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1.2 Brassage et agitation

1.2.3 Modélisation numérique d’un système d’agitation

La simulation numérique du brassage d’un fluide par un agitateur mécanique est délicate en raison du mouvement relatif qui existe entre l’agitateur et la cuve. Brucato et al. [9] indiquent que pour le cas des cuves cylindriques sans contre-pales, les codes de CFD permettent de résoudre explicitement l’écoulement généré par l’agitateur en décrivant sa géométrie exacte et en se plaçant dans un référentiel tournant lié à celui-ci. En revanche, pour des configurations de cuves munies de chicanes fixes, où dans notre cas de cuves carrées, le calcul de l’écoulement devient plus complexe. Il existe alors plusieurs approches pour modéliser le système de brassage.

Méthode IBC

La première méthode, souvent nommée IBC (pour Impeller Boundary Condition), est une approche de type « boîte noire ». Avec cette méthode on ne modélise pas la géométrie de l’agitateur, on se contente d’appliquer des conditions aux limites sur les frontières du volume qu’il occupe (volume balayé par les pales en rotation). Cette méthode permet de calculer des

écoulements stationnaires et évite le maillage de la géométrie souvent complexe de l’agitateur. Cependant, elle ne fournit aucune information sur le champ de vitesse dans la zone de l’agi-tateur et sur l’interaction entre le brasseur et la géométrie de la cuve. Par ailleurs, il faut une caractérisation précise de l’écoulement généré par l’agitateur pour pouvoir imposer les bonnes conditions aux limites. On doit alors disposer de mesures fines (souvent produites par LDV1) des trois composantes du champ de vitesse, mais également des caractéristiques de la turbu-lence (énergie cinétique turbulente et taux de dissipation par exemple). Des comparaisons des résultats fournis par ces simulations à des mesures expérimentales [9] ont montré une grande sensibilité des modèles aux conditions aux limites imposées à la frontière de l’agitateur. Ces études ont également révélé une forte influence de la géométrie de la cuve sur l’écoulement proche de l’agitateur. On voit alors apparaître une limite de cette méthode puisqu’elle nécessite idéalement d’ajuster la condition limite lorsque l’on souhaite changer la géométrie de la cuve, ce qui implique de réaliser une nouvelle campagne expérimentale.

Termes sources équivalents

La deuxième approche vise également à simplifier le problème en ne modélisant pas la géo-métrie de l’agitateur. Le brassage est alors modélisé par des termes sources de quantité de mouvement intervenant dans les équations de Navier-Stokes. Ces termes sources sont équiva-lents aux forces volumiques induites par le brasseur dans le volume balayé par les pales. La définition de ces termes sources nécessite cependant une caractérisation préalable de l’agitateur. Plusieurs études ont été réalisées avec cette méthode pour des géométries classiques d’agitateurs mécaniques [26, 73, 74, 95].

Méthode MFR

La troisième approche est celle des référentiels multiples (Multiple Frames of Reference) in-troduite par Luo et al. [61]. Contrairement aux méthodes précédentes, on cherche ici à calculer l’écoulement en décrivant la géométrie exacte de l’agitateur. On se limite cependant à une so-lution stationnaire du champ de vitesse. Le principe consiste à diviser le domaine de calcul en deux zones : une zone proche de l’agitateur à laquelle on associe un référentiel tournant afin de simuler la rotation du brasseur et le reste du domaine auquel on associe un référentiel fixe. Comme l’explique Aubin et al. [2], la méthode MFR est une approximation de régime quasi-permanent qui est valable lorsque la distance entre l’agitateur et les parois de la cuve est suffisamment grande pour que l’écoulement proche de l’agitateur soit peu influencé par le reste de la cuve. L’interface entre la zone fixe et la zone tournante doit alors être positionnée de manière à ce que l’écoulement soit indépendant de la position tangentielle au niveau de l’interface. Les études réalisées avec cette méthode ont montré une bonne correspondance des résultats avec les mesures expérimentales pour les vitesses moyennes radiales et axiales. Les profils de vitesse tangentielle concordent moins avec l’expérience. L’énergie cinétique turbu-lente est systématiquement sous-estimée mais ceci est davantage lié aux modèles de turbulence utilisés (modèles type RANS2 ou RSM3) qu’à la méthode MFR. La figure 1.14, extraite de la publication de Aubin et al. [2], donne un exemple de maillage utilisé pour une simulation MFR d’un agitateur à pales inclinées. La méthode de moyenne tangentielle (Circumferential

Avera-ging) est une variante de cette méthode qui consiste à moyenner les variables dans la direction tangentielle au niveau de l’interface entre les deux domaines de calcul. Une fois encore, cette méthode donne peu d’informations sur l’influence que la géométrie de la cuve peut avoir sur

1. Laser Doppler Velocimetry 2. Reynolds Average Navier-Stokes

l’écoulement à proximité de l’agitateur. Brucato et al. [9] proposent également une adaptation de cette méthode en définissant une zone interne à proximité des pales et une zone externe qui se recoupent partiellement. Dans la zone interne l’écoulement est résolu dans un référentiel tournant lié à l’agitateur. Cet écoulement sert ensuite de condition limite pour la résolution de l’écoulement dans la zone externe par une approche IBC. L’écoulement externe sert à son tour de condition limite pour le calcul dans la zone interne et une procédure itérative est réalisée pour assurer la convergence des deux solutions.

Figure 1.14 – Exemple de maillage pour le calcul MFR d’un agitateur à pales inclinées. Image extraite de Aubin et al. [2].

Méthode de maillage glissant

Enfin, la quatrième approche consiste à utiliser un maillage glissant pour simuler le mouve-ment du brasseur dans le temps. On réalise alors un calcul instationnaire et le pas de temps doit être adapté en fonction de la vitesse de rotation du brasseur. La grille de calcul est construite de manière similaire à celle de la méthode MFR. Le domaine de calcul est divisé en deux zones, une zone proche de l’agitateur et l’autre recouvrant le reste du domaine. On impose alors un mouvement relatif entre ces deux zones pour simuler la rotation du brasseur. Cette méthode permet de prendre en compte les interactions entre la cuve et l’agitateur et d’étudier l’évolution temporelle de l’écoulement. Des études réalisées avec cette technique [2, 9] ont montré que cette méthode fournit les résultats les plus proches des mesures expérimentales. Néanmoins, l’énergie cinétique turbulente reste sous-estimée et le temps de calcul nécessaire à ces simulations est bien plus important que pour la méthode MFR.

L’un des objectifs de cette étude est de simuler l’écoulement généré par un agitateur méca-nique afin de quantifier son influence sur le transport dans la phase liquide et la ségrégation des impuretés. On a vu dans la section 1.1 que la ségrégation des espèces chimiques dans un four de dimensions métriques est intrinsèquement multi-échelles. Lorsque l’on introduit un brasseur doté d’une vitesse de rotation élevée par rapport à celle de l’interface solide/liquide, s’ajoute la difficulté de résoudre des échelles de temps courtes (rotation de la pale de l’ordre de la seconde) dans un problème de longue durée (cycle de solidification de plusieurs heures). Cette contrainte devra être prise en compte pour le choix des méthodes numériques.

1.3 Mesure de champ de vitesse par la technique PIV