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4. Le sens dans les apprentissages : un processus d’élaboration de sens

4.2 Idéation/abstraction

L’idéation est définie comme un « processus de formation et d’enchaînement des idées en tant que représentations mentales appartenant à un individu » (Armengaud, 2017, s.p.). En d’autres mots, il s’agit, en fonction du bagage individuel, de la part abstraite du processus de création, de la génération d’idées. C’est lorsque nous tentons de dégager le sens des objets qui nous entourent qu’idéation et abstraction sont produites. En dégager le sens, c’est aussi de permettre une réutilisation des concepts appris, de ne pas réapprendre constamment (Barth, 2013).

Pour revenir à un état d’équilibre, l’individu, faisant face à un déséquilibre, doit passer par différents processus mentaux, qui lui permettront de prendre en compte, non seulement les facteurs exogènes, mais également endogènes, de manière contextualisée. « Dès qu’un individu perçoit quelque chose par ses cinq sens, il a déjà déclenché toute une “chaîne” d’opérations mentales destinées à déterminer ce qu’il voit » (Barth, 2001, p.113). Ces opérations mentales donnent suite à une démarche cognitive qui permettra à l’individu d’abstraire cette nouvelle information, pour ensuite l’intégrer. Selon Barth (2001), ce processus d’abstraction d’une nouvelle information se décompose en six différentes activités (voir figure 3). Lorsqu’elles sont toutes réalisées, on nomme alors cette démarche cognitive : conceptualisation. La perception amène l’individu à donner un sens, une signification aux sensations, ainsi qu’à distinguer les différences. La comparaison permet de « distinguer des ressemblances ou des différences en fonction d’un critère » (Barth, 2001, p.129), de la même nature ou du même niveau d’abstraction. Ensuite, l’inférence l’amène à tirer une conclusion hypothétique à partir de la comparaison préalablement faite. L’inférence est alors amenée à être vérifiée, ce qui peut mener la personne à revenir à son hypothèse de départ en cas d’échec. Lorsque l’hypothèse est vérifiée et acceptée, la conclusion mène à une généralisation, qui sera utilisée pour « étendre la conclusion à une catégorie entière » (Barth, 2001, p.129). Ce processus de conceptualisation, présenté à la figure 3, détache alors la généralisation du processus d’abstraction qui le précède. On constate l’importance de dégager le sens de ce qui est appris, pour ensuite pouvoir réutiliser l’acquis sous forme généralisée.

Figure 3 : Démarche cognitive modélisée/démarche d’abstraction et de conceptualisation (Barth, 2001, p. 129)

L’abstraction, qui « considère à part un ou plusieurs éléments d’une perception en négligeant les autres », se distingue alors de la généralisation qui tente plutôt d’étendre « à une classe entière ce qui a été observé » (Barth, 2001, p.127). L’explication de cette démarche de conceptualisation nous permet alors de distinguer la réponse de la pensée. Puisqu’un enfant doit passer par différentes actions mentales, pour retrouver son équilibre et donc, d’aboutir à une généralisation au « problème », l’enseignement devrait en grande partie mettre l’accent sur la part conceptuelle de l’apprentissage d’un nouveau savoir. La généralisation, n’étant que la réponse à tout un processus cognitif complexe, ne permet pas d’avoir accès à tout le reste. « Les capacités d’acquérir, d’utiliser et de créer un savoir nouveau deviennent désormais aussi importantes que le savoir acquis […] L’objet de la pensée, le savoir, est indissociable du processus qui mène à son acquisition » (Barth, 1993, p.17-18). La démarche conceptuelle de cette abstraction est riche pour l’éducation, dans le but de comprendre les difficultés des élèves et de permettre l’adaptation des pratiques d’enseignement aux besoins des enfants. « Le savoir a une organisation tridimensionnelle, mettant en relation différents

a. perception : donner une signification aux

sensations, distinguer des différences;

b. comparaison : distinguer des ressemblances en

fonction d’un critère qui est de la même nature et du même niveau d’abstraction;

c. inférence : tirer une conclusion hypothétique à

partir d’une combinaison constante de ressemblances parmi celles distinguées (si…alors);

d. vérification de l’inférence: vérifier la constance

de la combinaison;

e. répétition de c et d : en cas d’échec de la

vérification, modifier la conclusion et faire une nouvelle vérification;

f. généralisation : étendre la conclusion à une

catégorie entière, généraliser.

Abstraction spécifiante Abstraction généralisante (généralisation)

C

on

ce

pt

u

al

is

at

io

n

niveaux d’abstraction : c’est la relation réciproque entre ces dimensions du savoir qui est importante à la fois pour le définir et pour le comprendre » (Barth, 1993, p.28).

Figure 4 : Structure tridimensionnelle du savoir (Barth, 1993, p.28).

Niveau d’abstraction supérieur

(Carré)

Niveau inférieur Analogies ou exemples

L’enfant qui se situe uniquement à un niveau supérieur ou à un niveau inférieur de l’abstraction ne sera pas en mesure de réaliser un apprentissage complet (voir figure 4, qui représente la structure du savoir dans son abstraction). Il restera au niveau de l’acquisition d’un nouveau concept, sans toutefois réaliser des liens significatifs sur la manière dont il est acquis (Barth, 1993). Aussi, il ne sera pas en mesure de le réutiliser de manière adéquate, puisque c’est tout le processus d’abstraction qui rend possible la généralisation. L’élève qui expérimentera un nouvel apprentissage, à différents niveaux d’abstraction, sera en mesure de se l’approprier et de le réutiliser :

Le savoir n’existe pas sans le réel, l’intérêt est d’en saisir à la fois l’aspect abstrait et l’aspect concret par un processus de comparaison des deux. Cette façon de faire rend possible une activité commune où les mots servent d’instrument pour diriger l’attention vers le réel, afin de se le clarifier. Ou bien le réel sert de support pour y introduire les mots justes (Barth, 1993, p.50).

Il n’y a donc pas de finalité, de produit, sans processus, d’où l’importance de prendre en considération tout le processus de la pensée chez l’enfant, pour l’acquisition des nouveaux concepts. « Le savoir n’existe pas en dehors de la façon dont il est “su” » (Barth, 1993, p.30). C’est ainsi qu’en amenant l’enfant à un niveau d’abstraction plus élevé qu’il sera en mesure de se situer au mode symbolique de représentation du savoir.

4.2.1 Modes de pensée et niveaux d’abstraction

La perception, un processus interne et unique à chacun, implique deux modes de pensée : le mode analogique, où la personne définit une idée globale et le mode analytique, où ce seront les détails, des éléments séparés qui sont repérés (Barth, 2001). Pour passer à travers les différentes étapes de la conceptualisation et d’être en mesure de créer une généralisation à partir d’une abstraction, il est nécessaire à l’humain d’utiliser ces deux modes de pensée. Ça lui permettra alors de se situer aux trois niveaux du savoir, donc à divers niveaux d’abstraction. Pour comprendre un tout, il est nécessaire de s’attarder aux détails, toutefois, s’arrêter uniquement aux détails ne permettra pas de créer de généralisation. « Ce n’est pas l’un ou l’autre mode de pensée qui est plus important, mais le fait de compléter l’un par l’autre » (Barth, 2001, p.136). Par exemple, lorsqu’un enseignant tente d’expliquer une règle ou une définition aux élèves, il se trouve au mode de pensée analogique (Barth, 2001). Toutefois, il est nécessaire à l’élève de comprendre les détails, les exemples et les éléments de composition pour en arriver à comprendre sa globalité. D’où l’importance d’agencer différents niveaux d’abstraction en éducation, pour une meilleure compréhension et pour une réutilisation des acquis (Barth, 2001). Le mode de pensée analogique « se [distingue] des jugements analytiques en ce qu’ils comportent non seulement une analyse de concepts, mais également une synthèse des représentations » (Lanteigne, 1992, p.26). C’est pourquoi il se distingue par son haut niveau d’abstraction, utilisant aussi un mode de pensée analytique pour y parvenir.