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La sécurité environnementale dans les relations extérieures de l’Union européenne : vers une approche intégrée de la prévention des conflits et crises externes

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Academic year: 2021

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Submitted on 15 May 2018

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La sécurité environnementale dans les relations extérieures de l’Union européenne : vers une approche intégrée de la prévention des conflits et crises externes

Marie-Ange Schellekens-Gaiffe

To cite this version:

Marie-Ange Schellekens-Gaiffe. La sécurité environnementale dans les relations extérieures de l’Union européenne : vers une approche intégrée de la prévention des conflits et crises externes. Droit. Uni- versité de La Rochelle, 2017. Français. �NNT : 2017LAROD004�. �tel-01792296�

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LA SÉCURITÉ ENVIRONNEMENTALE DANS LES RELATIONS EXTÉRIEURES DE L’UNION EUROPÉENNE

Vers une approche intégrée de la prévention des conflits et crises externes

THÈSE POUR LOBTENTION DU GRADE DE DOCTEUR DE LUNIVERSITÉ DE LA ROCHELLE DISCIPLINE : DROIT

présentée et soutenue publiquement le 29 septembre 2017 par

Marie-Ange SCHELLEKENS-GAIFFE

MEMBRES DU JURY

Maria del Mar CAMPINS ERITJA (rapporteur)

Profesor titular de Universidad, Derecho Internacional Público y Relaciones internacionales, Universidad de Barcelona

Nathalie HERVÉ-FOURNEREAU, Directrice de recherche, CNRS, Institut de l’Ouest, Droit et Europe, Université de Rennes

Christian LEFFLER

Secrétaire général adjoint, Service européen pour l'action extérieure (SEAE)

Amandine ORSINI (rapporteur)

Professeure de science politique, CReSPo, Centre de recherche en science politique Université Saint-Louis, Bruxelles

Agnès MICHELOT(directrice de thèse)

Maître de conférences en droit public (HDR), Université de La Rochelle

Mary SANCY

Professeure associée émérite, Université de Nantes

Isaac VALERO-LADRON

Membre du Cabinet du Commissaire Miguel Arias Cañete, Commissaire européen à l’action climatique et à l’énergie, Commission européenne

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L'université de La Rochelle n'entend donner aucune approbation ni improbation aux opi- nions émises dans les thèses; ces opinions doivent être considérées comme propres à leurs auteurs.

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R

EMERCIEMENTS

Au terme de ce travail, j’aimerais exprimer ma reconnaissance à tous ceux, proches ou moins proches, qui ont permis à ces écrits d’obtenir une reconnaissance universitaire.

Ma reconnaissance va en premier lieu à mes parents, qui m’ont donné le goût de l’étude et appris à valoriser les causes intellectuelles, indépendamment de leur reconnaissance institutionnelle.

Mes remerciements vont aussi naturellement à la directrice de ce travail, Mme Agnès Michelot qui, au détour d’un questionnement sur les conséquences professionnelles d’une expatriation, m’entraina, avec la conviction qui la caractérise, dans cette aventure dont elle eût soin de masquer l’ampleur.

J’aimerais également exprimer toute ma reconnaissance et mon affection à mon mari, Pierre Schellekens, involontairement à l’origine de cette contribution scientifique, par la qualité de son œuvre auprès des institutions européennes et qui m’assura, tout au long de ce travail, un soutien inconditionnel, tant sur le plan logistique qu’émotionnel. Je tiens aussi à lui exprimer ma gratitude, pour, dans cette aventure, avoir su magistralement contribuer à préserver la santé mentale de nos trois enfants, toujours étonnés de voir leur maman consacrer un temps précieux à des écrits obscurs, alors qu’à leurs yeux, elle présentait des prédispositions naturelles pour l’écriture d’aventures hautement plus passionnantes.

Je souhaiterais également saisir cette opportunité pour exprimer toute ma gratitude à mes enfants, qui ont montré, face à cet exercice, une compréhension au-delà de leur âge. Mes filles particulièrement, Aliénor et Héloïse, qui, malgré les contraintes, ont toujours soutenu et respecté mon travail et leur petit frère Paul, nourrisson au début de ce contrat doctoral et qui, en dépit d’une santé fragile, fit en sorte que ses attaques virales n’affectent pas trop la qualité de ces recherches.

Candidate atypique, dans tous les sens du terme, j’aimerais aussi exprimer des remerciements particuliers à l’Université de La Rochelle, qui a toujours su trouver des solutions innovantes pour garantir la faisabilité administrative de cet exercice. J’aimerais ainsi exprimer ma reconnaissance à Mme Bérénice Gentet, M. Hervé Tichané, Mme Jennifer de la Corte, Mme Isabelle Hirsch, M. Christian Kaszewski et Mme Véronique Polygone. Leur professionnalisme désintéressé a, en effet, largement contribué à démêler l’imbroglio administratif européen que représentait une telle inscription. Qu’ils en soient ici remerciés.

Dans le même esprit, j’aimerais aussi remercier Mme Catherine Marie et M. Jacques Bouineau, directeurs successifs de l’école doctorale Pierre Couvrat ainsi que l’ensemble de mes collègues du CEJEP qui, tous, ont fait montre, à mon égard d’un accueil faisant honneur à la réputation charentaise, en m’intégrant avec amitié dans une communauté scientifique dynamique et innovante.

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Je ne saurais terminer ce passage sans exprimer ma plus grande gratitude à Mme Sabrina Cabanillas-Gomez, dont le travail de relecture, malgré un agenda professionnel chargé, a été vital à bien des égards.

Mes remerciements s’adressent, enfin, à tous ceux qui, par leurs conseils, leur soutien et leur amitié, ont contribué à la réalisation et surtout à la finalisation de ce travail. Qu’ils trouvent ici l’expression de ma reconnaissance.

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À mes parents À Pierre

À Aliénor, Héloïse et Paul

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SOMMAIRE

PREMIÈRE PARTIE: DÉFINITIONS ET APPROCHES DE LA SÉCURITÉ ENVIRONNEMENTALE QUELS APPORTS POUR L'UNION EUROPÉENNE?

TITRE 1:APPROCHES CONCEPTUELLES

Chapitre 1 : L’émergence de la sécurité environnementale ou la nécessité de repenser la sécurité

Section 1 : Vers une autre approche de la sécurité face aux nouveaux enjeux globaux

Section 2 : La sécurité environnementale dans la doctrine, réflexions sur la diversité des approches

Chapitre 2 : Prévenir l’insécurité environnementale : à la recherche de fondements pour l’action politique

Section 1 : Appréhender le conflit environnemental : une approche spécifique Section 2 : Section 2: Les conditions d’émergence d’un conflit environnemental : approche théorique

TITRE 2 : L’UNION EUROPÉENNE : QUEL CADRE POUR LA RECONNAISSANCE JURIDIQUE DE LA SÉCURITÉ ENVIRONNEMENTALE ?

Chapitre 1 : L’introduction de compétences et d’instruments dans le domaine de l’environnement et de la sécurité

Section 1 : La protection de l’environnement dans l’Union européenne, une histoire mouvementée

Section 2 : L’UE, un acteur de sécurité en devenir

Chapitre 2: Des solutions pragmatiques en soutien à l’efficacité de l’action extérieure

Section 1 : La cohérence : pilier de la crédibilité de l’action extérieure de l’Union Section 2: Les outils de cohérence spécifiques aux enjeux de sécurité environnementale

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DEUXIÈME PARTIE : VERS UNE CONCEPTION EUROPÉENNE DE LA SÉCURITÉ ENVIRON- NEMENTALE ?

TITRE 1 : LES PRATIQUES DE LA SÉCURITÉ ENVIRONNEMENTALE DANS LES RELATIONS EXTÉRIEURES DE L’UNION EUROPÉENNE

Chapitre 1 : La prise en compte de la sécurité environnementale dans les domaines de compétences relevant du TFUE

Section 1: Développement, environnement et sécurité : une triangulaire impossible ?

Section 2: Climat et sécurité dans la pratique de l’Union européenne

Chapitre 2 : La dimension environnementale dans la PESC Section 1 : Environnement et prévention des conflits

Section 2 : L’environnement dans la Politique de sécurité et de défense commune

TITRE 2 : UNE CONCEPTION EUROPÉENNE À PROMOUVOIROU UNE AUTRE FACE DU LEA- DERSHIP ENVIRONNEMENTAL EUROPÉEN

Chapitre 1 : Promouvoir la sécurité environnementale sur la scène internationale : efficacité normative et cohérence de l’action européenne

Section 1 : Les bases incertaines d’une action normative internationale, approche théorique

Section 2 : Un engagement réel mais une pratique fragmentée

Chapitre 2 : Repenser la sécurité européenne, un atout pour le leadership de l’Union européenne

Section 1 : La sécurité humaine : un cadre stratégique pour la sécurité environnementale ?

Section 2 : L’avenir de la sécurité européenne dans un nouvel environnement stratégique: quelles perspectives ?

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LISTE DES PRINCIPAUX SIGLES ET ABRÉVIATIONS

ADE : Agence de défense européenne AGNU : Assemblée générale des Nations Unies ALPC : Armes légères et de petit calibre

AMCC Alliance mondiale contre le changement climatique AME : Accords multilatéraux sur l’environnement

ANSES : Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail

ASEAN : Association des Nations de l’Asie du Sud-Est AUE : Acte unique européen

CARICOM : Communauté de la Caraïbe

CCMS : Comité de l’OTAN sur les défis de la société moderne

CCNUCC : Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques CDI : Commission du droit international des Nations Unies

CE : Communauté européenne

CEE : Communauté économique européenne

CECA : Communauté européenne du charbon et de l’acier CED : Communauté européenne de défense

CFC : Chlorofluorocarbures

CEDEAO : Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest

CEDH : Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales

CEE : Communauté économique européenne

CENUE : Commission économique des Nations Unies pour l’Europe CEWARN : Conflict Early Warning and Response Mechanism

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CIG : Conférence intergouvernementale CIJ : Cour Internationale de Justice

CJCE : Cour de Justice des Communautés européennes CJUE : Cour de Justice de l’Union européenne

CNU : Charte des Nations Unies

COP21 : 21e Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques

COPS : Comité politique et de sécurité

COREPER : Comité des représentants permanents Cour EDH : Cour européenne des droits de l’homme CPCC : Civilian Planning and Conduct Capability CPI : Cour pénale internationale

CPJMP : Coopération Policière et Judiciaire en Matière Pénale CR & OC: Crisis Response and Operational Coordination Department CSNU : Conseil de sécurité des Nations Unies

DSP : Document de stratégie par pays DSR : Document de stratégie régionale

ECHO : Office européen pour l’aide humanitaire d’urgence EIE : Évaluation de l’impact environnemental

EES : Évaluation environnementale stratégique EUMUE : État-major de l’Union européenne

ENR : Entités non reconnues

ENRTP : Programme Environnement et gestion durable des ressources naturelles, y compris l’énergie

EES : Évaluation environnementale stratégique ENVSEC : Initiative Environnement & Sécurité

EPA : Environmental Protection Agency/Agence pour la protection de l’environnement

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ERCC : Centre de coordination de la réaction d’urgence

ESA : European Spatial Agency/ Agence spatiale européenne EURATOM : Communauté européenne de l’énergie atomique

EWS : Early Warning System GES : Gaz à effet de serre

GIEC : Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat

GMES : Programme européen de surveillance mondiale pour l’environnement et la sécurité

HR/VP : Haut-représentant de l’Union pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité/ Vice-Président de la Commission européenne

ICD : Instrument de financement de la coopération au développement IfS : Instrument de Stabilité

IcSP : Instrument contribuant à la stabilité et à la paix INTCEN : EU Intelligence and Situation Centre

IPCR : Dispositif intégré de l’UE pour une réaction au niveau politique dans les situations de crise

JOCE : Journal officiel des Communautés européennes JOUE : Journal officiel de l’Union européenne

MDP : Mécanisme de développement propre MRR : Mécanisme de réaction rapide

OCDE : Organisation de coopération et de développement économique OCHA : Office pour la coordination des affaires humanitaires de l’ONU ODD : Objectifs de développement durable

OI : Organisation internationale

OMD : Objectifs du Millénaire pour le Développement OMP : Opérations de maintien de la paix

OMS : Organisation Mondiale de la santé ONG : Organisation non gouvernementale

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ONU : Organisation des Nations Unies

OSCE : Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe OTAN : Organisation du traité de l’Atlantique Nord

PANA : Plans d’action nationale d’adaptation PCC : Politique commerciale commune

PCD : Politique de coopération au développement PE : Parlement européen

PED : Pays en développement

PEP : Profil environnemental par pays PER : Profil environnemental par région

PESC : Politique étrangère et de sécurité commune PNI : Programmes nationaux indicatifs

PIED : Petits états insulaires en développement

PNUD : Programme des Nations Unies pour le développement PNUE : Programme des nations unies pour l’environnement PRIO : Peace Research Institute Oslo

PRISM : Prevention of conflicts, Rule of law/ SSR, Integrated approach, Stabilisation and Mediation

PSDC : Politique de sécurité et de défense commune

REC : Regional Environment Centre for Central & Eastern Europe R2P : Responsabilité de protéger

SEAE : Service européen pour l’action extérieure SES : Stratégie européenne de sécurité

SGC : Secrétariat général du Conseil

SGNU : Secrétaire général des Nations Unies SGUE : Stratégie globale de l’Union européenne

SIPRI : Stockholm International Peace Research Institute SITCEN: Joint Situation Center

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TCEE : Traité établissant la Communauté économique européenne TCE : Traité sur la Communauté européenne

TFUE : Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne TUE : Traité sur l’Union européenne

UE : Union européenne

UEO : Union de l’Europe occidentale

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INTRODUCTION

En 2008, Margot Wallström, Vice présidente de la Commission européenne déclarait:

« [… ] the most severe threats to security of human beings are environmental impact and climate change »1. Dans un monde, où environnement et sécurité sont traditionnellement séparés, cette annonce, publiée seulement dans quelques journaux suédois, est passée relativement inaperçue. Cette simple affirmation marque pourtant un grand changement dans l’approche de sécurité de l’Union européenne.

Suivant une tendance générale, observée dès la fin de la guerre froide, la Commission européenne confirme, ici, implicitement, qu’aujourd’hui, le champ d’action de la sécurité s’est élargi au-delà des questions purement militaires, pour englober des aspects plus larges, politiques sociaux, économiques et environnementaux.

L’émergence de la notion de sécurité environnementale renvoie cependant à un double paradoxe. C’est, en effet, à la fois une notion ancienne, liée à Histoire de l’humanité (la lutte pour les terres arables ou les migrations liées aux aléas climatique, n’ont-elles pas de tout temps fait partie du quotidien de l’homme dans son élément naturel ?) et pourtant, en tant que concept, débattu par la doctrine sur le plan politique et juridique, le phénomène est relativement récent.

Apparue dans une première phase dans les années 1970, dans le sillage du courant environnementaliste2, c’est seulement au début des années 1990, avec la fin de la guerre froide et, avec elle, la brèche ouverte dans la conception westphalienne des relations internationales, que la sécurité environnementale sera traitée sous un angle de « sécurité ».

Cette notion émergente contribue, ainsi, à une réflexion sur la nécessité de revoir les conditions de la stabilité internationale et les causes de son déséquilibre3.

1 Svenska Dagbladet, « EU Får Tydlig Röst För Fred », 13 January 2008 (traduction libre).

2 L. BROWN, Redefining National Security, Worldwatch Paper, n° 14, 1977; N. MYERS, « Environment and Security », Foreign Policy, 1989, volume 74, pp. 23-34; R. ULLMAN; “Redefining Security”, International Security, 1983, volume 8, pp. 129-153; C. RØNNFELDT, « Three Generations of Environment and Security Research », Journal of Peace Research, 1997, volume 34, n° 4, pp. 473-482.

3M.HUFTY,« La sécurité environnementale, un concept à la recherche de sa définition », in C.SERFATI, (ed.), Une économie politique de la sécurité, Paris, Karthala, 2009, pp. 117-140.

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Le bouleversement des schémas traditionnels des relations internationales, en effet, a peu à peu faire prendre conscience, aux acteurs de l’échiquier international, des nouveaux contours des enjeux sécuritaires, caractérisés par des menaces plus diffuses, n’émanant plus automatiquement d’acteurs étatiques. Certaines de ces menaces, telles que le terrorisme, par exemple, ont, certes, été identifiées bien avant, mais leur inclusion dans les stratégies nationales, européennes ou internationales de sécurité s’est faite attendre4. Quant aux enjeux environnementaux, leur reconnaissance reste encore souvent à la traine, face à l’incertitude qui les entoure.

Le rapprochement entre dégradation environnementale et défis de sécurité s’est effectué très progressivement et de nombreuses divergences subsistent aujourd’hui, en particulier sur les causes et enjeux sous-jacents de ce rapprochement5. Les effets de plus en plus notables du changement climatique dans nos sociétés ont, pourtant, indirectement permis à ces questions d’opérer une percée dans l’agenda politique international. Toutefois, de nombreuses inconnues demeurent, laissant la place à de multiples interrogations sur la façon de gérer ce nouveau paradigme.

L’Union européenne, elle-même née d’un exercice réussi de prévention des conflits et leader de la protection internationale de l’environnement, est-elle en mesure de contribuer à cet objectif ? La notion de sécurité environnementale, dans sa formulation actuelle, n’apparait dans aucun document officiel européen, pourtant, dans ses relations extérieures, l’Union européenne contribue, en pratique et au quotidien, à un objectif de sécurité environnementale, au travers de ses diverses politiques verticales, ou transversales.

Une prise de conscience de l’importance de cette dimension de la sécurité est, certes, cruciale dans le monde contemporain. Toutefois, au-delà de l’urgence écologique, la sécurité environnementale porte en son sein des éléments qui pourraient également en faire l’un des moteurs de la politique étrangère de l’Union européenne, en contribuant à une meilleure appréhension des causes profondes et multiples des conflits et, par ce biais, soutenir la stabilité internationale et renforcer le rôle de l’UE en tant qu’acteur global.

4 PH. LE PRESTRE, « Sécurité́ environnementale et insécurités internationales », Revue québécoise de droit international, 1998, volume 11, n° 1, pp. 271-291.

5 Voy. en particulier : G DABELKO, & D. DABELKO, “Environmental Security: Issues of Conflict and Redefinition”, Environmental Change and Security Project Report, 1995, volume 1, n° 1, pp. 3-13;

D. DEUDNEY, “The Case Against Linking Environmental Degradation and National Security”, Millennium, 1990, volume 19, pp. 461-476 ; M. FINGER, “The Military, the Nation State and the Environment”, The Ecologist, 1991, volume 21, n° 5, pp. 220-225; G. PRINS, “Politics and the Environment”, International Affairs, 1990, volume 66, n° 4, pp. 711-730; D. PIRAGES, “Social Evolution and Ecological Security”, Bulletin of Peace Proposals, 1991, volume 22, n° 3, pp. 329-334.

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L’attribution, en 2007, du Prix Nobel de la paix aux experts du GIEC et au Vice-Président américain Al Gore6, en sont quelques illustrations. Plus récemment, ce même prix a également été décerné à l’Union européenne, en 2012, pour son action en matière de prévention des conflits7… Serait-il donc possible d’établir un parallèle et de réconcilier les deux agendas, en faisant de l’Union européenne un acteur majeur de la promotion de la sécurité environnementale au niveau global, tel est tout l’enjeu de cette recherche.

Dans cette perspective, le rapprochement de l’environnement avec les questions de sécurité et, plus particulièrement, de prévention des conflits, représente donc un enjeu fondamental dans la définition des futures stratégies de politique étrangère de l’UE.

Les dégradations environnementales, les ressources naturelles et le changement climatique sont entrés dans le débat des études de paix et de sécurité avec la publication du rapport Brundtland, qui décrit le stress environnemental comme source de conflits armés8. La sécurité environnementale deviendra, ensuite, partie de l’agenda du développement avec le rapport du PNUD sur le développement humain de 1994, dont la contribution majeure est d’introduire un nouveau paradigme de développement durable ainsi qu’un concept élargi de sécurité humaine9. Avec le concept de sécurité humaine, ce rapport met non seulement en avant l’individu, comme objet référent principal de la sécurité et ce, au détriment de l’État mais, surtout, il étend également le champ d’action de la sécurité au-delà de l’angle purement militaire qui lui était traditionnellement réservé. Par ce biais, il fait entrer dans la réflexion sur la sécurité, des défis transnationaux et globaux, caractéristiques de l’évolution des relations internationales et qui nécessitent des réponses internationales adaptées.

L’environnement ne peut aujourd’hui plus être ignoré comme cause potentielle de conflit, comme le confirme, en 2009, le rapport du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) en ces termes : « aucune discussion sérieuse sur les menaces actuelles ou émergentes, pesant sur la sécurité, ne saurait avoir lieu sans tenir compte du

6 « Le prix Nobel de la paix décerné conjointement à Al Gore et au GIEC », Le Monde, 12 octobre 2007.

7 « Le prix Nobel de la paix est décerné à L’Union européenne », Le Monde, 12 octobre 2012 ; A. MATTERA,

« Le prix Nobel de la paix à l’UE : la fierté d’être européen, Revue du droit de l’Union européenne, 2012, volume 3, pp. 377-397.

8 BRUNDTLAND COMMISSION, Our Common Future, Report of the World Commission on Environment and Development, 1987.

9 RAPPORT DU PROGRAMME DES NATIONS UNIES POUR LE DÉVELOPPEMENT (PNUD) sur le développement humain, Paris, Economica, 1994.

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rôle des ressources naturelles et de l’environnement »10. Cette reconnaissance implique, pourtant, une réflexion engagée sur la meilleure façon, pour la communauté internationale, d’appréhender ces nouveaux défis.

INTÉRÊT DU SUJET ET PROBLÉMATIQUE

Nos travaux entendent, en premier lieu, combler une lacune. Il n’existe, en effet, aucune thèse francophone ou ouvrage majeur, consacré à la sécurité environnementale dans les relations extérieures de l’UE et ce, que ce soit en droit ou dans des disciplines connexes, telles que la science politique ou les relations internationales11.

Seules deux contributions importantes, consacrées à la sécurité environnementale, peuvent être retenues dans le paysage doctrinal français : un numéro spécial des Cahiers de la sécurité12, publié en 2007 mais qui, dans une large mesure, fait appel à des auteurs étrangers et plus récemment, en 2016, l’ouvrage « sécurité et environnement » publié à la suite d’un colloque international organisé à Paris le 8 juin 201513. Dans ces deux contributions cependant, la place de l’Union européenne dans ce débat, lorsqu’elle est évoquée, est réduite à la portion congrue.

Grâce à la maîtrise de plusieurs langues européennes, nos recherches nous ont également amenée à établir un état des lieux du traitement de cette problématique, au travers de la littérature scientifique européenne et mondiale. Si la doctrine étrangère et plus particulièrement anglo-saxonne, fait état d’une littérature plus abondante sur la notion de sécurité environnementale14, ces écrits excluent généralement l’Union européenne de cette problématique. Au niveau européen, au contraire, les contributions foisonnent quant aux capacités de l’Union à influencer l’agenda politique international,

10 PNUE, Du conflit à la consolidation de la paix, le rôle des ressources naturelles et de l’environnement, 2009, p. 6.

11 La thèse de L. Maertens, soutenue à l’Université de Genève en 2014, est néanmoins à retenir comme contribution au débat sur la sécurité environnementale, approché sous l’angle Nations Unies, L. MAERTENS, Entre sécurisation de l’environnement et environnementalisation de la sécurité : le défi de la sécurité environnementale à l’ONU, Thèse de doctorat en science politique, Université de Genève, 2014.

12INSTITUT NATIONAL DES HAUTES ÉTUDES DE SÉCURITÉ, Environnement, changement climatique et sécurité, Les cahiers de la sécurité, n° 63, février 2007.

13 N. CLINCHAMPS, CH. COURNIL, C. COLARD-FABREGOULE & G. GANAPATHY-DORE, (eds), Sécurité et environnement, Bruxelles, Bruylant, 2016.

14 Aux États-Unis, au Canada, en Suisse et en Scandinavie, en particulier.

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ou quant aux obstacles juridiques pouvant faire obstacle à une telle action, sans que, toutefois, un lien ne soit établi avec les enjeux particuliers que sous-tend la sécurité environnementale.

L’analyse des contributions du monde des think tanks, généralement à l’avant- garde de la réflexion sur les nouveaux défis qui affectent la sécurité internationale, se révèle également décevante. Il existe, il est vrai, outre Atlantique et ce depuis plusieurs décennies, une certaine dynamique qui a largement contribué à l’émergence de la notion de sécurité environnementale et qui, depuis, continue à enrichir la réflexion15. Toutefois, dans ce débat, la dimension européenne reste totalement absente.

Les think tanks européens, de leur côté, demeurent souvent prisonniers d’un cloisonnement thématique, qui ne leur permet pas d’établir les passerelles nécessaires à l’appréhension de cette notion complexe, dans le cadre des relations extérieures de l’UE.

Face à cet état des lieux, notre intention est donc de mettre en avant la contribution particulière du droit européen à cette réflexion et d’analyser, à l’aune de la pratique des relations extérieures de l’Union européenne, le niveau d’engagement de l’UE en faveur de la sécurité environnementale. Derrière cette démarche figure la volonté d’apprécier si la force et la cohérence de cette action sont suffisantes pour soutenir un processus normatif international, qui pourrait être porté par l’Union européenne et renforcer, par là, sa position en tant qu’acteur global.

Au-delà du cadre spécifique spécifique de notre sujet, notre recherche présente également un intérêt élargi et novateur. Ces travaux peuvent, ainsi, représenter un test pour la gestion des phénomènes géostratégiques complexes, qui sont le reflet de l’évolution des relations internationales et vis-à-vis desquels les acteurs internationaux, en général et l’UE en particulier, se trouvent face à l’obligation d’adapter leur structure de fonctionnement et leurs modes de pensée.

Cette réflexion intervient, en outre, en lien avec une évolution positive du contexte international dans lequel elle s’inscrit. En effet, si la reconnaissance de la sécurité environnementale a eu une évolution lente, les dernières décennies ont été le témoin de l’apparition d’un contexte international favorable à une meilleure prise en compte du facteur environnemental dans la prévention des conflits et crises. Cette question, en effet,

15 Avec, en particulier les contributions importantes de : The Woodrow Wilson Center, The Worldwatch Institute, The Center for American Progress et plus récemment, The Center for Climate & Security.

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fait l’objet d’une légitimation croissante par la communauté internationale. Le travail remarquable, développé par le PNUE, depuis 2008, en particulier à travers le programme Environmental Cooperation for Peacebuilding16, qui a exploré les liens entre ces deux dimensions pour définir de quelle façon les facteurs environnementaux ou les ressources naturelles étaient susceptibles de devenir des facteurs de consolidation de la paix, représente un exemple notable de cette évolution. De plus, le lien entre environnement et sécurité se retrouve désormais, de manière plus affirmée, dans les objectifs globaux de développement durable, qui insistent sur l’importance de l’environnement, de la gestion durable des ressources naturelles et de la protection des moyens de subsistance, pour un développement pacifique.

En outre, depuis 2015, les avancées internationales à l’appui d’une gouvernance globale dans les domaines du changement climatique, de l’environnement et du développement durable se sont accélérées.

L’Agenda 2030 pour le développement durable et l’Accord de Paris, tous deux conclus en 201517, représentent ainsi des initiatives à vocation universelle, parties intégrantes d’une plateforme globale, susceptible de donner naissance à des stratégies holistiques de développement durable et de mesures d’atténuation du changement climatique. De plus, dans le même temps, les Nations Unies ont également opéré trois révisions majeures, portant à la fois sur les opérations de maintien de la paix18, sur l’architecture onusienne en lien avec le maintien de la paix19 et sur la mise en œuvre de la résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies (CSNU) n° 1325 sur les femmes, la paix et la sécurité20. Plus

16 UNEP, Environmental Cooperation for Peacebuilding Programme, final report 2016.

17 Résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies, Transformer notre monde : le programme de développement durable à l’horizon 2030, A/RES/70/1, 25 septembre 2015, Convention-cadre sur les changements climatiques, Adoption de l’Accord de Paris, FCCC/CP/2015/L.9, 12 décembre 2015.

18 Rapport du Secrétaire général des Nations Unies, L’avenir des opérations de paix des Nations Unies : application des recommandations du Groupe indépendant de haut niveau chargé d’étudier les opérations de paix, A/70/357–S/2015/682, 2 septembre 2015.

19 Rapport du Secrétaire général des Nations Unies, Coopérer pour la paix : vers le maintien de la paix en partenariat, S/2015/229, 1er avril 2015.

20 ONU-femmes, Preventing Conflict. Transforming Justice. Securing the Peace. A Global Study on the Implementation of UN Resolution 1325,

http://wps.unwomen.org/~/media/files/un%20women/wps/highlights/unw-global-study-1325-2015.pdf, 2015.

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récemment, le projet de Pacte mondial pour l’environnement, élaboré par des juristes internationaux, vient complèter ce tableau21.

Ces évolutions mettent ainsi en lumière une prise de conscience grandissante, par la communauté internationale, de l’interdépendance entre les différents domaines d’action au service de la sécurité internationale. Dans ce climat international favorable, s’interroger sur la potentielle contribution de l’UE, en tant qu’acteur majeur de ce processus, prend alors un intérêt tout particulier.

L’Union européenne, à l’appui de cette évolution internationale, semble ainsi avoir un rôle important à jouer, pour promouvoir une appréhension plus coordonnée et plus effective du lien entre sécurité et environnement, au service de la sécurité et de la stabilité internationale22. Les institutions européennes, en effet, ont été parmi les premières à prendre conscience de l'urgence des questions environnementales. Les

« thématiques vertes » figurent ainsi depuis longtemps parmi les actions menées par l'UE.

Dès 1972, la Conférence des chefs d’État et de gouvernement, tenue à Paris, a ouvert la voie à la mise en œuvre d’une politique commune en matière de protection de l’environnement23. Depuis, la politique européenne de l'environnement a évolué, passant progressivement d'un ensemble de législations minimales et thématiques à une stratégie globale et intégrée, avec un rôle prépondérant dans les négociations internationales, qui la place en position de leadership.

En tant qu'acteur mondial, l'UE occupe, également, un rôle de premier plan dans la promotion du développement durable au niveau international. Ce rôle se combine avec une ambition, plus récente, de devenir un acteur engagé dans la prévention des conflits et crises externes qui, elle-même, trouve sa raison d’être dans les origines même de la construction européenne. La prévention des conflits est, en effet

« l’essence même de l’Union européenne », celle-ci étant la parfaite illustration d’une entreprise de

21 Projet de pacte mondial pour l’environnement, http://www.leclubdesjuristes.com/wp- content/uploads/2017/06/Avant-projet-de-Pacte-mondial-pour-lenvironnement-24-juin-2017.pdf, présenté à l’Université de la Sorbonne, Paris, le 24 juin 2017.

22 En droit international public, l’effectivité se réfère aux conséquences juridiques d’une situation de fait.

L’effectivité produit ainsi des effets en droit, dans les conditions prévues par l’ordre juridique international lui- même ; Jean SALMON (dir.), Dictionnaire de droit international public, Bruylant, Bruxelles, 2001, p. 411.

23 Déclaration du Sommet de Paris, 19-20 octobre 1972, pt. 8.

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réconciliation, de stabilité et de prospérité, par la construction d’une coopération étroite entre ses membres24.

Consacrée comme priorité d’action de l’UE depuis 2001, par le programme européen de Göteborg pour la prévention des conflits violents (ci-après Programme de Göteborg)25, la volonté de L’Union européenne de poursuivre l’objectif de prévenir les conflits et crises internationaux est désormais inscrite dans les textes. En effet, au sein des traités européens, si les références à la prévention des conflits sont rares, elles n’en sont pas moins fondamentales car fondatrices26. L’article 2 TUE précise ainsi que l’UE doit

« promouvoir la paix, ses valeurs et le bien-être de ses peuples »27, Cet objectif est rappelé également à l’article 21 TUE qui, dans le cadre des objectifs de l’action extérieure de l’UE, rapelle que l’Union a pour objectif de préserver la paix, de prévenir les conflits et de renforcer la sécurité internationale28.

La référence à la prévention des conflits se retrouve également dans d’autres domaines de l’action extérieure, en particulier au niveau de l’article 42 TUE, traitant de la Politique de sécurité et de défense commune et qui souligne que, lorsque des missions civiles ou militaires sont mises en place afin de prévenir des conflits, elles interviennent en conformité avec la Charte des Nations Unies29.

Le Programme européen pour la prévention des conflits violents de 2001, sera confirmé par le Conseil, en 2011, en tant que fondement valable pour l’action que l’UE continuera de mener en matière de prévention des conflits30. Cet ancrage de l’objectif de prévention des conflits dans le droit primaire et secondaire de l’UE justifie, ainsi, l’approche que nous avons choisie pour traiter de la sécurité environnementale, dans le sens où, la mise en avant de cette approche préventive est unique dans le paysage des autres organisations régionales. Ainsi, par exemple, le traité révisé de la CEDEAO, si il fait référence au maintien de la paix, au règlement pacifique des différends, ou à la non-

24 Rapport présenté au Conseil européen de Nice par le Secrétaire général/Haut représentant et la Commission, Améliorer la cohérence et l’efficacité de l’action de l’Union européenne dans le domaine de la prévention des conflits, 14088/00, 30 novembre 2000.

25 Programme de l’Union européenne pour la prévention des conflits violents, adopté au Conseil de Göteborg des 15 et 16 juin 2001, 9537/1/01, 16 juin 2001.

26 J. L. MARTINEAU, Introduction à la prévention des conflits internationaux, Paris, l’Harmattan, 2016, format Kindle, emplacement 597.

27 Art. 2 TUE.

28 Art. 21 TUE.

29 Art. 42 TUE.

30 Conclusions du Conseil Affaires étrangères sur la prévention des conflits, 11820/11, 20 juin 2011.

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agression entre Etats, n’évoque pas cette dimension préventive31 et la charte de l’ASEAN, de son côté, ne mentionne que le règlement pacifique des conflits32.

L’UE se démarque donc, ici, par son ambition d’anticiper la survenance des conflits.

Cette caractéristique peut ainsi soutenir notre choix d’apprécier dans quelle mesure l’Union est en mesure de définir des conditions optimales d’une action préventive, face au défi de l’insécurité environnementale et soutenir, par là, la définition d’une stratégie extérieure permettant de mieux appréhender ce défi transversal et global à la sécurité et qui pourrait inspirer ses partenaires internationaux dans le cadre d’un processus normatif international.

DIFFICULTÉS DU SUJET

Pourtant, malgré cet ancrage de l’action extérieure de l’UE dans une perspective de prévention des conflits et son engagement réel en faveur de la protection de l’environnement, la sécurité environnementale, du moins sous cette formulation, n’apparaît pas dans les textes juridiques et autres documents officiels européens.

Appréhender la manière avec laquelle l’Union européenne intègre cette dimension préventive dans son action extérieure devra donc se baser sur une analyse extensive des différentes pratiques, engagements politiques et autres textes normatifs, pouvant être rattachés aux divers éléments qui fondent l’état de sécurité environnementale.

À ce travail d’analyse élargi s’ajoute, de surcroit, une difficulté supplémentaire, la sécurité environnementale étant, en effet, loin de faire l’objet d’un consensus quant aux éléments de sa définition. Cette notion, apparue que récemment dans le langage politique international, relève ainsi de la combinaison de deux termes « sécurité » et

« environnement », eux-mêmes empreints d’une forte dose de subjectivité et aux contours incertains.

Tenter de définir la sécurité environnementale implique donc, au préalable, de s’interroger sur la signification de deux concepts, dépourvus d’une interprétation unanimement acceptée et dont la combinaison ajoute un degré d’imprécision additionnel.

31 Traité révisé, CDEAO (Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest), 24 juillet 1993, art. 4.

32 Charte de l’ASEAN (Association des Nations de l’Asie du Sud Est), art. 2.

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En effet, tant le terme « d’environnement » que celui de « sécurité » sont communément utilisés, dans le langage courant, comme dans les publications spécialisées, sans qu’une définition commune ne soit proposée et ils se référent, implicitement, à diverses sensibilités quant à leurs contours. Il convient donc, au préalable, d’en apprécier les difficultés conceptuelles et les différentes acceptions, afin de mieux comprendre les enjeux liés au rapprochement de ces deux notions.

Aux termes du Petit Robert, la « sécurité » est un état d’esprit, caractérisé par la confiance et l’absence de danger33. Il ne s’agit donc pas d’un état de fait, mesurable objectivement, mais plus une perception, empreinte d’incertitude et laissant la porte ouverte à de nombreuses interprétations et discours, potentiellement antinomiques. La définition de critères, sur lesquels se baserait l’état de sécurité, présente dès lors un premier défi34. Face à cette difficulté, l’analyste se tournera souvent vers une définition par effet négatif, en l’associant au sentiment d’insécurité qui implique la perception que quelque chose est menacé et qu’il existe une menace, deux élément devant eux-même être définis35. En outre, si le terme de « sécurité » reste ambigu dans son contenu, il l’est aussi, tout autant, dans son format, navigant entre le concept, le domaine d’action, le programme de recherche ou la discipline universitaire36.

Il n’existe pas non plus un seul concept de la sécurité. On trouve ainsi alternativement des références à la notion de « sécurité nationale », de « sécurité internationale » ou encore de « sécurité globale », qui se réfèrent à des ensembles variables de questions et qui trouvent leur origine dans des contextes historiques et philosophiques différents37.

La notion de « sécurité nationale », ainsi, qui a longtemps prévalu dans les relations internationales, est étroitement associée à la défense d’un territoire, à la souveraineté et au monopole étatique de l’exercice de la force sur ce territoire dans le but d’en maintenir l’intégrité et la défense de valeurs nationales38. Cette vision réductrice de

33P.ROBERT, Dictionnaire de la langue française, édition le Robert, Paris 2013.

34M.HUFTY, « La sécurité environnementale, un concept à la recherche de sa définition », in C. SERFATI, (ed.), Une économie politique de la sécurité, Paris, Karthala, 2009, pp. 132.

35 X.BIOY, Le concept de personne humaine en droit public. Recherche sur le sujet des droits fondamentaux, Thèse de doctorat en droit, Université de Toulouse, 22 décembre 2001, p. 4.

36 PH. LE PRESTRE, « Sécurité́ environnementale et insécurités internationales », Revue québécoise de droit international, 1998, volume 11, n° 1, pp. 271-291.

37M.HUFTY, op. cit., p. 134.

38 M. CHEMILLIER-GENDREAU & W. JACKSON, « Sécurité et droit international », in C. SERFATI, (ed.), Une économie politique de la sécurité, Paris, Karthala, 2009, p. 23.

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la sécurité est souvent génératrice d’insécurité accrue, en faisant du sentiment d’insécurité le moteur de politiques potentiellement manipulatrices39. Elle a connu son apogée à l’époque de la guerre froide et a, d’ailleurs, été remise en question par les promoteurs de la sécurité environnementale, qui lui reprochent son centrage sur l’État et son incapacité à apporter des solutions aux nouvelles menaces à la sécurité.

Les développements de l’Histoire et, en particulier, la fin de la guerre froide, la globalisation et la multiplication des conflits intra étatiques ont, en effet, à la fois affaibli le concept de souveraineté des États et rendu nécessaire une conception plus large de la sécurité, capable d’en appréhender les nouveaux enjeux dans un monde multipolaire, ouvrant ainsi la porte à une réflexion sur la sécurité environnementale40.

C’est à cette vision de la sécurité que nous nous référerons, au cours de nos recherches, en tant que système politique international, dans lequel plusieurs États se garantissent mutuellement protection, contre toute atteinte extérieure menaçant leur intégrité territoriale ou leur organisation constitutionnelle et qui s'engagent à ne recourir qu'à des solutions pacifiques pour régler d'éventuels différends entre eux. Elle sera ici combinée à une lecture libérale, à travers laquelle l’objectif de sécurité collective ou internationale est atteint, en priorité, par le développement d’institutions de prévention des conflits et via les efforts visant à institutionnaliser la coopération internationale dans de nombreux domaines. Une approche dans laquelle se retrouvent à la fois les Nations Unies et l’UE41.

Le qualificatif de « sécurité globale », qui a parfois été appliqué à cet objectif, s’il reste un but ultime, ne semble cependant pas encore pouvoir être appliqué, en l’état actuel des relations internationales, dans le sens où, comme le souligne Philippe Leprestre, la sécurité globale présuppose une définition globalement acceptée de la sécurité et des notions partagées de valeurs, règles et principes, qui sont actuellement difficilement identifiables à cette échelle.

39 Une vision de la sécurité qui par exemple a été le fondement des « épurations » internes propres aux pays

« socialistes » ou encore la doctrine de la « sécurité nationale », qui a conduit les États sud-américains à tourner leur appareil de sécurité vers la répression d’une partie de leur population.

40 A. JOXE, « La globalisation stratégique - Causes, représentations, conséquences économiques, politiques, militaires de la globalisation », Cahiers d'Etudes Stratégiques, 2006, volume 40-41.

41M. HUFTY, op. cit., p. 134.

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Il conviendra, dès lors, dans le cadre de notre étude de se référer à la sécurité internationale, en tant que stade de réflexion ayant dépassé le cadre de la sécurité nationale, sans toutefois atteindre les éléments nécessaires à l’état de sécurité globale.

De son côté, la notion d’ « environnement » fait également état d’un certain nombre d’ambiguïtés.

L’idée de faire de l’environnement l’objet référent de la sécurité est au cœur du débat sur la sécurité environnementale. Hugh Dyer, sur ce point, s’interroge justement :

« de quel environnement parle-t-on » ? Ou comment faire de l’environnement une valeur à vocation universelle quand cette notion fait référence à une conception particulière de la nature42. Simon Dalby rappelle ainsi que l’ « environnement » est une construction culturelle de la nature, perçue comme externe et qui constitue une extension du terme

« environ » qui, étymologiquement, se réfère à ce qui est autour et historiquement à ce qui est autour de la ville43.

La signification de cette notion a beaucoup évolué au fil du temps. On trouve ainsi référence au terme « environemenz » dans la langue française, en 1265, signifiant alors circuit, contour44, puis à partir de 1487 dans le sens d’action d’environner45. Le mot provient donc du verbe environner : action d’entourer. Il se réfère à l’environ, aux alentours. Le vocable « environnement » est ainsi polysémique, avec pour sens de base une référence à ce qui entoure, au cadre de vie, au voisinage, à l’ambiance, ou encore au contexte. L’environnement au sens d’environnement naturel qui entoure l’homme est plus récent et s’est développé dans la seconde moitié du XXe siècle.

Dans cette perception, l’environnement se réfère au milieu dans lequel l’être humain vit et interagit, en tant qu’individu ou élément d’un groupe social46. D’une façon générale, l’environnement est, ici, entendu comme une construction sociale, le produit d’une action collective, une « nature travaillée par la politique »47. Agathe Van Lang le

42 H. DYER, “Environmental Security as a Universal Value: Implications for International Theory”, in M.IMBER

& J.VOGLER, (eds), The Environment and International Relations: Theories, Processes and Cas, 1995, pp. 22- 40.43S.DALBY,« Security and Ecology in the Age of Globalisation », Environmental Change and Security Project Report, The Woodrow Wilson Center, 2002, volume 8, p. 99.

44A.REY, Dictionnaire historique de la langue française, volume 1, Paris, Le Robert, 2006, p.1261.

45 Définitions lexicographiques et étymologiques de « environnement » du Trésor de la langue française informatisé, sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales.

46 Soit les données physiques, biologiques, géographiques et sociales qui conditionnent la vie humaine, Ibid.

47P.LACOUMES, L éco-pouvoir, environnements et politiques, Paris, La découverte, 1994.

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définit aussi comme « l’ensemble des éléments, naturels et culturels, dont l’existence et les interactions constituent le cadre de la vie humaine »48. L’environnement peut donc être vu comme le résultat d’une série de « transcodages », dans lesquels divers problèmes, individualisables, sont remodifiés pour se rassembler sous le chapeau « environnement », cela à des fins politiques ou stratégiques49.

La littérature scientifique et les programmes d’action internationaux ou nationaux opèrent, en outre, souvent le passage directement du concept d’ « environnement » à celui de « ressources naturelles ». Or l’expression « ressources naturelles », en elle-même, peut aussi se révéler problématique car, hormis les ressources naturelles indispensables à la survie, telles que l’eau ou la terre, la valeur de ces ressources et partant, leur caractère potentiellement conflictuel, reste fortement dépendante de contextes culturels spécifiques50.

La valeur de ces multiples ressources varie en effet, considérablement, dans l’espace et dans le temps, en fonction du stade de développement atteint par les différents territoires et des besoins de chaque société. Enfin, certaines matières premières ne sont, ou ne deviennent nécessaires, qu’à une période définie de l’Histoire. Ainsi, le pétrole, connu depuis des millénaires, ne s’est transformé en produit essentiel qu’à la fin du XIXe siècle. De même, l’uranium n’était d’aucune utilité pour l’homme, avant l’entrée dans l’ère nucléaire51.

La notion d’ « environnement » englobe aujourd’hui l’étude des milieux naturels, des impacts de l’homme sur l’environnement et des actions engagées pour les réduire. De nombreuses subtilités de nuances, dans les définitions actuelles, subsistent cependant et force est de constater que la plupart des théories sur la sécurité environnementale s’inspirent d’une conception occidentale de la nature et de ses écosystèmes qui justifie son intégration aux analyses de maintien ou consolidation de la paix, ou aux principes économiques52.

48A.VAN LANG, Droit de l’environnement, 3ème éd., Thémis, PUF, 2011, p. 21.

49M.HUFTY, op. cit., p 134.

50 P. DESCOLA & G. PÁLSSON, « Introduction », in P. DESCOLA & G.PÁLSSON, (eds.), Nature and Society : Anthropological Perspectives, London, Routledge, 1996, pp. 1-21.

51 P. GOURDIN, Manuel de géopolitique, éd. Diploweb.com, 2015, chapitre 6, Les ressources naturelles ; L. GOETSCHEL & D. PÉCLARD, « Les conflits liés aux ressources naturelles. Résultats de recherches et perspectives », Annuaire suisse de politique de développement, 2006, volume 25, n° 2, pp. 95-106.

52P.DESCOLA,op. cit.

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Le rapprochement de ces deux notions d’environnement et de sécurité fait donc potentiellement appel à un champ de réflexion illimité.

La « sécurité environnementale » couvre ainsi un questionnement large, qui va des conséquences environnementales des conflits armés aux conséquences de catastrophes environnementales sur la sécurité humaine ou des États. Elle se réfère, en première approximation, à la fois aux problèmes de sécurité provoqués par les sociétés humaines à l’environnement et aux problèmes de sécurité provoqués par l’environnement aux sociétés. Les crises environnementales, par exemple la perte de diversité biologique, restent aussi des phénomènes de long terme, apparaissant souvent comme abstraits et auxquels l’individu et sa collectivité ne réagissent que face à des événements extraordinaires tels que (inondation, ouragan, sécheresse, etc.). Il est alors souvent difficile d’établir les chaînes de causalité des phénomènes en question, d’autant que certains phénomènes dits « naturels » sont, de fait, provoqués par l’activité humaine et peuvent, à leur tour, avoir un impact négatif sur la société53. Cet effet circulaire rend donc malaisée l’identification des causes potentielles d’un conflit environnemental, tout comme celle des conditions de son émergence et impacte également le succès des efforts visant à sa prévention.

La combinaison de ces incertitudes se reflète ainsi dans la doctrine consacrée à la sécurité environnementale, qui alterne entre plusieurs tendances différenciées, qui sont reflet de cette difficulté conceptuelle54.

Face à ces ambiguités doit-on alors parler de concept ou de notion de sécurité environnementale ?

Le terme notion, issu du latin notio (action d’apprendre à connaître), concorde généralement avec une idée générale socialisée, plus ambigüe et moins applicable de ce qu’implique un concept. Elle se reporterait donc à une idée abstraite ou globale, généralement estimée implicite à l’esprit. Le terme « concept » lui, également issu du latin conceptus (se saisir, recevoir), fait référence, en sciences sociales, à une idée, elle aussi abstraite, séparée de son sens concret, du phénomène ou de la situation à laquelle le

53M.HUFTY,op. cit.,p.137.

54Ibid.

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concept se réfère, mais définie et produite avec plus d’exactitude et résultant d’une pratique et d’éléments substantiels d’une théorie55.

Les subtilités de nuances, qui ont été largement discutées en philosophie du droit56, présentent cependant de nombreuses faiblesses. En effet, les conceptions classiques du

« concept », qui reposent sur le postulat que chaque concept est définissable en traits nécessaires et suffisants, ont souvent échoué à trouver les traits définitoires de certains concepts, même lorsque leur existence n’était pas contestée57.

La science juridique ajoute une dimension supplémentaire de complexité, en séparant le jusnaturalisme, du constructivisme ou normalisme. Le premier courant pose comme principe que le concept préexiste au droit, ce dernier ne faisant que traduire une base métaphysique, alors que le deuxième courant avance que c’est le droit qui crée le concept, sa définition se serait donc pas découverte mais construite58.

Sans rentrer dans un débat, qui dépasserait le cadre de notre propos, il convient cependant de constater que la doctrine juridique peine encore à établir s’il existe une différence entre le « concept » et la « notion ». François Haid, dans sa thèse sur « les notions indéterminées dans la loi », n’estime ainsi pas nécessaire de faire une distinction entre notion et concept, « une telle distinction nous apparaissant à la fois très discutable et particulièrement délicate à réaliser »59. Une approche reprise également par Xavier Bioy dans une réflexion portant sur la notion de personne humaine60.

S’il nous semble de bon sens de nous rattacher à cette approche, qui souligne que ces deux termes, au final, peuvent être entendus comme la signification (au sens entier du terme) d’une expression linguistique et de la représentation mentale et abstraite qu’elle renvoie, nous appliquerons cependant, en priorité à la sécurité environnementale le qualificatif de « notion », face à des expressions ayant fait l’objet d’essais définitoires plus élaborés au niveau du droit international, tels que le « développement durable » ou la

55P. ROBERT, Dictionnaire de la langue française, 2013, op. cit.

56 E.PIC, Faire de la terminologie en droit, Université Paris 3, Sorbonne nouvelle, Cahier du CIEL 2007-2008, pp. 57-69.

57 L.LARIVIÈRE, « Comment formuler une définition terminologique ? », Meta, 1996 volume 41, n° 3, pp. 405- 418, E.SMITH,&D.MEDIN, « Categories and Concepts », Cognitive Science Series 4, Cambridge Ma, Harvard University Press, 1981.

58E.PIC, op. cit., p. 59.

59F.HAID, Les notions indéterminées dans la loi, essai sur l’indétermination des notions en droit civil et pénal, Thèse de doctorat en droit, Université d’Aix-Marseille, 2005, p. 15.

60X.BIOY, op. cit.

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