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Chapitre 1 : les sélecteurs chiraux

La classification des sélecteurs chiraux est basée sur leur structure et sur les interactions mises en jeu lors du processus de la reconnaissance chirale. On peut ainsi distinguer deux grandes familles de sélecteurs chiraux : les sélecteurs dits « conventionnels » et les sélecteurs dits « sur mesure », spécifiques d’un énantiomère prédéterminé.

I Les sélecteurs conventionnels et leurs limitations

Les sélecteurs chiraux conventionnels peuvent être classés en cinq grandes familles selon leur structure chimique et le mécanisme de reconnaissance chirale mis en jeu (figure 1).

Figure 1 : Classification des sélecteurs chiraux conventionnels. (SAH : Sérum Albumine Humaine ; SAB :

Sérum Albumine de Bœuf, OVM : Ovomucoïde ; AGP : α1-glycoprotéine acide ; CBH : Cellobiohydrolase). La première famille regroupe les sélecteurs chiraux permettant la séparation d’énantiomères par formation de complexes diastéréoisomériques labiles.

Les phases stationnaires de type Pirkle [1] sont constituées d’une petite molécule, très souvent un acide aminé possédant un noyau aromatique, immobilisé de façon covalente sur un gel de silice. Le mécanisme de reconnaissance chirale proposé par Pirkle est basé sur la formation de diastéréoisomères entre soluté et sélecteur, mettant en jeu des interactions de type π-π (transfert de charge), des interactions par formation de liaisons hydrogène, d’empilement de dipôle et/ou des encombrements stériques [1,2].

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Les phases stationnaires faisant intervenir le phénomène d’échange de ligands, développées par Davankov et Rogozhin en 1971 [3], sont obtenues par greffage chimique d’un ligand chiral, le plus souvent un acide aminé, sur une matrice organique de type polyacrylamide ou polystyrène-divinylbenzène [4,5] ou sur une silice de fine granulométrie

[6]. Le principe de la séparation repose sur la formation de complexes diastéréoisomériques

ternaires entre un ligand sélecteur, un cation métallique (le Cu(II) est le plus couramment utilisé) et le soluté (énantiomères R ou S) possédant des stabilités et/ou des affinités différentes pour la colonne. De nombreuses revues sur l’application de l’échange de ligands en chromatographie et en électrophorèse capillaire sont présentes dans la littérature [7].

Les sélecteurs chiraux appartenant à la deuxième famille impliquent la formation de complexes d’inclusion hydrophobes (cyclodextrines) ou hydrophiles (éthers couronne).

Les cyclodextrines [8] sont des oligosaccharides cycliques constitués d’unités glucopyranosiques liées entre elles par des liaisons glucosidiques α(1-4). Elles forment une cavité hydrophobe de forme toroïdale. Les groupements alcool secondaire bordent l’entrée de la cavité alors que les groupements alcool primaire plus rapprochés, et par ailleurs plus flexibles, obstruent partiellement l’accès opposé, plus étroit, de la cavité. Du fait de l’absence de groupements hydroxyle et de part la densité électronique élevée dûe aux atomes d’oxygène glucosidique à l’intérieur de la cavité, celle-ci est à la fois hydrophobe et apolaire, ce qui favorise la formation de complexe d’inclusion avec les solutés apolaires ou polaires comportant un motif hydrophobe.

Les éthers couronne [9] sont des polyéthers macrocycliques construits sur la base d’unités 1,2-éthanediol (-O-C2H4-O). Les éthers couronne possèdent une cavité hydrophile et un extérieur hydrophobe. La formation de liaisons hydrogène et d’interactions électrostatiques entre la fonction amine d’un composé chiral et les hétéroatomes de l’éther couronne joue un rôle important dans le phénomène d’inclusion. Le domaine d’application de ces sélecteurs chiraux est, cependant, limité aux solutés possédant une fonction amine primaire.

Les polymères peuvent constituer une troisième famille de sélecteurs chiraux conventionnels. En effet, les polymères naturels [10] et synthétiques [11] possèdent une structure hélicoïdale asymétrique, impliquant une combinaison d’interactions de type π-π, des liaisons hydrogène et/ou des empilements de dipôles et la formation de complexe d’inclusion pour induire une séparation.

Chapitre 1 : les sélecteurs chiraux

Les protéines sont des polymères de poids moléculaire élevé composés de sous-unités chirales (les acides aminés naturels en série L en général). Diverses protéines telles que l’avidine [12], l’α1-glycoprotéine acide (AGP) [13,14], l’ovomucoïde (OVM) [15], la cellulase nommée cellobiohydrolase (CBH) [16], la sérum albumine humain (SAH) [17] ou de bœuf (SAB) [18,19]…ont la capacité de fixer certaines molécules de façon stéréosélective. Les mécanismes de reconnaissance chirale semblent être dûs à la structure particulière de la protéine et/ou à la formation de cavités hydrophobes capables de reconnaître des molécules chirales. D’autres interactions (effet hydrophobe, électrostatiques, transfert de charges, liaisons hydrogène, échange d’ions, etc) sont probablement également impliquées dans la reconnaissance énantiosélective du ligand [20]. Ces sélecteurs chiraux permettent la résolution d’une large gamme de composés chiraux. Ainsi, des molécules médicamenteuses chirales acides, neutres ou basiques ont été séparées à l’aide des différents sélecteurs chiraux protéiques existants par CLHP ou par électrophorèse capillaire [21].

Enfin, la dernière famille est un type de sélecteurs plus récemment introduit [22], qui regroupent les antibiotiques macrocycliques. Les antibiotiques macrocycliques les plus utilisés et donnant de meilleurs résultats en tant que sélecteurs chiraux sont les glycopeptides (ristocétine, vancomycine, teicoplanine et avopracine) [23,24]. Bien que le mécanisme de reconnaissance de ces sélecteurs chiraux ne soit pas clairement élucidé, il semblerait que des mécanismes d’inclusion dans la cavité hydrophobe, des interactions dipôles-dipôles, des liaisons hydrogène, des interactions de type π-π (transfert de charge), électrostatiques, ou des répulsions stériques, jouent un rôle dans la reconnaissance chirale [23,25,26]. Donc, les propriétés énantiosélectives des antibiotiques macrocycliques semblent se rapprocher de celles des protéines, des cyclodextrines et des sélecteurs chiraux polymériques. Cependant, les antibiotiques macrocycliques présentent des avantages majeurs par rapport aux autres sélecteurs chiraux à savoir, leur stabilité plus élevée et leur capacité plus importantes [27]. Ils ont été utilisés pour la résolution énantiomérique d’une grande variété de composés. Nous pouvons citer sans être exhaustif, les acides aminés et dérivés, les peptides, des composés acides, alcools, aminés, esters, sulfamides, aromatiques ou aliphatiques.

Ces sélecteurs conventionnels, décrits rapidement ici, sont très largement utilisés (plus de 200 PSCs commerciales sont actuellement disponibles) et, de nombreuses applications sont réalisées grâce à eux. Cependant, ils ne sont pas dirigés spécifiquement contre une molécule cible prédéterminée. Donc, un « screening » des sélecteurs disponibles doit être réalisé afin de

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développer une méthode de séparation appropriée aux énantiomères. De plus, la présence de sites non spécifiques, dans la plupart des cas, entraîne une diminution de l’énantiosélectivité apparente, une efficacité limitée et une déformation des pics. Enfin, l’ordre d’élution des énantiomères séparés par ces sélecteurs conventionnels n’est pas prédéfini.

Ainsi, des recherches ont été menées dans le but de développer des sélecteurs chiraux, spécifiques d’un énantiomère cible prédéterminé.