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Les politiques d’ajustement structurel et la lutte contre l’insécurité alimentaire

du continent africain. Plusieurs études commanditées par la Banque mondiale, l’UNICEF, le FMI, l’OCDE, etc. ont été effectuées sur cette problématique par de nombreux experts de ces organisations (et experts indépendants des universités) dans une vaste majorité des pays de développement à la fin des années 70. Face à la situation de crise économique, de fragilisation et d’appauvrissement de la population subsaharienne, les politiques d’ajustement structurel proposées par les diverses institutions financières internationales sont considérées comme l’une des solutions visant à rétablir la croissance économique dans les pays en développement à partir de bases néolibérales beaucoup plus larges.

L’ajustement a souvent été considéré en Afrique comme une étape importante sur la voie qui mène à une croissance durable de nature à faire reculer la pauvreté et lutter contre la crise alimentaire. Cependant, les programmes d’ajustement structurel ont été victimes des trop grands espoirs qu’ils avaient fait naître : leur capacité de réduction de la pauvreté par une croissance économique vigoureuse n’a pas vraisemblablement été assez démontrée. Certains partisans de l’ajustement structurel ont cru que les réformes pourraient rapidement placer les pays africains sur la voie d’une croissance beaucoup plus forte que jadis et comparable à celle du continent asiatique. Quant aux adversaires de cette politique, ils ont dénoncé le programme d’ajustement structurel comme une alternative à l’application de mesures de nature à vouloir contribuer au développement à long terme. La confusion qui en a résulté a souvent conduit à des débats stériles sur l’efficacité des politiques d’ajustement structurel en Afrique.

Pour évaluer l’impact de l’ajustement sur les couches défavorisées de la population et, de plus belle façon, les résultats retenus en termes de mécanismes de régulation de la crise alimentaire en Afrique subsaharienne, il importe de comprendre la dynamique historique qui a conduit les pays africains à s’engager dans les programmes d’ajustement. Bien que ce cadre de réflexion est en grande partie spécifique à chaque pays du Sahel au regard de ses objectifs et priorités de lutte contre l’insécurité alimentaire, il fait surtout appel aux éléments communs de stratégie liés principalement au programme d’ajustement et à sa mise en œuvre, d’une part, et, d’autre part, à la naissance d’un autre programme de développement agricole.

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III.1- Le contexte des politiques d’ajustement structurel en Afrique

Les politiques d’ajustement structurel ont toute une histoire propre à elles en Afrique sur le plan théorique et idéologique. Jusqu’à la fin des années 1970, ce programme de réformes socio-économiques visant à augmenter la capacité d’adaptation des économies occidentales, l’efficacité du secteur privé et la vraie concurrence sur le marché à l’échelle nationale et internationale, est une particularité des pays industrialisés. Il revenait à chaque Etat, par le biais de ce programme, de rationnaliser des entreprises ne pouvant plus concurrencer la nouvelle capacité industrielle des pays en développement. L’économie de développement fondée sur l’ajustement structurel était examinée comme une composante politique essentielle de la réalisation du développement économique mondial (Arndt 1944 ; Van der Hoeven et al. 1995). Les principes du libéralisme économique auront graduellement une influence au niveau des gouvernements, notamment en Europe, à cause surtout de l’intervention de l’Etat qui, s’inscrivant à l’intérieur d’économies de marchés87, visera le plein emploi et la croissance

économique.

Depuis 1944, date de la création du FMI et de la Banque Mondiale, les deux institutions88 ont

eu jusque-là un objectif commun : encourager la coopération économique internationale pour faire prospérer la croissance économique des pays membres. Dans la foulée du discours et du modèle conceptuel développés par l’OCDE (1979) au cours des années 1970, elles vont inscrire leur nouvelle stratégie de développement autour de la prédominance des forces du marché les plus productives dans un souci d’efficacité économique. C’est dans ce contexte qu’un certain nombre des pays en développement vont procéder à l’élaboration de leur politique économique de lutte contre la pauvreté et de croissance socioéconomique sur toutes sortes de dimensions. Dans leur appréciation de l’urgence des problèmes et dans la manière de les aborder, ils suivent – volens, nolens – les conceptions du Fonds Monétaire International et de la Banque Mondiale. Cependant, la croissance du PIB par habitant restera faible. Ce qui

87 Cf. les politiques économiques envisagées par Maynard Keynes (J.) et les critiques acerbes des autres auteurs inspirés des principes du libéralisme issus de la « théorie économique classique » (M. Beaud, G. Dostaler 1993). 88 Malgré l’objectif commun et la complémentarité entre les deux institutions internationales, chacune d’elles est dotée de ressources propres, de pouvoirs distincts et de critères d’intervention bien définis. C’est donc dans le domaine de l’aide financière que la collaboration entre le Fonds Monétaire International et la Banque mondiale fut la plus déterminante.

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soulèvera des interrogations quant à leur l’ampleur et à l’efficacité des réformes amorcées. L’intervention étatique sur les prix agricoles et alimentaires dans le Sahel n’avait pourtant pas donné les résultats attendus. Plusieurs raisons seront évoquées pour expliquer cette situation qualifiée d’échec : mauvais climat, sécheresse, endettement, conflits armés, mauvaise gestion, absence des organes de la société civile, etc.

III.2- Crises en Afrique, Ajustement structurel comme modèle de développement Au cours de la décennie 1980-1990, un nombre important de pays africains va connaître des problèmes d’ordre économique, semblables à ceux des autres pays en développement à travers le monde – des financements publics et des paiements extérieurs en déficit, un endettement public excessif, une contradiction générale entre l’activité économique et l’inflation – mais leurs problèmes restent tout de même graves. L’un des indicateurs les plus significatifs du déclin de la croissance est la stagnation des exportations de biens en Afrique subsaharienne entre 1973 et 1980, malgré une nette amélioration de 5,4% en termes d’échanges dans la région (Tarp 1993). Cette donnée statistique, plus que toute autre, est à l’origine de l’opinion selon laquelle les facteurs internes (la mauvaise gestion économique) plutôt que les facteurs externes (environnement du commerce international, par exemple) sont autant responsables de la performance relativement faible de l’Afrique. D’une part, les pays en développement dans leur ensemble semblent se porter mieux que le monde industrialisé. D’autre part, même si l’on reconnaît qu’il y avait un problème économique, essentiellement dans les pays sahéliens, la vraie cause identifiée demeure celle de l’échec de la politique intérieure (Van der Hoeven et Van der Kraaij 1995, Vimard et Gendreau 1984).

En mettant l’accent sur les facteurs de croissance à long terme qui ont ouvert la voie aux prêts et au programme d’ajustement structurel en tant qu’instruments opérationnels de la Banque Mondiale, ces stratégies économiques (les fameux « PAS ») ont réussi, ne fût-ce qu’à un moment de l’histoire, à gagner les politiques nationales des gouvernements en Afrique au sud du Sahara au même titre que leurs politiques internationales. Elles ont également réussi, plus particulièrement sur le plan de la sécurité alimentaire, à toucher du doigt la problématique sur l’intervention de l’État, sous diverses formes, dans le choix des politiques de prix agricoles, de subventions agricoles, de programmes d’aide alimentaire aux plus démunis, de réduction

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des taxes à l’exportation, de réduction du rôle des offices de commercialisation au profit du secteur privé, de libéralisation des marchés sur la sphère nationale et internationale et de lutte contre la malnutrition.

Mais, en plus de la mauvaise gestion économique des pays et de la perte d’exportations, on va assister à un effondrement de la croissance économique des pays en développement. Car, la déflation dans les pays industrialisés déclenche une véritable crise d’endettement qui, s’étant davantage accumulée au fil des années, passe inaperçue au niveau des banques commerciales, des investisseurs et des organisations internationales de coopération économique. Ce qui nous permet d’affirmer ici que la pauvreté est une réalité assez difficile à définir dans toute sa complexité, principalement lorsqu’on l’analyse à partir des critères des pays déconnectés de la réalité du terrain (des bénéficiaires).

La décennie 80 reste la période de l’assainissement des finances publiques, des infrastructures qui, au finish, n’ont pas pu suivre le chemin de l’urbanisation. Le système scolaire réexaminé n’a pas permis d’intégrer des effectifs scolarisables de plus en plus importants. A la surprise générale du grand public, les institutions financières de prêts n’avaient tiré aucune sonnette d’alarme, mettant toute leur confiance dans leurs propres prévisions : le maintien des prix forts pour les matières premières devrait permettre de gérer l’accumulation rapide de la dette commerciale des pays en développement (Toye 1995). L’augmentation des taux d’intérêts de près de 1,3% en moyenne au cours de la période de 1973-1980 à 5,9% en moyenne en 1980- 1986 résulte directement des mesures économiques prises dans les pays industrialisés après 1979 (Van der Hoeven et Van der Kraaij 1995). Les conséquences de cette crise macro- économique se démultiplieront par des blocages macro-économiques dans les communautés ne pouvant plus satisfaire leurs besoins monétaires89.

89Au-delà du débat sur l’efficacité économique des politiques d’ajustement structurel, des critiques de toutes provenances se sont appliquées, depuis plus de trente ans, et même après leur déclin, à démontrer jusqu’à quel point ces politiques généraient des effets négatifs sur les conditions de vie des populations concernées, en particulier chez les groupes sociaux les plus démunis. Malgré les efforts médiatiques mis en avant par ces institutions financières internationales, il est important de garder à l’esprit que la crise de la dette n’était révélée au monde qu’en 1982, lorsque le Mexique avait suspendu les paiements de son énorme dette et que les quatorze autres pays en développement largement endettés étaient sur le point de faire la même chose. Ce qui nous amène à émettre l’idée selon laquelle ces stratégies n’avaient pas été créées pour lutter contre la pauvreté dans les pays en développement. D’où, leur échec en termes d’amélioration du niveau de vie des communautés africaines et de mise en œuvre des politiques sectorielles au Sahel.

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La dette extérieure des pays africains s’accroit dans des proportions considérables. Elle prend un tour plus grave dans les pays à revenu intermédiaire lourdement endettés et il est peu probable qu’ils soient en mesure d’en assurer pleinement le service dans un avenir prévisible. La charge de l’endettement, la faiblesse des revenus à l’exportation, les transferts financiers nets négatifs et l’évolution négative des finances publiques réduisent fortement, à défaut de les anéantir, la capacité des pays à dégager des ressources pour l’investissement et remettent surtout en cause la prise en charge des dépenses de fonctionnement des services publics. D’où l’aggravation des conditions de vie des populations : réduction des investissements et des crédits, hausse des prix des produits de base. Le système de droits et d’obligations des personnes tombera en péril en Afrique subsaharienne. Ceci qui finira par décevoir les attentes de la plupart des populations et des acteurs des organisations engagés dans le processus de développement dans les pays du Sahel. Nous sommes loin du développement « autocentré », pour parler comme Sarrasin (1999), qui prévalait au cours des années 1950-1960 et qui visait l’autosuffisance industrielle et agricole dans les pays en voie de développement sur l’échelle de la planète.

III.3- Les politiques d’ajustement structurel et le rôle des pouvoirs publics

La réhabilitation de l’activité agricole est une solution recommandée par les organisations internationales (FMI et BM) à la fin d’un bilan qui retrace une grave situation alimentaire que connaît le continent africain. Plusieurs gouvernements d’États africains mettront au-devant de la scène, via des mesures préconisées dans le cadre des politiques d’ajustement structurel90, un

certain nombre d’objectifs conflictuels à l’égard du secteur agricole : lutte contre la famine, augmentation des revenus de producteurs, réduction de la facture des importations, protection des groupes vulnérables. La question alimentaire se déplace progressivement, du milieu rural au milieu urbain, d’un problème d’insuffisance de production à un problème d’insuffisance de ressources pour accéder aux aliments disponibles pour les populations. On constate également

90 Disons que le programme d’ajustement structurel a eu pour principal objectif : la mise en place des politiques visant à rendre plus efficace l’économie dans son ensemble, au moyen de réformes de la politique des prix et du commerce international, par la compression et la restructuration des dépenses publiques et par la réduction du contrôle exercé par l’État sur les activités productives. De même, lorsque le programme d’ajustement structurel prévoit le relèvement des prix au producteur pour les cultures d’exportations, de sorte que le niveau de ces prix soit comparable aux cours internationaux, la production pour l’exportation est stimulée et les biens échangeables bénéficient plus ou moins d’une réaffectation des ressources.

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un glissement progressif d’un problème de sous-nutrition jusque-là visible en milieu rural, vers un problème croissant de malnutrition, de plus en plus manifeste en milieu urbain, plus particulièrement au sein des populations pauvres. Un nombre important de mécanismes de régulation seront mis en place pour assurer aux paysans les moyens de leur existence. L’accès aux denrées alimentaires figure au premier rang parmi les multiples moyens de lutte contre l’insécurité alimentaire.