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III Les caractéristiques des aptamères

III.4 Caractéristiques structurales des aptamères

Les oligonucléotides sont des poly-anions, chaque motif unitaire possédant une charge à pH neutre, des sites donneurs/accepteurs de liaisons hydrogène et un hétérocycle aromatique (la base nucléique) pouvant générer des interactions d’empilement (figure 15).

Tout comme la structure des protéines, la structure des acides nucléiques possède une classification permettant la hiérarchisation de leur architecture. La structure primaire, correspondant à la séquence en acides nucléiques, se replie suite à la formation de paires de bases, pour générer des structures secondaire et tertiaire. Par analogie avec le vocabulaire décrivant la structure des protéines, on dit donc que l’hélice est la structure secondaire de base des oligonucléotides, tandis que la structure tertiaire décrit l’arrangement suprahélicoïdal de la molécule.

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Figure 15: Structure des acides nucléiques et des bases associées.

III.4.1 La structure secondaire : la double hélice

Via le repliement de leur squelette (désoxy)ribose-phosphate, les acides nucléiques monobrins forment des doubles hélices de longueur variable par l’appariement de régions complémentaires au sens de Watson et Crick (c’est-à-dire pour la formation de paires G-C et A-T(U)).

Les petit et grand sillons des hélices représentent des zones d’interaction favorables, que l’évolution naturelle a largement exploitée (par exemple, les facteurs de transcription se lient à l’ADN génomique via le grand sillon). Cependant, la spécificité de ces sites est a priori limitée, l’information discriminante (c’est-à-dire les groupements fonctionnels des bases sont orientés vers l’intérieur) restant peu accessible. Seules les déformations locales au sein de l’hélice, en exposant certains groupements, permettent des interactions spécifiques avec la molécule partenaire. Les déformations des hélices sont créées par des appariements non

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canoniques des bases (association selon Wobble, Hoogsteen), par empilement (« stacking ») interbrin des bases (« base zipper »), ou par l’association de deux bases consécutives d’un même brin pour former une plate-forme d’interaction. Les triplets de bases, triples hélices et « tétrades de G » (tableau 4) sont stabilisés par de telles interactions et constituent des structures propices à la fixation d’un ligand donné [147].

III.4.2 De la structure secondaire à la structure tertiaire : l’arrangement suprahélicoïdal

Les régions charnières de bases non appariées sont de toute première importance pour une interaction spécifique avec la molécule cible, et adoptent des conformations très variées : saillies, jonctions, boucles, pseudo-noeuds… [148].

La présence d’une ou plusieurs bases non appariées crée une saillie au sein de l’hélice. Ces saillies sont soit orientées vers l’intérieur de l’hélice et stabilisées par « stacking », soit rejetées vers l’extérieur, et fournissent alors par leur exposition un site d’interaction privilégié. La zone de connection entre deux hélices orientées différemment s’appelle une jonction ou « turn ». Différentes familles (C-turn, U-turn) ont été identifiées, d’après le nucléotide autour duquel s’effectue le changement d’orientation du brin. Le repliement d’un brin sur lui-même pour former une double hélice donne lieu à une structure « en épingle à cheveux » ou « en tige-boucle » (tableau 4).

La taille de la région non appariée (boucle) est variable. Mais les conformations des séquences consensus fréquemment rencontrées GNRA ou UNCG (où R = une purine, et N = un nucléotide) sont rendues particulièrement stables et rigides par l’appariement de la première et de la dernière base, un fort empilement, et un réseau de liaisons hydrogène. Le rôle de ces boucles est varié : stabilisation, interaction longue distance dans l’ARN (ou ADN) ou interaction ADN(ARN)-protéine.

Des riboses interagissant par liaisons hydrogène entre leurs groupements 2’-OH (« ribose zipper ») participent à l’organisation suprahélicoïdale des oligonucléotides, en stabilisant le rapprochement électrostatiquement défavorable des hélices, pour faire émerger une architecture tridimentionnelle de la molécule. Des structures très compactes de type « pseudo-nœud » peuvent également se former par l’interaction d’une tige-boucle avec une portion simple brin (tableau 4).

L’empilement d’hélices et le compactage de l’ensemble sont enfin la conséquence d’interactions entre boucles : deux boucles « s’embrassent » (« kissing complexes ») par

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appariement de leurs résidus complémentaires, ou encore une boucle s’insère soit dans une hélice, soit au sein d’une structure réceptrice complémentaire (« docking »).

Enfin, de nombreuses interactions stabilisantes mettent en jeu des cations et des molécules d’eau, occupant des sites de coordination spécifiques définis par l’arrangement tridimentionnel local de l’oligonucléotide. A ce titre, certains cations et molécules d’eau font partie intégrante de la structure finale de l’ensemble et sont indispensables à son maintien

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Tableau 4 : Quelques motifs structuraux rencontrés dans les aptamères

Présence Motifs

structuraux ADN ARN Description Schéma représentatif « Tige-boucle »

ou

« épingle à cheveux »

++ ++

Motif le plus connu, constitué d’une région en double hélice terminée par quelques nucléotides non appariés formant une boucle. Parfois, on peut rencontrer des bases non appariées formant un renflement appelé « bulge ».

Pseudo-nœud + +++

Le pseudo-noeud est constitué de l’interaction d’une boucle avec une séquence complémentaire située en dehors de la boucle. Cette séquence ne traversant pas la boucle est nommée « pseudo-nœud ». [137] « tétrades de G » ou quadruplexes +++ +

Les G-quartets comprennent 4 guanines associées dans un plan cyclique par l’intermédiaire des atomes d’azotes en N7, par des liaisons de type « Hoogsteen ». Chaque guanine est un donneur et un accepteur de deux liaisons hydrogène. Cette structure plane délimite en son centre une zone chargée électronégativement par les liaisons carboxyles et permet ainsi le recrutement de cations qui stabilisent ces structures. Les

G-quadruplexes (G4) correspondent à un empilement hydrophobe de plusieurs G-quartets et il y a autant de G-quartets que de guanines adjacentes répétées selon un multiple de 4

[149].

(structure de l’aptamère anti-thrombine 15-mer [105])

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III.5 Liaison d’un aptamère à sa cible : quelques exemples de structures