• Aucun résultat trouvé

Etude bibliographique

II. Quantification de protéines par couplage LC-MS/MS

II.5. Ciblage par spectrométrie de masse

II.5.2. Sélection du peptide cible pour le développement de la méthode

La sélection du peptide utilisé pour la quantification est un choix important lors du développement d’une méthode MRM en spectrométrie de masse. Pour cibler une protéine précise avec une bonne sensibilité, il est nécessaire de choisir un peptide qui :

- Est spécifique de la protéine ciblée, et uniquement celle-ci pour éviter tout biais lors de la quantification

- Fournit suffisamment de signal, c’est-à-dire qui s’ionise et fragmente facilement, pour permettre d’abaisser les limites de quantification au niveau le plus bas

Afin de répondre à ces problématiques, un certain nombre de règles ont été développée pour limiter les biais de quantification, tout en permettant d’atteindre les limites de quantification nécessaires [100]. Le peptide doit répondre aux caractéristiques suivantes :

1) La séquence d’acides aminés du peptide doit être unique de la protéine à quantifier, mais également unique de la forme de la protéine que l’on souhaite quantifier (exemple des différentes formes d’apolipoprotein E issus des différents allèles du gène [101]). Pour vérifier ça, il est possible d’utiliser l’algorithme BLASTp (accessible via

http://blast.ncbi.nlm.nih.gov). En limitant la taxonomie au système biologique étudié, il

est alors possible de vérifier que le peptide que l’on souhaite utiliser pour la quantification est unique à la forme de la protéine que l’on cible.

2) Il est important d’éviter le phénomène de clivage manqué, et en s’assurant que le peptide ne contienne pas de résidus K ou R dans sa séquence. Eviter également l’enchainement K-K ou R-R, qui pourrait induire une digestion aléatoire de la structure. 3) La longueur du peptide doit être comprise entre 5 et 25 acides aminés. Si le peptide est

trop cours, le risque qu’il appartienne à la séquence de plusieurs protéines sera plus élevé, et il fournira des fragments trop peu spécifiques en MRM, comme le montre l’exemple du Tableau 4 pour des peptides appartenant à la protéine de PSA.

75

Tableau 4. Nombre d'identifications possibles de protéines dans le plasma humain, selon le peptide de la protéine de PSA utilisé pour l'analyse (source BlastP).

Protéine de PSA Nb acides

aminés Peptide

Nombre d'occurrences dans le plasma humain (N# protéines)

3 VTK 100+

7 SVILLGR 4 12 LSEPAELTDAVK 1

De plus, si le peptide est trop long, il risque de mal fragmenter dans la cellule de collision, et les ions produits pourront sortir de la gamme de masse analysable par le spectromètre de masse. Par ailleurs, plus le peptide est long plus il sera difficile à synthétiser, et plus il coûtera cher à produire.

4) Un certain nombre d’acides aminés sont à éviter dans sa séquence si cela est possible : a. La présence de Asp-Pro (D-P) qui pourra former une imide cyclique et se

déshydrater.

b. La présence de Cystéines (C) qui pourra former des agrégats insolubles par l’intermédiaire de ponts dissulfures non réduits, et fournir différentes formes du peptide.

c. La présence de Méthionines (M), particulièrement sensible à l’oxydation par l’intermédiaire de la formation de sulfoxydes (+16 Da) et de dérivés sulfonés (+32 Da).

d. La présence de Glutamine (Q) N-terminale, pouvant se cycliser pour former des pyroglutamates.

e. La présence de Tryptophane (W) qui peut également s’oxyder. A noter cependant que ce phénomène est beaucoup moins présent que sur les méthionines.

f. D’une manière générale, tout ce qui peut être impacté par une modification post-traductionnelle (phosphorylation, acétylation).

Le panel de peptides disponibles répondant à ces règles dépendra de la protéine ciblée. Ainsi pour une protéine de faible taille, il sera parfois indispensable de sélectionner des peptides ne satisfaisant pas à la totalité de ces recommandations. Un choix devra alors être fait parmi les peptides disponibles pour limiter les biais lors de la quantification. Le choix sera plus important pour une protéine de grande taille. Cependant, un autre problème pourra avoir lieu, celui du rendement de

76

digestion de la protéine. Si la protéine s’avère difficile à digérer, un peptide de « cœur » de la séquence protéique ne sera pas forcément bien observé à cause d’une digestion incomplète [102].

De plus, un peptide en apparence parfait du point de vue de sa séquence ne sera pas forcément un bon candidat pour la quantification, à cause d’un faible rendement d’ionisation ou d’une fragmentation de l’ion parent peu efficace, ne générant que peu d’ions fragments [103]. Malheureusement, même si certains critères ont été proposés pour déterminer quels sont les bons candidats [104], l’expérience montre souvent que le seul moyen de vérifier si le peptide est un bon candidat est d’optimiser ses paramètres d’analyse sur l’instrument utilisé.

Cette différence de réponse va directement impacter la quantification de la protéine, puisqu’un peptide fournissant un signal important sur l’instrument permettre d’abaisser fortement la LOQ atteignable. Ce phénomène est illustré sur la Figure 21 ci-dessous :

Figure 21. Réponse comparée de 3 peptides présents à 250 ng/mL dans un échantillon

Ainsi, dans le cas présenté ici, on peut espérer atteindre des limites assez basses pour l’apolipoprotein E dont le peptide associé répond très bien, alors que celle pour l’apolipoprotein A-I sera bien plus haute.

Il est cependant difficile d’estimer avec certitude si un peptide va fournir une réponse intense, ainsi que de prévoir de quelle façon il va se fractionner dans la cellule de collision utilisée. La seule solution reste généralement de chercher plusieurs peptides d’une même protéine au sein de la

77 matrice pour s’assurer de choisir le peptide qui répond le mieux, et de sélectionner les transitions qui seront à la fois intenses et peu interférées [105].

Des outils ont été proposés afin de recenser les différents peptides observés pour la quantification. Pour les protéines suffisamment concentrées, où le peptide endogène associé peut être détecté sans difficulté dans la matrice, il est possible de combiner le premier tri effectué dans les peptides d’après leur structure avec les listes de peptides observés dans PeptideAtlas (http://www.peptideatlas.org/),

Global Proteome Machine Database (http://gpmdb.thegpm.org/) ou PRIDE

(http://www.ebi.ac.uk/pride/) pour sélectionner 3 à 5 peptides, et comparer leur réponse. Cette

stratégie peut permettre d’éviter d’avoir à synthétiser un grand nombre de peptides pour se rendre compte que ceux-ci ne répondent pas ou peu, et qu’ils seront alors inutilisable pour faire de la quantification. Cependant, si la protéine ciblée est très peu concentrée, comme c’est souvent le cas, la synthèse sera le seul moyen de contrôler la réponse des peptides. Les bases de données citées précédemment rassemblent des jeux de données, réalisés sur différents appareils, et ont pour but de mettre en avant les peptides les plus souvent observés pour chaque protéine, et pourront donc orienter le choix des peptides à faire synthétiser.