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Dès les premières années de la décennie 1960, de nombreux Etats accèdent à la souveraineté nationale, accompagnée d’une musique qui vaudra le détour sans précédent, ne serait-ce que pour le premier tube panafricain (indépendance cha–cha)28 du groupe African Jazz29 de Maître

Kabasselé. Au cours de la période transitoire, ils acceptent une constitution octroyée par l’assemblée législative locale en application de la Constitution métropolitaine (le cas des Etats autonomes de la Communauté définie par la Constitution de la République française de 1958). Dans cette première phase, le parlementaire apparaît particulièrement comme une technique par excellence de décolonisation. Il s’agit de mettre en place des structures gouvernementales et de les confier aux représentants d’une majorité constituée, selon chaque cas de figure, par une coalition de plusieurs partis ou par un parti dominant, parfois même le seul parti resté en course (Conac 1990).

Il faut rappeler à ce niveau que cette époque correspond également au moment de l’adoption des régimes monopartisans dans plusieurs pays avec ce que cela comporte comme restriction des libertés publiques et quête de la stabilité économique. Pour y arriver, deux principales techniques seront expérimentées : le fait et le droit. Dans cette phase de construction de l’Etat et de démarrage économique, il est [était] utile que les élites modernistes soient rassemblées autour des objectifs communs et protègent les industries naissantes (encore fragiles) contre la concurrence sur la scène internationale. Les pays africains connaîtront un problème auquel ils feront tous face : la crise socio-économique. La plupart en seront conscients et un certain nombre de stratégies (politiques) seront mises à profit pour venir à bout de leur faiblesse économique, dont l’objectif était celui d’améliorer les conditions de vie des populations, de lutter contre la pauvreté, l’insécurité alimentaire, les privatisations de toutes sortes et les crises autant sociales et économiques (Friedmann et Sandercock 1995, Nouguerede 1990).

28 L’« Indépendance chacha » est le premier album panafricain le plus couronné dans l’histoire du contient.

29L’African Jazz est l’un des premiers groupes professionnels, notamment dans le domaine de la musique, de

l’ancien Congo Belge, actuellement appelé République Démocratique du Congo. Il avait été fondé par Joseph Kabasselé Tchamala, reconnu au cours des années sous le nom de Grand Kallé. Beaucoup de leur production musicale enregistrée, à l’instar du tube emblématique « Indépendance cha-cha », utilise un fond musical dont la provenance est en général latino-américaine (à l’image du "chachacha" cubain). Elle est à l’origine d’un autre son musical appelé la « rumba congolaise », dont Franco Luambo Makiadi est l’un des pionniers les plus connus sur la scène nationale et internationale.

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Cette situation, inquiétante et angoissante, constituera un point de départ, une raison de « rebondir » dans la bonne direction, pour aboutir à une démarche mieux intégrée prenant en compte certains aspects politiques, sociaux et culturels dans les Etats africains. Tous les grands bailleurs de fonds (Etats Unis, Angleterre, Allemagne, France, Canada, Italie, etc.) et les agences de coopération, multilatérales et bilatérales, se jugent en droit d’introduire le pluralisme politique dans les causes de conditionnalité de leur aide au développement. Ils leur prescrivent des plans d’ajustement structurel pour stabiliser les économies, organiser au mieux les Etats et les appareils administratifs30. Dans les zones rurales, un ensemble de

principes se traduiront par la meilleure gestion des terroirs, l’appropriation des techniques et des savoir-faire des acteurs de développement, des agents économiques et des citoyens de tout bord, au niveau des organisations villageoises et des groupements de producteurs, notamment dans le cadre de ce que l’on appelle développement participatif.

L’Afrique se voit dès lors un continent en chantier. De nombreux projets sont financés à coups de milliards et le développement économique est conçu sous l’angle de la quantité, ou pour reprendre l’une des expressions de l’historien Ki Zerbo, l’on se trouve en présence d’un développement clés en mains (1992). Ce qui intéresse à l’époque les gouvernements africains, ce sont plus les ingénieurs et les techniciens pour traduire dans les faits les projets élaborés au préalable par les experts des organisations internationales (Banque mondiale, Fonds monétaire international, etc.). Malheureusement, la confiance excessive, la marginalisation sociale des populations, le défaut d’une capacité d’analyse, le déficit éthique de gouvernement de la part des pays financés (400 milliards de dons et autant de prêts31, en trente ans) expliquent le poids

de la dette de l’Afrique.

30 Une précision s’impose clairement ici. En effet, parmi les actions de lutte contre l’insécurité alimentaire en Afrique subsaharienne – à la fin des années 1970 – se trouvent les politiques d’ajustement structurel. Nous en parlerons dans le troisième chapitre de ce travail, en faisant ainsi allusion à la responsabilité des États africains. 31 La question de la dette extérieure publique des pays africains a fait couler (et continue à faire couler) de l’encre des spécialistes des sciences sociales. Plusieurs analyses - critiques - subsistent sur la question. Bien qu’ayant contribué (du moins, en partie) à l’élan économique de certains pays (le cas de l’Afrique du Sud), nombreux sont ceux qui pensent que la dette en Afrique est au cœur d’une tragédie sociale, conséquence directe de choix géopolitiques qui en font à la fois un puissant instrument de domination des pays du Sud et un redoutable mécanisme de transfert de richesses des peuples vers les créanciers du Nord, les différentes classes dominantes locales prélevant au passage leur commission. Dans les pays donateurs du Nord, parmi les critiques de l’aide, ou plus précisément de l’aide telle qu’elle est pratiquée depuis quelques années, on note l’accusation d’une aide « financière » inadaptée : les projets bénéficieraient uniquement au secteur moderne et ceux qui y travaillent alors que leurs revenus sont presque supérieurs à la moyenne nationale.

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