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4.3 Estimation de la ségrégation

4.3.2 Ségrégation en convection naturelle

La procédure de traitement définie dans le paragraphe précédent est tout d’abord appliquée aux résultats de la simulation de solidification en régime de convection naturelle. La fiabilité de ces calculs dépend directement de la précision de la simulation de solidification. Nous avons vu que le maillage utilisé dans nos simulations n’est pas assez fin pour obtenir une description précise de l’interface solide/liquide. Les travaux présentés dans cette section, ainsi que dans la section 4.3.3, constituent donc une première approche permettant de tester la mise en œuvre de la méthode de calcul analytique de ségrégation et d’évaluer ses capacités et ses limites.

Après détection de l’interface solide/liquide, la contrainte pariétale, la vitesse de l’interface et le paramètre convecto-diffusif sont calculés en tout points. Ce calcul est réalisé pour chaque enregistrement effectué au cours de la simulation transitoire de solidification. La figure 4.18 présente les champs de τ, VI et ∆ obtenus sur les interfaces détectées à t = 2 h, 6 h et 10.8 h. Pour une configuration de ségrégation donnée, D et µ sont des constantes. En première approche la longueur caractéristique des recirculations L est aussi supposée constante (assimilée à la demi-largeur du creuset). Le paramètre convecto-diffusif ∆ varie alors uniquement en fonction de τ et VI. La figure 4.18 montre bien la corrélation entre la répartition de ∆ et celles de τ et

VI, à un instant donné du procédé. De manière générale, les zones où la vitesse de l’interface est importante correspondent à un ∆ élevé (compris entre 0.7 et 1). À l’inverse, lorsque la contrainte de frottement est forte ∆ tend vers des valeurs plus faibles (inférieures à 0.5). Ces variations locales de ∆ indiquent que des régimes de ségrégation différents ont lieu dans le lingot. On s’attend donc à observer des ségrégations latérales liées aux variations de ∆ le long de l’interface, ainsi que des changements de régime de ségrégation axiale liés à l’évolution de ∆ en un point de l’interface en fonction du temps.

Les répartitions de τ observées sur les figures 4.18.A1, 4.18.B1 et 4.18.C1 sont cohérentes avec les champs de vitesse présentés sur les figures 4.7 et 4.8. Dans les coins et près des parois latérales la convection naturelle est intense et la contrainte de frottement est élevée. Le centre de l’interface correspond à une zone morte de l’écoulement et la contrainte y est faible.

Au début de la solidification l’interface présente une vitesse élevée sur les bords et plus faible au centre (figure 4.18.A2). Le front de solidification prend alors une forme concave. Puis la tendance s’inverse au cours du procédé. La vitesse augmente vers le centre et diminue en périphérie (figures 4.18.B2 et 4.18.C2). L’interface devient alors moins courbée (diminution de la flèche observée sur la figure 4.7.C1).

A1 - τ (Pa), t = 2 h. A2 - VI (µm·s−1), t = 2 h. A3 - ∆, t = 2 h.

B1 - τ (Pa), t = 6 h. B2 - VI (µm·s−1), t = 6 h. B3 - ∆, t = 6 h.

C1 - τ (Pa), t = 10.8 h. C2 - VI (µm·s−1), t = 10.8 h. C3 - ∆, t = 10.8 h.

Figure 4.18 – Champs de contrainte de frottement τ , de vitesse de l’interface VI et de paramètre convecto-diffusif ∆ à l’interface solide/liquide, à t = 2 h (A), 6 h (B) et 10.8 h (C), pour le cas en convection naturelle. Les échelles de couleurs pour τ et VI sont modifiées dans les différents cas pour améliorer le contraste.

La figure 4.19 présente l’évolution de la contrainte de frottement moyenne à l’interface solide/liquide et de la vitesse moyenne de l’interface en fonction de la fraction solidifiée. La solidification est initiée sur les coins et les bords, ce qui explique les fortes valeurs de hτi et hVIi lorsque fS est proche de 0. Puis l’interface s’étend jusqu’au centre et les valeurs moyennes hτi et hVIidiminuent en conséquence sur les premiers pourcents de fraction solidifiée. Sur l’ensemble du cycle, hτi présente des variations irrégulières qui peuvent être associées à des instationnarités de l’écoulement de convection naturelle. La contrainte moyenne à l’interface est alors comprise entre 6.5 × 10−5 et 6.5 × 10−4Pa. La vitesse moyenne de l’interface présente des fluctuations rapides entre 3.8 et 6.9 µm·s−1 lorsque la fraction solide est inférieure à 0.15. Au delà de cette valeur hVIiaugmente de manière relativement monotone jusqu’à fS = 0.8, puis décroit en fin de solidification. Le paramètre convecto-diffusif moyen varie peu tout au long de la solidification, comme le montre la figure 4.20. On observe néanmoins une décroissance en fin de solidification qui est liée à une augmentation de hτi associée à une diminution de hVIi. h∆i varie entre 0.6 et 0.76. Le régime de ségrégation moyen reste relativement uniforme sur la hauteur du lingot, en dépit des variations locales observées précédemment.

A - Contrainte moyenne. B - Vitesse moyenne de l’interface.

Figure 4.19 – Évolution de la contrainte de frottement moyenne (A) et de la vitesse moyenne de l’interface (B) en fonction de la fraction solidifiée, pour le cas en convection naturelle.

Figure 4.20 – Évolution du paramètre convecto-diffusif moyen en fonction de la fraction solidifiée, pour le cas en convection naturelle.

Une fois que les champs de VI et ∆ sont déterminés pour chaque interface, les concentra-tions dans la phase solide sont obtenues par la procédure itérative définie dans la section 2.3.4. Cette procédure est ici adaptée à une configuration 3D avec une forme d’interface non plane. La longueur du transitoire initial zT (équation (2.41)) et la hauteur de liquide restante H (équation (2.44)) sont alors définies localement en fonction de la position et de la vitesse locale de l’interface. Ce calcul nous donne accès à une cartographie de la concentration en impure-tés dans tous le lingot. La figure 4.21 présente les champs de concentration obtenus dans les plans verticaux x = 0 et y = 0. On observe tout d’abord un phénomène de ségrégation axiale avec des concentrations élevées dans la dernière partie solidifiée du lingot. On remarque aussi des ségrégations latérales liées aux variations locales de ∆. À proximité des parois latérales la convection naturelle a permis une ségrégation efficace, avec de faibles concentrations dans le so-lide. La première moitié du lingot(suivant la direction z) présente également des concentrations faibles au centre qui sont dues à une vitesse de l’interface localement plus faible. Des faisceaux de concentrations plus fortes partent des coins en bas et se prolongent vers le centre lorsque z augmente. Ils correspondent aux surfaces inclinées de l’interface solide/liquide où la vitesse de solidification est élevée et la contrainte de frottement faible.

Figure 4.21 – Champ de concentration de soluté dans le lingot estimé par l’approche analytique, pour le cas en convection naturelle. Les concentrations sont données en fraction massique et représentées dans les plans verticaux x = 0 et y = 0.

La figure 4.22 présente le profil de ségrégation axiale obtenu en considérant la concentration moyenne à l’interface hCI

Si. Ce profil est comparé aux lois théoriques de Scheil et du régime diffusif pur [89]. Pour tracer le profil du régime diffusif pur nous utilisons la vitesse moyenne de l’interface hVIi (figure 4.19.B), qui intervient dans la relation (1.16). Le profil obtenu par notre approche analytique prévoit un régime de ségrégation intermédiaire entre la loi de Scheil et le régime diffusif pur. Un coefficient de partage effectif global du procédé est calculé par la relation (1.22) en considérant la moyenne temporelle de h∆i. On obtient un kef f de 0.59, soit deux fois la valeur du k0 choisi pour ce calcul de ségrégation. Une loi Scheil modifiée est tracée sur la figure 4.22 pour cette valeur de kef f. Le profil analytique suit très bien cette loi jusqu’à une fraction solide de 0.8. Au delà la ségrégation devient plus efficace et les concentrations sont inférieures à celles prévues par la loi Scheil modifiée.

Figure 4.22 – Profil de ségrégation axiale estimé par l’approche analytique, pour le cas en convection naturelle. Comparaison avec la solution analytique du régime diffusif pur [89], la loi de Scheil et la loi de Scheil modifiée avec un coefficient de partage effectif kef f = 0.59.