivement crise, quels en sont les symptômes ou les indicateurs principaux?

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L’objectif de ce mémoire est de bien définir et comprendre le phénomène de crise qui se vit au niveau de la ferme et de pouvoir également définir ses symptômes et caractéristiques. L'analyse se limitera à la crise « financière » de l'entreprise agricole. La crise financière s'explique par des éléments contextuels qui affectent l’ensemble des entreprises (marché, prix,…) et par des éléments internes à l'entreprise, ceux-ci sont plus facilement gérables et ajustables par le décideur.

De plus, comme sous-objectif, cette étude veut également expliquer la crise par les différentes composantes de gestion interne à l’entreprise en identifiant entre autres, de quel domaine de gestion les problèmes financiers trouvent leurs origines.

Compte tenu que le lait est la production principale au Québec et, bien que celle-ci soit plus rentable et sécuritaire que les autres productions, qu’il a déjà été constaté qu’un pourcentage significatif d’entreprises laitières a une marge de sécurité négative, l’étude se limitera au secteur de la production laitière.

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2.0 CADRE CONCEPTUEL

2.1 DÉFINITION DE LA CRISE 2.1.1 TYPE DE CRISE SOUS ÉTUDE

L’énoncé « crise agricole » est vaste et peut faire référence à divers aspects économiques et/ou sociaux d’une situation, il importe donc de bien définir la « crise » qui sera traité au cours de cette recherche. Cette multi-dimension d’une crise est présentée dans les travaux de Kenneth Bessant (2007) selon lesquels la "crise agricole" peut s’étudier sous quatre thèmes principaux:

 Crise financière: ce sont les difficultés financières de l’exploitation agricole se vivant au niveau de l’entreprise même : revenus faibles ou instables, endettement, dépendance accrue aux revenus non-agricoles, faillite… La pérennité de la ferme familiale est menacée et le ménage est touché. (Bessant, 2007)

 Crise du secteur agricole: ce sont les changements structurels et organisationnels du secteur agricole par ses choix de politique et d’organisation : intensification de l’agriculture et industrialisation, augmentation de l’échelle de production, regroupement et concentration du pouvoir, intégration verticale… La pérennité du modèle de la ferme familiale est menacée. (Bessant, 2007)

 Crise rurale: ce sont les moyens de subsistance dans les collectivités rurales, le milieu de vie dans sa globalité : exode rural, baisse des services, déclin de la communauté rurale en général… La pérennité du milieu et de la qualité de vie des communautés rurales est menacée. (Bessant, 2007)

 Crise internationale: ce sont les enjeux et bouleversements soulevés par la fluctuation des marchés mondiaux et des échanges commerciaux : volatilité des prix, cycles de marché, influence des conflits internationaux, sécurité alimentaire compromise,… La crise internationale a des répercussions sur la pérennité des marchés agricoles locaux, nationaux et sur les gouvernements. (Bessant, 2007)

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Pour les fins de cette recherche, l’étude traitera de la crise financière qui se vit au niveau de l'exploitation agricole. Les trois autres thèmes de crise finissent par se vivre et se retrouver au niveau de la ferme, les résultats financiers sont directement la réponse au contexte économique et social de l’entreprise. Les variations de prix et les caractéristiques de l’entreprise sont captées dans les résultats financiers. Ce sont ces raisons qui ont motivé le choix du thème de la crise financière. L’analyse de cette crise de l’entreprise se fera à partir des concepts de la théorie financière et des principes de gestion.

2.1.2 DÉFINITION DE LA CRISE FINANCIÈRE

À la question « Qu’est-ce qu’une entreprise en crise?», il existe plusieurs définitions possibles. Certains auteurs utilisent directement le terme de « crise » pour qualifier l’état des entreprises et d'autres utilisent les termes de « défaillance » ou « d'entreprise en difficulté ».

Tel que le mentionne Zopounidis (1995) dans son ouvrage, "la défaillance peut être définie de façon différente selon l'intérêt spécifique de l'agent qui procède à l'évaluation des entreprises". Comme quoi, l’interprétation de la crise ou la définition de celle-ci dépend de l'objet de la recherche. Quelques définitions tirées de la littérature ont été étudiées dont une fut retenue plus spécifiquement pour cette étude.

Edward Altman a caractérisé, dans ses travaux, une entreprise en « crise » lorsque celle-ci a déclaré faillite (Altman 1968). Cette définition constate les conséquences ultimes de la crise. Mais l’entreprise étant faillie, l’objet d’étude n’existe plus, alors cette définition ne pourra être retenue. D’autant plus qu’en agriculture, même si les entreprises agricoles peuvent se prévaloir de la loi sur les faillites, il existe la loi sur la médiation en matière d’endettement agricole qui permet dans la majorité des cas de trouver un compromis avec les bailleurs de fonds, ce qui assure, au moins temporairement, la « survie » de l’entreprise. De plus compte tenu du taux d’endettement moyen des fermes, environ 30 %, les cas de faillites sont beaucoup plus rares dans le secteur agricole, surtout en production laitière, que dans les autres secteurs de l’économie.

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Partant de la raison d’être de la science de gestion : "Le souci majeur est d'assurer à l'entité les moyens de son développement et de sa pérennité" (Crucifix, 1992), on peut imaginer que toute situation dans laquelle l’entreprise n’a plus les moyens de son développement ou que sa pérennité même est remise en cause est une situation de crise. Il est donc possible de définir la crise bien avant de constater un de ses résultats potentiels qu’est la faillite. Ce qui, dans une optique de gestion, permettra éventuellement de prendre des actions et mesures correctives pour « sortir de la crise », et assurer la pérennité de l’entreprise.

Zopounidis, même s’il parle de défaillance plutôt que de crise, permet de mieux circonvenir la crise financière : "La défaillance est considérée comme la situation

dans laquelle une entreprise donnée ne peut pas rembourser ses prêteurs, ses actionnaires détenant des actions de préférence, ses fournisseurs, etc. ... il y a discontinuité dans les activités de l'entreprise." (Zopounidis, 1995).

Dès que les excédents générés sont insuffisants pour rencontrer les obligations à court terme (fournisseurs) et à plus long terme (prêteurs et actionnaires), il y a crise financière. Selon cette approche, l’étude du fonds de roulement (obligations à court terme) et de la capacité de remboursement (obligations à moyen et long terme) sont nécessaires afin de cerner la crise financière. Cependant, attendre l’apparition de ces symptômes peut retarder la détection de la crise. En effet, même si l’entreprise ne génère pas suffisamment de fonds pour satisfaire ses exigences à long terme, la situation de crise peut être différée par différentes opérations à court terme : augmentation de la marge de crédit et des comptes fournisseurs, nouveaux emprunts ou consolidation de dettes, réduction du crédit client et des stocks pouvant même aller jusqu’à la vente d’actifs. Ces différentes actions font que les obligations à court, moyen et long terme, sont honorées. Cette situation ne peut être que temporaire car ces opérations ne peuvent être « chroniques » (limite de crédit par les garanties, la vente d’un actif n’est pas répétitive!). Cependant, selon le niveau de garanties disponibles et la capacité de négociation de l’entrepreneur, cette situation, bien que temporaire, peut perdurer plusieurs années qui rapprocheront l’entreprise d’une situation de faillite.

Les critères basés sur la trésorerie pouvant retarder le diagnostic, la crise sera donc définie sur un critère de gestion : il y a crise « … dès que le montant des

annuités à verser sur les emprunts à moyen et long terme (MLT) est supérieur à la capacité de remboursement maximale » (Agri-Gestion Laval, 1994). Ce qui

revient à dire que lorsque le solde résiduel (capacité de remboursement moins les annuités) est négatif, il y a crise financière.

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La capacité de remboursement reflète d’une part le fonctionnement de l’entreprise, soit sa capacité à générer des montants pour rembourser les préteurs, renouveler ses investissements et autofinancer son développement. Il reflète également la situation de trésorerie car toutes les charges (sauf les amortissements) sont considérées payées et tous les produits encaissés.

Le solde résiduel mesure donc la capacité de l’entreprise, après avoir satisfait ses obligations à court terme (clients et fournisseurs) et à moyen-long terme (prêteurs et actionnaires), à, d’une part, renouveler ses investissements (assurer sa pérennité) et d’autre part autofinancer, au moins en partie, son développement (assurer son développement). Ce sont les deux éléments fondamentaux cités par Crucifix (1992) précédemment. Un solde résiduel négatif témoigne donc d’une situation de crise. De plus, ce critère est indépendant des opérations de trésorerie qui peuvent temporairement masquer une problématique, il permet donc de statuer de manière très précoce sur la situation de crise.

La revue de littérature sur les recherches appliquées aux fermes laitières nous a permis de trouver, parmi de nombreux documents traitant du sujet, les résultats d’une recherche de Paillat et al sur la détection précoce des difficultés financières. À l’aide de trois méthodes d’analyse, cette recherche a cerné des éléments financiers clés pouvant définir une ferme laitière en situation de difficulté financière : « une analyse à cinq ratios nous permet de prévoir des difficultés cinq ans avant leur apparition» (Paillat et al, 1997). Ces cinq ratios se regroupent sous trois dimensions soit sous la dimension de l’endettement de l’entreprise, ensuite de l’équilibre entre les actifs « productifs » et les actifs « non-productifs » et finalement sous la dimension de la performance technico-économique (Paillat et al, 1997). Cette recherche conclut que par l’analyse de ces ratios financiers, il était possible de détecter les entreprises cinq ans avant l’apparition de la situation financière difficile, c’est-à-dire avant que le solde résiduel de l’entreprise ne soit négatif.

L’ouvrage d’Agri-Gestion Laval (1994) sur les entreprises agricoles en difficulté financière identifie le moment où le solde résiduel est négatif comme le « point de rupture » entre une entreprise plus saine et une entreprise en crise financière. Ce document identifie et explique différents éléments de base de l’analyse financière d’une entreprise, la recherche actuelle s’est appuyée principalement sur cette définition et leur approche.

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2.2 LES SYMPTÔMES ET INDICATEURS DE LA CRISE

2.2.1 SYMPTÔMES, CARACTÉRISTIQUES OU CAUSES

Il est parfois difficile de différencier les symptômes d'une situation de crise de ses caractéristiques et de ses causes car ces dernières sont tellement liées de près avec les effets. Identifier quels sont vraiment les éléments déclencheurs demande une réflexion et une analyse plus approfondie.

Par exemple, ne plus être en mesure de faire face à de légères variations de revenus ou de prix des intrants est un symptôme d’une entreprise en difficulté. Car une entreprise n’est pas en crise parce qu’elle n’a plus de marge de manœuvre, elle n’a plus de marge de manœuvre parce qu’elle est en crise. Les symptômes d’une situation de crise sont ce qui est le plus rapidement visible ou ressenti par les gestionnaires. Ce sont des signaux plus évidents de la dégradation de la situation financière mais ils ne sont pas nécessairement la cause de la crise et ils ne doivent pas servir à poser un diagnostic d’entreprise. Les caractéristiques sont les éléments significatifs qui déterminent si une entreprise est en crise financière. Leur présence permet de poser le diagnostic que l’entreprise est en moins bonne situation.

Une fois que nous avons bien cerné à quel moment une entreprise est en crise et quelles en sont ses caractéristiques, une question s’impose; « Qu’est-ce qui cause cette crise? ». Quel est (ou quels sont) l’(les) élément(s) qui favorise(nt) la détérioration de la situation financière au point de mettre la pérennité de l'entreprise en péril? Il peut y avoir plus d’une cause à la crise, c’est probablement une combinaison de plusieurs facteurs.

Il n’est pas toujours évident de bien distinguer les symptômes, des caractéristiques et des causes, mais cette compréhension est essentielle. Les propos de Crucifix soulignent bien cette présence inévitable d’une juxtaposition de facteurs :

"Les causes ponctuelles et apparentes dissimulent parfois les raisons profondes du processus de défaillance....les causes et les effets sont imbriqués, c'est difficile d'être précis sur les facteurs générateurs" (Crucifix, 1992)

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Les difficultés financières sont les conséquences de plusieurs déterminants et bien que l'on puisse trouver plusieurs facteurs qui peuvent causer des difficultés, ils ne nous permettent pas tous de poser un bon diagnostic à propos d'une entreprise.

Dans la littérature générale, ce mélange de symptômes, caractéristiques et causes à propos de la « crise agricole » est souvent présent. Certains intervenants du milieu expliquent et/ou concluent que le secteur agricole est en crise en se basant sur différentes informations et observations:

"... Le revenu net comptant s’est affaissé pour atteindre son plus bas niveau depuis 25 ans. Le phénomène a empiré ces dernières années par la hausse du huard et du pétrole mais selon Agriculture et Agroalimentaire Canada, le facteur principal de la baisse des revenus actuels et prévus est la baisse des recettes" (Agriculture et Agroalimentaire Canada, 2006). "…afin d’accroître leur compétitivité et de répondre aux nouvelles exigences, les agriculteurs se sont de plus en en plus endettés, la dette agricole a grimpé de 90% depuis 1995" (Sénat, 2006).

"La décision de la Chine de hausser ses taux d'intérêts de 0,25% après 3 ans de stabilité a eu un impact majeur sur le dollar, le pétrole et le grain..." (Extrait La Terre de Chez Nous (TCN): "La Chine fait trembler les marchés mondiaux", 2010)

"Même l’agriculture québécoise risque de ressentir les contrecoups de la crise européenne en 2012 si rien ne permet de contenir son effet de contagion....( )....un effet domino demeure possible et la crise européenne risque de se propager. « Nous devrions pouvoir contenir la crise, mais il faudra que les producteurs aient des nerfs solides étant donné la grande volatilité prévisible des prix », estime néanmoins Jean-Philippe Gervais..." (Extrait TCN, "La crise européenne fait planer un nuage noir", 2012)

"…L’étude de la Banque Mondiale estime que le lien entre le prix de l’énergie et des autres produits de base aura une influence déterminante dans le futur, en particulier dans le secteur agricole. " (Extrait TCN, "L'éthanol n'expliquerait pas la crise alimentaire", 2010).

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À propos des programmes gouvernementaux: "« Dans les faits, les producteurs vont avoir moins d’argent dans leurs poches », a affirmé Marie Bouillé porte-parole en matière d’agriculture et députée d’Iberville" (Extrait TCN, "Moins d'argent dans les poches des agriculteurs", 2010). "Hausse du prix des terres... FAC estime que ce phénomène s'explique par la hausse du prix des grains et la baisse des taux d'intérêts" (Extrait TCN, " Nouvelle hausse de 4,4% du prix des terres", 2011).

Ces quelques extraits donnent tous des symptômes, caractéristiques ou causes d’une « crise » en général. On peut retrouver dans un même extrait des éléments qui touchent, par exemple, la crise financière, la crise du secteur ou encore la crise internationale (selon les définitions de Bessant, 2007).

Les symptômes ou causes peuvent aussi se classifier en facteurs internes et facteurs externes à l’entreprise, facteurs sur lesquels le décideur a de l’influence ou facteurs subits par l’ensemble des entreprises. Par exemple comme facteurs externes, il y a la hausse du dollar canadien qui affecte les exportations, la hausse du prix de l'énergie qui affecte le coût des intrants, la baisse des taux d’intérêts. La baisse du soutien gouvernemental, la nouvelle dynamique internationale qui crée des pressions économiques et sociales sur les fermes, sont d’autres facteurs externes qui favoriseraient aussi la « crise agricole ». Au niveau des facteurs internes, on retrouve par exemple, la hausse du prix des terres, l’augmentation fulgurante de l’endettement des fermes: "Le surendettement grand coupable de la crise" (Extrait TCN, 2011), ainsi que des problèmes de rentabilité dont les titres même de ces articles soulignent la problématique d'entrée de jeu: "Le secteur agricole hausse ses revenus moins vite que ses dépenses" (Extrait TCN, 2010).

La distinction entre interne ou externe n’est pas toujours aussi évidente. Par exemple, dans la dernière assertion : « les revenus augmentent moins vite que les dépenses », les rendements, les quantités d’intrants utilisés, le choix des productions, sont sans doute des facteurs internes par contre le producteur n’a que peu d’influence sur le prix des grains et des intrants.

Il apparait donc important, dans le cadre de cette recherche de bien centrer le sujet, la crise financière, et d’en trouver les symptômes, causes et caractéristiques dans les facteurs internes à l’entreprise.

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2.3 INDICATEURS

Afin de déterminer à quel moment une entreprise est effectivement en situation de crise financière, il faut identifier le " point de rupture" entre une ferme plus saine et une ferme en crise. Quel est l’indicateur le plus efficace à utiliser afin de poser le diagnostic qu’une entreprise est en crise financière?

2.3.1 SOLDE RÉSIDUEL : INTÉRÊTS ET LIMITES DE CET INDICATEUR

Précédemment, il a été défini que dès que le solde résiduel d’une entreprise est négatif, celle-ci est en crise financière. Lorsque le solde résiduel est négatif c’est la crise car cela signifie que les sommes générées par l’entreprise sont insuffisantes pour rencontrer les annuités et le coût de vie. Par contre malgré cette définition, l’utilisation du solde résiduel seul comme critère de diagnostic présente quelques limites d’interprétation non négligeables.

Le solde résiduel est ce qui reste après que l’entreprise ait rencontré toutes ses obligations y compris les retraits de l'agriculteur. En termes plus comptables, c’est le solde à partir de la capacité de remboursement maximale (CDRmax) moins les annuités (AGL, 1994). C’est un résultat de court terme, s’il est négatif alors l’entreprise est en manque de liquidité pour rencontrer ses obligations. Lorsqu’il y a un manque de liquidité à la fin de l’année, les fournisseurs et/ou la marge de crédit peuvent être augmentés mais l’agriculteur peut aussi choisir de vendre un actif ou de réinvestir des liquidités personnelles dans l’entreprise pour combler la différence.

Une entreprise peut avoir un solde négatif une année et positif l’année suivante, cette situation peut se présenter à la suite d’un ennui inhabituel (mauvaise récolte, maladie dans le troupeau, un incendie…). Mais pour une entreprise qui a un solde résiduel négatif, même s'il y a des explications à ce déficit, il y a crise pour l'entreprise cette année-là.

Les éléments précédents font référence à une CDR faible qui entraîne un solde résiduel négatif. Cependant, malgré une CDR élevée, le solde résiduel peut être négatif si les annuités sont trop élevées. Ce sera le cas, sans doute peu fréquent mais imaginable, d’une entreprise endettée dont la durée des emprunts est très courte par rapport à la durée de vie des biens financés.

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Le solde résiduel capte donc différentes informations : la CDR et l’annuité qui est fonction du taux d’endettement et de la durée des emprunts. La combinaison de plusieurs facteurs de différentes natures rendent donc plus difficile l’analyse de ce résultat mais quelles que soient les raisons qui conduisent au solde résiduel, s’il est négatif, la situation est problématique, l’entreprise est en « crise ».

L’utilisation du solde résiduel pris seul en valeur absolue comme critère de diagnostic présente une autre limite d’interprétation, soit son importance relative par rapport à la dimension de l’entreprise. Bien qu’un solde résiduel puisse être positif, est-ce que le résultat obtenu est suffisant pour la viabilité à long terme de l’entreprise? Cela dépend de ce qu’il représente par rapport à la dimension de l’entreprise. L’approche retenue afin de d’intégrer cette proportionnalité est de comparer le solde résiduel par rapport aux produits totaux de l’entreprise. Donc afin de capter l’importance du résultat obtenu et de pouvoir mieux comparer les fermes entre elles, le solde résiduel sera relativisé par rapport aux produits totaux, ce résultat s’appelle la marge de sécurité sur les produits.

La marge de sécurité sur les produits se calcule comme suit : SOLDE RÉSIDUEL X 100

PRODUITS TOTAUX

Ce résultat en pourcentage indique ce que l’entreprise est capable de générer en autofinancement, soit faire une réserve pour les amortissements et ensuite avoir une disponibilité pour des investissements. Idéalement, une entreprise doit obtenir au moins de 8% à 10% de marge de sécurité (AGL, 1994), ce qui couvrirait à peu près les amortissements. En plus de rencontrer toutes ses obligations et de rémunérer l'agriculteur, l'entreprise a généré assez de liquidité pour autofinancer le renouvellement de ses actifs. C'est donc par l’approche de la marge de sécurité sur les produits que le diagnostic peut être posé afin de conclure si une entreprise est en crise financière ou pas. C'est un critère de diagnostic retenu, bien que de court terme il est plus complet que le solde résiduel.

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Selon Levallois (2010), les deux concepts de base de la gestion économique et financière sont le concept de la pérennité de l’entreprise et le concept d’accroissement de l’avoir du propriétaire. Le choix du critère de diagnostic est selon le concept de la pérennité de Levallois et selon l’énoncé de Crucifix, cité précédemment. Lorsque la marge de sécurité de l’entreprise est négative, la pérennité de l’entreprise est compromise et il y a crise.

Une approche d’analyse de la crise financière selon le 2e concept de Levallois, soit l’accroissement de l’avoir du propriétaire, comporterait trop de limites. L’utilisation de la variation de l’avoir propre comme critère de diagnostic dans un contexte de forte inflation sur le prix des terres et du quota peut dissimuler des problèmes financiers plus profonds. Car mêmes les entreprises peu ou pas rentables ont connu une augmentation significative de leurs actifs au cours des années. Dans ce contexte, les variables reliées au bilan des entreprises comme critère potentiel de diagnostic de la crise financière ont été exclues.

2.4 EXPLICATIONS DE LA CRISE

2.4.1 RENTABILITÉ

Tel que discuté précédemment, le solde résiduel est un résultat de court terme. Il capte une problématique qui est réelle mais qui n’est peut-être que temporaire. La marge de sécurité sur les produits qui découle du calcul du solde résiduel est conséquemment elle aussi un résultat de court terme. C’est le critère de diagnostic retenu afin de conclure si une ferme est en crise financière ou pas. Comme l’objectif de ce mémoire est d’arriver à expliquer la situation de crise financière dans son ensemble par ses différentes composantes, alors on cherche une explication plus stable du phénomène qu’une analyse des signaux court terme. Pour les objectifs de cette recherche, il est préférable de trouver un critère d’analyse plus représentatif de la gestion dans le temps, un critère plus permanent et durable que ceux de la trésorerie tels le solde résiduel et la marge de sécurité.

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Un agriculteur est habituellement en affaire pour espérer en vivre pendant plusieurs années, la réalisation de ses objectifs financiers et de vie passe par l’atteinte de résultats positifs à plus long terme afin d’assurer la pérennité de son entreprise. Le critère de comparaison qui capte la situation financière des entreprises avec une perspective plus durable et qui rend davantage compte des résultats de l’entreprise à long terme est celui de la rentabilité économique. Le résultat obtenu en rentabilité économique influence la probabilité de survie de l'entreprise dans le temps. Une bonne rentabilité économique est un plus grand gage de la pérennité de l'entreprise que le critère de la marge de sécurité. Une entreprise peut rencontrer des problèmes de liquidités une année donnée, elle aura une marge de sécurité négative cette année là, mais si en général dans le temps elle dégage une bonne rentabilité, elle va s'en sortir.

Pour survivre dans le temps, l’entreprise doit avoir la capacité à long terme de générer assez de bénéfices pour rencontrer toutes ses obligations, rémunérer le capital emprunté et celui investi par l'agriculteur. Et "lorsqu'on parle d'efficacité financière on fait référence au concept de bénéfice" (AGL, 1994). Les bénéfices dégagés sont la base de la viabilité de l’entreprise et le ratio de rentabilité est le rapport entre les bénéfices dégagés et les capitaux.

Le principe de rentabilité est la capacité de l’entreprise à générer le maximum de bénéfices avec le minimum de dépenses et d'investissements. En gestion financière deux calculs sont généralement utilisés pour mesurer ce résultat, soit la rentabilité économique et la rentabilité financière. La rentabilité économique "mesure la capacité de l'entreprise à rémunérer les capitaux investis" (Levallois, 2010), ici ce sont tous les capitaux, empruntés ou pas. Tandis que le ratio de la rentabilité financière mesure la rémunération des capitaux investis par l'agriculteur même et non pas ceux empruntés.

Idéalement, le ratio de rentabilité financière doit être supérieur au ratio de rentabilité économique, sinon l’entreprise est en effet levier négatif. Lorsque la rentabilité financière est plus faible que la rentabilité économique, cela signifie que l'agriculteur perd de l'argent en essayant d'en faire avec celui emprunté, il lui en coûte plus cher que cela lui rapporte. Il s’appauvrit en empruntant l’argent des autres même si c’est pour prendre de l’expansion.

Il existe une relation très étroite entre la rentabilité économique et le solde résiduel ainsi qu'entre le bénéfice et le solde résiduel. La CDR représente la somme du bénéfice, des amortissements et des intérêts MLT et le solde résiduel est l'écart entre la CDR et les annuités (intérêts + capital). La différence entre

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les deux concepts repose donc sur la différence qui existe entre le remboursement en capital et les amortissements. Le bénéfice élimine l’effet endettement et durée des emprunts qui sont une limite dans l’interprétation du solde résiduel.

Le solde résiduel sera donc le critère de détermination d’une crise potentielle sur une entreprise. L’explication du phénomène de crise se déterminera par la comparaison d’entreprises classées sur leur rentabilité économique. Le problème, s’il existe, est repéré immédiatement (marge de sécurité, court terme), son explication et sa compréhension se réfèreront à des critères plus pérennes (rentabilité). Les fermes de tête ayant les ratios de rentabilité économique les plus élevés seront comparées aux fermes ayant obtenus les ratios de rentabilité les plus bas sur plusieurs critères afin de trouver les éléments qui définissent et expliquent une situation financière plus difficile.

2.4.2 RECHERCHE DES ÉLÉMENTS EXPLICATIFS

Afin d’identifier les éléments qui peuvent expliquer la dégradation d’une situation financière au point tel que l’entreprise se retrouve en crise, le choix d’un critère plus permanent de la gestion de l’entreprise comme critère de comparaison et de recherche s’est avéré essentiel. L’analyse de la rentabilité économique, qui est un critère à plus long terme de gestion, permettra de trouver les éléments qui composent et expliquent la crise. À ces fins, plusieurs critères de différentes sphères et de domaines de gestion seront mesurés et étudiés.

Les entreprises évoluent dans un contexte économique et social commun à toutes les entreprises. Cette étude ne cherchera pas à mesurer l’impact de l’environnement sur les résultats compte tenu que toutes les entreprises sont soumises aux mêmes facteurs externes. Par exemple, elles sont soumises aux mêmes politiques, aux mêmes exigences environnementales, aux mêmes prix des intrants et des produits, lois fiscales et taux d’intérêts… Les facteurs externes ne seront pas étudiés comme éléments de différenciation entre les entreprises.

L’entreprise est un système comprenant différentes composantes ayant chacune ses rôles et fonctions propre. Il y a la composante « capital », c'est-à-dire les ressources de l’entreprise dont les actifs, elle touche la gestion des investissements. Il y a aussi la composante « finance » donc les emprunts et les

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capitaux propres, alors c’est tout ce qui touche la gestion du financement. Les ressources humaines et la gestion du travail sont des éléments de la composante « humain ». Le système de l’entreprise contient aussi la composante « technico-économique » qui touche tous les aspects de la production comme telle, c’est du domaine de la gestion quotidienne de la production laitière. Toutes ces composantes et ces éléments sont évidemment en interrelation.

La combinaison et la gestion de ces différents éléments produisent des résultats, et afin de mesurer l’impact de chaque composante sur les résultats, une série de critères seront utilisés et testés. Les résultats obtenus à la suite de la combinaison de toutes ces composantes peuvent s’apprécier par des résultats de gestion et de trésorerie. La rentabilité économique qui est un résultat de gestion, permet de porter un jugement, à tout le moins une estimation, de la pérennité de l’entreprise. Tandis que le solde résiduel, qui est un résultat de court terme, permet lui de statuer sur une situation de crise ou non.

L’axe de temps permet de mettre en évidence que les résultats d’aujourd’hui sont une conséquence (ou tributaires) de l’évolution de l’entreprise dans le temps, donc de l’évolution des quatre composantes de l’entreprise. Par exemple, un emprunt fait l’an dernier limite la capacité d’emprunt cette année et même chose pour les investissements qui ont un impact sur le financement. De plus la croissance du chiffre d’affaire est en lien avec l’évolution de la performance technico-économique obtenue et l’expansion de l’entreprise… Tout est en interrelation. Donc on cherchera aussi à avoir des critères de mesure qui tiennent compte de cette évolution dans le temps.

2.5 CADRE CONCEPTUEL

Le graphique suivant permet de faciliter la compréhension de ce système et de mieux visualiser la démarche d’analyse. Dans le cadre d’une approche systémique, l’entreprise est considérée comme un système ouvert et composé de différents éléments en interrelation qui cherche à être en équilibre dans le temps:

Figure

Graphique 01 : Évolution de l’actif et du passif- Québec- (base 100 en 2001)
Graphique  02 :  Évolution  des  produits  et  des  charges :  fermes  laitières  du  Québec (base100 en 2001)
Graphique 03 : Revenus agricoles nets totaux - Québec – 1981 à 2011
Graphique 04 : Revenu agricole net en pourcentage de l’actif
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