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PARTIE 1 : Immuno-évasion des cellules tumorales

4. La famille B7, protéines d’immuno-régulation

4.2. Description et rôles immunologiques des membres B7

4.2.2. La protéine PD-L1 (B7-H1)

4.2.2.1. Structure et isoformes protéiques de PD-L1

La protéine trans-membranaire PD-L1 (Programmed Death-Ligand 1), aussi connue sous le nom de B7-H1 (B7 homolog 1) ou CD274 (Cluster of differentiation 274) est codée par le gène CD274 présent sur les chromosomes 9 chez l’Homme 168 et 19 chez la souris 183. Ce gène comprend sept exons. Le premier, non codant, correspond à la partie 5’UTR. Les trois exons suivants codent la séquence signal et les domaines extracellulaires IgV-like et IgC-like. Les domaines trans-membranaire et intracellulaire sont quant à eux codés par les exons 5 et 6, respectivement. Enfin, l’exon 7 code la partie terminale du domaine intracellulaire et contient la séquence 3’UTR 176.

Le transcrit de PD-L1 est exprimé par les cellules hématopoïétiques (CPAs, LB, macrophages, DCs, LT, monocytes et NK) mais également par les cellules non-hématopoïétiques, dont les cellules épithéliales, endothéliales, cardiaques et pulmonaires

120,155. Sur les cinq variants d’épissage recensés, seuls deux codent des isoformes

protéiques 1 et 2, trans-membranaires. Il existe une troisième isoforme protéique issue d’un clivage protéolytique (Figure 4).

Isoforme protéique 1

L’isoforme 1 ou isoforme longue, comporte 290 acides aminés et fait 33,3 kDa. Elle comporte une séquence signal de 18 acides aminés, un domaine extracellulaire comprenant les régions IgV-like et IgC-like de 221 acides aminés, un domaine trans-membranaire de 21 acides aminés, ainsi qu’un domaine intracellulaire court, de 30 acides aminés.

Isoforme protéique 2

L’isoforme 2 est tronquée en partie extra-membranaire au niveau du domaine IgV, et comporte 176 acides aminés (soit 20,2 kDa). Localisée au niveau des membranes intracellulaires, elle est dans l’incapacité d’interagir avec le récepteur PD-1 119,184. Seul un rôle de régulation négative de l’expression de surface de l’isoforme 1 a été décrit à ce jour

185.

Isoforme protéique 3

Il existe une forme soluble de PD-L1, produite par les cellules cancéreuses suite au clivage de l’isoforme 1 par une métalloprotéinase et détectée dans le sérum de patients 186. A ce jour, le site exact de clivage reste inconnu. Cette isoforme de 178 acides aminés (soit 20,4 kDa) n’est donc pas le résultat d’un épissage alternatif : elle conserve son domaine extracellulaire et de ce fait, sa capacité d’interaction avec le récepteur PD-1 186. Ce facteur soluble peut également être sécrété par des cellules dendritiques matures activées suite à une réponse immunitaire innée 187. Il possède une valeur pronostique défavorable en jouant un rôle dans l’inhibition de la réponse T en induisant la mort par apoptose de ces cellules de l’immunité 186. Une étude récente confirme ces données, puisqu’elle est retrouvée en quantité plus importante dans le plasma de patients atteints de DLBCL (diffuse large B-cell

lymphoma) par rapport aux sujets sains ; elle est associée à un mauvais pronostic avec une

agressivité tumorale accrue. Les patients en rémission complète ont un niveau d’expression plus faible de cette isoforme que lors du diagnostic 188.

Figure 4: Représentation schématique des différentes isoformes protéiques de PD-L1 chez l’Homme.

Les acides aminés 35, 200 et 219 sont potentiellement N-glycosylables ; l’AA192 a été décrit comme glycosylé.

4.2.2.2. Expression de PD-L1 et sa régulation 4.2.2.2.1. Expression de PD-L1

Si le transcrit PD-L1 est exprimé de façon ubiquitaire, les tissus humains normaux n’expriment que rarement la protéine à leur surface de manière constitutive, à l’exception des amygdales, du placenta et d’une petite fraction de macrophages présents dans le foie et les poumons, suggérant une forte régulation post-transcriptionnelle 120,155. La signalisation PD-1/PD-L1 contribue à l’échappement des cellules tumorales au système immunitaire. Aussi, la protéine PD-L1 peut être exprimée constitutivement à la surface de cellules immunes telles que les LT, LB, cellules dendritiques, macrophages, monocytes, MDSCs et Tregs 176. Récemment, il a été montré que les protéines CMTM4 et CMTM6 (CKLF Like

MARVEL Transmembrane Domain Containing 4/6) régulent cette expression de surface :

non nécessaire pour la maturation de L1, une colocalisation de ces protéines avec PD-L1 est retrouvée au niveau de la membrane plasmique et dans les endosomes, où elles empêchent la dégradation lysosomale de cette molécule B7 189,190.

PD-L1 à la surface des CPAs favorise la génération de Tregs périphériques et leur rôle immuno-suppressif, en engendrant la production d’IL-10, IFN-γ et de médiateurs cytotoxiques tels que le granzyme B 155,191. Enfin, son expression à la surface de tissus

lymphoïdes et non lymphoïdes peut être induite par des facteurs du micro-environnement dont l’IFN-γ, le TNF-α (Tumor necrosis factor alpha) et des cytokines comme l’2, 4, IL-15, IL-21 et l’IFN de type I 119,155,192.

Contrairement à une condition physiologique, une situation pathologique peut provoquer une expression aberrante de cette protéine. En effet, PD-L1 est largement exprimée à la surface des cellules cancéreuses, dans le cas d’hémopathies malignes et de tumeurs solides 155, mais aussi lors d’infections virales chroniques. Le micro-environnement tumoral semble jouer un rôle essentiel dans l’expression de PD-L1 ; en outre, si la majorité des lignées cellulaires tumorales sont PD-L1-négatives en surface in vitro, une forte expression est retrouvée au niveau d’échantillons tumoraux issus de patients 120,155. Ces différences peuvent s’expliquer par la présence dans le milieu tumoral de facteurs sécrétés par les cellules stromales ou par les cellules cancéreuses elles-mêmes, par exemple l'IFN-γ, le TGF-β et Fas ligand, permettant l’expression de PD-L1 192.

4.2.2.2.2. Régulation de l’expression de PD-L1

L’expression de PD-L1 est régulée au niveau transcriptionnel et traductionnel 193. Le promoteur du gène CD274 codant PD-L1 contient deux sites de liaison à IRF-1 (Interferon

Regulatory Factor), un site de liaison à STAT3 (Signal transducer and activator of transcription 3) et un pour NF-κB (Nuclear Factor Kappa B). Aussi, le rôle immuno-suppresseur de l’IFN-γ passe par l’induction du facteur de transcription IRF-1 alors que le TNF-α et le LPS impliquent la voie NF-κB 119. La régulation de l’expression de PD-L1 par STAT3 a été mise en évidence dans le cas du cancer du poumon. D’autres facteurs de transcription pourraient avoir un rôle similaire, comme FOXA1 (Forkhead Box A1), induit par l’IFN-β 119,192.

L’expression de PD-L1 est également modulée par les microARN (miR). En effet, les miR-513 et miR-200 se lient à la région 3’UTR du transcrit codant PD-L1 et inhibent son expression, alors qu’une sous-expression de miR-513 par l’IFN-γ contribue à son induction 119. De même, la répression de miR-200 dans les cellules tumorales augmente l’expression de PD-L1 119. D’autre part, la signalisation de l’IFN-γ étant contrôlée par les voies JAK (Janus Kinase)/STAT, MAPK (Mitogen-activated protein kinase) et PI3K/AKT, celles-ci sont donc importantes dans la régulation de l’expression de PD-L1 ; cela explique que l’inhibition des protéines adaptatrices MyD88 (Myeloid Differentiation Primary Response

88), TRAF6 (TNF Receptor Associated Factor 6) et MEK dans diverses lignées cellulaires

diminue l’expression PD-L1 induite par l’IFN-γ et les ligands TLR (Toll-Like Receptor) 194. De plus, la perte de PTEN contribue à l’expression de PD-L1 en induisant l’activation des voies PI3K/AKT et mTOR 192.

Dans le cas de cellules tumorales, de multiples mécanismes renforcent l’expression de PD-L1, dont la présence de cytokines dans le micro-environnement tumoral, des mutations chromosomales à gain de copies, une infection virale (par exemple EBV, Epstein Barr Virus) ou des mutations dans les sites de liaison des microARNs 119. A titre d’illustration, la région du chromosome codant PD-L1 étant souvent amplifiée dans certains types tumoraux, tels que le lymphome de Hodgkin et le lymphome médiastinal à large cellules B, cela conduit à une expression constitutive élevée de cette protéine ainsi qu’à une absence de réponse aux thérapies ciblant l’axe PD-1/PD-L1 119.

Enfin, un environnement hypoxique favorise également l’expression de PD-L1. Le facteur de transcription HIF-1α (Hypoxia inducible factor 1-alpha) peut se fixer à la séquence HRE2 (Hypoxia Response Element 2) située au niveau de l’intron localisé entre les exons 4 et 5 du gène CD274. L’hypoxie induit ainsi la résistance des cellules tumorales à la lyse médiée par les CTLs par un mécanisme dépendant de HIF-1α, PD-L1 et PD-1 195.

4.2.2.3. PD-1 et B7-1, protéines B7 interagissant avec PD-L1

La protéine PD-L1 est un ligand du récepteur lymphocytaire co-inhibiteur PD-1 (CD279), exprimé à la surface des LT CD4+, CD8+, cellules T périphériques, cellules B mais aussi sur les cellules NK, DCs et les monocytes 119. L’interaction entre ces deux molécules est nécessaire pour induire les fonctions immuno-suppressives de PD-L1 156. En effet, lorsque des cellules tumorales ou infectées PD-L1+ interagissent avec des cellules T cytotoxiques activées, celles-ci sont alors inactivées. Ainsi, cet axe PD-1/PD-L1 est impliqué dans le maintien de la tolérance périphérique des cellules T en atténuant l’auto-immunité et en régulant l’homéostasie, et peut conduire au développement tumoral (Figure 5). Cela explique que des patients atteints de cancer à un stade avancé et ne répondant pas aux thérapies classiques ont un bon taux de réponse aux anticorps bloquant cette voie 193.

Figure 5 : Interactions PD-1/PD-L1 et PD-L1/B7-1.

Les protéines PD-L1 et PD-L2, avec différents profils d'expression à la surface des cellules tumorales ou CPA, ont été identifiées comme ligands de PD-1, et l'interaction de ces molécules avec le récepteur PD-1 induit la suppression des lymphocytes T. PD-L1 peut également interagir avec B7-1 sur les cellules T activées et inhiber leur activité. PD-L2 possède un second récepteur, RGMb. Si cette interaction active dans un premier temps les lymphocytes T, elle engendre ensuite une tolérance respiratoire. Enfin, PD-L1 à la surface des cellules tumorales peut agir en tant que récepteur suite à son interaction avec PD-1 et protéger les cellules tumorales de la lyse cytotoxique. Adapté de 155.

Bien que de multiples études aient démontré des fonctions inhibitrices pour les ligands de PD-1, PD-L1 et PD-L2, d'autres ont indiqué une stimulation de la prolifération lymphocytaire et de leur production de cytokines 120. Aussi, l’ajout de protéine recombinante PD-L1-Ig dans le milieu de culture augmente les réponses des cellules T CD4+ et l'immunité humorale dépendante des cellules T helper 155. Ces données contradictoires suggèrent donc l’existence d’un second récepteur exprimé à la surface des lymphocytes. Cette hypothèse s’appuie notamment sur les résultats de l’étude menée par Wang et al., en 2003 : en utilisant des modèles tridimensionnels et de mutagénèse spécifique, ils ont démontré que les mutants de PD-L1 ayant des caractéristiques altérées de liaison avec PD-1 sont encore capables d’induire la co-stimulation des lymphocytes T. Ces mutants stimulent également les lymphocytes T PD-1-déficients 159. Ce n’est qu’en 2007 qu’à été mise en évidence l’interaction entre les protéines PD-L1 et B7-1 ; l’affinité entre ces deux molécules est intermédiaire (1,7µM) par rapport aux liaisons B7-1/CTLA-4 (0,2µM), B7-1/CD28 (4µM) et PD-L1/PD-1 (0,5µM) 158. PD-L1 et B7-1 interagissent au niveau de leur domaine extracellulaire IgV-like, et engendrent un signal inhibiteur des lymphocytes T conduisant à une diminution de leur prolifération et de la sécrétion de cytokines 156. Ces protéines étant toutes deux exprimées à la surface des lymphocytes T, lymphocytes B, cellules dendritiques et des macrophages, il existe donc au niveau de ces cellules une possibilité d’interaction

L’existence de cette seconde interaction peut nous permettre de mieux comprendre certains résultats contradictoires obtenus in vitro suite à l’utilisation d’anticorps bloquants. En effet, si certains bloquent à la fois les interactions PD-1/PD-L1 et PD-L1/B7-1, d’autres en revanche inhibent uniquement l’une de ces deux interactions avec un effet moindre sur l’activation des lymphocytes.