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Impact de la relation d’aide sur le dispositif de prendre soin à domicile.

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1.4.1. La santé des acteurs de la relation d’aide.

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Dans les différentes études publiées sur la santé des aidants (Thomas & al., 2005 ; Hawranik & Strain, 2007 ; Ducharme & al., 2007 ; Phaneuf, 2008 ; Kerhervé & al., 2008 ; Thomas & al., 2010 ; Denton & Zeytinoglu, 2010), on constate, dans la majorité des cas, un impact fortement dommageable sur le profil de l’aidant : stress chronique, état dépressif

beaucoup plus fréquent, augmentation des troubles cardiovasculaires, voire même une mortalité accrue (Gély-Nargeot & al., 2003). La santé des aidants peut être gravement menacée lors d’un engagement dans une relation d’aide et notamment si elle n’est pas « guidée et soutenue » (Coudin, 2004). Pour venir interroger cet impact, les cliniciens disposent d’échelles permettant d’évaluer la qualité de la vie et le fardeau (Zarit & al., 1980). Dans ce dessein, l’intensité de cette charge, à laquelle les aidants (et notamment les aidants familiaux) ne sont pas préparés, peut alors être la source du besoin fondamental d’aide et de soutien pour investir le prendre soins d’un proche sans s’épuiser. C’est pourquoi une mise en actes globale, allant au-delà des clivages entre sanitaire et social, maintien à domicile et institution, s’impose à nous. Différents constats peuvent être mis en avant. En effet, la dépendance psychique, dont souffre la personne aidée, est celle qui induit le plus de souffrance au sein de la population des aidants. En outre, les réponses apportées à cette souffrance semble encore aujourd’hui, le plus souvent, insuffisantes voire inadaptées. Ce n’est qu’être dans du normatif que de comprendre le besoin de l’aidant principal à pouvoir disposer de temps de répit et ainsi d’être relayé plus ou moins régulièrement (un moment dans la journée, la nuit, etc.) pour avoir la possibilité de prendre soin de lui ou pour poursuivre des activités sociales structurantes. Mais quels sont les moyens mis en place pour que cette aide extérieure ne soit pas vécue comme intrusive ? Et comment être suffisamment à l’écoute pour venir contrecarrer la réticence de ces aidants à recourir au service d’aide ? La littérature et les nombreux témoignages d’aidants mettent en effet en exergue que la mise en place d’un dispositif de maintien à domicile par des professionnels de l’aide et/ou d’un financement par l’APA laisse supposer une procédure longue et laborieuse, une gestion très complexe et souvent sujette à de nombreux ratés. Il peut être alors difficile pour l’aidant de faire appel à un dispositif d’aides extérieures. Le temps et l’énergie consacrés au proche aidé l’amène souvent, à exprimer une demande d’aide en décalage avec ses attentes et besoins réels. Le refus d’aide de l’aidant familial peut aussi être dû à sa propre culpabilité de ne pouvoir gérer seul le prendre en soin à domicile, mais aussi de la préoccupation du coût financier lié à la mise en actes du dispositif, ou encore à la rigidité et au manque de coordination des différents modes d’interventions. Cette confusion entre les impératifs matériels et affectifs ainsi que cette non prise en considération des besoins et des attentes réels du couple aidant/aidé est alors favorable à l’enferment social de l’aidant mais aussi à la réticence à être aidé.

La prise en considération d’une situation d’aide à domicile dans son entièreté, correspond à un accompagnement spécifique dans une situation singulière, un travail d’écoute active et de positionnement dans des domaines aussi divers que l’information sur la pathologie, le soutien psychologique, l’assistance juridique, l’orientation vers des organismes

de maintien à domicile, une coordination du dispositif, ou encore l’organisation de période de répit. Il semble qu’à ce jour, les solutions alternatives à la prise en soin exclusive à domicile (hébergement temporaire, accueil de jour, de nuit, etc.) sont insuffisantes en nombre, souvent inadéquates et éparses au regard des besoins et attentes des différents protagonistes de l’acte d’aide.

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1.4.2. L’aide : une expérience délétère.

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Nous venons de le voir, la prise en soin au domicile d’un proche devenu dépendant a des répercussions manifestes sur la santé de l’aidant. Ces répercussions sont en fait majoritairement secondaires à un état psychologique fragilisé. Dans la majorité des cas l’aidant exprime une plainte et de la souffrance. La crainte de la maladie, la culpabilité, la honte, l’isolement social, les difficultés professionnelles sont au centre des angoisses des aidants, la perturbation des activités (loisirs, etc.), les problématiques financières, l’absence de soutien des proches ainsi qu’un impact dommageable de l’aide sur l’estime de soi des aidants (Antoine & a l., 2010). Les conséquences sont aussi de l’ordre de l’inversion des rôles : « celui qui a donné la vie devient dépendant de celui dont il a assumé la charge ». Un conflit familial peu aussi survenir. En effet, les rivalités, les problématiques anciennes et profondes ont fréquemment tendances à resurgirent, après-coup. Des comportements qui influencent de manière négative les relations au sein même du groupe défini par la situation de prendre soin à domicile. Cette prise en soins impact aussi de manière dommageable sur le vécu d’enferment des aidants. Ils disent se sentir « séquestrés ». Une présence de tous les instants. Être présent jour et nuit et accomplir pour le proche dépendant tous les gestes de la vie quotidienne. Une présence physique mais aussi psychique. Leur esprit, jamais serein, est constamment obnubilé par ce prendre en soins. La prise en charge de cet autre dépendant prend tout le temps. Un vécu fort de souffrance que ces aidants peuvent exprimer en disant « je ne m’appartiens plus, c’est lui qui prend ma vie » (Thomas & al., 2005).

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1.4.3. L’aide : une expérience positive.

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Dans certaines situations, nous pouvons observer une activité structurante de l’aide avec des conséquences positives de la situation d’aide, notamment chez les aidants familiaux de sujets fragiles, présentant des maladies diverses, aussi bien psychiques que somatiques (Antoine et al., 2010). L’aide représente alors un nouveau rôle pour l’aidant, source de gratification et d’enrichissement dans la réussite d’un véritable « challenge » (Coudin & Gély-Nargeot, 2004 ; Rigaud & al., 2009). Gély-Nargeot & Coudin insistent, par ailleurs, sur la nécessité de s’éloigner de la représentation du sujet aidé réduit à un fardeau, pour appréhender les échanges qui existent au sein de la relation aidant/aidé : « don et contre- don ». Ce paradigme permet de mettre en avant « le sens de l’aide » potentiellement envisagé

par l’aidant familial. Être au contact de l’autre, l’écouter parler, écouter et analyser la problématique sous-jacente, pour permettre à l’aidant de se sentir mieux « venir en aide à l’autre pour se sentir exister ». Ainsi, être au centre et parfois même le seul acteur du dispositif de prendre soin à domicile semble être la motivation principale de ces aidants.

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