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II Les sélecteurs chiraux spécifiques d’une cible prédéterminée

II.3.1 Les sélecteurs à faible masse moléculaire

La découverte de sélecteurs chiraux à faible masse moléculaire par la stratégie combinatoire implique plusieurs approches faisant intervenir un « screening » par chromatographie liquide (ou électrophorèse capillaire) ou un « screening » séquentiel.

La première approche applique le principe de réciprocité introduit par Pirkle et ses collaborateurs pour séparer différentes classes de composés pharmaceutiques [2,63]. Ce principe est le suivant : si un sélecteur chiral, présent énantiomériquement pur, possède différentes affinités pour les énantiomères d’une molécule cible, alors les énantiomères de la molécule cible, pris séparément, devraient posséder une affinité différente pour les énantiomères du sélecteur chiral.

La première étape de cette approche consiste à immobiliser un énantiomère du racémique cible sur un support chromatographique. Puis, un criblage est réalisé, par CLHP, en faisant passer au niveau de cette phase stationnaire chirale une banque de composés

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racémiques à faible masse moléculaire, synthétisée par une approche combinatoire, susceptibles d’être séparés sur cette PSC. Le racémique le mieux résolu est ensuite préparé sous forme énantiomériquement pure puis fixé sur un support chromatographique. Cette PSC est ensuite utilisée pour séparer le racémique cible immobilisé à la première étape (figure 5). Cette technique a l’avantage de faire intervenir seulement deux colonnes, qui ont pour but de développer et optimiser une PSC pour la séparation énantiomérique d’un seul composé. En réalité, il a été montré que ces colonnes ont la capacité de séparer d’autres racémiques avec des énantiosélectivités plus faibles.

Figure 5 : Concept de criblage réciproque pour l’identification d’un sélecteur spécifique pour la préparation

d’une phase stationnaire chirale (d’après [64]).

Par cette approche, Lewandowski et ses collaborateurs ont sélectionné un sélecteur chiral à partir d’une bibliothèque combinatoire de dihydropyrimidines contenant plus de 140 membres. Ce sélecteur chiral, ainsi identifié, est capable de séparer des dérivés d’acides aminés, des anti-inflammatoires non-stéroïdiens et des dihydropyrimidines avec des facteurs de séparation apparents supérieurs à 8 [65,66].

De la même façon, Brahmachary et ses collaborateurs ont identifié le sélecteur optimal permettant la résolution des énantiomères des dérivés de la leucine et de l’alanine [64], par

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criblage d’une banque de dérivés d’acétylphénylamide-2-oxo-azétidine sur une phase stationnaire contenant la N-(3,5-dinitrobenzoyl)-α-L-leucine.

Une deuxième approche consiste à immobiliser, au niveau d’un support chromatographique approprié, une bibliothèque contenant un mélange de sélecteurs chiraux potentiels énantiomériquement purs. Puis, les propriétés énantiosélectives de cette colonne sont testées par injection de différents composés racémiques. Si une séparation est observée, des sous-banques de cette colonne, contenant une densité plus faible en sélecteurs chiraux sont ensuite préparées afin d’identifier le sélecteur optimal (figure 6) [62]. Cette approche présente l’« avantage du parallélisme » c'est-à-dire que le nombre de colonnes nécessaire lors de l’étape de criblage du sélecteur optimal, par déconvolution, est très inférieur au nombre de sélecteurs chiraux présents dans la bibliothèque initiale [67].

De la même façon, Chiari et ses collaborateurs ont utilisé une banque contenant plus de 8000 cyclohexapeptides afin d’évaluer leurs propriétés énantiosélectives pour les dérivés d’acides aminés dinitrophénylés (DNP) par électrophorèse capillaire [68].

Li et son équipe ont développé une PSC permettant la séparation de dérivés d’acides aminés par une approche un peu différente [69]. Les auteurs ont préparé une PSC naphtylleucine par immobilisation de l’énantiomère L sur une colonne de silice. Puis, deux petites bibliothèques différentes ont été préparées, à partir d’un même mélange de 16 peptides énantiomériquement purs mais de configurations opposées, pour étudier la capacité de résolution chirale des énantiomères de la leucine-(1-naphthyl)-ester par une approche chromatographique réciproque. La comparaison des chromatogrammes obtenus indique la présence de sélecteurs chiraux potentiels dans la bibliothèque selon le principe de réciprocité évoqué précédemment. Après déconvolution, les deux sélecteurs chiraux (DNB-Ala-Gly-NHCH2CH2CH3 et DNB-Leu-Gly-NHCH2CH2CH3) identifiés, sont immobilisés au niveau d’un gel de silice puis remplis dans des colonnes pour former deux PSCs distinctes. Les facteurs de séparation de la leucine-(1-naphthyl)-ester varie de 6.9 à 8.0 pour les colonnes contenant respectivement l’alanine et la leucine.

A partir d’une banque contenant un mélange de 36 acides aminés substitués, riche en électrons, formé par combinaison de 3 acides aminés en série L (valine, phénylalanine et proline) et 12 amines aromatiques, Frechet et ses collaborateurs ont sélectionné, par cette méthode, une PSC optimale pour la séparation de dérivés d’acides aminés contenant un groupement déficient en électrons (le 3,5-dinitrobenzoyl (DNB)). Cette PSC, formée du

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sélecteur chiral : la L-proline-1-indananilide greffé sur des billes, montre une énantiosélectivité apparente supérieure à 23 pour la DNB-leucine [67,70].

Figure 6 : Concept de criblage par greffage d’une large bibliothèque de sélecteurs potentiels sur des billes

(d’après [67]).

Cette méthode, décrite précédemment, et utilisée par Li et ses collaborateurs présente quelques limitations. En effet, elle nécessite la synthèse des deux banques et des sous banques énantiomériquement pures pour l’identification du meilleur sélecteur chiral, ce qui peut être laborieux. De plus, la taille de la bibliothèque criblée est limitée par la faible efficacité de la colonne. Ainsi, ces auteurs ont développé une approche par criblage séquentiel [62] pour la

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préparation de sélecteurs chiraux par la méthode combinatoire [71]. Par cette approche, chaque énantiomère du mélange racémique est immobilisé sur deux phases stationnaires distinctes. Puis, une seule banque contenant un mélange de sélecteurs chiraux potentiels, énantiomériquement purs, est également préparée et injectée en quantités égales et dans les mêmes conditions au niveau des deux phases stationnaires. L’observation de différences d’intensités des pics pour une même rétention entre les deux chromatogrammes, obtenus en polarité de phases inversée pour chaque colonne, indique que le composé correspondant au pic est un bon sélecteur chiral.

Par criblage séquentiel, Welch et ses collaborateurs ont décrit la séparation d’analytes à caractère π-basique par immobilisation de dérivés dipeptides (DNB-oligopeptide) sur support chromatographique [72].

Enfin, Weingarten et ses collaborateurs ont développé une nouvelle approche combinatoire élégante permettant la sélection du sélecteur chiral le plus énantiosélectif, à partir d’une bibliothèque de sélecteurs chiraux potentiels, par inspection visuelle à l’aide d’un microscope à basse résolution [73]. Cette approche est basée sur la préparation d’un support solide contenant 60 membres d’une banque d’amines chiraux, formée principalement de macrocycles, de diamines, et de différents acides aminés (figure 7).

Figure 7 : Approche combinatoire permettant le criblage de sélecteurs chiraux par inspection visuelle

(d’après [73]). 32

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Le protocole de criblage pour évaluer les propriétés énantiosélectives des sélecteurs chiraux s’effectue en incubant ce support en présence de l’analyte cible, dont les deux énantiomères ont été marqués par des chromophores absorbant dans le visible à des longueurs d’onde différentes (l’énantiomère S et l’énantiomère R sont marqués respectivement en bleu et en rouge). Ainsi, l’association énantiosélective entre l’analyte et les sélecteurs peut être observée visuellement pour chaque énantiomère (l’association sélecteur chiral-énantiomère S donnera des billes colorées en bleu alors que l’association avec l’énantiomère R entraînera une coloration des billes en rouge et, la présence de billes non colorées (marron) indique la non-affinité de la molécule immobilisée sur le support pour les énantiomères cibles). D’autre part, les molécules les plus intensivement colorées sont identifiées en tant que sélecteurs chiraux les plus énantiosélectifs du composé cible [74]. Par cette approche, Weingarten et ses collaborateurs ont identifié des sélecteurs chiraux spécifiques de dérivés d’acides aminés [73].

Donc, la chimie combinatoire est un outil puissant dans le domaine de la reconnaissance moléculaire pour découvrir de nouveaux sélecteurs chiraux par CLHP ou électrophorèse capillaire. Ainsi, il a été montré que différentes approches sont disponibles pour développer des phases stationnaires chirales à base de sélecteurs à faible masse moléculaire possédant de bonnes propriétés énantiosélectives.

II.3.2 Les aptamères, une nouvelle classe de sélecteurs chiraux aux propriétés