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Section 1: La protection de l’environnement dans l’Union européenne, une histoire mouvementée

2. Le champ matériel des compétences externes de l’UE en matière environnementale

2.2. Les limites à l’exercice des compétences environnementales externes

2.2.1. Les limites constitutionnelles à l’exercice des compétences environnementales externes

Malgré l’apparente flexibilité, qui transparaît du développement précédent, l’Union européenne n’est pourtant pas entièrement libre de son action extérieure en matière d’environnement. Dans ce domaine, en effet, l’action de l’Union sur la scène internationale peut se trouver limitée par les principes constitutionnels qui encadrent son activité dont certains, énoncés à l’article 191 § 2, TFUE, sont spécifiques à la politique de

l’environnement499. Ces principes peuvent relever purement de l’ordre juridique

communautaire mais d’autres ont été empruntés au droit international et, en particulier, au droit international de l’environnement et intégrés dans les textes fondateurs.

Les principes de subsidiarité et de proportionnalité sont ainsi susceptibles

d’avoir un impact sur le contenu matériel de l’action externe de l’UE. En vertu du principe de proportionnalité, « le contenu et la forme de l’action de l’Union ne doit pas

499 L’article 191 §2 TFUE précise ainsi, que la politique de l’environnement est fondée sur les principes de précaution et d’action préventive, sur le principe de la correction, par priorité à la source, des atteintes à l’environnement et sur le principe du pollueur-payeur.

excéder ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs du traité »500. Quant au principe de subsidiarité, qui s’applique dans le contexte des compétences partagées, il impose à l’Union de n’agir, que lorsque les objectifs de l’action proposée ne peuvent être atteints de manière suffisamment satisfaisante par la seule action des États membres et, qu’ en raison de l’échelle ou des effets de l’action proposée, les objectifs soient atteints de

meilleure façon par une action prise à l’échelle européenne501.

D’autres principes, énoncés à l’article 191 § 2 TFUE, encadrent, de leur côté, plus particulièrement la compétence de l’UE en matière d’environnement. Ils sont applicables en droit interne, comme dans le cadre des relations extérieures. Le premier de ces

principes est le respect d’un haut niveau de protection de l’environnement, considéré

comme suffisamment important par les rédacteurs du traité, pour l’avoir placé parmi les

objectifs généraux de l’Union européenne502. Cependant, ici aussi, comme dans beaucoup

de sujets liés à l’environnement, ce principe ne fait l’objet d’aucune définition claire. Son

contenu dépend de « la diversité des situations et des régions de l’Union »503. C’est donc

à nouveau vers la Cour de Justice qu’il faut se tourner, pour obtenir des éclaircissements. On comprendra, à première vue, que le plus petit dénominateur commun n’est pas une option, mais doit-on pour autant toujours s’orienter vers le niveau de protection le plus élevé ? La Cour parle plutôt d’un processus évolutif d’amélioration constante du niveau de protection, une interprétation qui laisse la place, au cas par cas, à l’adoption de

mesures qui ne correspondraient pas, en pratique, au plus haut niveau possible504.

Le principe de précaution, que l’on retrouve également dans le droit

international505, pourrait être défini de la sorte : une action européenne506 peut être

envisagée, si une certaine activité est susceptible d’avoir un impact négatif sur l’environnement. Le doute dans ce cas doit être sérieux, mais il n’est pas possible de le

500 Art. 5 § 4 TUE ; le principe de proportionnalité était à l’origine un principe spécifique à la politique

environnementale, avant de devenir un principe général du droit européen; voy. C. BLUMANN & L. DUBOUIS,

Droit institutionnel de l’Union européenne, Paris, LexisNexis, 2013, p. 448 et A. EMMERICH-FRITSCHE, “Das

rechte Maß im Europäischen Umweltrecht“, Zeitschrift für Europäisches Umwelt und Planungsrecht, 2014, volume 12, n° 1, pp. 2-11.

501 Art. 5§ 3 TUE; N. DE SADELEER, “Principle of Subsidiarity and the EU Environmental Policy ”, Journal for

European Environmental & Planning Law, 2012, volume 9, n° 1, pp. 63-70; J. VERHOEVEN, « Analyse du

contenu et de la portée du principe de subsidiarité », in F. DELPEREE (dir.), Le principe de subsidiarité, Paris, Bruxelles, LGDJ-Bruylant, 2002, pp. 376 et ss ; V. MICHEL, « La subsidiarité », in J.-B. AUBY (dir.), L’influence du droit européen sur les catégories du droit public, Paris, Dalloz, 2010, pp. 611 et ss.

502 Art. 3 § 3 TUE.

503 Art. 191 § 2 TFUE.

504 CJCE, 14 juillet 1998, Safety High –Tec c. SRL, aff. C-284/95, Rec. 1998, p. I-4301.

505L. KRAMER, EC Environmental Law, 6th edition, London, Sweet and Maxwell, 2006, p. 12.

soutenir le lien de causalité, de manière indubitable, par l’analyse scientifique. Cela impose donc, au préalable, une analyse de risque qui doit garantir la proportionnalité et l’adéquation de l’action envisagée, comme le rappelle la communication de la

Commission sur le principe de précaution, publiée en 2000507.

Autre principe issu du droit international, le principe de prévention, encourage

l’adoption de mesures précoces, dans le but de prévenir une dégradation de l’environnement. Parfois confondue avec le principe de précaution, la prévention se

différencie pourtant par la présence de preuves scientifiques sur l’existence du risque508.

La différenciation, en pratique, demeure cependant complexe, car il est rare que les rapports scientifiques s’engagent de manière incontestable en matière d’atteinte potentielle à l’environnement. Le troisième Programme d’action environnementale tente de donner des pistes pour l’application de ce principe et, pour ce faire, se base principalement sur un monitoring constant, un processus d’information accru des décideurs ainsi que sur la possibilité de révision des mesures, en fonction de l’avancée des connaissances scientifiques, dans les dossiers concernés par les mesures envisagées

sur base de ce principe509.

Le principe de rectification à la source, qui s’ajoute à cette liste, est en soi assez clair et

a été principalement utilisé à ce jour dans les affaires de gestion des déchets510. Enfin, le

principe du pollueur payeur, lui aussi issu du droit international, impose la charge de la

compensation à l’acteur à l’origine de la dégradation511. La Cour, en particulier dans

l’arrêt Stanley, encadrera ce principe pour éviter son application extensive et injustifiée à

toute une catégorie professionnelle ou partie de la société, et en limitera l’application aux

seules activités génératrices de pollution512.

507 Communication de la Commission sur le recours au principe de précaution, COM (2000)1 final.

508J. JANS & H. VEDDER, European Environmental Law, Dordrecht, Europa Law Publishing, 2008, pp. 42-43.

509

Résolution du Conseil des Communautés européennes et des représentants des gouvernements des États membres, réunis au Conseil, sur la poursuite et la mise en œuvre d’un programme de politique et d’action de la Communauté européenne sur l’environnement (1982-1986), [1983] OJ C46/1, pt. 6 et 7.

510 Les principes du pollueur-payeur, de l’action préventive et de correction par priorité à la source sont déjà mentionnés par le premier Programme d’action sur l’environnement. On y trouve également en filigrane le principe de subsidiarité puisque « doivent être concentrées les actions qui peuvent être les plus efficaces à ce niveau (communautaire) », cf. JOCE du 20 décembre 1973, n° C 112/6-7.

511 Y. MOSSOUX, « La détermination du pollueur et la causalité dans le cadre du principe du pollueur-payeur

(art. 191, § 2 TFUE) », Administration publique, 2009, pp. 269-321.

512 CJCE, 29 avril 1999, The Queen c. Secretary of State,Minister of Agriculture, Fisheries and Food ex parte

172 L’article 191§ 3 TFUE, enfin, énumère une série de critères à prendre en compte par le législateur, dans le cadre de la concrétisation d’une politique européenne de l’environnement. Les données scientifiques et techniques, la prise en compte des conditions environnementales différenciées dans les différentes régions de l’UE, le ratio coûts bénéfices de l’action/inaction, entre autres, représentent des critères qui, aux termes

de la doctrine, doivent être appréciés en relation avec les principes susmentionnés513.

Ces principes n’ont pas tous le même impact, mais ils sont susceptibles d’avoir une influence sur la définition de mesures, destinées à prévenir ou corriger les impacts environnementaux sur la sécurité. Ils doivent être pris en compte dans l’action extérieure et peuvent porter un frein à l’adoption de mesures efficaces et surtout avoir une influence sur les délais nécessaires pour la mise en place de la réponse européenne.

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