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4. Le sens dans les apprentissages : un processus d’élaboration de sens

4.4 La sémiotique

La structure tridimensionnelle du savoir présentée à la figure 4, un peu plus haut, propose une relation nécessaire entre différents niveaux d’abstraction. Pour Barth (1993), user de cette relation tridimensionnelle en éducation est un gage à la réussite de l’élève. En permettant à l’enfant d’apprendre à travers ces trois dimensions de l’abstraction, on lui permet alors de réaliser une compréhension de l’objet à l’étude. En regard à cette tridimension, il nous paraissait nécessaire de creuser davantage sur l’étude du sens, puisqu’elle semble être un élément important dans notre problématique. L’étude du sens nous pousse alors à nous concentrer sur l’étude de la sémiotique, autrement nommée sémiologie. En étayant davantage sur le sujet, nous pourrons mieux comprendre les caractéristiques du sens et du symbole, lesquels sont importants au processus créatif.

4.4.1 La pensée et le langage

Pour exprimer l’importance du sens dans les savoirs acquis, il faut faire directement référence aux concepts : pensée et langage de Vygotski (1934). La pensée est l’activité de l’esprit, une activité qui est psychique et rationnelle visant la connaissance (Larousse, 2007, p.802), tandis que le langage est qualifié comme étant l’expression de la pensée (Multidictionnaire, 2009, p. 952). L’unité de base de la pensée est la signification, le sens qu’il est possible de donner aux éléments, dans un contexte en particulier (Vygotski, traduit par Sève, 2013). Le langage est également construit de différents signes qui seront utilisés pour représenter les objets qui nous entourent. C’est ce qui nous permet d’identifier une pomme lorsqu’on en aperçoit une. Nous sommes également en mesure de parler de cette pomme, malgré qu’elle ne soit

visuellement pas présente, puisque nous en comprenons le sens. Il s’agit alors du signifié, l’image conceptuelle du signe. Le signe est également composé d’un signifiant, une image acoustique. Cette première relation du signe, le signifié et le signifiant, est le fruit du travail de Charles de Saussure (1916) alors qu’il réalise un travail acharné sur la sémiologie (Legendre, 2005). On distinguera également le référent, l’objet réel dont nous voulons parler (voir figure 6). De cette manière il est possible, à la suite d’une compréhension du signe, de partager notre pensée (parler d’un référent), malgré qu’elle soit abstraite (signifié), en utilisant des images ou des mots (signifiants). Cette acquisition de la signification des objets est conçue lors d’un processus d’élaboration du sens. Ce processus permet, comme lors d’une conceptualisation, d’élaborer une conclusion, une généralisation applicable (Barth, 2001).

Figure 6 : Relation sémiotique (Modèle inspiré de Legendre, 2005, p.1164)

La pensée et le langage sont donc unis et indissociables, tout comme le signifié, le signifiant et le référent ne font qu’un.

Le mot sans signification n’est pas un mot, c’est un son vide. Le mot privé de signification ne se rapporte déjà plus au monde du langage. C’est pourquoi la signification peut être considérée aussi bien comme un phénomène relevant du domaine de la pensée. (Vygotski, traduit par Sève, 2013, p.66)

Signifié

(Sens, image sémantique)

Référent

(Objet désigné)

Signifiant

De cette manière, on tente d’expliquer que, tout comme la démarche de conceptualisation ou comme dans une démarche créatrice, l’acte verbal, la généralisation ou encore la finalité de tout processus n’est important que lorsque l’abstraction y est présente.

Pour transmettre à autrui une expérience vécue ou un contenu de conscience, il n’est pas d’autre moyen que de les rattacher à une classe déterminée, à un groupe déterminé de phénomènes, mais cela, comme nous le savons déjà, exige absolument une généralisation. Donc la communication suppose nécessairement la généralisation et le développement de la signification du mot, c’est-à-dire que la généralisation devient possible avec le développement de la communication. (Vygotski, traduit par Sève, 2013, p. 68)

Ainsi, la communication est rendue possible, car l’humain reflète la réalité à travers sa pensée en la généralisant.

4.4.2 L’iconicité de Peirce (1978)

Alors que cette recherche s’attarde à l’importance du caractère symbolique d’une œuvre comme un facteur à la créativité, que ce soit lors de sa création, en lui attribuant une intention particulière ou lorsque le récepteur est en quête de comprendre l’intention de l’artiste, l’iconicité de Peirce (1978) nous paraissait significative pour préciser les caractéristiques de la sémiotique (Everaert-Desmedt, 2012). Nous nous attardons spécialement à la sémiotique triadique Peircienne (voir tableau 1), laquelle vient s’agencer à nos différentes notions théoriques. D’une part, Peirce s’attarde à l’icône, une représentation du référent, ce qui nous importe grandement, puisque pour les besoins méthodologiques de cette recherche, nous utiliserons une image de l’œuvre d’art. L’icône devient alors la représentation de l’œuvre, laquelle est un objet réel, un référent, dans un tout autre contexte. La relation triadique de Peirce est reliée, d’une part, à la relation sémiotique (Legendre, 2005), ainsi qu’à la structure tridimensionnelle du savoir de Barth (1993).

Tableau 1 : Le cadre Peircien (adapté d’Everaert-Desmedt, 2012, p.18) 1 Priméité « indépendamment » 2 Secondéité « relatif à » 3 Tiercéité « médiation » Globalité Totalité Circonstances

spatiotemporelles Loi, règles

GÉNÉRAL POSSIBLE PARTICULIER RÉEL GÉNÉRAL NÉCESSAIRE

Qualités, émotions Matérialisation, expérience, faits, action-réaction

Pensée, culture, représentation, langage

Icône Indice Symbole

Chez Peirce (1978), il existe trois catégories à la pensée iconique. Ces catégories s’apparentent davantage à des niveaux, lesquels reprennent les niveaux d’abstraction de Barth (1993). D’une part, il existe la Priméité, étant instinctive et s’apparentant aux émotions ou uniquement à la réaction qu’une personne aura en fonction des qualités de l’image (Everaert-Desmedt, 2012). La Secondéité est le niveau concret de l’expérience. Parfois critiques, nous usons de nos connaissances et des indices de l’image où une relation de cause à effet et un raisonnement analytique sont souvent utilisés. La Tiercéité est finalement la symbolique de l’image, la pensée sur celle-ci, l’idée transmise. Peirce classe alors ces niveaux en fonction de la relation sémiotique, puisque, comme présenté à la figure 7, la Priméité s’apparente à l’icône (ou l’image du référent), la Secondéité à l’indice et la Tiercéité au symbole (Everaert-Desmedt, 2012).

Figure 7 : Fonctions de l’image (Modèle inspiré de Bounie, 2007, s.p.)

Symbole

(Tiercéité, fonction symbolique)

La figure 7 présente les trois niveaux Peirciens, en fonction de la relation iconique de l’image. En revenant à Barth (1993), nous pouvons constater que les mêmes niveaux d’abstraction concordent à la relation iconique et qu’ainsi, chaque pôle de la relation triadique s’agence avec une fonction de l’image (Bounie, 2007). En réception de l’icône, c’est-à-dire l’image d’une œuvre d’art, on peut accorder à l’art une fonction particulière. On peut, d’une part, parler de son sentiment vis-à-vis l’œuvre, de ses caractéristiques physiques ou encore de ce qu’elle signifie. Ici, on distingue trois fonctions, esthétique, reliée à la beauté et aux émotions, épistémique reliée aux informations et symbolique, reliée à la découverte du sens de l’œuvre (Bounie, 2007). Or, ces fonctions sont perceptibles dans le discours et peuvent nous permettre de comprendre à quel niveau d’abstraction, ou niveau Peircien, se retrouve le récepteur s’il est interrogé sur le sujet (Everaert-Desmedt, 2013).

Ayant abordé la relation iconique de l’œuvre et de son récepteur, nous aborderons maintenant les représentations sociales qui teinteront cette relation. Le prochain passage s’attarde aux représentations des enseignants sur la créativité et sur l’art.