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La santé est un droit, un besoin de base. La nutrition est un déterminant majeur de la santé et elle suppose la sécurité alimentaire. Le fait d’être dans une situation d’insécurité alimentaire, c’est-à-dire se retrouver dans une situation de manque de nourriture, ou de risque élevé d’en manquer, augmente malheureusement les risques de problèmes de santé. Elle peut conduire à l’insuffisance nutritionnelle et finir par rendre plus vulnérables à la maladie les populations. Même dans les pays où la santé s’améliore, ce ne sont pas nécessairement les pauvres qui en profitent en Afrique. Tandis que le fardeau des maladies non transmissibles s’alourdit, soigner les maladies transmissibles reste une priorité dans le cas typique des pauvres. Rien que le nombre d’enfants mal nourris est en recrudescence et la croissance démographique ainsi que la santé de la reproduction sont devenus de plus en plus des priorités des gouvernements, des associations et des organismes nationaux et internationaux présents sur le terrain en Afrique. Rappelons que la sécurité alimentaire s’est dégradée quelques années après l’indépendance en Afrique subsaharienne : les graves pénuries alimentaires qui étaient exceptionnelles en 1960 sont désormais fréquentes. Au niveau des ménages, la sécurité alimentaire dépend directement des résultats de l’agriculture. Dans de nombreux pays sahéliens, la malnutrition a un caractère saisonnier : elle s’aggrave avant la récolte, au moment où les approvisionnements alimentaires s’épuisent. Le déficit des céréales (le mil par exemple) s’aggrave les années de sécheresse. Les famines récurrentes des années 80 et celles qui ont été à l’origine des émeutes de la faim, propagées comme une traînée de poudre entre mars et avril de l’année 2008, ont montré d’une manière éclatante le degré élevé (avec les effets néfastes) de l’insécurité alimentaire dans la région.

Selon les résultats enregistrés en matière de santé, nutrition et démographie en Afrique subsaharienne publiés par la Banque mondiale (2005), beaucoup d’indicateurs de santé ont connu une nette amélioration au cours des dernières décennies du 20ème siècle ; c’est le cas de

l’espérance de vie, de la mortalité infantile et de celle des enfants de moins de 5 ans, de la nutrition et, dans une certaine mesure, du taux de fécondité. De même que dans les autres régions, les diverses améliorations ont été causées par l’introduction de services médicaux modernes et par les progrès de la médecine moderne, l’élimination de certaines maladies, et

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une plus grande utilisation d’antibiotiques, de sel iodé, d’immunisation, de vitamine A et de planification familiale (Banque Mondiale 2002, 2005). Au cours des 10 [20] dernières années, beaucoup de ces tendances positives ont ralenti ou se sont inversées84. L’espérance de vie a

baissé entre 1980 et 2000 (Banque Mondiale 2002), stagnant dans les pays comme le Burkina Faso et le Tchad à 45 ans (ONU 2003). Dans le même temps, l’échec des systèmes de santé a contribué autant à cette tendance alarmante telle : le VIH/Sida85, le cholestérol, le paludisme

et d’autres maladies contagieuses. En 2001, les diverses maladies contagieuses étaient les causes principales de mortalité, avec cinq d’entre elles (VIH/Sida, infections respiratoires, paludisme, maladies diarrhéiques, maladies infantiles, etc.) responsables de plus de la moitié des décès, bien que toutes devraient être évitées par des interventions à bon marché (UNICEF 1990, OMS 2002).

Quelques indicateurs de santé se sont améliorés dans la région, ne fût-ce que lentement. Le taux de mortalité infantile moyen a baissé, passant de 116 pour 1 000 naissances vivantes en 1980 à environ 105 en 2002 (UNICEF 1990 ; Banque mondiale 2002). Mais, parmi les 7 pays sahéliens concernés par cette analyse, le Burkina Faso demeure le seul pays à travers lequel le taux de mortalité pour les enfants de moins de cinq ans avait augmenté entre 1997 et 2002 (Banque mondiale 2000, 2005). Les autres pays ayant enregistré des données plus stables, la vaccination des enfants contre les diverses maladies qui peuvent être mortelles, comme la diphtérie et la rougeole, a reculé depuis 1980.

84 La nécessité de récupérer les pertes démographiques causées par les maladies contagieuses, les faibles densités globales de population, la relation supposée positive entre une population nombreuse et le développement ainsi que la crainte de voir la population décroître à cause du VIH/Sida sont des arguments généralement avancés, en Afrique subsaharienne, contre les programmes de planification familiale et de maîtrise de la fécondité. Pour Guengnant, ces programmes sont d’ailleurs souvent jugés contraires aux traditions africaines et donc inadaptés (2007). Ngondo a Pitshandenge note à ce sujet, en 1988, que ces politiques et programmes parfois imposés à partir du sommet, passent pour des initiatives néo-impérialistes et néo-colonialistes inavouées, et sont reçues avec réticences par la masse. Ce qui explique à ce niveau le doute de la sincérité des dirigeants à vouloir exécuter des initiatives par ailleurs ostensiblement inspirées de l’extérieur et qu’il convient que l’on vise les changements structurels durables et que l’on s’attaque aux facteurs déterminants qui justifient le « pronatalisme » (Ngondo a Pitshandenge 1988).

85En avril 1991, on estimait que plus de six millions de personnes étaient affectées par le VIH et que le nombre de cas de sida atteignait 500 000 chez l’adulte et 350 000 chez les nourrissons et les enfants. L’Est et le Central du continent étaient les régions les plus sévèrement touchées et, dans certains pays, la situation était grave, tant par les souffrances humaines endurées que par le fardeau qui posait sur le système de santé, déjà surchargé (Azoulay et al. 1993). Assurer des soins de santé et disposer de la nourriture saine à ces hommes, ces femmes et ces enfants, représente un challenge pour les organismes de développement en Afrique, services déjà insuffisants pour les populations confrontées à la famine et à l’insécurité alimentaire en Afrique au sud du Sahara.

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Sur le plan de l’accès aux services de santé, la différence entre la ville et la campagne relevée dans le domaine de l’éducation est nettement marquée. Les ménages ruraux sont désavantagés dans l’accès à ces services. Le pourcentage de la population urbaine qui a immédiatement accès aux soins de santé primaire varie entre 44 et 99% (PNUD 1996). Dans la majorité des pays sahéliens, moins de 30% des ruraux ont accès aux services de santé. Cette proportion descend à 18% dans certains endroits contre 76% dans les zones urbaines. Environ 50% de la population urbaine ont accès à l’eau salubre et 32% disposent de systèmes d’assainissements adéquats (PNUD 1999). Il s’agit d’une situation que certains chercheurs en sciences sociales qualifient de « crise profonde », de « dégradation accélérée » (Harrison 1991, Mathieu 1996) ou de « banqueroute » (Timberkake 1985) en Afrique subsaharienne.

Des pratiques alimentaires qui laissent à désirer, les contraintes que le travail ménager impose à l’emploi du temps des femmes, le manque de micronutriments nécessaires et la mauvaise qualité de l’assainissement et de l’alimentation en eau sont autant d’éléments qui influent sur la nutrition dans la quasi-totalité des pays sahéliens86. Il en va de même des comportements :

la façon dont les mères nourrissent leurs enfants et traitent la diarrhée, la manière dont sont administrés et dépensés les revenus dans les ménages, et le choix ou encore la préparation des aliments. Ces comportements paraissent indépendants des niveaux de revenu de la population sahélienne (Banque Mondiale 1989, UNICEF 1989, OCDE 1988). Evidemment, il est clair qu’il est possible, pour les responsables des organisations de la société civile africaine et les décideurs politiques africains (chefs d’Etat, représentants des gouvernements), de guérir ces effets pathologiques invalides pour un coût modeste, à partir de l’aide au développement et des facilités accordées par les organisations internationales dans le cadre des programmes de développement en Afrique subsaharienne. Ne perdons surtout pas de vue que le terme sécurité alimentaire et les stratégies d’intervention qui y découlent, apparaissent, entre autres, dans un contexte particulier en Afrique, celui de la coopération internationale et de la mise en place du programme d’ajustement structurel.

86 Parlant de l’assainissement et de l’alimentation en eau, il faut dire que le séjour de recherche ethnographique dans la région du Guéra nous avait permis de réaliser que la sensibilisation des paysans, c’est-à-dire des ruraux, par le canal des organes de développement rural, est un élément important. Elle stimule le sens de responsabilité individuelle et collective des populations rurales face à leur environnement, et contribue à conduire les individus à mieux connaître et gérer de manière efficace les crises, notamment dans les sous-préfectures du département de Mangalmé.

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III- Les politiques d’ajustement structurel et la lutte contre l’insécurité alimentaire