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2. Coûts de recherche et prospection d’emploi : l’entrée microéconomique

2.2. L’introduction de l’internet dans des modélisations plus sophistiquées de la prospection : vers un marché du travail compétitif

2.2.1. Le rythme d’arrivée des offres

Le caractère incertain du rythme d’arrivée des annonces peut être décrit à partir du modèle de base en introduisant un paramètre λ correspondant à la probabilité de recevoir une offre d’emploi par période [Cahuc et Zylberberg, 2001, p. 50]. Cette probabilité décrit exactement

27 La technologie d’appariement implicitement contenue dans le modèle de base implique qu’à nombre égal

d’offreurs et de demandeurs de travail, à chaque période, chaque firme adresse une offre de salaire à un chômeur – chaque chômeur étant supposé recevoir une et une seule offre.

la technologie d’appariement couramment utilisée pour micro-fonder la fonction agrégée d’appariement – il s’agit du modèle dit « de la balle et de l’urne » [Butters, 1977]. Ce modèle peut être décrit très simplement par une technologie de rencontre « téléphonique » [Mortensen et Pissarides, 1999b]. Chaque chômeur dispose d’un annuaire contenant l’ensemble des numéros de téléphone des firmes ayant un poste à pourvoir et choisit aléatoirement un numéro à chaque période. Si chaque firme ne dispose que d’un seul poste, alors il est probable que certains employeurs recevront plus d’un appel, et ne pourront par conséquent pas faire d’offre de salaire à chaque candidat. Ainsi, cette technologie de rencontre conduit à un défaut de coordination : un chômeur a une probabilité (1 - λ) de ne recevoir aucune offre en raison de la mauvaise qualité de la technologie de rencontre en vigueur.

Une fois ce cadre établi, il est possible d’introduire les conséquences d’une amélioration du processus de coordination entre offreurs et demandeurs de travail. Il suffit pour cela de tester les effets d’une élévation de la probabilité λ de recevoir une offre. L’augmentation de λ conduit à une élévation du salaire de réservation, mais produit des effets ambigus sur la durée de chômage. En effet, d’un côté, un salaire de réservation plus élevé est associé à une durée de chômage plus longue. Mais, d’un autre côté, la probabilité de sortie du chômage est une fonction croissante de λ. Ainsi, comme le remarquent P. Cahuc et A. Zylberberg, « le sens de variation du taux de sortie du chômage […] et de la durée moyenne du chômage est indéterminé. On doit cependant noter que si le salaire de réservation est peu sensible aux modifications de la fréquence d’arrivée des offres, la durée moyenne de chômage décroît avec cette dernière. C’est ce que semblent indiquer les études empiriques » [2001,p. 53]. Nous disposons ainsi d’une prédiction plus conforme à nos attentes. Cependant, il est difficile de déterminer a priori comment les effets d’internet se répartissent entre la baisse des coûts de recherche et l’élévation du taux d’arrivée des offres de salaires28. Remarquons toutefois que dans le modèle de Cahuc et Zylberberg, le chercheur d’emploi ne peut prétendre recevoir plus d’une offre par période – ce qui correspond au cas limite λ=1. Nous nous retrouvons donc confrontés au paradoxe de Diamond.

Or, comme le notent K. Burdett et K. Judd [1983], le résultat de Diamond n’est obtenu que si chaque tirage aléatoire ne contient, au plus, qu’une unique offre de salaire. L’équilibre du

28 Il existe en effet une ambiguïté profonde dans la façon d’introduire les frictions du marché dans le modèle de

prospection. Ces frictions apparaissent dans deux variables, c et λ, non liées. Seuls les modèles qui endogénéisent le taux d’arrivée des offres en introduisant une intensité variable de recherche lient la fonction de coût du chômeur et le rythme d’arrivée des offres [cf. ci-dessous].

marché est radicalement transformé si les agents sont capables d’observer plus d’un prix au cours d’une même période. Ils sont alors en mesure d’exercer une pression concurrentielle sur des recruteurs qui, rappelons le, disposaient précédemment d’un pouvoir de monopole. Ainsi, si chaque candidat reçoit, au cours d’une période donnée au moins deux offres de salaire (et non plus une seule), alors le salaire d’équilibre est le salaire concurrentiel – égal au produit marginal du travail [Fishman, 1992]. Ainsi, une élévation du rythme d’arrivée des offres conduit à une élévation substantielle de la situation des travailleurs. Dans une version plus sophistiquée de ce modèle, E. Kandel et A. Simhon montrent qu’il existe un continuum d’équilibres entre deux situations extrêmes : d’un côté, « l’équilibre de search », caractérisé par du chômage frictionnel et des salaires inférieurs au produit marginal du travail ; d’un autre côté, « l’équilibre walrasien », caractérisé par des salaires concurrentiels et l’absence de chômage [2002]. Dans le modèle de Kandel et Simhon, le taux d’arrivée des offres est endogénéisé dans une fonction d’intensité de recherche : le travailleur choisit librement le coût qu’il est prêt à consentir pour recevoir un nombre n d’offres d’emploi – une hypothèse implicite du modèle étant qu’il n’y a pas de différence entre candidater et recevoir une offre ferme. De fait, comme le notent les auteurs, le nombre n d’offres de salaire reçues par période donne une approximation du niveau de complétude de l’information sur le marché : « the more firms are sampled by the worker in each period, the better informed he is about the labor market conditions » [2002, p. 60]. Cependant, le travailleur consent un certain coût pour recevoir cette information. Ainsi, si l’arrivée d’internet permet de réduire le coût de génération d’une offre supplémentaire, les travailleurs seront incités à élever leur effort de recherche29. En conséquence, il apparaît clairement qu’une élévation du niveau d’information des chercheurs d’emploi conduit à un déplacement de l’équilibre du marché du travail vers une situation plus concurrentielle au sens de Walras : le chômage frictionnel est réduit et les salaires s’élèvent. Un tel résultat est conforme aux prédictions de l’approche macro- économique par la fonction d'appariement.

29 L’introduction de l’effort de recherche a ceci d’intéressant qu’elle est désormais modélisée comme un progrès

technique dans la fonction d’appariement [Pissarides, 2000, p. 70]. La différence avec le progrès technique tel que nous l’avons modélisé dans la technologie agrégée d’appariement est qu’il s’agit ici d’un changement « input-augmenting » : toutes choses égales par ailleurs, un même nombre de chômeurs produiront davantage d’appariements s’ils élèvent leur intensité de recherche.