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pour l’analyse de protéines sanguines

III.3. Impact du sang total sur l’analyse de protéines plasmatiques

L’utilisation de sang total pour l’analyse de protéines par spectrométrie de masse est généralement évitée en raison de l’effet matrice important et des interférences qui peuvent en résulter sur les chromatogrammes observés. Les récentes études menées par le groupe de Christoph Borchers [27,162] démontrent qu’il est possible d’utiliser cette matrice pour analyser les protéines contenues dans le plasma, que ce soit en terme d’identification, ou de quantification. Cependant, le travail qu’ils ont réalisé ne statue pas sur les problèmes que peut poser l’utilisation de ce sang total en

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spectrométrie de masse, en comparaison du plasma plus couramment utilisé. L’étude réalisée dans cette section propose alors de comparer ces 2 matrices, et d’évaluer l’intérêt des membranes séparatives Vivid par rapport aux cartes DBS.

Du sang frais humain n’étant pas disponible au laboratoire au moment où l’étude a été menée, du sang de souris a été utilisé, et 20 peptides associés aux protéines de souris décrites dans la partie Matériel et méthodes ont été suivis pour comparer le signal observé. Ainsi, 3 réplicats de 10 μL de sang total ont été déposés au centre de spots DBS, avant de récupérer la totalité du spot et de le préparer selon le processus décrit précédemment. En parallèle, 3 réplicats de 10 μL ont été déposés sur membrane Vivid, puis les 3 bandes ont été totalement utilisées pour extraire le sang total. Enfin, 3 réplicats supplémentaires ont été réalisés sur des bandes Vivid, mais seules les parties correspondant au plasma extrait ont été récupérées. Les signaux observés pour chaque peptide dans chaque type d’échantillon ont ensuite été comparés, et les coefficients de variation sur l’aire observée ont été calculés.

Figure 53. Impact du sang total sur le signal observé pour les peptides de Transferrin (a), de Complement factor B (b) et de Clusterin (c) suivis dans les analyses du sang de souris.

159 Comme on peut le voir sur la Figure 53, pour 3 peptides, la complexité supplémentaire du sang total, par rapport au plasma déjà très complexe, va avoir plusieurs effets négatifs.

Tout d’abord, on peut constater la présence d’interférences sur les échantillons de sang total, en comparaison des échantillons de plasma extrait. En effet que ce soit pour les spots DBS (trace bleue) ou les bandes Vivid (trace orange), on observe des pics correspondant à des interférents (désignés par des *) qui ne sont pas présentent sur les échantillons de plasma extrait à l’aide de la membrane (trace verte). Le léger décalage des temps de rétention observé pour les différents peptides entre les échantillons de sang total et le plasma s’explique également par la complexité de l’échantillon : si davantage de composés sont présents, les sites de la phase stationnaire sont plus rapidement occupés, et les composés sont moins retenus de façon générale. Si la séparation chromatographique est suffisante, l’interférent n’aura qu’un impact mineur sur la quantification (Figure 53a et b), mais pourra avoir un effet désastreux si la séparation est insuffisante (Figure 53c).

De plus, l’effet matrice généré par le sang total est très important. En effet, les échantillons de sang total contiennent la quasi-totalité des protéines déposées. L’échantillon de plasma extrait ne comporte qu’une fraction de celles-ci, puisque la bande n’est pas récupérée dans sa totalité, et comme vu au point précédent la majorité des protéines se concentre à l’endroit du dépôt, dans une zone qui n’a pas été prélevée. On peut en déduire que la quantité de protéines dans l’échantillon de plasma extrait est bien inférieure à celle présente dans les échantillons de sang total, et pourtant on peut observer un signal bien supérieur dans l’échantillon plasmatique (Figure 53a et b). Ces figures illustrent parfaitement la suppression de signal qui résulte de l’effet matrice, qui intervient au niveau de la source électrospray comme discuté dans le Chapitre 5, et pose tant de soucis dans l’analyse de protéines minoritaires. Le signal moins important dans la Figure 53c peut s’expliquer par le fait qu’un interférent coélue avec le peptide étudié. Ce phénomène va alors fausser la quantification en augmentant fortement le signal du peptide suivi.

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Figure 54. Evaluation de la répétabilité (N=3) observée lors de l'analyse du sang total de souris déposé sur DBS (bleu), sur Vivid (orange) et du plasma extrait sur Vivid (vert).

La répétabilité des protocoles a été estimée à l’aide de la Figure 54. Comme on peut le constater, conformément à ce qui était observé dans la section précédente, malgré le fait que l’échantillon de plasma extrait fournisse un signal bien plus important que les échantillons de sang total, la répartition non uniforme des protéines ne permet pas d’obtenir des CVs acceptables pour une analyse quantitative. Les échantillons de sang total, particulièrement celui extrait à partir d’un spot DBS, possèdent en revanche une très bonne répétabilité, à la manière de celle observée au point III.1., et ce malgré l’importante suppression de signal dont il souffre.

Comme présenté dans ces données, travailler en spectrométrie de masse à partir de sang total s’avère difficile en raison de l’effet matrice important et de la présence d’interférents. Cependant, l’utilisation de plasma extrait à partir des membranes Vivid est totalement exclue en raison de l’impossibilité de reproduire efficacement les résultats. Même si il est délicat de travailler à partir de sang total, la parfaite répétabilité de l’extraction semble permettre de quantifier les protéines plasmatiques. Le protocole analytique sera en revanche plus complexe que dans l’utilisation du plasma, particulièrement si on cherche à quantifier des protéines faiblement concentrées. Il sera alors nécessaire de fractionner ou de purifier davantage l’échantillon, ainsi que de maîtriser efficacement la séparation chromatographique pour limiter au maximum l’effet matrice.

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IV. Conclusions et perspectives

Au cours du travail réalisé dans ce chapitre, les cartes DBS ainsi que les membranes Vivid ont été évaluées, dans le cadre de l’étude de protéines contenues dans du sang total, et du plasma sanguin. Les résultats obtenus démontrent une très bonne répétabilité du protocole, à condition que le volume déposé soit parfaitement contrôlé, et que la totalité de l’échantillon déposé soit récupéré pour analyse. De plus, des études ont démontré qu’il était possible d’automatiser les prélèvements effectués sur ces supports, permettant d’accélérer le débit analytique [163]. Ces résultats sont valables à la fois pour le plasma et le sang total, bien que l’utilisation de ce dernier nécessite un certain nombre de précautions dans la suite du protocole analytique, en particulier pour simplifier l’échantillon et limiter l’effet matrice, ainsi que pour limiter l’impact des interférents supplémentaires.

Le travail effectué ici démontre que les protéines ne se répartissent pas de façon uniforme sur les supports utilisés, et qu’il est alors délicat de les utiliser en prélevant une zone du dépôt uniquement. De plus, l’intérêt des membranes séparatives utilisées est fortement limité. En effet, leur utilisation aurait permis de séparer le plasma du reste des constituants du sang, mais les résultats obtenus démontrent une concentration des protéines dans la zone de dépôt qui contient les composés que l’on souhaite éliminer. Il semble alors plus prudent de travailler avec les cartes DBS pour ce type d'études, et de travailler la préparation d’échantillon en aval pour simplifier la matrice. Cependant, la nécessité de mesurer un volume précis d’échantillon à déposer limite fortement la possibilité de réaliser des analyses en déposant juste une goutte de sang prélevée sur le bout du doigt. Pour atteindre ces objectifs, il semble nécessaire de développer un dispositif supplémentaire qui permettrait de normaliser la quantité de sang déposé, utilisant par exemple des capillaires normalisés d’un volume donné. En remplissant ces capillaires, il serait alors possible de contrôler précisément la quantité de sang déposé sur le support.

Un des intérêts de ce type de support est la grande stabilité des analytes déposés, et ce même à température ambiante, comme cela a été montré par l’étude du groupe de Christoph Borchers [27]. Cette stabilité peut être liée à l’absence d’eau sur le support après séchage, responsable de la mobilité des espèces en solution, et favorisant les clivages non souhaités et les modifications post-traductionnelles. Même si des études plus poussées restent nécessaires, notamment sur l’étude d’un cas concret de pathologie, ces supports pourraient s’avérer dans le futur de formidables outils de stockage des échantillons, notamment pour la constitution de banques, et pourraient s’avérer à termes de puissants outils de normalisation des prélèvements.

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Le problème principal des supports DBS vient de la matrice sanguine déposée, plus complexe que la matrice plasmatique. La présence d’interférences sur les chromatogrammes limite les possibilités de quantification en matrice plasmatique, particulièrement pour les protéines les plus faiblement concentrées, et ce phénomène est encore accentué dans le cas d’une matrice sanguine comme présenté en Figure 53. Afin de dépasser cette complexité, il semblait intéressant de chercher à développer de nouvelles méthodologies analytiques. L’utilisation d’une nouvelle méthode de quantification, appelée MRM3, a été évaluée dans le chapitre suivant dans le cadre de l’étude de protéines plasmatiques et urinaires.

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Chapitre 4 :

L’utilisation de la MRM

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comme réponse

à la complexité des fluides biologiques :