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Etude bibliographique

I.1. L’étude des biomarqueurs protéiques

I.2.2. La variation inter-individus

La fonction d’un biomarqueur est de permettre de distinguer un état 0 d’un état 1, comme la présence ou l’absence d’une pathologie, chez un patient donné, de façon la plus certaine possible. Le niveau de concentration d’une protéine circulant au sein d’un fluide biologique peut la plupart du temps être affecté par une multitude de causes, reliées ou non à une certaine pathologie.

Ainsi, si on prend le cas de la protéine de PSA (Prostate-Specific Antigen), une variation importante de son niveau (de 1 à près de 10 ng/mL) a été clairement associée à un cancer de la prostate chez l’homme [18], mais une élévation du niveau de la protéine de CRP (C-Reactive Protein) peut être associée à une multitude de cause, la CRP étant surexprimée en cas de réaction inflammatoire [19].

Outre le fait que le niveau de certaines protéines peut être relié à plusieurs pathologies, il peut dans certains cas être affecté simplement par des facteurs liés à l’individu lui-même, tel que son niveau sportif, son sexe, son âge, etc [20]… Cette variation inter-individus va grandement compliquer l’évaluation et la validation de candidats potentiels, étant donné qu’il sera nécessaire de chercher à avoir le maximum de variations de caractéristiques au sein d’un même groupe de patients, pour tenter

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d’associer le niveau de la protéine observé à l’état physiologique considéré. Cela signifie que pour tenter d’évaluer au mieux l’utilité d’une ou plusieurs protéines, il faudra toujours chercher à avoir le maximum de patients pour l’étude, ce qui peut s’avérer complexe dans un certain nombre de cas.

Si on prend le cas de la maladie d’Alzheimer par exemple, qui a tendance à davantage se manifester quand l’âge du patient augmente, comment obtenir un panel d’âge assez étendu pour déterminer si le niveau de la protéine est lié à l’âge du patient ou à sa pathologie ? D’un autre point de vue, il est relativement aisé d’obtenir des échantillons de patients atteints d’une maladie particulière, étant donné que ces patients subissent généralement une batterie de tests cliniques et acceptent assez facilement de fournir des échantillons qui pourraient à terme leur permettre d’obtenir un traitement. Mais comment convaincre des personnes saines de fournir de grosses quantités d’échantillon, afin de constituer un groupe contrôle suffisamment important ?

C’est pour pallier à ces problèmes qu’un certain nombre de banques d’échantillons a vu le jour, afin de rassembler en un même endroit un maximum d’échantillons pouvant permettre d’avoir une vision assez large et à long terme d’une pathologie donnée. La cohorte AgeCoDe [21], réalisée en Allemagne chez plus de 3000 patients âgés de plus de 75 ans à base de plusieurs prélèvements étalés sur plusieurs mois, a été réalisée afin de prédire les risques de démence chez les personnes âgées. La constitution de telles banques d’échantillons est nécessaire à la recherche de biomarqueurs, mais nécessite des moyens difficiles à mettre en place. Des infrastructures et équipements extrêmement coûteux sont requis, notamment pour le stockage des échantillons, conservés généralement à -80°C dans des congélateurs spécifiques. Les échantillons conservés dans ces banques sont dispensés aux laboratoires de recherche en faibles quantités en raison de leur caractère précieux, et il est généralement demandé une participation aux frais engagés, qui peuvent être problématique pour une petite structure de recherche.

Les conclusions qui peuvent être tirées des analyses de ces échantillons issus de banques sont étroitement reliées à la façon dont ils ont été gérés, et il est nécessaire de prendre certaines précautions de leur prélèvement à leur transport pour éviter d’induire un biais dans les résultats.

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I.2.3. La gestion des échantillons biologiques

La première étape à gérer dans la constitution de banques d’échantillon concerne le prélèvement de l’échantillon sur le patient, et sur cette problématique, un travail important reste à effectuer pour obtenir des méthodes normalisées qui permettront de traiter les résultats obtenus sans craindre une variation liée au site de prélèvement, notamment en termes de matériel ou de méthode de prélèvement utilisée.

Généralement, la normalisation de la méthode de préparation d’échantillon et de quantification est évaluée, comme cela l’a été dans différentes études [22,23]. Ces études ont démontré que les méthodes peuvent être effectivement transposées sur un certain nombre de sites, et la quantification des mêmes échantillons fournie bien des résultats similaires, démontrant la robustesse de la quantification de protéines par spectrométrie de masse.

Cependant, l’impact du mode de prélèvement des échantillons n’a que peu, voire pas du tout été évalué. Et pourtant, la composition de la matrice peut énormément changer selon la façon dont celui-ci est réalisé, en grande partie selon l’éclatement des hématies qui s’est produit [24]. L’éclatement de ces hématies peut fortement impacter les résultats, notamment à cause d’une complexification de la matrice, qui va générer un effet matrice plus important et l’introduction de potentiels interférents. Une étude réalisée plus loin dans ce manuscrit a permis de mettre en évidence l’importance de normaliser les modes de prélèvement, afin d’éviter d’importants effets centres lors de l’utilisation d’échantillons provenant de différentes banques de prélèvement, et sera donc discutée plus loin.

Les échantillons récoltés doivent être stockés pour leur utilisation ultérieure, et transportés ensuite d’un laboratoire à l’autre pour mener les analyses. Ces deux étapes peuvent s’avérer difficile à gérer, en plus d’être rapidement coûteuses. La matrice plasmatique est en effet relativement peu stables à température ambiante, et les protéines qu’elle contient peuvent se dégrader rapidement, par l’intermédiaire notamment de modifications post-traductionnelles importantes telles que les réactions d’oxydations sur les méthionines qui peuvent se produire si les échantillons ne sont pas conservés dans les bonnes conditions [25]. Pour ces raisons, les échantillons sont généralement conservés à -80°C, dans des équipements spécifiques, coûteux à la fois à l’achat et en terme d’entretien. Le transport est également problématique, et doit la plupart du temps s’effectuer dans de la carboglace en un temps minimal. Ces mesures peuvent rapidement augmenter les moyens financiers nécessaires à une étude à large échelle, en plus de complexifier les précautions logistiques à prendre tels que le contrôle de la

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bonne congélation des échantillons à l’arrivée. Il serait intéressant de trouver des solutions alternatives à ces moyens de stockage et de transport, afin de simplifier les études. Auparavant considérés pour des études pharmacocinétiques, l’utilisation de Dried Blood Spot (DBS) commence à être envisagée pour l’étude de protéines issues du sang ou du plasma sanguin [26]. Contrairement à un échantillon liquide qui se détériore rapidement à température ambiante, il a récemment été montré par le groupe de Christoph Borchers que les protéines quantifiées au sein d’un échantillon déposé sur DBS présentent des niveaux estimés similaires quel que soit la température de stockage utilisée [27]. Même si des études supplémentaires restent nécessaires pour confirmer ces résultats, les DBS semblent une alternative intéressante pour simplifier le stockage et le transport d’échantillons.

La complexité de la matrice utilisée ainsi que ses problèmes associés imposent un processus de validation important, avant de pouvoir utiliser les protéines identifiées dans une application clinique.

I.3. Le processus de validation des biomarqueurs protéiques : quelle optique pour la