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Ryan: le Président, j'écoutais le président du Conseil du trésor évoquer

Dans le document Le mercredi 13 juin 1983 Vol No 38 (Page 91-95)

certaines statistiques vers la fin de son discours. Je voudrais lui rappeler que les statistiques en matière de recherche doivent être maniées avec beaucoup de prudence, parce qu'elles émanent de sources très diversifiées et ce n'est que très récemment qu'on a commencé à coordonner les données en provenance de diverses sources de manière à pouvoir en parler avec une certaine sûreté.

Je n'ai pas le temps de revenir sur les chiffres qu'il a mentionnés, mais je voudrais porter à son attention une étude toute récente qui ajoute des dimensions nouvelles à tout ce débat sur l'état de la recherche scientifique au Québec et au Canada. C'est une étude qui a été réalisée sous les auspices du fonds FCAC qui fonctionne sous l'autorité du ministre de l'Éducation et qui s'intitule: Les disparités internationales et nationales dans les efforts de recherche et de développement, une explication de la situation canadienne et québécoise. Je ne prétends pas que cette étude infirme tout ce que dit le ministre, mais elle ajoutera à sa connaissance du dossier. Il en a peut-être déjà pris connaissance, d'ailleurs, mais elle est toute récente, parce qu'elle nous a été remise vendredi dernier à l'occasion des séances de la commission parlementaire chargée d'entendre le point de vue de certains organismes sur le projet de loi.

Je voudrais dire bien clairement qu'il ne fait pas de doute dans mon esprit que nous devions, au cours des prochaines années, accorder une attention tout à fait spéciale à la promotion de la recherche scientifique et

à l'intégration de la dimension technologique dans les politiques gouvernementales et dans les projets de développement des institutions autant du secteur privé que du secteur public. La recherche scientifique est la clé du progrès des sociétés en cette époque de mutation extrêmement rapide et nous devons constater qu'indépendamment des débats qui peuvent subsister sur l'interprétation à donner à certaines statistiques, le Canada accuse, depuis surtout une douzaine d'années, des retards considérables par rapport à des sociétés industrielles comparables.

Pour des raisons que je m'explique encore mal, le gouvernement canadien, à compter de 1970, a décidé d'affecter à la recherche des sommes proportionnellement moins élevées que celles qu'on avait affectées à ce domaine pendant les années qui ont suivi la guerre. Les progrès que nous avions accomplis pendant la période qui a immédiatement suivi le deuxième conflit mondial ont été suivis d'une stagnation et même d'un recul dans plusieurs domaines qu'illustrent abondamment les études internationales faites sur ce sujet. C'est un des points qui ressortent le plus clairement de l'étude dont je parlais tantôt qui a été rendue publique par le FCAC, le fonds de recherche et d'aide à la création et à la recherche scientifique du ministère de l'Éducation. Cette étude a été faite par l'économiste Robert Lacroix, de l'Université de Montréal.

Le Québec est, évidemment, à la remorque du Canada. Nous savons déjà qu'il y a des retards particuliers qui sont caractéristiques du Québec pour des raisons sur lesquelles on pourrait épiloguer longuement. C'est évident qu'il y a des responsabilités du gouvernement fédéral. Il y a des responsabilités également des grandes entreprises qui n'ont pas toujours institué, au Québec, les efforts de recherche qui auraient dû correspondre à l'importance de leur activité économique au Québec ou à l'importance des ressources qu'elles tiraient de leur implantation chez nous. Quoi qu'il en soit, nous reconnaissons tous qu'il y a un effort énorme à faire et que le gouvernement veuille, à l'heure actuelle, illustrer, de manière spéciale, par la création d'un nouveau ministère, l'importance qu'il entend accorder à la dimension scientifique et technologique, non seulement je ne m'y oppose pas, mais je le constate avec plaisir et aussi avec une note de regret.

Il y a déjà plus de trois ans que le ministre de l'Éducation, dans le livre blanc intitulé: Un projet collectif, qu'il publiait sur le sujet de la politique scientifique du gouvernement, avait indiqué clairement qu'il fallait mettre au point les dispositifs nouveaux pour que l'action du gouvernement soit plus efficace dans le domaine scientifique et, à la tête de ces dispositifs

nouveaux qu'il envisageait, il mentionnait la création - écoutez bien ceci, M. le Président - "d'un ministre d'État - je cite - non pas d'un ministère". Le livre blanc continuait ainsi; "Il s'agit d'un choix qui a été longuement pesé et qui s'appuie sur les enseignements tirés de la consultation.

D'ailleurs, l'esprit même des actions ici annoncées interdisait de penser à la mise sur pied d'une nouvelle entité administrative qui aurait été l'unique gestionnaire gouvernemen-tal de l'ensemble des programmes de recherche ou de subventions à la recherche.

Le modèle de participation et de concertation qui a été retenu invitait plutôt à confirmer chaque agent du système scientifique dans ses responsabilités propres, tout en favorisant l'émergence de lieux et de modes renouvelés d'échanges et de collaboration. Il n'est donc pas question -c'est toujours le ministre de l'Éducation actuel qui parle; à l'époque où il a rédigé ce document, il était ministre d'État au Développement culturel et scientifique - de centraliser la gestion de la politique de recherche en revanche et, dans la mesure même où on entend affermir la pluralité des voix et des instances consultatives et décisionnelles, se fait instamment sentir la nécessité d'un responsable politique clairement identifié, chargé de stimuler et d'animer l'ensemble du système scientifique, mais sans se substituer à l'une ou l'autre de ses composantes."

On avait examiné différentes hypothèses et, finalement, on a retenu celle du ministre d'État comme étant la plus fonctionnelle et la plus adaptée aux besoins actuels du Québec. Je pourrais continuer la citation, mais c'est bien clair. C'est d'ailleurs un premier sujet de divergence entre l'Opposition et le gouvernement, alors que nous souscririons d'emblée à l'idée d'un ministre d'État chargé d'un leadership intellectuel et politique dans la promotion de la recherche, de la dimension scientifique et technologique dans toutes les entreprises du gouvernement et des organismes publics et parapublics. Nous refusons l'idée trop souvent présente dans le projet de lois, un ministre qui inclinerait plutôt vers une fonction de gestion de l'ensemble du système. Il y a une différence profonde et j'invite le ministre délégué à la Science et à la Technologie à relire les pages que le livre blanc de son collègue, présentement ministre de l'Éducation, consacre à ce sujet. Je pense que, s'il les relit avec attention, il verra qu'il aurait pu les transcrire de manière plus efficace et surtout plus fidèle dans le projet de loi présentement devant nous. Autre chose, quand j'ai écouté des organismes venus comparaître en commission parlementaire, vendredi dernier, le climat de précipitation dans lequel ce projet de loi a été conçu et soumis à l'attention de

l'Assemblée nationale m'a beaucoup frappé.

Au cours de la journée de vendredi, sept organismes ont été entendus par la commission. La Conférence des recteurs des universités, la Fédération des associations ou syndicats des professeurs d'université, le Conseil des universités, le FCAC, le fonds d'aide à la création et de soutien de la recherche qui fonctionne sous l'autorité du ministre de l'Éducation, l'Institut de l'École de technologie supérieure, une firme privée qui est propriété en bonne partie, je pense, d'un organisme fédéral, une firme de produits électroniques, si j'ai bien compris. Ce qui m'a frappé, M. le Président, c'est que les cinq organismes principaux venus témoigner devant la commission, ceux qui avaient le plus de valeur représentative au point de vue du milieu de la recherche scientifique au Québec, nous ont d'abord tous dit qu'ils n'avaient pas été consultés sur ce projet de loi. Ils en ont pris connaissance dans un état de surprise. Ils ont été obligés de s'amener devant la commission parlementaire dans des conditions qui ne leur avaient point permis de préparer l'effort de présentation qui aurait été normalement exigé par l'importance du sujet.

Plusieurs nous ont dit qu'ils ont été obligés de se présenter devant la commission parlementaire sans même avoir eu le temps de recueillir l'opinion de leurs collègues, de tous ceux qui auraient dû normalement être consultés en cours de route, comme c'est le cas d'ordinaire. Je n'ai pas besoin de signaler que plusieurs organismes auraient dû être là et n'ont pas été invités. Je pense, en particulier, au CRIQ, au Conseil de la recherche industrielle du Québec qui est immédiatement concerné par un projet comme celui-ci. Je fus très étonné de constater qu'il n'était point présent. Le Conseil de la politique scientifique était présent dans le parterre où siégeaient les observateurs, mais on ne l'a pas entendu parmi les organismes appelés à témoigner. Je pense que cela illustre l'esprit de hâte, de précipitation dans lequel on agit en regard d'un sujet aussi important, à propos duquel des propositions précises avaient été faites au gouvernement depuis trois ans par nul autre que l'actuel ministre de l'Éducation à qui je dois rendre hommage dans ce dossier précis, parce qu'il avait tracé, dès 1980, les lignes d'action et d'orientation dont j'ai constaté avec intérêt qu'elles suscitaient l'approbation générale des milieux de chercheurs au Québec.

(23 h 30)

Je dis au ministre qu'il ne nous a pas communiqué, à ma connaissance, la teneur des amendements qu'il apportera au projet de loi que nous avons devant nous. Il aurait été très utile pour le débat que nous avons en cette Chambre que nous puissions connaître, au moins dans leurs données générales, les

amendements qui seront soumis. Si le ministre présente des amendements qui vont dans le sens des remarques générales que nous avons faites de ce côté-ci de la Chambre, il trouvera peut-être autour de son projet de loi le consensus que nous souhaitons tous, mais il reste à voir ces amendements. À l'heure où nous parlons, le ministre comprendra que nous devions traiter du projet de loi comme il nous a été communiqué, dans la forme que nous lui connaissons et non pas dans celle qu'il connaîtra peut-être lorsque les amendements du ministre nous auront été communiqués.

Il y a une chose que nous avons entendu souligner à maintes reprises, l'autre jour, à la commission parlementaire et que je souligne, pour ma part, avec vigueur, et qui est très importante. Dans la perspective de la recommandation que le ministre actuel de l'Éducation faisait, il y a trois ans, que le ministre chargé de la dimension scientifique et technologique fonctionne à l'intérieur d'un cadre juridique qui assure le respect des attributions propres de ses collègues qui ont aussi la charge d'activités scientifiques importantes ou d'aspects importants de l'activité scientifique du gouvernement, je pense que nous convenons tous sans discussion qu'il ne s'agit pas d'avoir un homme qui va tenir le flambeau de la science et de la technologie et que tous les autres fonctionneront au rythme de 1925 ou 1875. Je pense que la dimension scientifique doit s'introduire dans tous les aspects et dans toutes les dimensions de l'action du gouvernement, que ce soit le ministère de l'Éducation, le ministère du Travail et le ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Il faut que nous ayons une administration publique au Québec qui soit animée et imprégnée de cette dimension scientifique et technologique qui, en retour, accroîtra considérablement son efficacité et sa capacité d'adaptation au défi de l'époque moderne. J'espère que les amendements verront à protéger plus clairement...

Je pense que dans le projet de loi, il y a un abus de termes ambivalents, pour ne pas dire équivoques et quand on dit, par exemple, que le ministre sera chargé de veiller à la mise en oeuvre, à l'implantation, à la réalisation ou à la surveillance, ce sont des termes - coordonner, par exemple chargés d'ambivalence qui peuvent être interprétés dans un sens ou dans l'autre, suivant la personne qui les emploie, suivant le contexte politique d'une époque donnée, suivant même les relations de pouvoir à l'intérieur du Conseil des ministres ou du gouvernement. Je pense que si les amendements que présentera le ministre, permettent de dissiper les ambiguïtés qui subsistent actuellement, cela rendra plus facile la réaction positive que nous

souhaitons pouvoir exprimer en face de son projet de loi.

De même, il y a des mots qui ont fait bien peur à beaucoup de personnes, y compris celui qui vous parle, les mots

"pouvoirs de directives". Il y a deux thèses.

Je relisais, ces jours derniers, un rapport monumental qui a été rédigé, il y a déjà près de dix ans, sous la direction de feu le sénateur Maurice Lamontagne, qui est décédé ces jours derniers. Je pense que le sénateur Lamontagne a fait une oeuvre de pionnier formidable. Le ministre de la Science et de la Technologie est sans doute au courant de ce rapport extrêmement bien fait que le sénateur Lamontagne et son équipe avaient rédigé sur la politique scientifique de l'avenir. Là-dedans, le sénateur Lamontagne s'interroge, à un moment donné et il dit:

J'ai rencontré deux positions extrêmes en matière de politique scientifique; d'un côté, les hommes politiques qui voudraient s'approprier toute l'autorité sur le développement de la recherche scientifique et de l'autre côté, des scientifiques purs qui croient encore possible une espèce de république de la science complètement indépendante du pouvoir politique. L'une et l'autre positions sont absolument intenables dans le monde d'aujourd'hui. Je pense bien que la recherche scientifique ne peut pas se réaliser, ne peut pas progresser sans être étroitement reliée aux décisions du pouvoir politique et des grands pouvoirs de décision économique aujourd'hui. C'est une dimension dont je parlerai tantôt, la dimension plus large dont fait complètement abstraction le gouvernement dans la présentation de son projet et qui me paraît capitale pour que nous accédions à une vision vraiment réaliste de nos responsabilités et de nos possibilités dans ce domaine.

De ce côté, je crois que l'idée d'une sorte de séparation, d'un mur de séparation entre l'univers des scientifiques et l'univers politique est une idée dépassée. Il faut absolument qu'on accepte des perspectives d'intégration. Dans ce sens, il y aura un certain pouvoir d'orientation que l'autorité politique devra exercer sur l'orientation générale de l'activité scientifique et de l'activité de recherche. Il pourrait bien arriver que les scientifiques laissés à eux-mêmes veuillent consacrer une partie de plus en plus grande de leurs travaux à la structure des insectes au Moyen Âge ou dans l'antiquité. Il pourrait bien arriver que ce ne soit pas la priorité des gouvernements qui seront chargés de l'emploi des fonds publics et que les gouvernements doivent dire: Il faudrait un peu plus de recherche sur la structure de l'industrie, sur l'interaction de l'environnement, par exemple, et du développement économique sur la qualité des structures sociales et leur impact sur la qualité de la vie économique, etc. Il y a de

grands sujets qui sont vraiment à la fine pointe des préoccupations des gouvernements aujourd'hui qui se traduiront dans les priorités budgétaires et, par conséquent, dans l'activité quotidienne qu'on pourra observer dans les laboratoires et les centres de recherche. Tous les esprits réalistes, je pense, reconnaissent ceci, mais, en même temps, il faut précisément, à cause de cette interrelation nécessaire, trouver des balises qui permettront de protéger les scientifiques contre l'intrusion détaillée et étouffante que le pouvoir politique sera toujours tenté de vouloir exercer, quel qu'il soit.

De ce point de vue, je pense que la manière dont le projet de loi présente l'idée de pouvoirs de directives n'est pas la bonne.

Je pense que le FCAC, par la voix de son président, M. Cliche, a indiqué des pistes de réflexion et d'orientation très intéressantes quand il a dit: Il faudrait peut-être réviser la longueur des échéanciers. Si vous obligez des fonds scientifiques ou des fondations d'aide à la recherche à présenter des programmes d'année en année et qui seront soumis à l'approbation et aux pouvoirs de directives du ministre, cela veut dire qu'on va extrêmement limiter nos capacités d'épanouissement. Mais s'il s'agit de présenter des programmes d'action échelonnés sur une période de trois, cinq ou six ans, à l'intérieur desquels le gouvernement pourra dire: Nous voulons que la priorité soit mise plutôt de ce côté-ci, là, il y a toute une gamme de possibilités qui sont ouvertes. Je pense que c'est là vraiment une question de perspective. Il n'est pas question de commencer à dicter ou à proposer des amendements particuliers. Si l'on hausse la perspective un peu et si on élargit les horizons, il y a des possibilités de rencontres qui peuvent être très intéressantes.

Je voudrais souligner également le respect que le législateur doit conserver pour le rôle unique et privilégié que jouent les universités dans l'activité de recherche et dans le développement scientifique en général, surtout au Québec, où la recherche dans le secteur privé est moins développée à l'heure actuelle. Les universités occupent une place centrale. Il est devenu une mode, dans certains milieux, de dire: Il faut laisser les universités tranquilles, il faut qu'on dépense moins de ce côté. On va dépenser bien davantage du côté de l'industrie.

L'étude que le FCAC a rendue disponible, vendredi dernier, apporte une constatation extrêmement intéressante.

Savez-vous ce que l'on constate, M. le Président? c'est que, dans des pays comme le Japon, où la recherche industrielle est plus développée que n'importe où au monde, la recherche universitaire est également plus développée qu'ailleurs. Il n'y a pas d'opposition entre ces deux fronts de l'activité de recherche, il y a au contraire

une complémentarité.

Si on pensait promouvoir la recherche industrielle au Québec et au Canada en diminuant ou en sous-estimant la recherche universitaire, on ferait une erreur colossale, parce qu'il existe un lien d'interdépendance très étroit entre les deux. Si la recherche universitaire est vigoureuse, elle produira des scientifiques en quantité qui iront ensuite faire produire la compétence qu'ils auront acquise dans les laboratoires de l'industrie et des grandes entreprises privées. Il y aura une interaction qui s'exercera entre les centres privés de recherche et les institutions universitaires et là on aura une communauté de recherche scientifique vraiment à la hauteur des besoins d'aujourd'hui.

Je signale à l'attention du ministre que certains organismes nouveaux qu'il entend créer suscitent des doutes dans mon esprit.

J'ai de la difficulté à concevoir le rôle de la fondation qui viendrait peut-être, ce n'est peut-être pas l'idée du ministre, mais il pourra le préciser dans les amendements qu'il nous proposera. On peut très bien faire une lecture de son projet comme celle qui me vient à l'esprit, mais j'espère qu'elle n'est pas la bonne, qu'elle sera corrigée, qu'il y aura des amendements...

(23 h 40)

Je pense qu'il est nécessaire que certains fonds soient mis à la disposition du ministre pour qu'il puisse stimuler l'orientation du progrès de la recherche dans un secteur ou dans l'autre. Je lui disais

Je pense qu'il est nécessaire que certains fonds soient mis à la disposition du ministre pour qu'il puisse stimuler l'orientation du progrès de la recherche dans un secteur ou dans l'autre. Je lui disais

Dans le document Le mercredi 13 juin 1983 Vol No 38 (Page 91-95)