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Picotte: Nous n'avons pas donné notre consentement pour faire siéger trois

Dans le document Le mercredi 13 juin 1983 Vol No 38 (Page 22-27)

commissions parlementaires parce qu'il n'y a pas quorum à l'Assemblée nationale. Il y avait...

Le Vice-Président (M. Rancourt): Donc, nous avons quorum. M. le député de

Mont-Royal, vous pouvez continuer.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. M.

Beaulieu continue. Il dit: "Possiblement qu'il y a de grandes idéologies en arrière de cela, c'est-à-dire toutes les lois du gouvernement qui font des obstacles à la création d'emplois, qui mettent des bâtons dans les roues à l'entreprise, directement à l'entreprise et indirectement aux travailleurs qui ne pourront pas avoir des emplois, parce que les investissements ne viennent pas au Québec. Possiblement qu'il y a de grandes idéologies en arrière de cela que je ne con-nais pas. Nous, on sait une chose, c'est que ce qui est important, c'est qu'on ne veut pas être des fossoyeurs de jobs, mais on veut essayer d'en créer. Laissez-nous faire un peu.

Aidez-nous un petit peu." Et il continue: "Je ne sais pas si je réponds à votre question la question du député de BromeMissisquoi -mais je donne le sentiment d'un employeur qui en a ras-le-bol de tous ces projets de loi inventés dans des officines en arrière, puis, des fois, que les ministres sont obligés de défendre. Ce n'est même pas sûr. Laissez-nous travailler le temps que cela va mal."

Cela va mal et ces gens-là demandent seulement l'occasion d'investir et qu'on les laisse travailler. Les travailleurs demandent la même chose. Je ne vois pas de travailleurs qui viennent ici pour exiger ce projet de loi. C'est même le contraire. Il y a même eu des représentations de gens des syndicats soulignant certaines objections.

Pourquoi, aujourd'hui, nous amène-t-on un projet de loi dont vraiment personne ne veut? Personne n'en veut.

(11 h 50)

On ajoute aux contraintes qui existent déjà d'autres contraintes. À qui voulons-nous plaire? À quelle pression le gouvernement répond-il? Quelle est la nécessité de ces contraintes? Je n'en citerai que deux. Le temps ne me permet pas d'aller plus en profondeur sur le projet de loi. Il y en a une i c i . Il faudra éventuellement que des gens réalisent les difficultés qu'on apporte à l'entreprise privée au Québec par ce genre de projet de loi, parce que les conséquences pour les investissements sont très négatives et très difficiles. Par exemple, il y a même une étude qui a été effectuée par le ministère du Travail démontrant que, sur une trentaine d'entreprises auxquelles on a imposé une convention collective pour la première fois, soit entre le 1er février 1978 ou 1979 et le 30 mars 1982, 18 ont fait faillite, ne sont plus en affaires. On impose des conditions que ces entreprises ne peuvent pas accomplir, parce qu'elles doivent être concurrentielles non seulement avec d'autres entreprises au Québec, mais concurrentielles à l'échelle du Canada et même, à l'échelle de l'Amérique du Nord.

L'industrie des manufacturiers des

vêtements du Québec a fait des représentations au gouvernement fédéral -c'est vrai - sur la question des contingentements et des quotas, mais elle a fait aussi des représentations au gouvernement du Québec. Elle a démontré que les emplois ont été réduits par la politique fédérale contre les quotas, mais aussi que les emplois ont non seulement été réduits globalement, mais qu'ils sont partis du Québec pour aller en Ontario. Les industries, en Ontario, ont augmenté avec les mêmes lois fédérales. Elle a souligné que le coût de production était de 1 $ à 1,50 $ de plus l'unité, au Québec. Ces entreprises ont souligné les difficultés qu'elles avaient avec le Code du travail. Aujourd'hui, on arrive avec d'autres contraintes pour ajouter à ces difficultés. Je pense qu'il faudra qu'on rétablisse l'équilibre entre le patronat et les syndicats, même si c'est bien facile électoralement de dire que ceux qui parleront en faveur du patronat, ce sont des gens qui veulent prendre avantage des syndicats, des syndiqués etc., etc., toute la démagogie. Je pense que cela ne tient plus.

Je voudrais attirer votre attention sur deux aspects du projet de l o i . Premièrement, le projet de loi vient modifier l'article 109 du Code du travail en ne limitant plus l'application qu'aux personnes physiques. Les personnes morales seront maintenant assujetties à l'application des dispositions antibriseurs de grève. Il est vrai qu'on ne veut pas et qu'on n'approuve pas les briseurs de grève. Mais quand on va à l'autre extrême, comme le fait ce projet de l o i , lors d'un conflit dans l'une de ses entreprises, l'employeur ne pourra avoir recours, pour remplacer les salariés en grève, aux services de personnes morales, il ne pourra ni utiliser les services de cadres d'une autre de ses filiales non affectée par la grève ni même utiliser les services d'employés non syndiqués d'une autre de ses entreprises pour effectuer le travail habituellement fait par les salariés en grève.

Il me semble qu'il doit y avoir un certain équilibre et que, si l'on veut placer les entreprises privées complètement dans une situation d'otages... Ceci propose qu'elles ferment leurs portes. Je ne parle pas des grandes entreprises qui ont des milliers de travailleurs, je ne parle pas des compagnies qui peuvent subir le coût des grèves prolongées. Je parle des petites et moyennes entreprises. Avec une clause comme celle-là, c'est vraiment proposer de mettre ces entreprises en f a i l l i t e . Il n'y a pas d'équili-bre. C'est de dire: On fermera leurs portes complètement. Il faut donner une mesure de négociation. C'est nécessaire. On est dans une société libre. Peut-être que dans le passé la mesure de négociation n'était pas assez protégée pour les syndiqués, on l'admet. Mais est-ce que cela veut dire

qu'aujourd'hui il faut aller dans l'autre extrême de cette position et obliger ces entreprises à fermer leur porte? Comment aidera-t-on les syndiqués si l'entreprise ferme ses portes? On les encourage à faire des demandes qui, pour plus que la moyenne, ne sont pas nécessairement des demandes raisonnables; on encourage l'abus. Une telle mesure dans un projet de loi va encourager les abus. Je pense que c'est le rôle d'un gouvernement d'essayer de prévoir, d'essayer d'empêcher de tels abus.

M. le Président, c'est une des mesures du projet de loi à laquelle on peut s'opposer.

Il y en a une autre qui est assez sérieuse aussi, et je me demande à qui on veut plaire, quel cadeau on veut faire, à quelles pressions on a été soumis pour inclure une telle mesure dans le projet de l o i . Je parle de la question du droit d'association.

Par l'amendement proposé à l'article 21 du projet de loi, le législateur vient modifier l'esprit du Code du travail en la matière. Il remet en cause le principe permettant au salarié d'adhérer à l'association syndicale de son choix. Le Code du travail prévoit maintenant qu'une association peut être accréditée si elle obtient la majorité absolue des voix des salariés. Avec le changement proposé par le gouvernement, on peut avoir une association qui va obtenir un minimum de 26% et qui va être la seule association accréditée. On va empêcher les employés, les syndiqués de choisir une autre association.

C'est pour moi une attaque à un droit fondamental, à la liberté d'association.

Pourquoi le gouvernement vient-il nous dire aujourd'hui: Je vais imposer des règles.

Si une association ne peut pas obtenir X pourcentage, elle va disparaître. Même s'il manque quelques votes, les gens qui veulent appartenir à cette association - c'est une question d'idéologie, ce n'est pas seulement une question de représentation en termes de nombre, c'est une question d'idéologie, une question de pensée, une façon d'agir - on va dire à cette association: Non, vous n'allez plus exister.

Est-ce que c'est équitable? Est-ce qu'on établit un équilibre en imposant une telle mesure? On a suggéré au gouvernement de reporter le projet de loi à l'automne pour être capable d'étudier et d'évaluer complètement les conséquences des mesures dans ce projet de l o i . Est-ce qu'elles vont améliorer l'atmosphère, la paix sociale les conditions de travail? Est-ce qu'elles vont aider les investissements à venir au Québec?

Est-ce qu'elles réduisent tous les obstacles qui existent aujourd'hui ou si elles augmentent les restrictions qui rendent plus difficiles pour une entreprise d'essayer de créer des emplois et de faire affaires au Québec.

M. le Président, ce sont les questions que nous posons. Malheureusement, le

gouvernement n'a pas répondu aux critiques du projet de l o i . On essaie de justifier encore, par certaines mesures, par certains arguments, sur certains aspects du projet de l o i , mais on n'a pas répondu concernant le fond de notre objection.

Nous avons demandé que le projet de loi soit étudié pour le reporter en profondeur, et on nous l'a refusé. Je suis convaincu que c'est un projet de loi qui va créer des problèmes additionnels, qui n'apportera pas de solutions. Je regrette et je trouve malheureux que le gouvernement ait encore voulu faire de la politique avec le projet de loi plutôt que d'adopter une approche de vrais hommes d'État qui ont à coeur l'intérêt de toute notre société.

Malheureusement, ce projet de loi n'atteint pas cet objectif.

Des voix: Très bien! Très bien! Bravo!

Le Vice-Président (M. Jolivet): Mme la députée de Maisonneuve.

(12 heures)

Mme Louise Harel

Mme Harel: Merci, M. le Président. S'il nous fallait tenter de suivre une ligne de pensée cohérente de l'Opposition sur ce projet de l o i , je pense qu'on serait bien mélangé. D'une part, on nous a dit, durant le débat en deuxième lecture et au moment de la motion de report, qu'on n'était pas prêt.

L'Opposition ne se sentait pas prête et considérait que c'était se faire bousculer, à ce moment-ci de la session, que de discuter un tel projet de l o i .

Cela reste quand même étonnant, quand on pense que cela se discute depuis des mois devant le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, que cela se discute dans les milieux patronaux et syndicaux depuis des mois, que le journal Les Affaires en a f a i t mention abondamment, également, dans ses diverses publications depuis des mois.

D'autre part, il y a à la fois le point de vue contradictoire, qui dit que c'est une loi mineure, que c'est sans importance et que cela peut attendre à l'automne. Dans le même souffle l'Opposition nous dit: C'est une loi majeure, qui amène des changements assez substantiels et cela suppose une réflexion additionnelle. Reportons le tout à l'automne.

Il faudrait vraiment savoir, parce qu'on nous dit une chose et son contraire. À l'occasion, il y a même des parlementaires, je pense au député de Brome-Missisquoi et à son intervention, qui nous disent à la fois que c'est trop mineur pour donner lieu à une adoption immédiate et qu'on peut retarder cela mais, en même temps, que c'est trop majeur pour ne pas s'accorder une période de réflexion supplémentaire.

Je pense souvent que le motto de certains parlementaires de l'Opposition, c'est:

Je ne suis ni contre, ni pour, bien au contraire. Cela nous donne un peu l'état de confusion qui semble régner dans les rangs de l'Opposition sur ce projet de l o i . Je crois que c'est une loi remédiatrice au sens où c'est une loi qui veut corriger des lacunes à l'intérieur des règles du jeu existantes dans le Code du travail.

Je souhaite sincèrement que, le plus rapidement possible, on en arrive à modifier les règles du jeu existantes, mais il arrive que présentement il y a des lacunes très réelles à corriger. Ces lacunes ont été mises en lumière au moment des travaux de la commission parlementaire. Je voudrais vous citer notamment l'intervention qu'a faite M.

Hétu, le président de la CSD, la Centrale des syndicats démocratiques. Il a cité 18 témoignages assez éloquents sur les délais pour augmenter les difficultés dans l'accès à l'accréditation, les tactiques à répétition, les procédures judiciaires très nombreuses qui ont comme objectif de retarder l'exercice d'un droit pourtant formellement reconnu d'association.

M. Hétu concluait: "On constate donc, grosso modo, que l'employeur qui sait manoeuvrer à l'intérieur de certaines limites et en exploitant toutes les ficelles de la procédure, peut agir à sa guise et rendre la loi totalement inefficace quant à l'expression du droit démocratique de se syndiquer."

Ce sont là les lacunes actuelles. Le projet de loi nous apporte une loi qui remédie qui veut corriger des lacunes qui ont surgi soit au f i l des années, soit par l'interprétation restrictive qu'en avaient faite les tribunaux. Je pense notamment à l'interprétation restrictive de la Cour d'appel et des cours supérieures, donnée aux dispositions concernant les dispositions

"antiscabs".

Vous savez sans doute, M. le Président, que la Cour d'appel avait confirmé des décisions antérieures à savoir que le mot

"personne", qui était déjà contenu dans le Code du travail depuis l'adoption de la loi 45, qui devait désigner l'interdiction d'embaucher un "scab", une personne pour remplacer quelqu'un qui exerçait un droit qui lui est reconnu de cesser le travail dans un cas de grève, les tribunaux, dis-je, avaient décidé que le mot "personne" ne couvrait pas une personne morale. La conséquence de cela avait été d'amener bien souvent des entreprises à engager des sous-traitants pour remplacer les grévistes en plus d'obtenir promptement des injonctions pour limiter les piquets de grève devant l'entreprise. On sait que, dans le passé, il y avait des piquets de grève qui maintenaient une cessation des activités et, de plus en plus, devant la promptitude avec laquelle les tribunaux accordent des injonctions, quand on leur

demande de réduire les piquets de grève, on voit qu'il y a un déséquilibre. Les dispositions qui, en plus, permettaient à l'entreprise de continuer à maintenir la production en engageant des sous-traitants, puisqu'il s'agissait de personnes morales et non de personnes physiques, évidemment, cela venait presque neutraliser dans bien des cas les dispositions que le législateur avait déjà adoptées.

Donc, c'est une loi qui corrige des lacunes dans les règles du jeu actuelles.

C'est évident qu'il y a un souhait formulé par bon nombre d'intervenants dans la société qui est de changer ces règles du jeu.

Il faudrait, par ailleurs, savoir que tout cela ne se fera pas très rapidement. Je pense notamment à Louis Laberge en commission parlementaire. Je le cite parce que, habituellement, on cite les gens qui ne nous sont pas familiers; moi, je ne suis pas familière avec Louis Laberge, mais j ' a i trouvé f o r t intéressant, pour parodier un peu les propos tenus par le Conseil des dirigeants d'entreprises qui le précédait, qu'il dise: Il y en a qui étaient prêts à discuter de la réforme en profondeur pendant trois, quatre ans, et encore plus, s'il le fallait. C'est-à-dire qu'on retarde de plus en plus afin de ne pas immédiatement faire face aux difficultés réelles, aux difficultés existantes en matière d'accès à la syndicalisation.

D'une part, ce n'est pas une réforme mineure, c'est une réforme qui, comme en ont témoigné les intervenants devant la commission parlementaire, est suffisamment importante pour qu'elle donne lieu à un tollé du côté patronal et à une certaine satisfaction du côté syndical, mais ce n'est évidemment pas non plus une réforme qui va changer les règles du jeu. Ce n'est pas une réforme majeure malgré ce qu'en disent des membres de l'Opposition qui voudraient nous faire croire que cela va asphyxier - j'utilise les mots mêmes qu'ils ont employés l'entreprise québécoise. Je dis que non.

J'aurai l'occasion tantôt de vous faire valoir qu'un très grand nombre de ces nouvelles dispositions sont déjà contenues soit dans le Code canadien du travail ou encore dans les codes du travail de bien des provinces canadiennes. Il demeure que cette loi s'impose, quand on pense qu'il n'y a que 26%

des travailleurs et travailleuses du secteur privé qui ont pu obtenir une protection syndicale. Cette loi, évidemment, d'aucune façon n'amène l'obligation de se syndiquer, mais elle va certainement permettre une plus grande facilité dans l'exercice du droit.

J'ai eu l'occasion de dire, au moment de mon intervention sur la motion de report, que c'est quand même assez étonnant de voir qu'il y a des lois... C'est assez rare quand même de penser que dans une société comme la nôtre, alors qu'il y a un droit qui est reconnu, le droit à la négociation collective,

le droit à l'association, il y a des droits qui sont non seulement brimés, mais il y a parfois des symposiums, des conférences, des séminaires, des colloques pour apprendre justement à détourner des droits existants, pour apprendre - ce sont des cours qui sont donnés dans le cadre de sessions - à se débarrasser du droit d'association. C'est quand même incroyable. Même au niveau du revenu - je pense que personne n'aime payer ses impôts - personne n'oserait publiquement donner des cours ou faire des séminaires pour apprendre à faire de l'évasion. On peut apprendre à trouver les abris fiscaux, mais certainement pas, en tout cas, pas publiquement, apprendre comment ne pas payer ses impôts.

Il y a des travailleurs, il y a des travailleuses qui ont voulu utiliser ce droit qui leur est reconnu et ils ont été victimes de l'utilisation de ce droit. On pense à tous les témoignages qui ont été faits devant la commission parlementaire depuis les quelques mois ou années qui ont précédé l'étude et qui ont démontré que des victimes nombreuses jonchent le droit à la syndicalisation au Québec.

(12 h 10)

Vous savez, M. le Président, on nous dit que les investisseurs vont se bousculer ailleurs parce que les lois seraient trop contraignantes. Le député de Mont-Royal nous a cité les propos tenus par le Conseil du patronat, à savoir que c'était au Québec qu'il y avait les lois les plus contraignantes pour l'entreprise, en Amérique du Nord.

Notamment, le député de Mont-Royal est revenu à la charge sur une disposition contenue dans le projet de loi no 17 concernant le vote au scrutin secret au moment où il y a deux associations de salariés qui sont en présence et au moment où une des deux est élue à la majorité simple. Le député de Mont-Royal nous a tracé un tableau assez apocalyptique de ce qui prévaudrait dans cette situation, avec ces nouvelles dispositions.

Je vais vous lire le texte exact parce que la nouvelle disposition qui est reformulée pourra permettre à une association d'être accréditée dans la mesure où les associations qui participent au vote vont obtenir ensemble la majorité absolue des voix des salariés et, une fois que la majorité des salariés s'est exprimée au moment du vote, l'association qui a obtenu le plus de votes va obtenir l'accréditation dans l'entreprise.

Ces dispositions qui sont censées être apocalyptiques et qui sont censées être extrêmement contraignantes, savez-vous, M.

le Président, qu'elles existent? Elles existent à peu près partout dans les provinces canadiennes, à l'exception du Nouveau-Brunswick et de Terre-Neuve, ces dispositions qui accordent l'accréditation lorsque des travailleurs se sont prononcés en majorité

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