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3.2 Simulation de la ségrégation sous brassage

3.2.2 Validation de la méthode numérique

3.2.3.3 Influence du brassage sur la ségrégation

Ce paragraphe présente les résultats des calculs de ségrégation obtenus pour les configura-tions de brassage du tableau 3.5. Dans la section 3.2.1.2 il est précisé que le calcul de ségréga-tion se base sur une hypothèse de régime quasi-staségréga-tionnaire puisque la hauteur de liquide est constante au cours du calcul. La validité de cette approche quasi-stationnaire a été étudiée dans le chapitre 2. Il a été montré que cette approche est tout à fait valable lorsque les variations de la vitesse de solidification et du régime de convection sont lentes devant le temps caractéristique de diffusion à l’échelle de la couche limite solutale. Dans ces conditions la couche limite solutale peut s’adapter à ces variations sans déphasage temporel significatif.

Le brassage mécanique introduit des variations rapides de la convection dans la phase li-quide. Ces variations ont pu être observées expérimentalement, notamment par la présence de tourbillons détachés. Les simulations transitoires de brassage permettent d’étudier ces fluc-tuations et leur influence sur la ségrégation. La figure 3.24 présente deux champs instantanés de contrainte de frottement à la paroi du fond obtenus pour la configuration numérique 2 (H = 15 cm et N = 20 rpm). Ces champs instantanés sont séparés de 5 pas de temps, soit une rotation de 60° de l’agitateur. Ils mettent en évidence la variation temporelle de la contrainte de frottement locale avec la rotation de l’agitateur. Il faut alors déterminer si ces fluctuations sont susceptibles d’induire des variations du régime de ségrégation telles que celles qui ont été observées dans l’étude de la cavité entraînée (et éventuellement des micro-ségrégations).

A - instant t B - instant t + 5dt

Figure 3.24 – Champs instantanés de contrainte de frottement à la paroi du fond (en Pa), pris à un instant t et 5 pas de temps après (soit après une rotation de 60° de l’agitateur). Configuration numérique 2 : H = 15 cm et N = 20 rpm.

Pour vérifier ce point, des profils instantanés de contrainte et de paramètre convecto-diffusif, constatés dans les simulations, ont été tracés suivant la diagonale du fond du creuset (partant du centre jusqu’au coin x = 0.19 m et y = 0.19 m). La figure 3.25 donne un exemple de ces profils pour la configuration numérique 2 (H = 15 cm et N = 20 rpm). Les profils instantanés ont été relevés sur une rotation complète de l’agitateur (30 pas de temps) et un profil moyen a été calculé. Sur la figure 3.25 seulement 10 profils instantanés sont représentés afin d’améliorer la lisibilité de la figure. La figure 3.25.A met en évidence une variation temporelle significative de la contrainte. À l’inverse, la figure 3.25.B ne permet pas d’identifier de variation temporelle du profil de couche limite solutale.

Pour quantifier ces fluctuations temporelles nous avons calculé en chaque point de la dia-gonale l’écart relatif maximal entre la valeur instantanée de la contrainte τ(r, t) et la valeur moyennée au cours des 30 pas de temps τ(r). Cet écart relatif, noté τvar est défini par la relation suivante : τvar(r) = max τ(r, t) − τ(r)  /τ(r). (3.28)

τvar représente alors un taux de variation local de la contrainte. La moyenne spatiale, suivant la diagonale, de ce taux de variation est donnée dans le tableau 3.7 pour chaque configuration de brassage. Ces taux de variation moyens sont compris entre 7.15% et 12.9% pour les configu-rations où l’écoulement est axial (H = 15 cm et 20 cm), ce qui montre bien que les fluctuations temporelles de contrainte sont significatives. Pour les configurations où l’écoulement est radial (H = 10 cm), les fluctuations sont plus limitées avec des taux de variation moyens compris entre

1.87% et 2.83%. La même analyse a été appliquée aux profils de paramètre convecto-diffusif. Les taux de variation moyens de ∆ sont également donnés dans le tableau 3.7. Ils sont compris entre 0.08% et 1.24% et sont systématiquement inférieurs d’un ordre de grandeur aux taux de variation de la contrainte. Il semble donc que les fluctuations hydrodynamiques liées à la rotation de l’agitateur soient trop rapides pour que la couche limite solutale ait le temps de s’y adapter. Pour confirmer cette hypothèse il est possible de calculer la pulsation adimensionnelle

F qcaractéristique du système à partir de la fréquence de rotation de l’agitateur et de la valeur moyenne de l’épaisseur de la couche limite solutale mesurée dans les simulations :

F q= (3N)hδi

2

D , (3.29)

où hδi représente l’épaisseur moyenne de la couche limite solutale. Ce paramètre sans dimen-sion est analogue à celui utilisé pour caractériser les fluctuations de la vitesse de solidification dans l’étude de la cavité entraînée (chapitre 2). Il compare la fréquence caractéristique de la perturbation au temps caractéristique de la diffusion à l’échelle de la couche limite solutale

tc= hδi2

/D. La fréquence de la perturbation est 3 × N (en rad·s−1) puisque l’agitateur étudié possède trois pales. Les valeurs moyennes du paramètre convecto-diffusif sur la paroi du fond ont été relevées pour chaque configuration dans le tableau 3.7 et permettent de déterminer directement les valeurs de hδi. Les pulsations caractéristiques F q de chaque configuration ont été calculées par la relation (3.29) à partir de ces épaisseurs moyennes de couches limite solu-tales. On peut voir que les valeurs de F q sont comprises entre 24 et 73. Les études théoriques et numériques sur le sujet [35, 45, 46] montrent que la transition entre les régimes haute et basse fréquence se passe pour F q de l’ordre de 1. Ceci confirme que les fluctuations liées au brassage relèvent d’un régime haute fréquence avec un retard de la réponse de la ségrégation suffisamment important pour observer un "lissage" de la couche limite solutale dans le temps (filtrage des perturbations haute fréquence).

Remarque :

Concernant l’application du modèle analytique de couche limite solutale (paragraphe 3.2.3.4), il est donc préférable de considérer les profils de contrainte à l’interface moyennés sur plusieurs périodes. L’utilisation des profils instantanés de τ conduirait à des fluctuations temporelles non physiques de ∆th.

A - contrainte de frottement (Pa) B - paramètre convecto-diffusif

Figure 3.25 – Profils instantanés et moyens de contrainte de frottement (A) et de paramètre convecto-diffusif (B) constatés dans les simulations, suivant la diagonale de la paroi du fond, pour la configuration numérique 2 (H = 15 cm et N = 20 rpm). L’abscisse r représente la distance par rapport à l’axe de rotation de l’agitateur le long de la diagonale du creuset.

Tableau 3.7 – Amplitudes moyennes des variations temporelles de τ et ∆ au cours d’une rotation ; valeurs moyennes du paramètre convecto-diffusif sur le front de solidification et pulsation adimensionnelle caractéristique du système.

N (rpm) H (cm) vari h∆vari h∆i F q

1 10 15 7.15% 0.22% 0.339 36 2 20 15 9.42% 0.31% 0.233 34 3 50 15 12.9% 1.16% 0.123 24 4 10 20 8.16% 0.62% 0.338 36 5 20 20 11.0% 1.04% 0.237 35 6 50 20 11.5% 1.24% 0.127 25 7 10 10 1.87% 0.08% 0.481 73 8 20 10 2.22% 0.16% 0.333 69 9 50 10 2.83% 0.26% 0.205 66 10 30 10 2.41% 0.15% 0.271 69

Maintenant que l’hypothèse de quasi-stationnarité utilisée pour le calcul de la couche li-mite solutale est validée, il est possible d’étudier l’influence des paramètres de brassage sur la ségrégation. Les valeurs moyennes de paramètre convecto-diffusif relevées dans le tableau 3.7 montrent clairement l’influence de la vitesse de rotation avec une diminution de h∆i lorsque la vitesse augmente. La figure 3.26 présente les champs moyens de ∆ obtenus pour une hauteur de liquide de 15 cm et des vitesses de rotation de 10, 20 et 50 rpm. Ces résultats correspondent à la moyenne temporelle obtenue sur une rotation complète de l’agitateur. Les figures montrent que l’augmentation de la vitesse de rotation permet de réduire l’épaisseur de la couche limite solutale de manière uniforme sur l’ensemble du front de solidification, même dans les coins du creuset. En effet, les valeurs maximales de ∆ obtenues pour les configurations 1, 2 et 3 sont respectivement 0.72, 0.49 et 0.31. En terme de distribution spatiale, quelle que soit la vitesse de rotation, l’épaisseur de la couche limite solutale est plus importante dans les coins, à proximité des parois latérales et sous l’axe de rotation du brasseur. Cette répartition est cohérente avec les structures d’écoulements observées précédemment. Une optimisation de la géométrie des pales peut alors être envisagée afin de minimiser ces zones où la ségrégation est moins efficace. Les valeurs moyennes du tableau 3.7 mettent également en avant une influence indirecte de la hauteur de liquide sur la ségrégation. En effet, pour une vitesse de rotation donnée, l’épais-seur de la couche limite solutale est plus importante pour les configurations à faible hauteur de liquide (H = 10 cm), où l’écoulement est radial, que pour les configurations où l’écoulement est axial (H = 15 cm et 20 cm). Ce type d’information est tout à fait pertinent pour le développe-ment du procédé de purification puisqu’il peut permettre d’identifier un changedéveloppe-ment de régime de ségrégation au cours de la solidification dirigée. Là encore, une optimisation de l’agitateur peut être envisagée dans le but d’obtenir un écoulement axial pour des hauteurs de liquide plus faibles. La figure 3.27 présente les champs moyens de ∆ obtenus pour une hauteur de liquide de 10 cm et des vitesses de rotation de 10, 20 et 50 rpm. On observe que la transition vers un régime de brassage radial modifie la répartition des zones de forte concentration à l’interface solide/liquide.

A - N = 10 rpm B - N = 20 rpm C - N = 50 rpm

Figure 3.26 – Champs moyens du paramètre convecto-diffusif obtenus pour une hauteur de liquide H= 15 cm et différentes vitesses de rotation.

A - N = 10 rpm B - N = 20 rpm C - N = 50 rpm

Figure 3.27 – Champs moyens du paramètre convecto-diffusif obtenus pour une hauteur de liquide H= 10 cm et différentes vitesses de rotation.