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Jurisprudences (FIFA c Ferrero) World Cup/ Fussball : l’obstacle de la

CHAPITRE 2 APPARITION L’AMBUSH MARKETING, RECHERCHE DE

B. Un essoufflement d’origine externe : vers une réduction de l’étendue des droits

1. Jurisprudences (FIFA c Ferrero) World Cup/ Fussball : l’obstacle de la

À partir de 2001 et dans le but de contrecarrer l’essor progressif de l’ambush

marketing, la FIFA se tourne vers une nouvelle stratégie marketing destinée à protéger

son joyau, la Coupe Jules Rimet. Cette dernière, en plus des enregistrements traditionnels à titre de marques des appellations telles que « FIFA World Cup » ou encore des logos officiels, se met à considérer des dénominations plus larges comme “WORLD CUP 2006”, “GERMANY 2006” ou “WM 2006”. Il convient de souligner que « WM » abrège généralement le mot allemand « Weltmeisterschaft » qui se traduit en français par « championnat du monde ». Cette expression est communément employée dans la langue de Goethe pour désigner un évènement sportif d’envergure internationale, comme la

255 Ibid à la p 17.

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coupe du monde de la FIFA257 . On remarque que cette pratique d’enregistrement massif s’opère dans 36 classes et couvre environ 850 produits et services, et ce aussi bien à l'échelon national (a) qu’européen (b)258. En somme, cette stratégie aurait pu prospérer sans accrocs en l’absence d’un acteur économique italien.

a. Les juridictions allemandes (2002-2006)

i. Les faits

En effet, le géant de l’agroalimentaire italien :

Ferrero GmbH (hereinafter simply ‘Ferrero’) had also registered similar marks (it had for some years, since 1982, in fact, distributed free collectible stickers with its Hanuta and Duplo chocolate wafers showing players in the German national football team, with a logo that combined a depiction of a football with a reference to the World Cup tournament, including the year it was held).259

Au lieu de tenter de trouver un accord amiable en dehors des tribunaux, solution qui nous aurait semblée idoine devant l’antériorité d’emploi de la marque de la Botte, l’ONG suisse, enhardie par son récent succès obtenu devant la cour d’appel d’Hambourg dans une espèce ayant attrait à l’usage sans licence de sa marque verbale ‘WM 2006 Germany’ déplaça le litige sur le versant juridictionnel.260

ii. Procédure devant le Deutsche Patent- und Markenamt

(DPMA), office allemand de brevets et des marques

La FIFA poursuivit le chocolatier, Ferrero qui usait des appellations “GERMANY 2006” et “WM 2006” sur certains de ses produits dans le cadre de ventes promotionnelles en distribuant notamment des autocollants portant l’effigie de joueurs aux consommateurs261, pour usage illicite de ses marques. À ceci, la marque italienne répliqua en demandant l’annulation des marques enregistrées par la firme footballistique ; requête

257 Dannemann Lundgren et Felipe, Event Marks: À Necessary Form of Protection Against Ambush

Marketing?, SSRN Scholarly Paper, ID 1742420, Rochester, NY, Social Science Research Network, 2010

aux pp 19‑20, en ligne : <https://papers.ssrn.com/abstract=1742420>. 258 Louw, supra note 1 à la p 315.

259 Ibid à la p 316. 260 Ibid.

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à laquelle accéda la juridiction par une décision du 18 octobre 2004262, entrainant l’appel de la FIFA devant le Bundespatentgericht (BPatG), le tribunal fédéral des brevets et marques.

iii. Procédure devant le Bundespatentgericht

Par deux décisions du 3 août 2005, ledit tribunal prononça l’annulation partielle des marques en question. D’une part, le tribunal abonda dans le sens du DPMA en raison de leur absence de distinctivité au regard des biens et services étroitement liés aux compétitions footballistiques et aux évènements ayant la forme d’un tournoi. Ladite marque de commerce s’étendait également au-delà des simples manifestations sportives en englobant notamment des chaussures de sport. D’autre part, pour ce qui a attrait aux biens et services plus éloignés du domaine sportif, la juridiction maintint l’enregistrement engendrant les pourvois des deux parties devant la Cour Suprême Fédérale allemande, le

Bundesgerichtshof – BGH.263

iv. Procédure devant le Bundesgerichtshof

Le 27 avril 2006, dans les derniers jours précédant le début de la compétition, la Cour s’intéressa aux deux marques dont elle régla le ressort à travers un raisonnement des plus téléologiques ; ouvrant le bal avec l’appellation « FUSSBALL WM 2006 ».

Lors de la première danse, la Cour s’empressa de prononcer la radiation de la dénomination en retenant qu’il ne s’agit que d’un terme identifiant le fait que l’édition 2006 de la coupe du monde de football se tient en Allemagne. Qu’ainsi le public, rompu aux usages de ce type de signe ferait le rapprochement avec la coupe Jules Rimet. Elle en conclut alors que ce message, en plus d’être descriptif, était dépourvu d’information sur l’origine commerciale d’un produit. Qu’au regard de ces faits, il ne remplissait pas les exigences posées par le § 8 (2) (1) et (2) du German Trademark Act264, sensiblement proche de celles de l’Union européenne posées par l’article 7 (b) et (c) du Règlement

262 Achtari, supra note 218 à la p 29.

263 Louw, supra note 1 à la p 316; D’avantage de précisions sont apportées par Achtari, supra note 218 à la p 28 et 29.

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européen de 2009265. Considérant l’argument de l’acquisition de la distinctivité par l’usage, la FIFA ne fut pas capable démontrer que sa marque avait acquis une telle qualité.

Dans un ultime mouvement de cette première danse, la Cour s’intéressa à l’argument en vertu duquel ce signe constituait un indicateur de la source du produit, comme la FIFA semblait pouvoir le desceller dans ses produits frappés du signe « FUSSBALL WM 2006 ». Les juges de Karlsruhe, apparemment très au fait de la jurisprudence communautaire266, estimèrent qu’en raison du fait que l’organisateur de l’évènement n’était pas responsable d’un quelconque contrôle sur la qualité des produits fabriqués, mais que cette tâche incombait aux licenciés sans que l’ONG suisse trouve à redire, l’exigence de distinctivité continuait à faire défaut. Depuis lors, cette appellation ne fait plus l’objet de protection par le droit des marques dans l’État fédéral.267

La seconde valse tourna pour sa part autour du signe « WM 2006 ». Procédant à un examen assez similaire, la Cour aboutit à la conclusion que le lien qu’établirait le public avec l’évènement se déroulant en Allemagne cette année n’était pas suffisamment puissant. C’est pourquoi elle n’ordonna qu’une annulation partielle de la marque eu égard aux produits et services trop proches de l’évènement, en renvoyant l’affaire au

Bundespatentgericht.268

Si nous nous sommes abstenus d’évoquer la proposition par la FIFA d’une protection de ces signes sous le joug du régime dérogatoire de la marque évènementielle, nous nous pencherons sur cette proposition dans le second point de ce (B). Pour l’heure, intéressons-nous au versant européen de la dispute.

b. Procédure devant l’Office de l'Union européenne de la propriété intellectuelle (OHMI) (2001-2011)

Pour cette seconde mi-temps de la rencontre opposant Ferrero à la FIFA, la rencontre sera arbitrée par un juge européen. Comme exposé précédemment, c’est en 2001 que l’ONG suisse plaça les mêmes marques sous la protection du droit communautaire. Cette fois-ci, c’est Ferrero qui introduisit un recours devant l’OHMI demandant l’invalidation des marques “WORLD CUP 2006”, “GERMANY 2006”, “WM

265 Règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire, 24 mars

2009, en ligne : <http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex%3A32009R0207>.

266 Leur raisonnement fait notamment référence aux arrêts " BMW ", " Arsenal " et " Gute Zeiten-Schlechte Zeiten " Lundgren et Felipe, supra note 254, n 55.

267 Achtari, supra note 218 à la p 31 et 32; Lundgren et Felipe, supra note 254 à la p 20 à 23. 268 Lundgren et Felipe, supra note 254 aux pp 23‑24; Achtari, supra note 218 aux pp 32‑33.

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2006”, “WORLD CUP GERMANY” et “WORLD CUP 2006 GERMANY”269 en raison

de leur manque de distinctivité combiné à une descriptivité certaine, eu égard à la tenue d’une cinquantaine de coupes du monde chaque année sur la planète.270 Néanmoins, par

plusieurs décisions du 28 octobre 2005, l’OHMI rejeta la demande en écartant les critiques portant sur la descriptivité et l’absence de caractère distinctif pour les marques ciblées271.

En 2008, la décision fut portée en appel devant la Première Chambre de recours de l’OHMI qui infirma la décision rendue en première instance.272 Cette dernière réfutant

la thèse avancée par la FIFA de l’acquisition de la distinctivité par l’usage de la marque “WORLD CUP 2006”, celle-ci se montrant inapte à démontrer la renommée de la marque sur toute l’étendue de l’Union comme cela avait pu être le cas lors du prononcé de la première décision.273

Suite à cela, l’entité footballistique introduit un recours devant le Tribunal de l’Union européenne (TUE) le 29 septembre 2008. Cependant, une radiation des affaires liées prononcée en février 2011 par le président de la 3e chambre nous pousse à croire que la décision d’appel ne sera pas rejugée.274

Tournons-nous à présent vers les différents apports de ces jurisprudences ; le rejet de la marque évènementielle et la preuve d’une certaine inadéquation du droit de marques à l’encontre des pratiques d’ambush marketing.

269 Lundgren et Felipe, supra note 254 à la p 29. 270 Achtari, supra note 218 à la p 34.

271 Louw, supra note 1 à la p 319.

272 In sum, the Cancellation Division took the view that the expression “WORLD CUP 2006”, taken as a

whole, was at the most suggestive, considering that this “combination did not form a grammatically correct expression, and at best evoked or suggested the celebration of a world championship in 2006” [...] On the question of distinctivity, the Cancellation Division also considered that the sign taken as a whole had distinctive character and, therefore, complied with the trademark functions [...] Following its understanding that the sign was not descriptive of the characteristics of the goods and services for which it was registered, the Cancellation Division also rejected the argument that the term should be “kept free” for general public use and for all other organizers of world championships. Lundgren et Felipe, supra note 254.

273 Ibid à la p 31 à 33.

274 Louw, supra note 1 aux pp 319‑320; FIFA / OHMI - Ferrero (WORLD CUP GERMANY), Tribunal de

première instance des Communautés européennes, 3e chambre, en ligne :

<http://curia.europa.eu/juris/fiche.jsf?id=T%3B447%3B8%3BPI%3B1%3BP%3B1%3BT2008%2F0447 %2FZ&pro=&lgrec=fr&nat=or&oqp=&dates=&lg=&language=fr&jur=C%2CT%2CF&cit=none%252C C%252CCJ%252CR%252C2008E%252C%252C%252C%252C%252C%252C%252C%252C%252C%2 52Ctrue%252Cfalse%252Cfalse&num=T-

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