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Expression de PD-L1 dans le cancer du sein et ciblage de l’axe PD-1/PD-L1 en

PARTIE 1 : Immuno-évasion des cellules tumorales

4. La famille B7, protéines d’immuno-régulation

4.5. Expression de PD-L1 dans le cancer du sein et ciblage de l’axe PD-1/PD-L1 en

En conditions physiologiques, la sécrétion d’IFN-γ par les cellules favorise l’expression de molécules immuno-régulatrices telle que PD-L1, permettant la tolérance immune. En revanche, en conditions pathologiques, par exemple dans le cas de cancers, des molécules immuno-suppressives (IFN-γ, TGF-β, FASL) sont libérées dans le micro-environnement par les cellules malignes, engendrant l’expression de PD-L1 à leur surface et provoquant l’immuno-échappement de la tumeur 194. Lors d’inflammation chronique, de faibles niveaux d’IFN-γ sont suffisants pour entraîner une sur-régulation de PD-L1 et ainsi favoriser le développement tumoral.

L’expression de cette protéine est associée aux facteurs clinico-pathologiques pour différents types de cancers solides (cancers du sein, rein, foie, œsophage, estomac, côlon, poumon, ovaire, pancréas, mélanome, tête et cou, glioblastome, cancer urothélial) mais aussi hématopoïétiques (leucémies, myélomes multiples, tumeurs thymiques) 157,176,253. La majorité des études réalisées sur le sujet ont montré que l’expression de PD-L1 au sein du micro-environnement est corrélée à un mauvais pronostic avec une réduction du temps de survie et un haut grade tumoral 193.

4.5.1. Expression de PD-L1 et cancer du sein

Le cancer du sein est la pathologie maligne la plus répandue chez les femmes dans le monde. Bien que la surveillance de la population, la détection précoce et le

développement de traitements spécifiques ont entraîné une baisse du taux de mortalité, le cancer du sein reste le plus meurtrier chez les femmes 254. Ainsi, il est plus important que jamais de se concentrer sur le développement de nouveaux traitements pour les patients atteints de ce cancer. La chirurgie, la chimiothérapie et la radiothérapie sont des méthodes potentiellement curatives qui ont été utilisées pendant des décennies, avec succès dans certains cas. Cependant, ces méthodes ne parviennent pas à contrôler le cancer du sein métastatique avancé, ainsi que certains sous-types tumoraux agressifs. Heureusement, les progrès récents de la recherche fondamentale ont ouvert de nouvelles possibilités de ciblage des cancers en exploitant les mécanismes de défense du système immunitaire 254.

4.5.1.1. Classification des différents sous-types de cancer du sein

Divers types de carcinomes sont regroupés sous la terminologie « cancer du sein ». Aussi, ils sont organisés en différents sous-types, une classification qui est déterminante pour le traitement standard recommandé et pour le pronostic du patient. Depuis 2013, les cancers du sein sont caractérisés moléculairement et classés 4 sous-groupes distincts: Luminal A et B, HER2 positif et triple négatif 254,255.

Le sous-type luminal A présente une expression des récepteurs aux œstrogènes (ER) et à la progestérone (PR) mais n’exprime pas le récepteur du facteur de croissance épidermique humain 2 (HER2). Ce sous-type est le plus commun et représente approximativement 40% des cancers du sein. Les tumeurs luminal A ont généralement un pronostic favorable avec un fort taux de réponse à l’hormonothérapie, par exemple au traitement par l'antagoniste du tamoxifène (Nolvadex®) ainsi qu’aux inhibiteurs de l'aromatase comme l'anastrozole (Arimidex®) 254.

Les tumeurs de type luminal B sont ER-positives mais PR-faibles ou –négatives, et peuvent être positives ou négatives à HER2. Ce sous-type, représentant environ 20% des cancers du sein, est plus agressif et ne répond pas aussi bien que les tumeurs luminales A au traitement endocrinien, celui-ci étant dépendant de l’expression des récepteurs hormonaux 256. Pour cette raison, une thérapie cytotoxique supplémentaire (anti-HER2 ou chimiothérapie) est habituellement recommandée 255.

Les tumeurs HER2+, représentant 10 à 15% des cancers du sein, sont agressives et de mauvais pronostic. Elles peuvent être traitées avec l'anticorps monoclonal anti-HER2 trastuzumab (Herceptin®) ou pertuzumab (Perjeta®), en plus de la chimiothérapie (anthracyclines ou taxanes), ce qui améliore le taux de survie de 30% par rapport à la chimiothérapie seule 254.

cancers ne sont donc pas admissibles aux thérapies ciblées disponibles et doivent être traités par chimiothérapie 254. En conséquence, les cancers du sein TNBC sont particulièrement agressifs avec de forts taux de rechute et un mauvais pronostic. De plus, en fonction de leurs profils moléculaires très hétérogènes, les cancers TNBC peuvent être classés en différents sous-types : basal-like, mesenchymal-like, luminal androgen receptor (LAR) et immuno-enrichi 257. Ce dernier sous-type, caractérisé par la présence d’infiltrats immunitaires, a un meilleur pronostic par rapport aux autres et suggère ainsi un rôle pronostique voire prédictif du système immunitaire dans les cancers du sein triple négatifs

254,258.

Aussi, le récent succès des inhibiteurs d’immune checkpoints dans les pathologies malignes solides et hématologiques, notammant ceux ciblant l’axe PD-1/PD-L1, encourage le développement de nouvelles stratégies immunothérapeutiques dans le cas du cancer du sein.

4.5.1.2. Expression de PD-L1 dans le cancer du sein

La première étude sur la prévalence de l'expression de cette protéine dans le cancer du sein remonte à 2006, lorsque Ghebeh et al. ont rapporté que 50% des cellules tumorales ou TILs issus d’échantillons primaires de cancer du sein, expriment PD-L1 259. La présence de cette molécule s'associe positivement à la présence d'infiltrats immunitaires 260. De plus, une méta-analyse transcriptomique de 5454 lésions de cancer du sein a mis en évidence une fréquence très variable de l'expression de l'ARNm de PD-L1 : l'expression était plus importante dans les tumeurs TNBC et notamment les basal-like, suivie par les HER2+, puis par les sous-types luminaux A et B 253. Des niveaux élevés de PD-L1 ont été associés à des caractéristiques de pronostic telles qu’une taille tumorale importante, un stade avancé, l'absence des récepteurs ER, HER2 et du récepteur de la progestérone, ainsi qu’à un index prolifératif élevé 253. Il est à noter que la fréquence de PD-L1 est plus élevée dans les cancers du sein avec un phénotype inflammatoire 253. Par ailleurs, son expression dans les tumeurs solides est corrélée à une forte charge mutationnelle du gène suppresseur de tumeur TP53 (Tumor Protein P53), alors qu'aucun lien entre l'expression de p53 et PD-L1 n'a été observé dans le cancer du sein 253. Récemment, PD-L1 a été détectée dans des cellules tumorales métastatiques circulantes dans le sang de patients atteints d'un cancer du sein HER2-négatif, positifs aux récepteurs hormonaux 253. A ce titre, l’évaluation de cette expression pourrait être utilisée, par biopsie liquide, pour la stratification et la surveillance de patients atteints de tumeurs et traités par des inhibiteurs de points de contrôle immuns. Dans les cancers du sein de type basal, la plupart des études ont rapporté une corrélation positive entre l'expression de PD-L1 et un pronostic favorable. Néanmoins, une corrélation inverse a été notée par certains chercheurs, entre l'expression de PD-L1 et le pronostic,

dans tous les sous-types à l'exception des luminaux A 253. L’impact clinique que peut avoir la protéine PD-L1 est donc controversé et des études complémentaires sont nécessaires afin d’appréhender la complexité de ce phénomène.

4.5.2. Ciblage de l’axe PD-1/PD-L1 en clinique

4.5.2.1. Développement d’immune checkpoint inhibitors

L'utilisation d’inhibiteurs de points de contrôle immunitaires (ou immune checkpoint

inhibitor) comme agents anti-cancéreux est l’un des plus grands succès des thérapies contre le cancer de ces dernières années. A ce jour, ces inhibiteurs apparaissent comme un traitement de première ligne contre de multiple cancers, tels que le mélanome métastatique, le cancer du poumon non à petites cellules (NSCLC), le carcinome rénal et le cancer de la vessie ou de l'urothélium. Ils sont actuellement évalués dans de nombreux autres types de cancers solides et hématologiques avancés 261. Ces nouvelles immunothérapies ont pour objectif premier de rétablir un micro-environnement empêchant la progression tumorale avec une réponse immunitaire anti-tumorale effective. De ce fait, les voies co-inhibitrices s’avèrent être des cibles clés. Actuellement, les deux classes d'immunothérapies approuvées par la FDA pour usage clinique sont les inhibiteurs du récepteur PD-1, de son ligand PD-L1 et de CTLA-4 261.

L'anticorps monoclonal anti-CTLA-4 (mAb) ipilimumab (Yervoy®) améliore la survie des patients atteints de mélanome métastatique lors des essais cliniques de phase III. Il a ensuite été approuvé par la FDA dans le cas de patients atteints de mélanome avancé 261. L’anticorps monoclonal (mAb) anti-PD-1 humain BMS-936558 (nivolumab (Opdivo®)), étudié dans le cancer des cellules rénales (RCC), du mélanome, du carcinome pulmonaire non à petites cellules et du cancer colorectal, a démontré une activité anti-tumorale avant son approbation par la FDA pour plusieurs cancers 261. Il en est de même pour l'anticorps humanisé PD-1 MK-3945 (pembrolizumab (Keytruda®)) qui a montré une réponse anti-cancéreuse chez des patients atteints de certains cancers solides 261. De plus, le pidilizumab (CT-011, MDV9300), un anticorps anti-PD-1 humanisé, testé dans diverses hémopathies malignes, montre un impact clinique potentiel chez les patients atteints de lymphome non hodgkinien, de leucémie lymphocytaire chronique, de lymphome de Hodgkin, de myélome multiple et de leucémie myéloïde. Enfin, les anticorps mAb anti-PD-L1 atezolizumab (Tecentriq®) et durvalumab (Imfinzi®) ont également été approuvés par la FDA pour leur activité anti-tumorale dans des cancers solides 261.

Divers agents anti-cancéreux comprenant d'autres inhibiteurs de points de contrôles immunitaires, des inhibiteurs de kinase et des agents chimio-thérapeutiques sont utilisés en

4.5.2.2. Combinaison d’anticorps anti-PD-1 avec d’autres inhibiteurs d’immune checkpoint

L’utilisation en combinaison d’ipilimumab et de nivolumab a fait l'objet d'essais chez l'Homme pour le carcinome rénal métastatique à cellules claires (CCRCC), le mélanome avancé et le carcinome pulmonaire non à petites cellules 261. Une étude de phase 1 (NCT01472081) dans le CCRCC a montré une innocuité et une tolérance prometteuses jusqu'à 100 jours après le dernier dosage. Les traitements combinés PD-1 ou d’anti-PD-L1 avec d'autres inhibiteurs de point de contrôle sont en cours d'essais cliniques, tels que (i) une étude de phase I (NCT01968109) de nivolumab + BMS-936558 pour cibler PD-1/LAG-3 dans des tumeurs solides à un stade avancé; (ii) une étude de phase II (NCT02845323) associant le nivolumab et l’urelumab pour cibler PD-1/4-1BB dans le lymphome à cellules B; et (iii) une étude de phase II (NCT02543645) combinant l’atezolizumab et le varlilumab ciblant PD-L1/CD27 dans le RCC. Les données globales de l'immunothérapie combinée offrent de futurs traitements prometteurs contre le cancer 261.

4.5.2.3. Combinaison d’anticorps anti-PD-1 et d’inhibiteurs de kinases La protéine MAPK régule la molécule BRAF, responsable de la métastase du mélanome. La combinaison de l'immunothérapie anti-PD-1 avec un inhibiteur de BRAF entraîne une réponse anti-tumorale synergique et une suppression importante de la croissance tumorale 261. D’autre part, le facteur de croissance VEGF peut inactiver les cellules dendritiques ; ainsi, la restauration de l'activité des cellules dendritiques et cellules T améliorerait la réponse immunitaire et l'activité anti-tumorale 261. Une étude clinique de phase I (NCT01454102) d'inhibiteur du VEGF (bevacizumab (Avastin®)) associée au nivolumab est en cours pour les patients atteints d'un CPNPC de stade III et un mélanome non résécable de stade III/IV. Une autre étude de phase I/II (NCT02130466) utilisant des inhibiteurs de BRAF et de MEK en combinaison avec le pembrolizumab chez des patients atteints de mélanome et d’autres tumeurs solides 261.

4.5.2.4. Combinaison d’anti-PD-1 et de chimio-thérapies

Les inhibiteurs de PD-1 sont testés en association avec des agents anti-néoplasiques comme le cis-platine afin d’obtenir un effet synergique anti-cancéreux durable. Par exemple, (i) une étude de phase III (NCT02494583) testant un traitement en combinaison du pembrolizumab avec le cis-platine ou de la capécitabine ou du 5-fluorouracile est en cours chez des patients atteints d'adéno-carcinome gastrique et (ii) une autre étude de phase I/II (NCT02077959) traitant les patients avec le pidilizumab (anticorps anti-PD-1) et le lénalidomide (Revlimid®) pour des myélomes multiples réfractaires.

PARTIE 2 : Métabolisme tumoral et régulation du stress