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Le recueil des discours, des explications et des informations permettant d’analyser les dimensions techniques, socio-institutionnelles et territoriales de nos cas d’étude s’effectue à travers une série d’entretiens semi-directifs des acteurs directs et indirects de la production de chaque projet étudié.

Les acteurs interrogés :

Le choix des acteurs ne se fait pas de manière statistique, nous ne recherchons pas ici la représentativité, mais les acteurs susceptibles de pertinemment répondre aux questionnements posés et d’apporter de nouvelles informations sur le projet et son processus de fabrication : « est [alors] acteur celui qui participe au champ d’action considéré et dans la mesure où son comportement a une influence sur ce champ d’action » (Arab, 2004, p. 97).

En amont, une enquête exploratoire composée d’une première série d’entretiens d’interlocuteurs dits « experts » (8) interrogés de manière plus large sur les tours et leurs enjeux à Paris, sur les questions techniques, les contraintes, etc. a été menée. Elle a permis de préciser le sujet, de contribuer à l’édification de la grille de lecture et de sélectionner les bons acteurs à rencontrer pour les cas à approfondir.

Les premiers acteurs interrogés sont ainsi sélectionnés d’après une recherche documentaire opérationnelle et d’après les entretiens de l’enquête exploratoire. Les acteurs suivants sont choisis et approchés au fur et à mesure de l’enquête à travers les informations et les contacts recueillis lors des entretiens semi-directifs précédents. Le critère définissant le nombre d’acteurs à rencontrer pour un terrain donné est celui de la redondance des informations recueillies1 : lorsque certains propos sur un

thème particulier viennent à se répéter, il est alors à considérer que les entretiens à ce sujet peuvent prendre fin.

Les acteurs interrogés sont désignés parmi les institutions, entreprises, collectivités locales, associations, etc. prenant part, à un moment donné du projet, à sa production. A aussi été utilisée la typologie des acteurs de la production des projets urbains de (Linossier & Verhage, 2009) qui propose de tenir compte des collectivités locales et autres organismes publics, des propriétaires initiaux, des aménageurs, promoteurs, investisseurs et usagers finaux.

Comme annoncé plus haut, « les notions de rôle et d’acteur sont complémentaires mais distinctes, car la manière dont les rôles sont répartis entre les différents acteurs est un élément central des choix de montage institutionnel et économique des projets urbains » (Linossier & Verhage, 2009, p. 146) . Nous considérons alors les acteurs par le rôle qu’ils peuvent jouer dans la production de chacune des tours étudiée, ainsi, en croisant les propositions de Chambert (dans Linossier & Verhage, 2009)2 pour les

projets urbains, celles de Arab (2004) qui considère que se borner à l’analyse de la production urbaine par les acteurs MOA et MOE est « inopérante pour rendre compte de la variété des configurations d’acteurs observés ou pour rendre intelligibles les logiques d’actions des acteurs de la conception et de la production des espaces et des ouvrages » (p.85)3, ainsi que celles et de Nappi-Choulet (2009) pour

l’immobilier d’entreprise, nous proposons la liste suivante:

1 Il s’agit de la methode Snowball utilisée par (Boyko & Cooper, 2011, p.4 ; Kebir, 2004, p.66).

2 Chambert A., 1988, The dynamics of urban development : building, housing and planning in the Stockholm

region 1950-1980, paper presented at the seminar development », University of Utrecht (NL), 25 october 1988.

3 Nous considérons que cette réflexion axée sur l’analyse des projet urbain peut tout aussi bien s’appliquer à celle

- les propriétaires foncier et immobilier, - les initiateurs du projet,

- les dessinateurs (architectes, urbanistes et bureaux d’études techniques), - les aménageurs (équipement des terrains),

- les producteurs (construction et promotion immobilière), - les financeurs (banquiers et financiers),

liste à laquelle nous ajoutons,

- les décideurs (politiques élus),

- les exploitants et gestionnaires (une fois le projet réalisé).

C’est selon ces rôles dans le projet que nous sélectionnons les acteurs pertinents de la production des tour, en considérant aussi que certains peuvent jouer plusieurs de ces rôles en même temps et qu’un rôle peut être tenu par plusieurs acteurs différents1.

Finalement, l’enquête qualitative s’est déroulée entre mai 2012 et décembre 2013 auprès des acteurs de la production de nos trois terrains d’étude. En tout, ce sont un total de 37 entretiens approfondis menés avec 28 acteurs différents. En plus des 8 acteurs dits « experts » interrogés lors de l’enquête exploratoire, 6 personnes ont été rencontrées pour parler du CNIT, 8 pour la tour Phare, 7 pour la tour Triangle, et enfin 7 pour les tours Duo (certains acteurs ayant été rencontrés plusieurs fois pour un même projet ou pour des projets différents).

L’enquête s’est déroulée sans grandes difficultés, bien que certains acteurs aient refusés de me rencontrer en raison du caractère polémique et politique des projets qui étaient en train de se développer. En effet, certaines questions se révélaient difficiles à aborder tant qu’elles n’étaient pas rendues publiques, dans le processus de concertation par exemple, ou bien dans les stratégies de communication des pouvoirs publics et de certaines entreprises privées. Il y avait aussi certaines informations que l’on sentait, par nature, sensibles car ayant rapport à des mécanismes décisionnels, financiers ou de négociation entre différents acteurs pas toujours transparents ni rendus publics. Les projets de tours, à Paris en particulier, sont parfois très controversés et génèrent des enjeux politiques et économiques colossaux qui font exercer une réelle tension sur les techniciens et les politiques. Ils génèrent un réel intérêt médiatique motivant des journalistes prêts à obtenir les informations les plus inédites et créent parfois un climat de suspicion pour certains acteurs de la production y compris face au chercheur venant poser des questions parfois sensibles. Mais, de manière générale, les acteurs semblaient intéressés par la problématique de la recherche et plutôt satisfaits de pouvoir me donner les informations demandées.

Les entretiens semi-directifs

Les entretiens ont été menés de manière semi-directive basée sur une grille d’entretien et ont duré en moyenne entre 60 et 120 minutes. Celle-ci a été établie à partir du cadre théorique développé dans le

Chapitre 4 et le Chapitre 5. Les entretiens ont tous portés sur les caractéristiques et le processus de fabrication de l’objet étudié, toujours à travers les thèmes analytiques principaux de :

- La mixité des fonctions et des usages,

- L’ouverture et le degré de publicité du bâtiment,

- L’ancrage et l’insertion dans son environnement immédiat.

dans la Partie 1) qui leurs sont liés. Nous décidons ainsi d’utiliser les outils analytiques du champ urbain pour comprendre les caractéristiques de la production des tours en Ile-de-France.

1 Voir à ce propos les remarques de Arab (2004) sur la « remise en cause de la césure habituelle entre

Ils laissaient aussi une place à des questionnements plus généraux concernant le rapport à la grande hauteur des acteurs interrogés en tant que professionnels de leurs domaines respectifs.

La grille de lecture et le questionnaire type par acteur initialement, issus de la réflexion théorique, ont ensuite évolués et se sont précisés au cours de l’enquête et des différents entretiens. C’est le discours des acteurs sur ces trois thématiques qui a été relevé et leurs réponses permettant de remplir les grilles d’analyses technique, socio-institutionnelles, et territoriale présentées plus avant (p. 123) et ci-dessous .

3.3. L’analyse territoriale

L’analyse territoriale de chacun des trois projets de tour permet de mettre à jour les enjeux urbains, politiques, socio-économiques et financiers qui sont liés à chacun des projets. Ceux-ci expliquent parfois certains mécanismes du projet, que ce soit dans le système d’acteurs, dans le montage de projet ou dans les tensions et implications qui lui sont liés. Dans l’analyse des phases amont des projets architecturaux, Prost (2003, p. 33) liste les contextes dans lequel le projet architectural s’inscrit, à savoir l’ancrage socio-économique d’une part et les « articulations du projet avec la situation urbaine dans laquelle il s’implantera » (p.33) d’autre part.

Ainsi, dans cette analyse territoriale, nous étudions le contexte urbain de la tour, à la fois immédiat et à l’échelle du quartier. Nous abordons aussi la notion de prise en compte de ce contexte lors des différentes phases de la fabrique des projets concernés. L’analyse territoriale se poursuit par l’examen des contextes socio-économique et financier à l’échelle du quartier d’une part, et de la ville d’autre part. Ces contextes économique et financier se déclinent aussi par l’approfondissement de la place occupée par le quartier concerné dans le contexte du marché immobilier tertiaire francilien. Cet examen permet finalement de caractériser les impacts des contextes socio-économique et financier sur les dimensions techniques et socio-institutionnelles de la forme du projet et de sa production.

Le contexte politique est lui aussi abordé à une échelle locale, puis à celle de la ville en tant que décrypteur des enjeux et de la complexité des jeux d’acteurs aux objectifs parfois si antagonistes. Enfin, l’ancrage territorial du projet est discuté. Il s’agit là de comprendre et de caractériser les différentes échelles mises en jeu dans le projet, mais aussi les questions d’ancrage et de mobilité de l’objet lui-même et de son système d’acteurs (degré de proximité et d’implantation des acteurs et de leurs activités sur le territoire du projet). L’ancrage du système productif du projet est également croisé au degré de publicité des acteurs de la production dans un schéma à deux dimensions nous permettant de distinguer les groupes d’acteurs selon les axes public-privé, ancré-déterritorialisé.

Synthèse du Chapitre 6 – Partie empirique : Analyse du cas

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