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San Francisco Arts & Athletics, Inc v United States Olympic Committee

CHAPITRE 1 STRUCTURATION DE LA PROTECTION JURIDIQUE AUTOUR

C. Des juridictions nationales complaisantes

1. San Francisco Arts & Athletics, Inc v United States Olympic Committee

Cette jurisprudence se verra exposée en trois temps. Une mise en contexte (a), suivie d’un détour par les décisions des cours inférieures (b) avant l'ultime prise de décision par la Cour Suprême (c), constitueront les trois temps de ce développement.

a. Présentation du litige

En 1981, la San Francisco Arts & Atheltics (ci-après « SFAA »), une organisation à but non lucratif débuta la promotion de son évènement prévu le mois d’août 1982 intitulé les « Gay Olympics Games ». L’idée de ce dernier est attribuée à son défunt créateur, l’ancien athlète et docteur Tom Waddell. Il concevait cet évènement comme « l’opportunité de sortir de se défaire de la fausse impression qui collait à la communauté homosexuelle. [C’était pour lui] une opportunité de montrer des hommes et des femmes gays et lesbiennes, comme tout autre citoyen responsable des États-Unis pour se réunir autour du même idéal [olympique]. »152

Toutefois, ce rêve se heurta à la réalité juridique de sa patrie. En effet, par une lettre émise fin 1981, le directeur exécutif du comité olympique américain, Colonel F. Don Miller153, l’informa que le terme olympic était une marque déposée appartenant à l’USOC, dont la propriété était affirmée par l’Amateur Sport Act de 1978 ; l’invitant alors à cesser d’employer ce qualificatif à l’égard de la manifestation litigieuse. Si le SFAA se conforma dans un premier temps à la requête en substituant au terme problématique l’adjectif athletic, il revint vers la dénomination contentieuse quelque temps plus tard en raison de l’attachement de Waddell154 à cette dernière.155 Deux affaires contemporaines

151 San Francisco Arts & Athletics, Inc v United States Olympic Committee, 1987 US Supreme Court. 152 Traduction libre des propos rapportés par Symons et Warren, supra note 122 à la p 2.

153 Ibid à la p 4.

154 Ce dernier déclara notamment : " Our outreach and emphasis differs widely from the traditional Olympic Games in that we, openly gay people around the world, are struggling to produce an image that more closely resembles the facts rather than some libidinous stereotype generated over decades of misunderstanding and intolerance ... We feel strongly that the term « Olympics » is integral to what we intend to achieve. Our eight days of cultural events and sport will be a testament to our wholesomeness. " Ibid.

155 Kellie L Pendras, « Revisiting San Francisco Arts & (and) Athletics v. United States Olympic Committee: Why It Is Time to Narrow Protection of the Word Olympic Symposium: Property Rights » (2001) 24 U Haw L Rev 729‑762 à la p 735.

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attestent la véhémence de l’USOC face aux assaillants désireux de profiter de la notoriété de la dénomination156.

Dans l’affaire « S.T.O.P », la juridiction saisie a tranché en faveur du groupe protestataire, ne relevant aucun usage à but lucratif du terme olympic, relevant un simple exercice de la liberté d’expression157. Dans la seconde décision bien que la partie intimée, la fédération internationale de bodybuilding, finisse par changer de dénomination, on aperçoit un premier exercice arbitraire du pouvoir de contrôle de l’USOC sur la terminologie. Ainsi, Symons et Warren imputent la poursuite de l’emploi du terme litigieux par le SFAA aux recommandations de ses conseillers juridiques, ces derniers s’apercevant de la tolérance très subjective du comité olympique américain à l’égard des entités désireuses de solliciter la terminologie.

De fait, si les « 'Armchair Olympics, 'Special Olympics', 'Handicapped Olympics',

'Police Olympics', 'Dog Olympics' […] Xerox Olympics', 'Diaper Olympics', 'Rat Olympics', and 'Crab Cooking Olympics' »158 étaient tolérés, les Gay Olympics ne

pouvaient passer l’écueil. Cette position de l’USOC aurait encore pu se comprendre si elle résultait d'une directive du CIO désireux de demeurer, à l’image de son positionnement neutre pendant la Guerre Froide, hors de ces questions de société159, il n’en était rien. Ainsi, dans l’édition américaine de l’hebdomadaire Sport Illustrated du 16 août 1982160, la directrice générale du CIO Monique Berlioux affirma que « le CIO reconnaît désormais que le mot ‘olympique’ est générique, induisant logiquement que l’entité ne cherche plus à en réguler l’usage. Qu’en outre le comité international olympique n’a pas été consulté en ce qui concerne la loi adoptée par le Congrès américain en 1978 » 161(traduction libre).

Pouvait alors débuter une instruction judiciaire circonscrite aux cinquante et un états que serait amenée à trancher la Cour Suprême des États-Unis.

156 Stop the Olympic Prison (STOP) v US Olympic Com, 489 F Supp 1112, 1980 US District Court for the

Southern District of New York; United States Olympic Committee v International Federation of

Bodybuilders et al, 1982 US District Court for the District of Columbia.

157 "...The Court finds it extremely unlikely that anyone would presume it (the poster) to have been produced, sponsored or in any way authorized by the USOC. While at a fleeting glance, someone might conceivably mistake it for a poster advertising the Olympics, nobody could conceivably retain such a misconception long enough to do any harm... " Symons et Warren, supra note 122 à la p 4.

158 Ibid à la p 5.

159 Position ma foi difficilement tenable lors que les principes 1, 4 et 6 de votre instrument constitutionnel évoquent parmi vos objectifs le fait de combattre toute discrimination Comité International Olympique,

supra note 8, vol 1, 4 et 6.

160 « Picking on the Gay Games », Sports Illustrated No. 57 (août 1982) 8. 161 Symons et Warren, supra note 122 à la p 6.

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b. La procédure initiale

Au mois de mai 1982, c’est le biais d’un article de journal que l’USOC eût vent de la persistance du SFAA dans son entreprise de promotion centrée autour du mot

olympic. Elle saisit alors la United States District Court for the District of California,

juridiction de premier degré afin de faire constater l’usage litigieux. Cette dernière ordonna à la SFAA de faire cesser le trouble par le biais d’une injonction préliminaire162. L’affaire fut élevée devant l'US Court Of Appeals of the Ninth Circuit163 qui

estima que l’USOC était l’exclusif détenteur du droit d’user le mot olympic sans avoir à prouver que l’emploi effectué par la partie à laquelle elle le refusait générait un risque de confusion. Qu’en outre, le transgresseur ne pouvait recourir aux moyens de défense prévus par le Lanham Act. La cour estima également qu’aux yeux de la Constitution, l’USOC n’était pas une entité étatique. Qu’ainsi, son droit de propriété sur l’appellation en cause pouvait être protégé sans violer le Premier Amendement164.

Le SFAA demanda à ce que la cause soit entendue de nouveau en banc165, requête qui lui fut refusée, bien que la décision ne fît pourtant pas l’unanimité au sein du collège judiciaire, incluant trois juges dissidents sur neuf, soucieux de l’atteinte portée à la Constitution dans l’espèce.166

Ultérieurement, la dispute trouva grâce aux yeux de la Cour Suprême qui accepta par certiorari167 de trancher définitivement le litige.

162 Injonction à laquelle se plia le SFAA. Ainsi, les premières éditions de l’évènement s’intitulaient sobrement " Gay Games " Pendras, supra note 152 à la p 736, voir note 55.

163 Int’l Olympic Comm v San Francisco Arts & Athletics, Inc, 781 F2d 733, 1986 Ninth Circuit Court of Appeals.

164 États-Unis, The Declaration of independence and the Constitution of the United States of America, Washington, US Govt Print Off; for sale by the Supt of Docs, 1968 à la p 31; " Le Congrès ne pourra faire aucune loi ayant pour objet l’établissement d’une religion ou interdisant son libre exercice, de limiter la liberté de parole ou de presse, ou le droit des citoyens de s’assembler pacifiquement et d’adresser des pétitions au gouvernement pour qu’il mette fin aux abus. " traduit par : Claude-Jean Bertrand, « Le Premier Amendement : un mythe » [2003] 1 Transatlantica Revue d’études américaines American Studies Journal,

en ligne : Transatlantica. Revue d’études américaines. American Studies Journal

<https://transatlantica.revues.org/545> (consulté le 23 juillet 2017).

165 A court sitting “en banc” or a decision released “en banc” means that the court, usually a court of appeals, has heard the case and reached a decision that includes every judge who currently sits on that court (except those who have been recused or are unable to participate due to illness or similar circumstances). The phrase “en banc” is French, and it means “on the bench” – referring to the place judges usually sit while hearing

cases. « What does “en banc” mean? | Rottenstein Law Group LLP », en ligne :

<http://www.rotlaw.com/legal-library/what-does-en-banc-mean/>. 166 Pendras, supra note 152 à la p 736.

167 Certiorari is most commonly associated with the writ that the Supreme Court of the United States issues to review a lower court’s judgment. A case cannot, as a matter of right, be appealed to the U.S. Supreme Court; therefore, a party seeking to appeal from a lower court decision may file a petition to a higher court for a writ of certiorari. That writ is the formal order to the lower court to deliver its record of the case for

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c. La décision de la Cour Suprême

Le SFAA présenta quatre arguments aux juges de Washington, que ces derniers s’attachèrent à réfuter l’un après l’autre.

En premier lieu, l’organisme reprochait à la juridiction de second degré d’avoir commis une faute en octroyant une protection supérieure au droit commun des marques de commerce au terme olympic. À ceci, la Cour, par le biais de la plume du Justice Powell, examina les termes de l’Amateur Sports Act de 1978 (ci-après « AS 1978 »). Estimant sa rédaction insuffisamment claire, elle parcourra les travaux préparatoires de cette loi avant de conclure qu’il ressort de cette dernière que le Congrès a expressément voulu octroyer à l’USOC le contrôle exclusif de la terminologie sans se soucier de savoir si l’usage non autorisé pouvait générer un quelconque risque de confusion.168

L’entité franciscaine ajouta que la présence du terme ‘remedies’ au sein de la loi devait être lue comme permettant le recours aux moyens de défense issus du droit commun que constitue le Lanham Act ; principalement le fair use. La Cour abonda en sens contraire, retenant que ni la rédaction sans équivoque, ni les travaux préparatoires ou le terme ‘remedies’ ne se référaient aux moyens de défense prévus dans l’Act de 1946. Le SFAA déclara par ailleurs qu’autoriser l’USOC à disposer d’une marque de commerce constituée autour du seul mot olympic, sans avoir à apporter la preuve d’un risque de confusion dans le cadre d’un usage non autorisé violait le Premier Amendement. La Cour lui rétorqua le paragraphe 220506 de l’AS 1978 conférait à l’USOC la faculté de prohiber tout emploi de la terminologie dans le cadre de la promotion d’évènements culturels au sein desquels figurent les compétitions d’athlétisme.169

Le contrevenant fit une ultime tentative lorsqu’il affirma que l’usage du mot litigieux dans le cadre de leur évènement était un slogan politique destiné à attirer les projecteurs sur le statut des homosexuels dans la société américaine. Que dès lors, légitimer ce monopole placé entre les mains de l’USOC reviendrait à attenter à leur liberté d’exprimer leur opinion politique.

review. In the US Supreme Court, if four Justices agree to review the case, then the Court grants certiorari (often abbreviated as « cert. »); if that does not happen, the Court denies certiorari., Cornell Law school,

« Certiorari » (6 août 2007), en ligne : LII / Legal Information Institute

<https://www.law.cornell.edu/wex/certiorari>. 168 Pendras, supra note 152 aux pp 736‑737. 169 Ibid à la p 737.

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À cet argument, la juridiction répliqua par un raisonnement en apparence bien justifié. Tout d’abord, elle retint que se voyait seulement restreinte la manière dans laquelle le mot olympic pouvait être employé et non son simple usage. Ensuite, elle estima que la survenance d’une quelconque atteinte portée à la liberté d’expression ne serait qu’une répercussion fortuite de la volonté du Congrès de protéger l’USOC par le biais de l’AS 1978 en appuyant son postulat par une référence à une espèce dans laquelle une atteinte fortuite au Premier Amendement avait été tolérée.170

À l’issue de cette réponse, le collège judiciaire se lança dans un examen approfondi des motivations ayant poussées le Congrès à agir de la sorte. Qu’il s’agisse de considérer l’Act comme une récompense des efforts consentis par l’USOC pour construire une certaine image de marque, ou d’estimer l’étendue des prérogatives qu’il confère comme proportionnée, il ressort des propos de la Cour une volonté certaine de légitimer un abus de droit. Abus symbolisé par la justification de l’étendue du monopole d’usage de la terminologie englobant des usages non commerciaux pouvant apparemment affecter la distinctivité ou la valeur commerciale de la marque olympique.

En effet, pour la Cour, l’intitulé « Gay Olympics Games » présent sur les produits de la SFAA participerait à la matérialisation desdits risques.171 Enfin, elle semble même faire primer la valeur économique que l’USOC a générée autour de la dénomination

olympic, en invitant tout usager potentiel à la considérer avant de songer à son emploi. En

somme, elle accorde la primauté à un bien économique sur une liberté fondamentale.172 Une telle position de la Cour Suprême illustre parfaitement selon nous l’adage de

minimis non curat praetor; dans la mesure où il dénote, à cette époque, de l’absence

d’intérêt d’une majorité des membres du collège juridictionnel pour les discriminations flagrantes dont pouvait être victime la communauté LGBT173.

De plus, le cadre restreint de cette étude ne nous permettra pas d’exposer la ferveur de l’opinion dissidente du Justice Brennan, concentrée autour d’une critique de la soustraction de l’USOC à l’exercice de démonstration d’un risque de confusion d’une part. Tandis qu’il déplore par ailleurs l’abstention volontaire du législateur s’étant gardé

170 Ibid.

171 Ibid à la p 738. 172 Ibid à la p 739.

173 " In his dissenting opinion, Justice Kozinski said: [I]t seems that the USOC is using its control over the term Olympic to promote the very image of homosexuals that the SFAA seeks to combat: handicapped, juniors, police, Explorers, even dogs are allowed to carry the Olympic torch, but homosexuals are not. "

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d’inclure le fair use parmi les moyens de défense offerts au prétendu contrevenant par cet

Act174.

Par ailleurs, deux arrêts rendus par des cours inférieures de 2001175 dénotent d’une pérennité incertaine de la jurisprudence « SFAA c. USOC ». La première offre une application pure et simple des principes dégagés en 1983, statuant en faveur du comité national olympique, tandis que la seconde interprète strictement l’Amateur Sport Act de 1978 pour écarter les usages non commerciaux, n’acceptant que la demande ne puisse être fondée que sur le seul préjudice de contrefaçon de marques couvert par le Lanham

Act, au regard de la possession des signes contrefaits placée entre les mains de l’USOC.176

En définitive, ce qui frappe le plus dans cette espèce, c’est qu’au regard de la révision fictionnelle du cas réalisée par Pendras en 2002, celle-ci incluant les armes offertes à la défense dans le droit commun que sont le fair use et la démonstration du risque de confusion, il apparaît que l’USOC aurait pu vaincre l’adversité dans cette joute judiciaire. Certes non sans périls, il aurait triomphé de ce déboire à l’ombre de la gloire. Néanmoins, son succès n’aurait, ne serait-ce que sur le versant juridique, souffert d’aucune contestation177.

Intéressons-nous à présent la réception par les cours de la volonté du législateur français de protéger le symbole olympique.

2. D’Olymprix’ aux ‘Jeux Olympiques du Sexe’ - Évolution de l’appréciation