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Parmi les groupes de nomade, issus de la lignée « arabe »117, les plus remarquables sont les

« djoheïna »118 qui arrivent de la vallée du Nil entre le XIVe siècle et le XIXe siècle. Ces tribus

nomades, actuellement les plus importantes et les plus vivantes, ont gardé le souvenir de leur origine. La grande tribu des ouled rachid (les zébala, les hamida, les zioud et les azid) est dispersée dans la vallée du Batha jusqu’au Baguirmi méridional. Les oulet hémat sont encore connus sous ce nom dans le Salamat, principalement à l’est d’Am-Timan. On note également la présence des Yessiyé qui s’étendent entre les rives du Chari et Bokoro, les Oulet Ali du Dagana, etc. Les Missiré forment la grande tribu et la plus ancienne du Batha. Présents dans le nord du Tchad, les Gaéda sont moulés dans la civilisation Toubou et vivent au contact des populations environnantes.

Tandis que chez les sédentaires la notion de terre, limites intertribales, a un sens capital dans leur vivre-ensemble, chez les nomades au contraire, elle est sans objet et considérée comme une entrave gênante. Les nomades représentent une couche de la population tchadienne que l’on retrouve beaucoup plus dans la partie septentrionale du pays. Leur migration pastorale

117 Les arabes sont répandus sur une vaste zone englobant le Soudan, le Nigeria, le Niger et le Tchad.

118 Le terme de « djoheïna », souligne Le Rouvreur (1989), n’est plus utilisé couramment et ne traduit aucune solidarité. La vieille famille qu’il désignait s’est multipliée et ramifiée et, selon un processus normal chez tous les arabes, a donné naissance à des tribus nouvelles qui ont chacune d’elles une personnalité bien particulière. Par exemple, on connaît les ouled himet, mais on ignore habituellement qu’ils sont un ramea des ouled hémat, lui-même issu des « djoheïna ». De même, on ne sait toujours pas que les « awazmé » sont une branche des « missiré ».

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(déplacements de grande amplitude) est rythmée par l’alternance des pluies : ce sont des migrations périodiques et normales. Pendant la saison sèche, les troupeaux vont vers le sud. Ils ne remontent vers le nord, aussi loin que la mousson l’aura permis, que pendant la saison humide. A l’image des semi-nomades, ils n’ont pas d’habitat fixe et se déplacent d’un lieu à un autre en parcourant des milliers de kilomètres. A chaque étape franchie, certains hommes, reconnus pour leur courage, quittent le campement et partent pour repérage de l’emplacement futur où l’eau ne manquera pas et où les pâturages pourront satisfaire les troupeaux. A leur retour, ils rendent compte au chef du campement qui décide du lieu de l’étape du lendemain. Cette nomadisation suit généralement des itinéraires qui ne varient point. Seul un manque exceptionnel d’eau ou de pâturage peut provoquer des modifications à l’itinéraire habituel qui connaît parfois des variantes légères autour d’un axe précis dans les années normales (Bernus 1981, Toupet 1992).

L’agriculture ne tient qu’une petite place dans les activités des Arabes nomades. Ils sont avant tout des éleveurs119 : certaines fractions se livrent de manière exclusive à l’élevage des

chameaux ; d’autres plus nombreuses pratiquent uniquement l’élevage du zébu et du mouton, mais la majorité des nomades possèdent les trois espèces. La grande quantité des chameaux qu’ils possèdent leur permet de prendre une large part au commerce avec, bien entendu, les oasis sahariennes. Quoi qu’il en soit, seul l’élevage des bovins est, de façon significative, économiquement intéressant. Les abattoirs frigorifiques de Farcha (placés à la périphérie de la capitale politique), en voie de modernisation120, permettent au pays d’exporter de la viande

réfrigérée vers les pays voisins. Ce qui fait de cette production, depuis quelques années, une ressource presque aussi importante que la culture du coton ou encore la manne pétrolière dans l’économie tchadienne. Les autres élevages sont secondaires : les chèvres et les montons

119 L’homme qui ne possède pas de troupeau assez nombreux pour assurer sa subsistance et celle de sa famille consent au travail de la terre en attendant que le troupeau prospère et atteigne un chiffre élevé (cent têtes), notamment en termes de vaches, de chameaux, de moutons, de chèvres, etc. S’il a assez de courage et si le ciel le favorise, il peut obtenir de bonnes récoltes pendant deux ou trois ans consécutifs.

120 En effet, en septembre 2014, le président tchadien Idriss Déby Itno avait posé la première pierre pour la construction d'un complexe industriel moderne d'exploitation de ruminants dans la zone industrielle de Djarmaya, au nord-est de la capitale. Le complexe de Djarmaya comprendra notamment un abattoir moderne d'une capacité de 70.000 tonnes de viande par an et pouvant traiter par jour 1.500 bovins, 3.000 ovins et caprins et 500 camelins. Il devra permettre, selon le ministre tchadien de l'Elevage et de l'Hydraulique, Mahamat I. Taher, de valoriser le bétail du pays qui est la principale ressource nationale (plus de 50% du produit intérieur brut), et de générer 200 emplois qualifiants et 5.000 emplois directs et indirects en phase d'exploitation.

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constituent un appoint alimentaire très recherché sur l’ensemble du territoire. Les services vétérinaires apportent quelques améliorations sanitaires aux ovins et aux caprins, notamment dans la lutte contre les maladies du bétail.

Pour le nomade qui conduit sans cesse son troupeau du Bahr El-Ghazal au temps des pluies, vers le Logone ou le Salamat lorsque revient la sécheresse, le simple fait de posséder un bœuf est considéré comme une raison de vivre plutôt qu’un accès au pouvoir économique. Certes, il se nourrit du lait des vaches, en vend un peu à l’occasion ; à la grande rigueur, il abat une bête malade ou blessée et en consomme la viande. Le troupeau représente, pour le nomade, la marque de son existence (identité) et la noblesse de son activité. Une anecdote assez connue au Guéra stipule que lorsque la longue silhouette maigre d’un nomade, les mains accrochées au bâton passé derrière le cou, demande à un sédentaire (un agriculteur), sans perdre sa fierté, un peu de céréales, et si celui-ci lui répond : « tue ton bœuf » : il éclate de rire et continue son chemin, parce qu’en fait, il n’a plus grand-faim, et que le bœuf est pour lui un compagnon et une consolation.