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2. L’environnement d’exercice du prendre soin à domicile

2.2. Du risque à la vigilance de l’aidant.

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2.2.1. La notion de vigilance : définition.

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Pour Vidal-Naquet (2006), la vigilance des aidants est définie par le fait de maintenir une attention particulière, d’exprimer de la sollicitude et de manifester de la prévenance envers un sujet fragile. En résumer, c’est « avoir souci de l’autre ». Cette vigilance ne résulte pas uniquement d’une identification objective des besoins et des manques. Elle doit aussi prendre en considération les attentes du sujet. La vigilance implique ainsi le consentement et l’implication du sujet aidé fragilisé. De ce fait, au travers de l’exercice de la vigilance (Bucki, 2012 ; Thomas & al., 2012), se révèle une nécessité d’homéostasie entre l’exigence d’autonomie et le désir de bienveillance. Cette nécessité suppose une asymétrie de la relation d’aide et soins. Dés lors, la posture de vigilance de l’aidant (Besson & Vandame, 2013 ; Loustalot, 2012), implique l’intrication de deux types d’attention, l’une dirigée vers le dépistage des carences et déficits et l’autre vers la reconnaissance des besoins et des attentes du sujet fragile. Aussi, cette homéostasie que tente de maintenir la posture de vigilance peut être mise en difficulté lorsque les besoins et attentes exprimés, se présentent sous une forme dégradée, que leur interprétation est incertaine ou encore lorsque les choix opérés par le sujets fragile impliquent un risque ou un danger. Dans ce cas, l’aidant peut adopter comme comportement de nier la participation du sujet fragile ou d’assurer sa protection en l’absence de son consentement.

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2.2.2. Les différentes formes de vigilance de l’aidant.

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Les causes de fragilisation d’équilibre du ressenti de vigilance sont complexes et trouvent leurs sources dans différents registres (médico-sociaux, familiaux, psychologiques ou encore environnementaux). La vigilance tend ainsi, à être multipolaire et à investir les dispositifs d’aide et de soins à domicile. Elle est vécue par les aidants familiaux, les aidants professionnels et par les sujets fragiles eux-mêmes. Les nouvelles technologies (alarmes, verticalisation, etc.) permettent alors à ces derniers de venir se manifester ou signaler les difficultés du système mis en place. Le dispositif peut, de ce fait, être considéré comme un support d’impulsion de l’alerte. Dirigée vers une gestion des risques et leur prévention, la vigilance s’inscrit alors, dans le temps. Ainsi, lors de dysfonctionnements, la reconstruction des liens dans la relation d’aide, se fait par une augmentation prégnante du niveau de vigilance, voire par une vigilance extrême, comme nous pouvons le constater dans des situations de risques accrus de chutes à domicile (Roux, 2006). Dans la durée, un maintien du niveau élevé de vigilance, nécessite des réajustements réguliers du dispositif de

prendre soin à domicile. Ce comportement se retrouve dans le discours des aidants familiaux lorsqu’ils soulignent la nécessité fondamentale de « s’organiser au jour le jour pour gérer l’évolution et les pertes constantes de la maladie » qui touche leur proche. Le sujet fragile, se situe alors au centre du dispositif de prise en soin qui à pour charge sa surveillance. Pour Ennuyer (2004),

« la labellisation des CLIC, entre autres, est clairement un procédé subtil d’enferment des vieux à risques, dont on nie la qualité du sujet, en leur imposant des équipes médico-sociales d’évaluation, des étiquettes GIR et des filières de soins ». Cela dit, la vigilance semble envisagée de manière plus globale, par une prise en considération de la fragilité du sujet aidé à domicile mais aussi de l’ensemble du dispositif avec lequel il interagit en permanence menacé de déstabilisation (Thomas, 2005). Ainsi, lors d’une mise en actes du dispositif à domicile, les évaluateurs peuvent constater une souffrance et une fragilité plus prégnante chez l’entourage que chez le sujet aidé. Afin d’éclaircir le concept de vigilance et au travers d'une analyse qualitative, Mahoney (2003) a dégagé 5 concepts du discours des aidants :

La supervision attentive (watchful supervision) où les aidants familiaux doivent

fréquemment attirer l’attention des autres membres de la famille et des intervenants professionnels sur les difficultés qu’ils constatent chez leur proche fragile.

L'intervention protectrice (protective intervening) en garantissant le bien-être de

chacun. En début de perte d’autonomie, l’aidant va principalement veiller sur son proche fragile mais à mesure de l’évolution de la dépendance, les intentions de l’aidant familial vont également viser à protéger l’entourage (notamment les aidants professionnels) du proche fragilisé.

L'anticipation préventive (anticipating triggers). L’aidant va petit à petit

développer une certaine connaissance des réactions de son proche fragile ainsi que des évènements susceptibles de l’inquiéter, l’agiter, le contraire ou l’apaiser.

Se sentir « en garde 24 heures » sur 24 (on duty 24 hours a day). En effet, de

nombreux aidants évoquent le sentiment de ne pas pouvoir prendre de la distance par rapport à leur responsabilité de supervision à l’égard de leur proche fragile devenu dépendant, y compris pendant la nuit. Ils se disent « en garde », présentent des difficultés à s’endormir, se réveillent régulièrement pendant la nuit, prêts à intervenir au moindre bruit inhabituel, venant aggraver l’épuisement et le burn out.

La nécessité d'être présent personnellement (being there) : En effet, énormément

d’aidants familiaux ressentent que leur présence est primordiale au bien-être de leur proche fragile. Ils sont convaincus qu’eux seuls savent ce qui est bon pour lui.

Ainsi, selon Mahoney (2003), la vigilance de l'aidant est un rôle actif qui englobe ces cinq catégories de signification.

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2.2.3. La vigilance des aidants : « le coping de vigilance ».

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A l’inverse du « coping d’évitement » détournant l’attention du problème, « le coping de vigilance » dirige l’attention vers celui-ci pour le prévenir ou le contrôler. Ainsi, pour Janis et Mann (1977), le « coping vigilant » est une stratégie active visant la recherche d’information sur la situation de prise en soins, le soutien et l’environnement social, la mise en actes de plans d’action et la recherche de moyen pour la résolution de problème. Cette stratégie permet alors de limiter les effets négatifs des stresseurs sur la santé physique et psychique de l’aidant. En effet, le recours à ce type de stratégie peut venir diminuer la détresse émotionnelle tout en facilitant le contrôle de la situation : le fait de savoir davantage de choses au sujet du problème (annonce du diagnostic, recherche d’information sur la pathologie qui touche le proche, etc.) facilite la mise en œuvre de stratégies compensatrices. Toutefois, le coping vigilant peut aussi augmenter de manière dommageable l’intensité de l’émotion lorsque la recherche d’informations révèle que la situation est plus grave que ce que l’on pensait ou quand rien ne peut être fait pour venir réajuster la situation. Dans le champ de la perte d’autonomie et notamment en ce qui concerne les démences, les travaux d’Aneshenensel et al. (1995) suggèrent que les aidants familiaux ont incontestablement des efforts à fournir pour surveiller, contrôler et réduire les comportements « socialement inappropriés ». Les aidants doivent ainsi maintenir un niveau de vigilance soutenu afin de veiller à ce que leurs proches ne fassent de mal ni à autrui ni à eux-mêmes. En 1998, Mahoney et al. ont ainsi pu opérationnaliser la notion de vigilance des aidants. Puis en 2003, Mahoney définit la notion de vigilance comme étant une surveillance continue par les aidants des sujets aidés fragiles. L’auteur propose aussi de mettre en avant les cinq éléments clés de la vigilance qui sont le contrôle, un positionnement protecteur, l’anticipation, être « toujours en service » et le sentiment prégnant d’être là. Ainsi, selon l’auteur, les aidants professionnels « vigilants » se considèrent comme « en service », même quand ils n’ont pas à « faire les choses » (Doing things).

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3. Attentes, besoins et moyens de compensation dans la relation