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Le financement direct de la tour Phare est intégralement privé : c’est la foncière Unibail-Rodamco qui investit, développe, construit puis gère son bâtiment. Unibail finance le projet en blanc à la fois sur ses fonds propres et par levée de fonds en dettes auprès des banques.

Par ailleurs, il est intéressant de préciser que la gestion des fonds au sein d’Unibail se fait de manière globale : il n’y a pas de levée de fond particulière pour le projet Phare. C’est le service financier du groupe qui gère l’ensemble du portefeuille, le diversifie, le répartit dans les différents projets et investissements engagés. Cette gestion des fonds laisse penser que le projet et son déroulement restent relativement peu impactés par les volontés des investisseurs (la partie actionnaires) ; potentiellement moins que si ces derniers étaient personnellement et concrètement impliqués dans le développement du projet. La double casquette d’Unibail-Rodamco, société foncière cotée, à la fois investisseur et promoteur permet finalement de relativiser l’impact des fonds d’investissements court-termistes sur le projet. Car, en effet, contrairement à un promoteur classique, Unibail investit sur du moyen, voire du long terme en restant propriétaire et gestionnaire des sites qu’il développe jusqu’à leur maturité. L’aménageur participe de manière périphérique au financement en réalisant les espaces publics au pied de la tour qui seront ensuite rétrocédés au gestionnaire Defacto. La passerelle Carpeaux devant être démolie pour les travaux, elle devra être reconstruite par le promoteur dans son intégralité. Sa rétrocession posait par ailleurs, au moment de la réalisation de notre enquête, de sérieuses problématiques : sera-t-elle rétrocédée à Defacto ou à la Ville de Puteaux (celle-ci étant à cheval entre les deux territoires) ? Qui devrai finalement l’exploiter et la maintenir dans la durée ? Il semble qu’elle cristallise de nombreuses oppositions sur la tour et qu’elle freine en particulier son avancement. Une des particularités du financement de l’opération Phare tient par ailleurs dans la considérable négociation financière entre la foncière Unibail et l’aménageur concernant les droits à construire du projet : cela a mené à la signature d’un second protocole d’accord entre les deux parties après l’obtention du permis de construire. On l’a vu, l’Epadesa afin de voir l’opération Phare se réaliser a fait un important effort financier en revoyant à la baisse de manière considérable le prix des charges foncières lors du second accord technico-foncier signé avec Unibail-Rodamco en 2010. Signé en 2008, avant la crise financière, le premier protocole d’accord ne correspond alors plus au contexte économique immobilier dévalué de La Défense de 2010 ; la location des surfaces de bureaux est devenue moins aisée et moins chère au mètre carré. En deux ans, le projet Phare a aussi évolué et coûte plus cher qu’initialement prévu. Enfin, le contexte réglementaire a été modifié par la nouvelle loi ITGH qui fait subir un surcoût dans l’amélioration de la sécurité des immeubles de plus de 200 mètres de haut. Après rudes négociations, le coût du foncier est alors considérablement revu à la baisse par l’aménageur afin de permettre au promoteur de conserver une rentabilité acceptable aux vues des risques qu’il prend en développant un immeuble en blanc sur la première place financière française2.

1 Chaque projet aura été analysé par le jury (le comité technique) selon les critères de qualité de composition

architecturale et d’insertion dans le site, de faisabilité structurelle, technique et réglementaire, ainsi que de l’analyse au regard du marché.

2 D’autant plus qu’un potentiel intéressement sur les revenus locatifs est à la clé pour l’aménageur dans le cas où

4.5. Le système d’acteurs

Au vu des rôles et objectifs de chacun des acteurs présentés et analysés plus haut, nous proposons ici un schéma représentant les relations entre les acteurs et les groupes d’acteurs de la production des tours Duo. Nous caractérisons les relations de cinq manières différentes :

- La coopération relie, selon nous, deux acteurs ou deux groupes d’acteurs lorsque ceux-ci opèrent dans un même sens pour des objectifs soit communs soit dont les moyens sont communs. Ainsi l’Epadesa et les investisseurs-promoteurs Unibail-Rodamco ont pour objectif la réalisation du projet Phare : ils travaillent dans le même sens bien que leurs objectifs propres soient différents afin de mener à son terme l’opération. Ils sont donc dans une double relation de coopération et de négociation chacun attendant des résultats différents de la construction de la tour. Le Ville de Puteaux a aussi des intérêts à ce que la tour se construise, elle coopère ainsi avec l’Epadesa dans le travail règlementaire amont et sur la délivrance du permis de construire.

- La négociation intervient entre deux acteurs lorsqu’aucun des deux n’a d’ascendance sur l’autre et que les décisions doivent être prises dans un consensus entre les objectifs de l’un et de l’autre. C’est typiquement le cas de la relation entre l’aménageur public (Epadesa) et la maitrise d’ouvrage privée (Unibail-Rodamco) : les décisions prises, le prix des droits à construire et de le résultat architectural et urbain dépendra clairement des consensus issus de cette négociation. Les communes de Puteaux et de Courbevoie ont aussi leurs intérêts propres à défendre, en particulier Courbevoie dont la tour impacte un de ses quartiers d’habitation. Entre enjeux politiques et enjeux urbains, les négociations entre l’aménageur et les élus des communes concernent directement le projet et ses caractéristiques.

- Il peut y avoir relation de dépendance entre deux acteurs lorsque l’activité de l’un dépend des décisions de l’autre (relation employeur-client, élus-électeur, relation hiérarchique, financeur- financé). Ainsi, Unibail-Rodamco est dépendant de ses actionnaires qui investissent dans l’entreprise immobilière. Les architectes, bureau d’études techniques, architectes techniques, entreprises, etc. sont dépendants de leur client commun Unibail-Rodamco. L’Epadesa dépend de l’Etat, de la Région, du département, des communes de Nanterre, la Garennes-Colombes, Puteaux et Courbevoie, comme le cabinet d’architectes Morphosis dépend de l’Epadesa, la municipalité et ses services techniques sont dépendants de leurs élus, eux-mêmes dépendants du vote de leurs électeurs respectifs.

- Les relations entre acteurs peuvent aussi être de type consultatif lorsque, selon nous, l’acteur de la décision et de l’action prend en compte ou demande les avis d’autres acteurs périphériques. C’est le cas des riverains et des habitants de Puteaux et de Courbevoie et au sens large des usagers de La Défense qui sont consultés par la municipalité de Puteaux lors de la concertation pour la révision simplifiée du POS de Puteaux, puis du permis de construire. - Enfin, il peut y avoir une relation d’opposition lorsque les objectifs de deux acteurs sont

contradictoires. C’est le cas des associations de riverains et de personnes anti-tour qui se sont regroupés afin de s’opposer au projet : elles opèrent sous forme de blocage du projet via des manifestations ou pétitions, elles peuvent prendre la parole lors des enquêtes publique organisées par la Ville de Puteaux. Elles ont posées plusieurs recours sur le permis de construire et ont fait appel lorsque leur recours a été débouté par le tribunal administratif : dans ce cas, elles s’opposent au projet d’Unibail-Rodamco lui-même.

Figure 35 : Interrelations et système d’acteurs de la production du projet Phare (crédit : auteur)

4.6. Le processus de production : une initiative privée pour un projet privé

soutenu par le public

En recensant les évènements de la fabrication de la tour, des origines jusqu’à aujourd’hui, et en séparant les temps du privé (Unibail-Rodamco) et du public (Epadesa, Puteaux, Courbevoie et grand public), nous représentons sur un axe horizontal la chronologie du processus de production de la tour Phare (Figure 36). Celle-ci nous permet de distinguer différentes phases de la production qu’elles

soient purement privées, publiques ou parfois mixtes. Elle permet aussi de comprendre les liens de causes et effets entre ces différentes phases, qu’elles soient publiques ou privées ainsi que de

mettre à jour les périodes de négociations qui se sont conclues sur des accords contractuels entre le privé et le public.

Bien que le projet soit d’origine privée, la coopération public-privé entre en jeu dès les premières phases du projet. D’une part lors de l’accord préalable entre Unibail et l’Epad dans le courant de l’année 2005 : durant cette année le promoteur émet la volonté de développer le terrain de la Porte Nord, pendant que quasiment au même moment l’Epad prend conscience que son territoire est en mauvaise posture pour les années à venir si rien n’est employé pour faire évoluer la situation. C’est en 2006 que l’Epad choisit officiellement Unibail pour développer le terrain de la Porte Nord, peu avant d’annoncer le lancement du Plan Renouveau. D’autre part, le concours international d’architectes lancé par Unibail en juin 2006 se fait en partenariat avec l’Epad qui participe à l’élaboration du cahier des charges ainsi qu’au jury de sélection : ceux-ci choisiront alors, le 26 novembre 2006, ensemble le cabinet Morphosis avec son projet Phare pour développer la Porte Nord de La Défense (Figure 36). La phase purement publique de préparation réglementaire se mène ensuite en parallèle de la phase privée de conception du projet. La préparation réglementaire se joue en particulier au niveau de la municipalité de Puteaux, commune sur laquelle la tour Phare doit être construite. Elle passe par une décision de modification du POS par le conseil municipal le 6 octobre 2007 et une approbation de la révision simplifiée après enquête publique le 13 décembre 2008 ; cette modification permet de

construire jusqu’à 300 mètres de haut sur la parcelle de l’opération Phare. Pour ce faire, la Ville de Puteaux a dû mener une première enquête publique au cours du mois de juillet 2008 : durant cette phase, la municipalité et le commissaire enquêteur ont concerté les avis des riverains de Puteaux, de Courbevoie, mais aussi de tout usager pouvant s’intéresser à ce projet. C’est aussi au niveau départemental que l’agrément bureaux est délivré : le Préfet accorde ainsi le 27 novembre 2007 à Unibail-Rodamco l’autorisation de construire de nouvelles surfaces de bureaux (arrêté 2007-2011) sur le territoire de La Défense. Pendant ce temps, la conception de la tour Phare est menée en interne par Unibail-Rodamco ; phase de faisabilité et APS qui permettent de proposer un protocole d’accord à l’Epadesa. La phase d’étude d’impact environnemental (EIE) et de Permis de construire est lancée une fois l’approbation de révision simplifiée du POS obtenue. Le projet en phase EIE et PC est déposé par Unibail-Rodamco pour une demande de permis de construire le 8 mars 2010 (Figure 36).

C’est ici que la phase de procédure de permis de construire prend le relais côté acteurs publics. Elle commence à la date du dépôt et n’est pas à ce jour terminée. Le permis déposé, Unibail obtient l’autorisation du Préfet des Hauts-de-Seine de construire un IGH le 18 juin 2010. En même temps, une

seconde enquête publique préalable à la délivrance du PC est menée par la mairie de Puteaux aux

mois de mai et juin 2010 (batiactu, 2010), elle sera sanctionnée par un rapport favorable du commissaire enquêteur. Le permis de construire est donc accordé par le Maire de Puteaux pour le compte de l’Etat à la société Unibail-Rodamco le 6 août 2010. Cette procédure aurait dû se terminer à cette date, mais des recours sont déposés en octobre 2010 par des élus de Courbevoie, associations de riverains, et propriétaires de l’immeuble Triangle de l’Arche pour l’annulation de l’autorisation de construire (batiactu, 2011; Dubois, 2010). Ces recours génèrent une procédure judiciaire de près de un an au tribunal administratif (Figure 36).

Les actions d’oppositions se poursuivent le 18 octobre 2011 avec la rupture des négociations entre le Maire de Courbevoie face à Unibail-Rodamco concernant la passerelle Carpeaux : celui-ci refusant de signer le permis de démolir permettant de lancer le chantier de la tour Phare (Le Parisien, 2011). Bien que le 11 mai 2012, les recours sur le permis de construire sont rejetés par le tribunal administratif de Pontoise, les opposants décident de faire appel et prolongent ainsi encore d’un nombre indéterminé d’années la procédure de permis de construire et d’autant le lancement des travaux. Alors que la livraison était initialement prévue pour 2012, aujourd’hui l’issue du projet est incertaine et personne ne sait dire si Unibail-Rodamco saura tenir les risques et les investissements avec un tel retard dans les procédures.

Finalement, les principaux évènements communs entre les acteurs publics et privés de la production de la tour s’effectuent entre le promoteur et l’aménageur et de manière générale sous forme de

négociations entre les deux partis : elles aboutissent à des accords contractuels. Au cœur des phases

de préparation réglementaire et de conception du projet, un premier protocole d’accord est signé entre Unibail-Rodamco et l’Epad en 2008. Celui-ci se base sur le projet en phase APS développé par le promoteur et clos une longue phase de négociations sur les conditions technico-foncières de l’opération. C’est lors de cet accord que les conditions juridiques et le prix des droits à construire sont contractualisés entre l’aménageur-propriétaire et le promoteur.

Peu après l’obtention du permis de construire, c’est un second accord technico-foncier entre e promoteur et l’aménageur qui est signé. Le 10 décembre 2010, soit près de deux ans après la signature du premier protocole, c’est essentiellement le prix des droits à construire qui est revu à la baisse. Il s’agit là d’une des principales et spectaculaires négociations financières entre le développeur et l’aménageur pour l’opération Phare. La promesse de vente des droits à construire est finalement signée le 15 juin 2011 (Les Echos, 2011) sur ces bases financières et le promoteur attend les délibérations concernant les appels sur les recours du permis de construire pour décider de poursuivre ou non la production de la tour Phare.

Figure 36 : Chronologie du processus de fabrication du projet Phare : temps du public et temps du privé (crédit : auteur)

4.7. Les évolutions des aménités de la tour Phare

Les négociations et évolutions du projet Phare depuis le concours d’architectes jusqu’à l’obtention du permis de construire ont majoritairement porté sur les conditions financières de l’opération (voir p. 162 et 168). L’objet lui-même n’a ainsi relativement pas connu d’évolutions majeures en termes de programmation et d’aménités proposées au public. Le commerce en pied de tour était une requête de l’Epad signifiée dans le cahier des prescriptions du concours d’architectes. Le restaurant panoramique et gastronomique est issu une volonté du promoteur.

La programmation, tout comme l’architecture de la tour Phare, ont ainsi peu, voire pas, évoluées pendant les différentes phases de conception. Peut-on expliquer cela par le fait que le projet Phare ait été choisi sur concours en partenariat entre le privé et le public ? En prenant part à la sélection du projet, les acteurs publics ont pu donner une forme de caution et de crédit au promoteur pour la poursuite du projet. Il est possible aussi de penser que le fait que le projet n’inclue pas de phase de concertation informelle des riverains et publics concernés pendant la phase de conception1, joue un

rôle sur la stabilité des caractéristiques architecturales du projet depuis ses origines.

Les évolutions toutefois notables concernent la publicité de la tour. Présentée initialement par l’architecte lors du concours comme une tour disposant d’espaces publics en hauteur accessibles depuis le pavillon et comme potentiels lieux de rencontre, la tour semble s’être relativement fermée du public au cours de sa conception. Pour des raisons techniques et de gestion, le promoteur n’envisage aujourd’hui plus de laisser accessible au public le hall monumental au neuvième étage et sensé prolonger l’espace public à l’intérieur de la tour via le pavillon.

5. Analyse territoriale

5.1. Contexte urbain

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