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2. L’environnement d’exercice du prendre soin à domicile

2.1. Exercice de la relation d’aide et risques domestiques.

2.1.3. La notion d’accidents.

2.1.3.1. Accidents domestiques et vieillissement.

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Les sources de données épidémiologiques sur les accidents de la vie courante restent encore, en France, assez peu nombreuses. Jusqu’à la fin des années 1990, hormis certaines enquêtes ponctuelles, il n’existait que trois sources :

Le système d’enregistrement des causes de décès de l’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (CépiDc) ;

Les enquêtes menées entre 1987 et 1995 dans quelques départements par la Caisse National d’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés (CNAMTS)

L’enquête développée à partir des années 1980 dans le cadre du système européen EHLASS (European Home and Leisure Accident Surveillance System), devenue par la suite, en France, l’Enquête Permanente sur les Accidents de la Vie Courante (EPAC).

L’enquête EPAC est introduite dans plusieurs hôpitaux volontaires en France. Elle fait partie du système de recueil européen Injury Data Base (IDB). Le principe de ce recueil repose sur l’enregistrement, aux urgences, d’informations sur les patients pris en charge à la suite d’un AcVC. Les AcVC regroupent alors les chutes, les accidents de transports, les suffocations, les intoxications, les noyades ainsi que les accidents causés par le feu (Thélot & al., 2005). Les résultats mettent en avant que la proportion d’accidents de la vie courante est plus élevé chez les enfants puis décroît avec l’âge jusqu’à 75 ans, âge à partir duquel la fréquence des accidents augmente à nouveau. Les personnes âgées « fragilisées » sont donc particulièrement touchées par les accidents de la vie courante. Aussi, par les résultats de l’Enquête Permanente sur les accidents de la vie courante, Thélot et al. (2005) soulignent que

39% des accidents dans la population générale surviennent à l’intérieur même du domicile. Cette proportion augmente avec l’âge et finit par représenter deux accidents sur trois chez les sujets âgés de plus de 75 ans. On constate que la chute représente la cause d’accident principale à cet âge. Les loisirs et jeux sont les activités qui sont le plus liées aux accidents car 52% des AcVC surviennent à cette occasion à partir de 70 ans. Ainsi, ces données montrent que les accidents domestiques représentent un vrai problème de santé publique, notamment chez des sujets âgés particulièrement « vulnérables ».

Par ailleurs, plusieurs études, au sein de la population générale (Thélot, 2004 ; Ermanel

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& al., 2006) signalent que la démence serait un facteur caractéristique de risque d’accidents de la vie courante, mais aucune étude de prévalence spécifique à ce type de sujet n’a encore été réalisée. Pourtant, les personnes démentes sont identifiées par de nombreux auteurs (Lach et Chang, 2007 ; Horvath & al., 2005 ; Poulin de Courval, 2006), comme étant une population à risque face aux accidents domestiques. En plus de causer une baisse des performances dans l’exécution des actes et des activités de la vie quotidienne, les pertes cognitives de la démence entraînent une vulnérabilité prégnante de la personne aidée au sein même de son environnement habituel venant alors accroitre l’exposition aux risques à domicile. En outre, selon Horvath et al. (2005), les principaux symptômes cognitifs qui viennent ébranler la sécurité de la personne démente sont les pertes de mémoire, l’incapacité à raisonner et la pauvreté du jugement. Les auteurs soulignent aussi que le sujet dément n’est pas en mesure de reconnaître une situation à risque. Elle serait alors dans l’incapacité d’émettre le bon jugement et ne pourra appeler à l’aide. De manière plus précise, les auteurs indiquent que les troubles mnésiques présents dès le début de la maladie entraînent des oublis fréquents qui désorganisent la réalisation des actes du quotidien. Progressivement, les troubles des fonctions exécutives envahissent le sujet aidé qui peut alors rencontré des difficultés dans la réalisation des tâches de programmation et de planification. Les troubles praxiques qui apparaissent altèrent la réalisation de gestes complexes puis de gestes plus simples. Enfin, les troubles de la reconnaissance des objets puis des personnes viennent perturber le fonctionnement du sujet dans ces actes et activités du quotidien. Ainsi, les troubles cognitifs présents, et qui évoluent avec la maladie, sont responsables des prises de risques du sujet en perte d’autonomie voir dépendant. Ainsi, les symptômes psychologiques et comportementaux des démences favorisent des conduites à risques.

Finkel & al. (1996), soulignent également que les patients présentant une désinhibition (définie comme tendance à l’instabilité émotionnelle, un déficit des capacités de jugement et de discernement et un comportement impulsif et inapproprié : pleurs, euphorie, violence verbale et physique, comportements autodestructeurs et envahissants, désinhibition sexuelle,

agitation motrice, impulsivité et errance) peuvent présenter un danger pour eux-mêmes ou pour autrui. Les crises d’agressivité sont parfois source de conflits et d’actes de violence. Les comportements « sans retenu » (vols, jeux, achats compulsifs, etc.) peuvent aboutir à de graves difficultés financières et familiales. Enfin, une consommation abusive d’alcool ou de drogue peut causer des accidents irréversibles. Bien que la réciprocité entre les symptômes psycho-comportementaux et la sécurité à domicile n’ait encore jamais été étudiée de façon empirique jusqu’à présent, Rigaud (2001) recommande d’évaluer « la dangerosité éventuelle des troubles du comportement pour le patient et pour l’entourage ».

L’agitation peut potentiellement devenir source de dangerosité pour soi et autrui. L’agitation est définie par Cohen-Mansfield et Billig, (1986) comme « une activité verbale, vocale ou motrice inappropriée qui n’est pas considérée par un observateur externe comme résultant directement d’un besoin ou d’un état de confusion » Cohen-Mansfield, Marx et Rosenthal (1989) distinguent ainsi quatre types d’agitations,:

Les comportements verbaux agressifs (hurlements, jurons, accès de colère, émission de sons étranges) ;

Les comportements verbaux non agressifs (la recherche constante d’attention, les plaintes, les répétitions de phrases, les ordres, etc.) ;

Les comportements physiques agressifs (donner des coups, empoigner, mordre, bousculer, griffer, etc.) ;

Les comportements physiques non agressifs (agitation générale, les gestes répétitifs, allées et venues, dissimulation d’objets, etc.).

Bachman et Rabins (2006) ont décrit, quant à eux, le syndrome crépusculaire (sundowning syndrome) qui se traduit par « une agitation plus fréquente ou plus intense en soirée ». Généralement mal supportée par les proches, les auteurs signalent que cette agitation peut être à la source de nombreuses demandes d’institutionnalisation.

Pancrazi et Métais (2005), décrivent, par ailleurs, plusieurs types de comportements observés dans la démence et illustrant l’instabilité psychomotrice. Les auteurs parlent, dans un premier temps, de déambulation qu’ils définissent comme un « besoin répété, prolongé, parfois compulsif de marcher, avec ou sans but ». D’après Hazif-Thomas et al. (2003), la déambulation est pour l’entourage, l’une des conduites les plus perturbatrice. Ce comportement vient alors aisément inscrire les aidants familiaux dans ce sentiment de fardeau lourd et handicapant. La déambulation connaît plusieurs formes : la vérification (le sujet cherche constamment à savoir où est l’aidant), le syndrome de Godot (il suit l’aidant dans tous ses déplacements), travailloter (il cherche à accomplir diverses tâches), la fugue (lorsque le sujet a un but précis comme rentrer chez lui) et la déambulation nocturne.

Strubel et Corti (2008) soulignent, d’ailleurs, les conséquences parfois dramatiques de la déambulation pour le sujet aidé qui peut se perdre, s’épuiser et être victime de graves traumatismes.

Ylieff et al. (2005) dénombrent une grande variété de troubles du sommeil pouvant survenir au cours du processus démentiel : le risque d’insomnie, le syndrome d’apnée du sommeil, le syndrome des impatiences musculaires, des troubles du comportement liés au sommeil paradoxal caractérisés par des gestes violents, une inversion des cycles veille/sommeil (réduction du sommeil nocturne et siestes fréquentes en journée), ou encore des épisodes d’errance nocturne au cours desquels le patient dément peut courir un risque de chutes importants. En outre, comme le rappellent Ylieff et al. (2005), les troubles alimentaires (comportements boulimiques, perte d’appétit ou consommation de produits non comestibles) peuvent survenir au cours de la maladie et être alors source de perte d’autonomie. Pour d’autres sujets « fragiles », la consommation d’aliments est perturbée par des comportements inadéquats lors de manipulation d’ustensiles, d’éparpillement de la nourriture, des mâchonnements répétitifs, des déplacements répétés du dentier ou encore un nettoyage minutieux de l’assiette. Ainsi, au même titre que les troubles cognitifs, les symptômes psychologiques et comportementaux des démences décrits précédemment (désinhibition, instabilité psychomotrice, agitation, troubles alimentaires, troubles du sommeil) peuvent expliquer, en partie, les conduites à risque de certains sujets aidés.

Par ailleurs, Laudrin et al. (1999) soulignent le fort impact de l’anosognosie2 sur les

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actes et activités quotidiennes du sujet en dépendance mentale. En effet, pour ces auteurs, le sujet aidé, inconscient de ses difficultés, peut se mettre plus facilement en situation d’insécurité. Ce sujet ne peut anticiper ses troubles mnésiques, puisqu’il n’en prend pas conscience et ne déploie donc pas de stratégies compensatrices (« coping »). En outre, le sujet aidé peut se montrer dans une certaine opposition à l’évaluation de ses troubles cognitifs ainsi qu’à la prise en soins potentielle puisqu’il ne s’identifie pas comme atteint. A l’inverse, le sujet amnésique mais sans anosognosie et un jugement conservé peut aménager son quotidien par le biais de stratégies compensatrices et/ou en faisant appel à un dispositif d’aide extérieure. Ainsi, selon Horvath et al. (2005) « la personne démente anosognosique ne peut pas reconnaître une situation dangereuse, a perdu sa capacité de jugement et ne peut pas appeler à l’aide ».

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A"« L’anosognosie signifie l’absence de prise de conscience ou une prise de conscience amoindrie des

troubles. Elle est fréquente chez les patients souffrant de maladie d’Alzheimer ou d’autres types de démences. Elle est source de difficulté de prise en charge et d’augmentation du fardeau de l’aidant. L’évaluation de l’anosognosie est souvent déduite de l’entretien réalisé avec l’aidant et/ou des tests cognitifs faits par le