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III Les caractéristiques des aptamères

III.5 Liaison d’un aptamère à sa cible : quelques exemples de structures résolues

III.5.1 Exemple d’un complexe aptamère-nucléotide

Remarque : pour éviter toutes confusions, lorsque la base est indiquée en italique, le nombre

associé correspond à la position chimique au sein de la base. Sinon, ce nombre fait référence à la position de cette base dans la séquence de l’aptamère

Sassanfar et Szostak [82] ont appliqué la sélection in vitro afin d’identifier un aptamère ARN fixant l'ATP, liée au niveau d’une colonne d’affinité par l’intermédiaire du carbone C8 de l’adénine (cf § II-1-3). Cet aptamère a la capacité d’intéragir également avec l’AMP, l’ADP et l’adénosine de façon stoechiométrique. En revanche, les analogues triphosphates ne sont pas fixés par cet aptamère.

La structure du complexe aptamère ARN-AMP a été résolue par deux laboratoires différents [155,156]. Les oligonucléotides utilisés par ces équipes possèdent des tiges qui différent par leur longueur et leur séquence. Cependant, la poche de fixation de l’AMP (boucle interne et séquence consensus) est identique, mis à part quelques erreurs expérimentales (figure 17a et 18a). La figure 17 donne la structure secondaire de l’aptamère utilisé par Dieckmann et ses collaborateurs et montre également une illustration schématique du complexe aptamère-cible.

(a)

(b)

Figure 17: (a) Structure secondaire de l’aptamère ARN fixant l’AMP utilisé par Dieckmann : les bases

conservées sont entourées et les pointillés indiquent les bases connectées à l’AMP. (b) Schéma du complexe aptamère ARN-AMP illustrant le repliement en ξ, les empilements de bases (rectangle noir), et les appariements de bases [72,156].

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Par la suite, nous décrirons la structure du complexe aptamère-AMP utilisé par Jiang et ses collaborateurs (figure 18) [155] puisque les deux groupes fournissent des conclusions similaires concernant les caractéristiques « clefs » associées à la structure de l’ARN et à l’association du complexe.

(a)

(b)

Figure 18: (a) Structure secondaire de l’aptamère ARN fixant l’AMP utilisé par Jiang. (b) Structure chimique de

l’AMP [155].

La structure de cet aptamère est constituée de deux tiges d’ARNs orientées orthogonalement (106 ± 9°) (figure 19a) et connectées par l’intermédiaire d’une boucle interne asymétrique, un segment de 11 nucléotides riche en purines faisant face à une guanine (G34). Une des tiges se termine par une tétraboucle UUCG. Le segment de 11 nucléotides (G7 à G17) lié à l’AMP s’arrange en formant un « S », la partie 5’ (G7 à A12) est impliquée dans la liaison de l’AMP, et l’autre partie (A13 à G17) permet le maintien de la structure de l’édifice et la fermeture de la poche de fixation (figure 19).

La partie hydrophobe de l’AMP constituée par son cycle purine est intercalée dans un réseau de bases empilées, qui imite la structure d’un motif très stable que l’on retrouve dans beaucoup d’autres structures ribonucléiques : la tétraboucle GNRA [157] (figure 20a). Les bases G8-A9-A10 constituent les trois premiers résidus du motif GNRA et, l’AMP vient s’insérer comme quatrième base de la tétraboucle.

La reconnaissance moléculaire de la cible est réalisée par un mésappariement G8-AMP impliquant 2 liaisons hydrogène. L’G8-AMP établit également une liaison hydrogène via son N3 avec l’amine exocyclique de l’adénine A12 lui étant perpendiculaire (figure 20b). Ainsi, la première partie de la boucle facilite la fixation de l’AMP en orientant A12 de façon orthogonale par rapport à l’AMP et G11 afin que le groupement amine exocyclique de A12

1 2 3 4 5 6 7 8 9

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forme une liaison hydrogène avec le N3 de l’AMP. Le reste de la boucle undécanucléotidique est orienté de façon à former une « cage » emprisonnant l’AMP et l’empêchant d’interagir avec une mauvaise orientation. Cette « cage » est fermée aux deux extrémités par deux mésappariements G-G : G17-G34 en haut de l’AMP et G7-G11 en bas (figure 20d).

Figure 19: Représentation de la structure tertiaire du complexe aptamère-AMP (les tiges droite et gauche sont

représentées respectivement en vert et bleu, les deux appariements G-G sont en orange, les résidus G8 à G10 constituant une partie du motif GNRA sont en majenta. Le résidu A12 est coloré en marron. L’encadré représente une vue de l’AMP encapsulé dans la poche de fixation de l’aptamère [154].

D’autre part, il peut être observé que la conformation des riboses des résidus G11, A12, et G34 est de type C2’endo alors qu’habituellement les riboses de l’ARN, sous la forme hélice A, possèdent une conformation C3’endo. Cette caractéristique de l’aptamère autorise une distorsion du squelette expliquant que des bases adjacentes G11-A12, A12-A13, et G34-C35 ne sont pas empilées alors que les résidus non adjacents tels que G11-G34-C35 et A12-G34 sont empilés (figure 20c). Enfin, nous pouvons remarquer que la position C8 du cycle purine de l’AMP (site d’attachement du ligand au niveau du support solide de la colonne d’affinité lors de la sélection) et le groupement 5’ phosphate ne sont pas impliqués dans la fixation et restent donc exposés au solvant.

L’aptamère ARN pour l’AMP est un bon exemple pour illustrer les phénomènes mis en jeu lors de la liaison d’une cible par l’ARN. En effet, cette reconnaissance implique une fixation adaptée, au cours de laquelle l’AMP induit un changement conformationnel du site de fixation pour l’ATP dans l’aptamère. En absence de ligand, la boucle interne contenant la guanine non appariée est exposée au solvant ; aucune résonance n’est observée entre la boucle interne et la guanine sur le spectre RMN de l’aptamère libre. Le repliement en structure

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tridimentionnelle de l’aptamère, permettant d’encapsuler l’AMP, semble être initié par la formation du motif de type GNRA lors de l’ajout d’AMP. Ainsi, la résolution de la structure du complexe aptamère-AMP suggère l’implication d’un mécanisme de type « induced fit » similaire à celui adopté par les enzymes.

Figure 20: (a) Représentation structurale du motif GNRA et des bases G7 et G11 fermant le motif, (b)

Description des liaisons hydrogène entre l’AMP et G8, A12. (c) Illustration de l’environnement à gauche de l’AMP : les pointillés indiquent les liaisons hydrogène entre l’amine exocyclique de A12 et le N3 de l’AMP et entre le N7 de A12 et le 2’-OH du ribose de G34. (d) Représentation des 2 mésapariements G-G : liaison Hoogsteen inversée G7(anti)-G11(anti) et liaison Hoogsteen G17(anti)-G34(syn) [152].

La méthode de sélection in vitro a également été utilisée pour identifier des aptamères ADN fixant leur ligand avec une affinité importante. Ainsi, un aptamère ADN fixant l’ATP a été sélectionné (figure 21) [83], cet aptamère forme également un complexe de haute affinité pour l’AMP. La structure du complexe aptamère ADN-AMP a été résolu par RMN [158], cet aptamère semble former une structure en G-quartet à deux plans. Une comparaison des structures des complexes aptamère ADN-AMP et aptamère ARN-AMP indique que ces complexes adoptent des structures secondaire et tertiaire différentes à cause de l’absence de l’hydroxyle en 2’ dans l’ADN par rapport à l’ARN. De plus, une étude par RMN a également

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montré que l’aptamère ADN lie deux molécules d’ATP alors que l’aptamère ARN n’en lie qu’une [158]. Cependant, de façon surprenante, ces complexes possèdent des appariements identiques permettant la reconnaissance et des éléments structuraux communs définissant leur poche de fixation. En effet, les deux aptamères reconnaissent la base de l’AMP par l’intermédiaire d’une guanine et forment un mésappariement planaire identique : la guanine reconnaît la face Watson-Crick de l’adénine par l’intermédiaire de son sillon mineur (figure

20b). De plus, dans chaque système, cette reconnaissance G-A(MP) se trouve empilée au

dessus d’un mésappariement G-G impliquant la face Watson-Crick de l’une des guanine et le côté Hoogsteen de l’autre. Enfin, pour les deux complexes, la base adénine de l’AMP fait face à une autre adénine par son côté opposé. Cette adénine est impliquée dans un mésappariement G-A dans le complexe aptamère ADN-AMP alors que cette dernière n’est pas appariée dans le complexe impliquant l’aptamère ARN.

Figure 21: (a) Représentation structurale de l’aptamère ADN 27-mer fixant l’ATP identifié par sélection in

vitro par Huizenga et coll. [83] : les appariements de type Watson-Crick sont représentés par des ronds et les

mésappariements par des cercles remplis. (b) Représentation schématique du repliement secondaire de cet aptamère : AI et AII représentent les 2 AMP liés de façon non-équivalente [158].

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III.5.2 Exemple d’un complexe aptamère-protéine formant une structure