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1.3.1. Les critères de choix des scènes de dispute

1.3.1.2. Scènes de violence physique

On verra ici, dans la colonne de gauche les titres des pièces et dans la colonne de droite les numéros des pages et une brève description des scènes de violence physique.

Tableau n°2

Titre de pièce Scène de violence physique

Sallinger p. 31 Leslie donne des claques à Henry

p. 33 Description de violence physique dans le discours de Leslie

p. 52 Leslie gifle Anna

p. 92 Leslie donne des coups à Al (didascalies)

Combat de nègre et de chiens

p. 44-47 Cal retient (par force) Léone par le bras et ensuite dans ses bras,

p. 49-52 Cal retient Léone par force

p. 74 Cal attrape Horn par le col

p. 93 Alboury crache sur le visage de Léone

p. 95-96 Léone grave avec un éclat de verre, sur ses joues les marques semblables au signe tribal d’Alboury

p. 106-107 Alboury fait assassiner Cal (didascalies)

Quai Ouest p. 32-34 Claire retient (par force) Charles par le bras

p.71-72 Charles tient Rodolf par le bras, Rodolf enfonce les ongles dans le bras de Charles

p. 89 Fac frappe Claire (didascalies)

p. 102 Abad tue Charles (didascalies)

Le Retour au désert p. 18 Adrien gifle Mathieu (didascalies)

p. 25 Adrien gifle Mathieu deux fois (didascalies)

p. 27-30 Edouard immobilise (par force) Plantières

p. 36 Dans les propos de Mathilde on apprend qu’Adrien l’a frappé

p. 36 Dans les propos d’Adrien on apprend que Mathilde a frappé Marthe

p. 37-38 Mathilde et Adrien se battent

p. 77 Adrien gifle Mathieu deux fois (didascalies)

p. 85 Adrien menace Maame Queuleu de la frapper

Roberto Zucco p. 18 Roberto Zucco tue sa mère

p. 31 Dans les propos de la Pute, on apprend que Roberto Zucco a tué l’inspecteur

p. 42-43 Dans le discours du Père on apprend qu’il a frappé sa femme

p. 44 La Mère évoque une possibilité de battre ses filles

p. 46-48 Le Balèze et Zucco se battent

p. 53 Commissaire menace de battre la Gamine

p. 62 Roberto Zucco pose le pied sur la tête de l’enfant et le pistolet sur le coup de la Dame

p. 69 Roberto Zucco tue l’enfant

Au cours de notre réflexion sur la violence physique dans les pièces de Koltès, nous avons élargi l’éventail de significations accordé à cette notion. Au départ nous considérions comme violence physique la force physique exercée par une (plusieurs) personne(s) sur une (plusieurs) personne(s) en vue d’attendre un but. Chez Koltès nous avons trouvé toute une panoplie de violence physique qui ne consiste pas uniquement à se frapper mutuellement. Cette multiplicité de possibilités de faire du mal à l’autre nous a convaincu d’observer de plus près les scènes de conflit discursif qui passent par de multiples formes de distance, entre autres par les attaques physiques.

On se réfère, à cet égard, aux travaux d’ E-T. Hall (1979) qui a montré « que pratiquement tout ce que l’homme est et tout ce que l’homme fait, est lié à l’expérience de l’espace ». L’auteur appelle la relation physique entre les personnes la « distance psychosociale ». Le conflit influence également l’organisation proxémique qui constitue un marqueur efficace et fait de l’interaction un tout pertinent. Par conséquent, la distance choisie lors d’une dispute – et par la même l’approche physique ou verbale – dépend des rapports de force, des sentiments de menace et des comportements agressifs réciproques entre les adversaires. Koltès définit ainsi la distance entre ses personnages :

« […] l’usage de la langue comme arme par ses personnages, la capoeira, cette « forme de combat [où] les combattants ne se touchent pas ; il s’agit de se frôler et de s’éviter en musique » ; sauf que parfois, « par inadvertance ou à dessein », le coup peut partir et toucher pour de bon. »332

Puisque chez Koltès on distingue plusieurs types de violence physique, nous avons intégré dans ce tableau (tableau n°2), outre des scènes où les personnages se donnent des coups, se giflent et se frappent, des scènes qui manifestent d’autres formes de violence corporelle. Nous y trouvons des scènes où les personnages se retiennent par force, comme par exemple dans le Quai Ouest (1985 : 32-34) où Claire retient Charles par force tout au long de la discussion, ou encore dans le Combat de nègre et de chiens (1989 : 93) Alboury crache sur le visage de Léone. En outre, dans ce tableau nous avons recensé deux types des scènes de violence physique : celles qui se déroulent en direct devant nos yeux (les scènes mimétiques) et celles hors-scénique (les diégétiques)

pendant lesquelles le personnage rapporte la situation conflictuelle qui a lieu au temps de l’action de la pièce et qui suscite de nouveau la violence. Par exemple dans Le Retour au désert (2006 : 36) les propos d’Adrien révèlent que Mathilde a frappé Marthe, ce qui éveille de nouveau la colère et la violence chez Adrien. Les scènes de menace de violence physique comme par exemple dans le Roberto Zucco (1990 : 44) où la Mère envisage la possibilité de battre ses filles, ont également trouvé leur place dans le tableau ci-dessus ainsi que des scènes d’automutilation, comme dans le Combat de nègre et de chiens (1989 : 95-96) où Léone grave avec un éclat de verre, sur ses joues les marques semblables au signe tribal d’Alboury. Les scènes de violence physique antérieures à l’ouverture de la pièce comme l’assassinat de Nouofia (Combat de nègre et de chiens) ou la mort de Marie (Le Retour au désert), se trouvent exclues de cet inventaire.

Chez Koltès « l’affrontement physique n’est pas immédiat. Il laisse place aux mots, le conflit est menaçant, proche, il est retenu, délicatement suspendu au fil de notre attente qui s’amplifie »333

. Dans la mesure où, l’affrontement physique, dans la plupart des pièces koltésiennes, est précédé d’une ample et prodigieuse confrontation verbale, notre attention portera sur cette étape qui précède les coups physiques. Au lieu de nous concentrer sur la violence physique elle-même, nous analyserons le cheminent verbal qui amène les personnages à cette confrontation physique.