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Le modèle mixte brésilien : entre monopole d’exploitation et loi ad hoc

CHAPITRE 2 APPARITION L’AMBUSH MARKETING, RECHERCHE DE

A. Le modèle mixte brésilien : entre monopole d’exploitation et loi ad hoc

Au Brésil, le choix du monopole d’exploitation s’est produit avant la France (1), et ce si bien qu’à l’occasion de ses premières réceptions d’évènement, cet État a jugé opportun de lui adjoindre quelques lois spéciales (2).

1. Le choix initial du monopole

Sur le sol de l’ordem e pogresso, un semblant de monopole d’exploitation se trouve consacré par le législateur dans le cadre d’une loi du 14 décembre 1973381qui

introduit un droit voisin de droits d’auteur baptisé droit du stade. L’exercice de dernier n’est pas attribué à l’athlète, mais à « l’organisation dont [il] fait partie »382. Plus

précisément, il s’agit d’un droit « d’autoriser ou d’interdire la fixation, la transmission ou la retransmission, par n’importe quels moyens ou procédés, d’une manifestation sportive

379 Acronyme anglais désignant les cinq principales économies émergentes du monde. L’appellation BRIC, apparue en 2001 en référence à quatre pays (Brésil, Russie, Inde, Chine), s’est transformée en BRICS en 2011 (intégration de l’Afrique du Sud). « Encyclopédie Larousse en ligne - BRICS Brazil Russia India

China South Africa » par Éditions Larousse, en ligne :

<http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/BRICS/187432>.

Marcos Degaut, Do the BRICS still matter?, Washington DC, Center for strategic and International Studies, 2015.

381 Lei no 5.988 de 14 de Dezembro de 1973.

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publique avec entrée payante. »383 De plus, l’article 101 « permet[tant] des fixations dont la durée n’excède par trois minutes, aux fins d’information exclusivement, dans la presse, au cinéma ou à la télévision »384 démontre l’inclusion ab initio d’un système d’exceptions. Tous ces éléments nous permettent de conclure à l’existence d’un monopole d’exploitation antérieur à son pendant français.

Sa présence au sein du corpus législatif auriverde nous frappe d’autant plus que cet État, en raison de son industrialisation tardive, ne s’est intéressé à la propriété intellectuelle qu’à partir du dernier tiers du XXe siècle385 comme l’indique l’adoption

d’une loi sur propriété industrielle qu’en 1996386. Il demeure ainsi assez frappant de

remarquer qu’en raison de sa ratification du Traité de Nairobi en août 1984387, ce pays

protégeait le symbole olympique avant même de disposer d’un régime général ayant attrait aux droits intellectuels.

En 1998, dans le cadre de la lei Pelé388, le droit du stade mue afin de changer de propriétaire afin d’élire domicile sous la dénomination de droit d’arène. L’article 42 du texte susvisé le définit comme le droit « qui appartient aux sociétés sportives, consist[ant] en une prérogative exclusive de négocier, autoriser ou interdire la réception, la fixation […] par quelque moyens ou processus que ce soit, les spectacles (salons) sportifs auxquels elles participent. »389 La doctrine semble le considérer comme un droit de la personnalité a priori accordé au sportif, mais bénéficiant surtout aux personnes morales.390 Elle pointe également la section 87 du texte qui protège les noms, symboles et signes des organisations sportives sans que ces dernières aient à procéder à un quelconque enregistrement391 ; notamment les symboles olympiques392.

383 Ibid.

384 Ibid.

385 OMPI, « Brésil: Lois et traités de propriété intellectuelle », en ligne : Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle <http://www.wipo.int/wipolex/fr/profile.jsp?code=BR>.

386 Lei da Propriedade Industrial n.° 9.279 de 14 de Maio de 1996. 387 Kobel, supra note 28 à la p 14.

388 Lei Pelé - Lei 9615/98 | Lei no 9.615, de 24 de Março de 1998.

389 Stéphane Pessina Dassonville, « Le droit d’arène et autres avatars de la société du divertissement - Droit d’exploitation des organisateurs de manifestations ou compétitions sportives et propriété intellectuelle » dans Football et droit, coll Collection Colloques & essais, Clermont-Ferrand, Fondation Varenne, 2012, 171‑183 à la p 171.

390 Ibid aux pp 174‑175; Kobel, supra note 28 à la p 20. 391 Kobel, supra note 28 à la p 20.

392 The general sports Act, known as the Pelé Act.124 These provisions secures the Brazilian Olympic Committee (BOC) and the Brazilian Paralympic Committee (BPC) the exclusive use of registered trademarks and the right to use flags, slogans, anthems and Olympic and Paralympic symbols, as well as the expressions ‘Olympic Games,’ ‘Olympics,’ ‘Paralympic Games’ and ‘Paralympics.’, Louw, supra note 1 à la p 192.

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Pour ce qui a attrait à la protection des évènements majeurs par le droit brésilien, la doctrine se divise. Si un pan semble parfaitement convaincu de l’étanchéité du droit commun393, l’autre milite pour l’introduction de lois spéciales afin de combler les fuites dont souffre la législation étudiée. Elle retient notamment des raisons culturelles reposant sur une certaine tolérance des institutions cariocas à l’égard des pratiques d’ambush qu’elle impute à la fragmentation de l’organe dirigeant le sport roi ; le Brésil connaissant contrairement à l’Europe, une multiplicité de fédérations394.

Toutefois, si l’on mentionnera l’existence d’une autorité administrative la CONAR395 ayant établi un Code d’autorégulation. Personne ne s’étonnera qu’en raison de son absence de force obligatoire, il ne put être considéré par le CIO ou la FIFA comme mesure à même de protéger leurs évènements à venir. Des entités sœurs existent également dans d’autres BRICS, mais leur rôle est souvent vu comme marginal en raison de leur inaptitude à prendre des sanctions aussi sévères que celle que la loi prévoit396. C’est pourquoi, en raison d’un monopole a priori insuffisant, le pays fut invité à se pourvoir de lois spéciales.

2. L’orientation vers des lois spéciales abusives

Le 1er octobre 2009 quelques heures avant l’annonce de l’attribution des Jeux

Olympiques de 2016, le parlement brésilien vendit la mèche en adoptant un Olympic

Act.397 Si nous ne détaillions pas outre mesure son contenu, tant il peut paraître relativement aisé à ce stade de notre étude d’en deviner le contenu, nous considèrerions toutefois les articles 6 à 8. Il semble que ce tiercé crée une sorte de droit d’association similaire à ce que nous avons évoqué à propos du dispositif londonien. En effet, on retrouve l’existence de « specific provisions » (article 6), un encadrement des modalités

393 Brazilian legislation not only secures exclusivity over trademarks and symbols related to sports events, but also provides several tools to assure the compliance with this right, since the infringement of intellectual property is punished within the civil and criminal code. Ibid.

394 Kobel, supra note 28 aux pp 53‑54.

395 Código Brasileiro de Autorregulamentação Publicitária Louw, supra note 1 à la p 193.

396 Industry watchdogs such as the ASASA and its counterparts in other countries [...] are sometimes viewed as mostly toothless bodies, due mainly to the lack of the level of meaningful sanctions that the law provides. Their role in respect of combating ambush marketing (especially in the light of the other possible measures that are available to sponsors, sports governing bodies and commercial partners) might be a marginal one.

Ibid à la p 123.

397 Gabriel do Valle, « 2014 FIFA World Cup and 2016 Olympics in Brazil - a Real Blessing for the Brazilian People? » [2012] 1‑2 The International Sports Law Journal 89 à la p 5.

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d’usage des symboles ainsi qu’une interdiction « [d’] undue association » avec le Mouvement Olympique, jouant même à l’égard des usages non commerciaux.398

Si nous déplorons de nouveau le recours à ce type de législations irréfléchies399, nous nous étonnons de l’appréciation de certains observateurs l’estimant insuffisante, car uniquement à même de lutter contre les cas d’ambush primaire, à l’image du droit des marques.400 Leur sentiment semble avoir fait des émules au sein de la FIFA, prochain hôte du Brésil qui va alors se lancer dans un lobbying important afin de voir le dispositif

auriverde se densifier. En 2012, un an avant la tenue de la répétition de la coupe du

monde, la General Cup Law est promulguée le 5 juin.

Cette dernière s’avère extrêmement dérogatoire au droit commun instituant notamment une procédure particulière au sein de l’INPI à l’égard de l’enregistrement de signes considérés comme « symboles officiels » détenus par la FIFA. Cette s’arroge également le pouvoir de décision de l’INPI sur le fait de protéger ou non un signe401. Sommairement, on pourra l’assimilée au contrat à caractère léonin de ville-hôte si cher au CIO, dans la mesure où elle dédouane l’organisateur de tous risques transférés sur la tête du gouvernement fédéral, tout en édifiant une véritable cour législative dédiée à la satisfaction de ses intérêts402.

En définitive, la mise en place d’un tel dispositif, semblant participer d’une gradation dans le domaine des abus de droit de la part des organisateurs d’évènements sportifs s’étant accélérée depuis Londres. En second lieu, le désir grandissant des ONG légiférant en la matière d’être reçues par des États aussi conciliants, car prêts à tout pour se servir d’un évènement majeur comme vitrine, que les BRICS ces dernières années constitue selon nous une célérité qu’il convient de freiner. Ces considérations seront abordées dans le dernier chapitre de cette étude. Pour l’heure, observons l’accueil proposé à la FIFA par un autre BRICS, la Nation-arc-en-ciel.

398 Louw, supra note 1 aux pp 193‑194.

399 Pour un regard éclairé sur la réflexion que devrait mener un gouvernement avant de produire une législation spéciale, voir: Louise Longdin, « Public law solutions to private law problems: major event regulation subverts IP’s internal balance » (2009) 4:10 Journal of Intellectual Property Law & Practice 726 ‑742 à la p 728, DOI :10.1093/jiplp/jpp126.

400 Voir les propos de Bacalao-Fleury et Mendes rapportés par Louw, supra note 1 aux pp 194‑195. 401 Valle, supra note 393 à la p 6.

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