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La sécurité humaine et la prévention des risques environnementaux Cette préoccupation est apparue dans la littérature de manière plus concrète, par la

Section 2: La sécurité environnementale dans la doctrine, réflexions sur la diversité des approches

2.1. Sécurité environnementale et sécurité humaine

2.1.2. La sécurité humaine et la prévention des risques environnementaux Cette préoccupation est apparue dans la littérature de manière plus concrète, par la

voix d’Ursula Oswald Spring de l’Université de Mexico, en 2009271, dans le but, face aux

défis environnementaux, de voir intégrer, dans la notion de sécurité humaine proposée par le PNUD et, au-delà des aspects militaires, une dimension politique, indispensable à la réalisation de l’état de sécurité.

Ursula Oswald Spring souhaite ainsi inclure, dans la définition de sécurité humaine, l’importance des politiques de prévention, des politiques de gestion post-catastrophes ou de gestion des flux migratoires, afin de minimiser leur impact de sécurité, en encourageant l’assistance humanitaire et la coopération internationale. Le programme

« Human Gender and Environmental Security » (HUGE), créé sous son égide, analyse

donc, dans ce but, l’utilisation de tout l’arsenal politique pouvant influer positivement sur l’insécurité humaine.

L’acronyme HUGE, s’il se réfère expressément à la dimension de genre, appréhende toutefois ce terme, au-delà de la différenciation sexuée, pour y inclure non seulement les femmes mais aussi les enfants, les vieillards et les peuples indigènes,

269G. SMITH, In Search of Sustainable Security, Center for American Progress, June 2009.

270Ibid.

271 U. OSWALD SPRING, “A HUGE Gender Security Approach: Towards Human, Gender, and

Environmental Security”, in Facing Global Environmental Change, Hexagon Series on Human and

particulièrement affectés dans la dimension humaine des défis environnementaux, une

référence donc aux populations potentiellement les plus vulnérables272. Pour Ursula

Oswald Spring, cette définition du « genre » se réfère à la façon dont cette notion a formé les sociétés et souhaite contrer les systèmes de hiérarchies et de violence, qui ont rendu ces populations plus vulnérables. Les politiques de sécurité humaine doivent se concentrer sur la sécurité de ces catégories de personnes et non sur le maintien de l’ordre social qui les a rendus vulnérables. Cette appréhension élargie de la notion de genre s’ancre dans une conception, elle-même étendue, de la sécurité, qui inclut le cadre de vie, la nourriture, l’accès à la santé, à l’éducation, la sureté publique et la diversité culturelle. La sécurité environnementale s’y trouve donc ici intégrée, en tant que facteur positif de sécurisation des sociétés.

Hans Gunther Brauch, poursuit une ambition similaire avec le programme

« Human and Environmental Security and Peace » (HESP), liant explicitement

l’environnement et les facteurs structurels d’insécurité, tout en insistant, plus particulièrement, sur le rôle des organisations internationales et sur le maintien de la paix. L’approche de Hans Gunther Brauch combine à la fois un agenda de recherche et une volonté d’orientations politiques positives. En se basant sur les formulations antérieures

de la sécurité humaine « freedom from fear, freedom from want », proposées par le

Réseau sur la Sécurité Humaine et la Commission sur la Sécurité humaine273, Brauch

propose une approche politique, centrée sur la prévention des risques274. En accord avec

l’approche d’Ursula Oswald Spring, il insiste sur l’importance de renforcer les capacités de résilience des communautés mais, s’en différencie cependant, en opérant une reconnaissance explicite des dangers grandissants que posent les changements environnementaux globaux et insiste sur la nécessité d’y penser en termes de coopération

internationale et de renforcement des infrastructures275.

Cette approche, visant à lier la sécurité humaine, dans sa dimension environnementale, aux obligations de la communauté internationale, pose indirectement la question de la réponse à apporter aux urgences humanitaires et à la responsabilité de

272 U. OSWALD SPRING, "Human, Gender and Environmental Security: a HUGE Challenge", International Security, Peace, Development, and Environment, 2007.

273 Commission sur la sécurité humaine (CSH), Human Security Now: Final Report, New York, 2003, p. 17.

274 H. G. BRAUCH, Environment and Human Security: Towards Freedom from Hazards Impacts, UN Institute for

Environment and Human Security Intersections , n° 2, 2005.

275 Voy. H. G. BRAUCH et al. (eds), Globalisation and Environmental Challenges: Reconceptualizing Security in the 21th Century, Berlin, Springer Verlag, 2008.

protéger, pour reprendre les termes présentés, en 2001, par la Commission internationale pour l’Intervention et la Souveraineté Étatique (CIISE). La responsabilité de protéger se réfère à une situation où, en cas de défaillance d’un État, principal responsable de la sécurité de ses citoyens, la communauté internationale aurait l’obligation d’intervenir

pour assurer la protection nécessaire des populations en danger276.

Très controversé, dans un système basé sur la souveraineté des États, le principe de la responsabilité de protéger fait partie naturellement de l’agenda de sécurité humaine. Le principe reste, toutefois, rigoureusement encadré : urgences pressantes et conséquences sévères sont ainsi nécessaires pour justifier une intervention humanitaire d’urgence qui exclut, de ce fait, les opérations de routine. Même si elle ne fait pas partie des préoccupations premières des défenseurs de ce concept, dans le contexte particulier du changement climatique, la question d’une telle intervention de la communauté internationale, fondée sur l’urgence environnementale, a dû être posée est a été traitée, en

particulier, par l’australienne Robyn Ecksersley277 qui, dans une publication de 2007,

s’intéresse aux dilemmes posés par l’application de ce principe aux questions

environnementales. Pour elle, ainsi, seules des circonstances inhabituelles pourraient

justifier une telle intervention.

Pour justifier cette responsabilité de protéger, Robyn Ecksersley défend, donc, que les émissions de gaz à effet de serre, par exemple, ont, sur le long terme, des effets plus dramatiques que des catastrophes environnementales immédiates, telles qu’un accident nucléaire de type Tchernobyl. Elles mettent en danger la sécurité de certains États, jusqu’à leur survie physique pour certains. Si le processus est plus graduel, il n’est est pas moins irréversible, comme le montre l’exemple du Bangladesh ou des Atolls du Pacifique278.

Ces pays pourraient-ils alors invoquer une responsabilité environnementale de protéger de la part de ceux qui ne respectent pas leurs engagements pris dans le cadre de la CCNUCC ? Pour l’instant la question est laissée à la responsabilité des États. Ceux-ci

276 Commission Internationale de l'Intervention et de la Souveraineté des Etats (CIISE), La responsabilité de protéger, Centre de recherche pour le développement international, Ottawa, décembre 2001, p. VIII.

277 Robyn Eckersley est professeur en science politique à l’école de sciences politiques et sociales de l’université de Melbourne, membre du « Melbourne Sustainable Society Institute » et axe ses recherches, plus particulièrement sur les transformations climatiques et la durabilité dans l’anthropocène.

278 I. DE ÁGUEDA CORNELOUP & A. MOL. “Small Island Developing States and International Climate Change Negotiations: The Power of Moral leadership”, International Environmental Agreements: Politics, Law and

et en particulier les plus puissants, rechignant pour la plupart à respecter leurs obligations internationales, quelles options resterait-il pour soutenir une action éthique au nom de la nécessité d’agir pour protéger la sécurité de ces populations menacées ? Robyn Eckersley suggère qu’en refusant au changement climatique -du fait de ses effets non immédiats- le qualificatif d’urgence, la communauté internationale en fait porter la responsabilité aux

victimes et ignore, de ce fait, les sources réelles de cette insécurité environnementale279.

Cela montre, comme Simon Dalby le souligne, l’importance d’un agenda de sécurité humaine élargi mais suggère également qu’une action éthique, de type écologique, devra surmonter les limites de la définition du terme « intervention », posée par la CIISE et dépasser la tendance actuelle, qui tend à gérer les conséquences sécuritaires du changement climatique, principalement comme une question de sécurité nationale et non

de sécurité humaine280.

Un dernier courant de pensée, que nous placerons ici dans le contexte de la sécurité humaine, représente, en pratique, un courant mixte, plaçant l’environnement au même titre que l’homme comme objets référents de la sécurité. Soutenu par Simon Dalby, cette reformulation de la sécurité appelle à l’incorporation de la science écologique dans la définition de ce concept, en tant qu’élément qui change notre

compréhension de l’environnement281. Pour Dalby, la science écologique a mis en

lumière l’activité humaine comme une force majeure, dans la détermination de l’environnement terrestre où nous nous trouvons. L’impact de cette activité sur la biodiversité, l’acidification des océans, ou la modification de l’atmosphère, nous a fait entrer dans l’ère de l’antropocène, façonnée par l’humanité industrielle. Simon Dalby appelle donc à une nouvelle « écogéologie pour l’Antropocène », où la notion de sécurité impliquerait une réflexion sur ce que nous faisons de la planète, pour quels intérêts, et comment l’avenir pourrait être partagé équitablement, afin de minimiser, pour le plus grand nombre, les atteintes à la sécurité. Il suggère, en ce sens, de combiner les théories, développées précédemment par Ursula Oswald Spring et Hans Gunther Brauch, afin d’analyser les sources de danger et l’inadéquation des institutions existantes pour prendre en charge les vulnérabilités face aux changements environnementaux. Il conclut sur

279 R. ECKERSLEY, “Ecological Intervention, Prospects and Limits”, Ethics and International Affairs, 2007, volume 21, n° 3, pp. 293-316 ; sur ce point, voy. également, G. ROSSI, L'ingérence écologique. Environnement et développement rural du Nord au Sud, CNRS Éditions, 2001.

280 S. DALBY, “Climate Change: New Dimensions of Environmental Security”, The RUSI Journal, 2013, volume

158, n° 3, pp. 34-43.

l’inadéquation de l’approche de la sécurité, centrée sur l’État et promeut une approche de sécurité humaine, fondée sur la prévention, qu’il considère particulièrement cruciale dans

le cadre du changement climatique282. Pour Dalby, la pensée dominante, envisageant

l’environnement comme un élément extérieur au contexte des activités humaines, ignorerait le rôle de l’homme dans la création de ses propres vulnérabilités.

En conclusion, la plupart de ces écoles de pensées, soutiennent la nécessité d’appréhender les sources de menaces environnementales et la nécessité d’une réflexion sur la capacité de la communauté internationale à intervenir en garantie de la sécurité humaine. Ce dilemme politique est présenté comme particulièrement urgent. Tous insistent sur l’apport positif qu’une approche coopérative pourrait jouer dans un esprit de maintien de la paix. Penser la coopération comme une force d’action pour le futur, plutôt qu’un instrument de gestion de crises, serait donc une priorité pour la communauté internationale. Toutefois, cela requiert de changer les modes de pensée et d’envisager l’environnement comme un potentiel élément de sécurité. L’encouragement à une transition vers des sociétés plus résilientes, qui limiteraient leur empreinte écologique, invite donc à mettre en avant le caractère durable de la sécurité humaine.

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