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Séquences Antioxidant Response Element « ARE » et gènes cibles de NRF2

PARTIE 3 : La voie de signalisation NRF2-KEAP1

3. Séquences Antioxidant Response Element « ARE » et gènes cibles de NRF2

3.1. Les séquences Antioxydant Response Element

En 1991, des séquences ARE ont été identifiées suite à des analyses, chez le rat, de promoteurs de gènes codants deux enzymes de détoxication de phase II que sont Gst2a (sous-unité 2a de la glutathion-s-transférase) et Nqo1 (nadph-quinone oxydoréductase 1) 430. Ces séquences nucléotidiques spécifiques et situées au niveau des promoteurs des gènes cibles de NRF2 sont décrites comme tel : 5'-TGA(C/T)nnnGCA-3' (‘n’ indique n’importe quelle base) 430,431. De manière intéressante, la région promotrice de NRF2 possède des AREs, permettant sa propre transcription 432.

Les AREs ont des similitudes avec d’autres séquences d’ADN telles que les TRE [TPA (12-O-tetradecanoylphorbol 13-acetate) Response Element] ciblées par le facteur de transcription AP-1, ou les MARE (Maf Recognition Element) reconnues par les protéines MAFs. En raison de ces homologies séquentielles, les AREs peuvent être ciblées par plusieurs hétérodimères, ce qui conduit à l’activation ou l’inhibition de la transcription de ces gènes. Par exemple, des hétérodimères NRF2/facteur bZIP ont été décrits comme activateurs transcriptionnels. Ce facteur bZIP peut correspondre à une protéine JUN (c-JUN, JUN-D et JUN-B) 433, ATF-4 434 ou une protéine MAF (MAFG, MAFF ou MAFK). L’affinité de fixation de la molécule NRF2 sur ses séquences cibles dépend du facteur bZIP auquel elle est associée 435. En absence de stress oxydatif, la fixation au niveau des séquences ARE d’homodimères de MAFs ou d’hétérodimères MAF/autre protéine, telle que BACH1, inhibe la transcription de ces gènes cibles anti-oxydants et régule l’activation de NRF2 435.

3.2. Gènes cibles de NRF2

Les gènes régulés par NRF2 possèdent tous des séquences ARE au niveau de leurs promoteurs. Ils ont tout d’abord été mis en évidence en utilisant des modèles de souris déficientes pour le gène codant Nrf2, puis par études de microarrays. Ainsi, plusieurs catégories de gènes régulés par NRF2 ont été caractérisées, comme les gènes anti-oxydants régulant l’équilibre redox, les gènes codant les enzymes de détoxication de phase II ou d’autres gènes tels que ceux codant les transporteurs ABC.

3.2.1. Les enzymes de l’équilibre redox

Les enzymes de l’équilibre redox, impliquées dans le maintien du niveau intracellulaire en glutathion et dans l’élimination des ROS, sont régulées par le facteur de transcription NRF2. Parmi ces enzymes, se trouvent la Superoxyde dismutase (SOD), la Catalase (CAT), la Glutathion Péroxydase (GPX) et la Thioredoxine (TRX), évoquées précédemment (Introduction, Partie 2, chapitre 2.4). Effectivement, il a été montré que l’activité SOD et l’expression génique de la CAT sont respectivement diminuées dans des fibroblastes cardiaques et cellules hépatiques issus de souris Nrf2-/-, par rapport aux cellules

Nrf2+/+ 436,437. De plus, l’exposition de souris Nrf2+/+ à la fumée de cigarette induit une forte

élévation de l’expression de Gpx2 par rapport aux souris non exposées ou Nrf2-/- 438. De même, Nrf2 a la capacité de réguler les enzymes Prx, Trx et les Trxr. L’expression des protéines Trx et Trxr est réduite dans les cellules murines rétinales 661W Nrf2-/- par rapport aux cellules contrôles, après traitement pro-oxydant par le 4-hydroxynonenal (4-HNE ;

génique basale est retrouvée dans les fibroblastes embryonnaires murins (MEF) Nrf2+/+ alors qu’elle est inexistante dans les MEF Nrf2-/-440.

La Glutamate Cystéine Ligase (GCL), la Hème Oxygénase-1 (HMOX1) et la Ferritine, autres enzymes de l’équilibre redox, sont également régulées par NRF2.

La Glutamate Cystéine Ligase (GCL), autrement appelée Glutamylcystéine Synthétase (GCS), possède deux sous-unités : une régulatrice, la GCLM (GCL Modifier), et une catalytique, la GCLC (GCL Catalytic). Cette enzyme a la capacité de catalyser la synthèse du GSH par la formation de ϒ-glutamyl cystéine à partir de glutamate et de cystéine, en présence d’ATP 441. La GSH synthase permet ensuite l’ajout de glycine au niveau du dipeptide ϒ-glutamyl cystéine, afin d’obtenir du glutathion GSH 441. En 2009, le groupe de MacLeod a mis en évidence une augmentation de l’expression des protéines GCLC et GCLM suite au traitement de kératinocytes humains (HaCaT) par un activateur de NRF2, le sulforaphase 442.

La Héme Oxygènase-1 (HMOX1), aussi nommée Heat Shock Protein 32 (Hsp32), provoque la dégradation de l’hème en monoxyde de carbone (CO), fer et biliverdine. Celle-ci est ensuite transformée par la biliverdine réductase (BVR) en bilirubine 443. De nombreuses études ont montré que des agents anti-oxydants activateurs de NRF2 favorisent l’expression de HMOX1. Par exemple, l’homocystéine, le diéthyl maléate (DEM), le zerumbone et le cinnamaldéhyde induisent respectivement l’expression de HMOX1 dans des cellules HepG2, des macrophages péritonéaux, des cellules épidermales murines et dans la lignée leucémique THP-1 444–447.

Enfin, la Ferritine est une protéine ubiquitaire jouant un rôle important dans le métabolisme du fer lors d’un stress oxydant. Ainsi, cette enzyme séquestre le fer dans le cytoplasme et empêche la formation de radicaux libres tels que l’HO• 448. Dans des kératinocytes humains, son expression est induite par NRF2 suite à un traitement à l’arsenic 449. De même, le traitement de fibroblastes murins Nrf2+/+ par l’oltipraz ou le 1,2-dithiole-3-thione (D3T), agents activateurs de Nrf2, engendre une élévation de l’expression de la ferritine, contrairement aux cellules Nrf2-/-450.

3.2.2. Les enzymes de détoxication de phase II

Les enzymes de détoxication de phase II, régulées par le facteur de transcription NRF2, assurent le maintien de l’homéostasie cellulaire. En effet, ces protéines anti-oxydantes protègent les cellules contre les métabolites réactifs formés suite à un stress oxydant ou électrophile, en catalysant des réactions de conjugaison permettant d’augmenter la solubilité et l’élimination des toxiques 417–420. Elles peuvent être classées en deux

catégories : 1) les enzymes de conjugaison comme les glutathion-S-transférases GST et les uridine diphospho (UDP)-glucuronosyltransférase (UGT) ; 2) les enzymes impliquées dans la réduction des métabolites réactifs telles que la NAD(P)H quinone oxydoréductase (NQO1).

Les Glutathion S-Transférases (GST) sont des enzymes ubiquitaires, majoritairement cytoplasmiques, possédant un rôle essentiel dans la détoxication de produits électrophiles tels que les aldéhydes, peroxydes et époxydes. En catalysant la conjugaison du glutathion GSH aux agents électrophiles, les GST facilitent leur élimination 414. Les différentes isoformes de la GST sont régulées par NRF2 435,437,451 ; par exemple, après un traitement anti-oxydant avec du BHA (hydroxyanisole butylé), aucune des différentes isoformes de la Gst n’a été induite chez des souris Nrf2-/- par rapport aux souris Nrf2+/+ 435.

Les UDP-Glucuronosyl Transférases (UGT), au nombre de seize, catalysent la réaction de glucuronidation, correspondant à la conjugaison de l’acide UDP-glucoronique. Cela leur confère un rôle dans la détoxication de composés endogènes tels que les stéroïdes, la bilirubine et certaines hormones, mais aussi composés chimiques comme les polluants et les médicaments 452. A ce jour, seule la régulation de l’isoforme Ugt1a6 par Nrf2 a été mise en évidence. Les cellules hépatiques et pulmonaires issues de souris Nrf2-/- présentent une expression basale de cette protéine diminuée par rapport aux cellules provenant de souris sauvages 420.

Les NAD(P)H Quinone Oxydoréductases (NQO), notamment NQO1 et NQO2, sont des enzymes cytoplasmiques ubiquitaires, catalysant la réduction des quinones en hydroquinones 453. Leurs activités varient selon les individus et les tissus. Ces protéines sont fortement exprimées dans différents types de cancers comme le cancer du colon, du sein, du pancréas et du poumon 453. Long et al. ont montré que des souris Nqo1-/- sont plus susceptibles de développer des mélanomes suite à l’application cutanée de benzo[a]pyrène par rapport aux souris Nqo1+/+ 454. De plus, ces souris Nqo1-/- sont plus sensibles aux radiations-ϒ et développent des adénocarcinomes pulmonaires, contrairement aux souris sauvages 455. Par ailleurs, l’expression de NQO2 est induite après un traitement avec un agent anti-oxydant, le tert-butylhydroquinone (t-BHQ). L’invalidation de NRF2 par siRNA dans des cellules HepG2 réduit son expression malgré ce traitement 456.

3.2.3. Les autres gènes régulés par NRF2

Des études de microarrays ont mis en évidence d’autres gènes régulés par NRF2. Parmi eux, les gènes codant les transporteurs d’efflux de substances intracellulaires et de xénobiotiques, dépendants de l’ATP, appelés protéines MRD (multi-drug resistance

Ces protéines appartiennent à la famille de transporteurs ABC, composée de neuf membres (MRP1 à MRP9) et participent à la réponse anti-oxydante en éliminant les xénobiotiques dans le milieu extracellulaire 458,459. En effet, les phénomènes de détoxication peuvent être couplés à l’action de transporteurs membranaires afin de supprimer les produits chimiques toxiques et diminuer les dommages cellulaires 423. L’expression des protéines ABC est régulée par le facteur NRF2. Ainsi, l’expression génique et protéique basale de Mrp1 de cellules MEF Nrf2-/- est signicativement plus faible que celle observée dans les cellules sauvages. A l’inverse, son expression est augmentée uniquement dans les cellules MEF

Nrf2+/+ après traitement par le DEM 460. De même, des cellules hépatiques traitées par des activateurs de NRF2 (oltipraz et BHA) expriment plus fortement les protéines MRP1-6 461. L’oltipraz engendre également l’expression génique de MDR1, MRP1, MRP3 et NQO1 dans des hépatocytes primaires humains 462.

Enfin, NRF2 régule la transcription d’une multitude d’autres gènes impliqués dans divers processus cellulaires (Tableau 6).

Fonctions cellulaires Gènes régulés par NRF2

Biosynthèse du glutathion

Gamma glutamylcystéine synthétase (γ-GCS)

Glutamate-S-transférase (GST) (GST A1-4, M1-5) Glutamate cystéine ligase (GCL) (GCLC et GCLM)

Glutathion réductase (GR) (GR1)

Glucose-6-phosphate déshydrogénase (G6PDH) Glutathion péroxydase (GPX) (GPX2) Métabolisme des

xénobiotiques

NAD(P)H quinone oxydoréductase (NQO) (NQO1 et NQO2) UDP-glucuronosyltransférase (UGT) (UGT1A1, A6, A9, 2B7)

Epoxyde hydrolase microsomale (mEH) (EPHX1) Aldo-Kéto réductase (AKR) (AKR1B7, 1B8, 1B10, 1C1-2 et 7A2)

Réponse au stress Hème Oxygénase-1 (HMOX1)

Protéine de choc (Heat shock protein, HSP) (HSP1, 8, 40, 70, 105)

Métabolisme du fer Ferritine (FTL1, FTH1)

Transporteurs Multi-resistance proteine (MRP) (MRP1-3)

Défense anti-oxydante

Superoxyde dismutase (SOD) (SOD1-3) Peroxyrédoxine (PRDX) (PRDX1-6) Thioredoxine (TRX) Thioredoxine réductase (TRXR) (TRXR1) Catalase (CAT) Autophagie Séquestosome 1 (SQSTM1), p62 Apoptose Bcl-2, Bcl-xl Protéasome 20S (PSBA1, PSMA4, PSMB3, PSMB5 et PSMB6) 19S (PSMC1, PSMC3 et PSMD14) 11S (Pa28αβ) Tableau 6: Liste de gènes régulés par le facteur NRF2.