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L’effet paradoxal d’une baisse des coûts de recherche

2. Coûts de recherche et prospection d’emploi : l’entrée microéconomique

2.1. Les conséquences d’une baisse des coûts de recherche dans le modèle de base de la prospection d’emplo

2.1.2. L’effet paradoxal d’une baisse des coûts de recherche

Comment, dans ce cadre, introduire l’arrivée de l’internet ? Une première entrée – qui a l’avantage de ne pas modifier la structure exogène d’arrivée des offres – consiste à poser que

la nouvelle technologie réduit les coûts de recherche d’information. En effet, les coûts de recherche (c) sont généralement associés aux dépenses telles que l’achat de journaux spécialisés ou l’envoi de candidatures. Il est raisonnable de penser que ces coûts se trouvent nettement réduits lorsque le chercheur d’emploi se tourne vers l’internet25 : il est possible de consulter les annonces sur les sites emploi (sans se déplacer) et, très souvent, d’envoyer une candidature par courrier électronique.

Observons ce qui se produit à la suite d’une baisse de c : i) le gain net de la recherche d’emploi, z, augmente ; ii) l’espérance d’utilité du chômeur Vu s’élève également ; iii) le salaire de réservation croît ; iv) la durée moyenne du chômage s’allonge. Graphiquement, on montre ainsi qu’une baisse de c implique une élévation de l’utilité espérée du maintien au chômage [cf. figure 7]. On montre également qu’une hausse de l’utilité espérée du chômage implique une élévation du salaire de réservation [cf. Figure 8].

Figure 7: la relation entre c et Vu [source : McCall, 1970] c

c

Vu

25 Il convient cependant de faire abstraction des coûts induits par l’équipement informatique (micro-ordinateur et

Figure 8 : la relation entre Vu et x [source : Devine et Kiefer, 1991] Utilité Ve Vu salaire x (salaire de réservation)

Le résultat précédent ne doit en aucun cas être associé à une détérioration de la situation du chercheur d’emploi. Au contraire, c’est parce que son bien-être s’élève lorsqu’il est au chômage que ses prétentions salariales s’élèvent et qu’il est prêt à accepter une durée de chômage de recherche plus longue. En fait, ce raisonnement est absolument identique à celui qui consiste à prédire les conséquence d’une hausse de l’assurance chômage : « la croissance du salaire de réservation et de la durée moyenne du chômage avec les gains nets de la recherche d’un emploi, constitue un résultat important [du modèle de base de la prospection d’emploi]. Il signifie que, toutes choses égales par ailleurs, un accroissement des allocations chômage devrait avoir pour effet d’augmenter la durée du chômage » [Cahuc et Zylberberg, 2001, p. 52]. Ce résultat se trouve renforcé par le fait que la baisse des coûts de recherche pourrait inciter des travailleurs découragés – définis comme les personnes qui ont renoncé à effectuer des recherches à cause des coûts associés à cette activité [McCall, 1970] – à réintégrer le chômage de prospection. Au final, les prédictions du modèle de base sont sans ambiguïté : une réduction des coûts de recherche s’accompagne d’une élévation de la durée – et du niveau – du chômage26. Ce résultat, qui contredit exactement les prédictions de

l’approche macroéconomique par la fonction d’appariement, est paradoxal. Comment expliquer ce paradoxe ?

26 Notons que ce résultat n’est valable que dans les modèles de prospection où il n’y a pas de recherche sur le tas

(on-the-job search). En effet, la baisse des coûts de recherche peut inciter un chômeur à accepter un « premier emploi » à un salaire w1 s’il peut poursuivre sa prospection dans le cadre de ce travail. Il continue alors de

recevoir des offres et se tourne vers un « second emploi » rémunéré à son salaire de réservation intertemporel w2

Le modèle de prospection d’emploi que nous avons présenté repose sur une hypothèse très rigide : l’arrivée des offres est exogène, aléatoire – le tirage s’effectuant à partir d’une distribution de salaires connue au départ – et, surtout, fixée très exactement à une offre par période. Ainsi, même avec des coûts de recherche nuls, un chômeur ne peut prétendre connaître plus – ni moins, d’ailleurs – d’une offre par période. Aussi, à rythme d’arrivée des offres exogène et constant, tout le supplément de bien-être apporté par une meilleure technologie de rencontre est reporté vers les exigences salariales. Or, s’il est réaliste de supposer que l’internet permet une réduction des coûts associés à la recherche, il n’en est pas moins réaliste de soutenir que l’internet pourrait accélérer et multiplier les prises de contact entre employeurs et travailleurs – cet effet correspondant très exactement à un progrès technique dans la fonction d’appariement. En effet, l’internet peut faciliter les interactions – les allers-retours – entre les deux versants du marché et donc augmenter le nombre de prises de contact précédant la signature éventuelle d’un contrat de travail. Pour rendre compte de cet effet, il convient d’émettre l’hypothèse que l’internet modifie le rythme d’arrivée des offres. Il est ainsi possible de supposer que, grâce à l’internet, la période de temps s’écoulant entre deux offres est raccourcie. En conséquence, et de façon tautologique, la durée moyenne de chômage – correspondant à une succession de n périodes – s’en trouve réduite. Cependant, le maintien d’un taux d’arrivée des offres exogène et égal à 1 comme hypothèse de base conduit nécessairement au fameux paradoxe de Diamond [1971]. Supposons que, sur le marché du travail, tout chômeur ne puisse observer qu’un seul salaire par période, et qu’il encoure des coûts de recherche positifs – même arbitrairement bas. Alors, sachant que les chômeurs – supposés tous identiques – acceptent toute offre supérieure ou égale à leur salaire de réservation, les firmes n’auront aucun avantage à offrir un salaire supérieur au salaire de réservation. En conséquence, la distribution des salaires est concentrée en un seul point : x = z [Cahuc et Zylberberg, 1991, p. 64]. Sur le marché du travail, cet équilibre est caractérisé par des salaires inférieurs au produit marginal du travail – sur le marché d’un produit quelconque, il s’agit du prix de monopole. Le dépassement de ce paradoxe appelle deux amendements par rapport aux hypothèses de base du modèle de la prospection d’emploi. Premièrement, le résultat de Diamond n’est obtenu que dans le cas où les chercheurs d’emploi ne peuvent recevoir plus d’une offre par période. Deuxièmement, ce résultat constitue une critique du caractère unilatéral (ou partiel) du modèle de la prospection d’emploi : un modèle d’équilibre doit intégrer le comportement stratégique et les activités de recherche des employeurs.

En conclusion, nous observons que, dans le cadre du modèle de base de la prospection d’emploi, les travailleurs élèvent leur salaire de réservation et réinvestissent les gains obtenus par le recours à une technique de recherche moins coûteuse dans du chômage volontaire de recherche. Autrement dit, l’amélioration du processus de recherche se traduit par un allongement de la durée du chômage. Ce résultat n’est guère conforme aux attentes formulées en introduction ; mais il n’a rien de définitif. Nous observerons ainsi dans la section suivante : d’une part que l’arrivée de l’internet devrait modifier un paramètre non variable du modèle de base, à savoir la fixation du rythme d’arrivée des offres à une unité par période ; d’autre part que, dans une modélisation plus sophistiquée de la prospection, l’arrivée d’une technologie plus performante a des conséquences plus conformes aux attentes.

2.2. L’introduction de l’internet dans des modélisations plus sophistiquées