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LE RETRECISSEMENT DU CONTROLE DU CHEF D'EXPLOITATION SUR LES INDIVIDUS

Dans le document SENOUFO DES CULTURES RAPPORTDANSL (Page 96-100)

31 - Définition de la cellule socio-économique de base 32 - Réduction de la cellule socio-économique de base

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Ce troisième chapitre vise à cerner le cadre dans lequel se réalisent les deux principales fonctions économiques de la société villageoise : la production et la con-sommation.

Dans une première section, la cellule socio-économique de base est définie, successivement, comme unité de production, co~~e unité de cons~mmation, comme groupe basé sur la parenté.

Une deuxième section est consacrée à l'analyse de la répartition des cellules socio-économiques de base de Karakpo, selon la taille, et à l'explication de la diminution de cette dernière par la conjonction d'un solde migratoire négatif et d'un processus de scission.

31 - DEFINITION DE LA CELLULE SOCIO-ECONOMIQUE DE BASE

Approche de terrain

Nous entendons, par unité de production, le cadre dans lequel s'effectuent les opérations procurant les moyens matériels d'existence (1). C'est l'ensemble des individus tra-vaillant ensemble, sous une autorité principale, en vue de la satisfaction d'un certain nom-bre de besoins, alimentaires notamment.

Le repéra~e des unités de production de Karakpo n'a pas été in~édiat, aucune projection de ces communautés sur l'habitat n'étant observable. Une visite attentive du vil-lage ne permet pas de déceler d'unités de résidence. Aucune limite n'apparaît et l'habitat--se caractéril'habitat--se par un enchevêtreme~tde cases, sans ordre apparent. L'examen du plan du vil-lage (2), établi à partir de photos prises en avion, ne fait que confirmer cette impression.

Même les deux quartiers, basés sur l'appartenance ethnique, ne sont séparés par aucune fron-tière nette.

L'approche de ces unités de production s'est déroulée en quatre étapes succes-sives. Dans un premier temps, nous avons tenté de définir l'unité de production à partir d'entretiens avec des villageois. Une courte expérience de terrain nous avait permis de per-cevoir, dans un village sénoufo'au nord de Boundiali, l'existence de deux niveaux de culture dans l'unité de production: un champ collectif, sur lequel travaillent l'ensemble des mem-bres de la communauté de production, et des champs individuels plus réduits, ne recevant l'apport productif que de certains membres de l'unité (3). Des discussions à Karakpo nous ont permis d'y vérifier la présence d~ ces deux processus dG production.-Les termes les désignant sont sekpoho signifiant le grand champ et séplé le petit champ (4). L'unité de production cor-respond à une entité sociale précise, dont la dénomination est le mot sénoufo ségnon, litté-ralement le groupement du champ, c'est-à-dire l'ensemble de ceux qui travaillent sur le même champ.

(1) Cette définition est inspirée de celle donnée, pour la production, par M. GODELIER .dans "Rationalité

et

ir-rationalité en économie", Maspéro, 1974, Tome 2, p. 147.

(2) Cf. page 160.

(3) LE ROY (X.), ROBINET (R'h "Tounvré, village sér~ufo~Abidjan, C~ntreORSTOM de Petit-Bassam Angers, Ecole Supérieure d'Agriculture, 1973, p. 70.

(4) sé ~ Champ; kpoho a graqd ; plé a petit (sénoufo Gbato).

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Dans un deuxième stade, ayant obtenu auprès des vieux la liste des différents chefs d'unité de production, nous avons demandé, à chacun de ces derniers, quels étaient les individus travaillant pour lui. Des ajustements ont cependant été nécessaires, notamment lors de la troisième étape de notre investigation, constituée par la confrontation de ces premières informations avec celles du recensement démographique préalablement établi. L'examen des ano-malies a permis de corriger la composition des unités et le recensement démographique, des omissions ayant été faites et des migrants ayant été indûment pris en compte.

En fait, la délimitation définitive des unités de production n'a été possible qu'une fois le relevé cadastral achevé. En eff~t, l'existence déclarée d'un champ collectif, concrétisation de l'unité de production, constitue, pour le repérage de celle-ci, un indice déterminant. Mais ce dernier a été complété par une enquête qualitative sur les participants aux opérations culturales déjà exécutées sur chaque parcelle, les personnes intervenant à ti-tre d'entraide étant précisées. Les données de cette quatrième étape n'ont pas été exploitées de manière systématique, du fait de leur caractère rétrospectif sur une trop longue période, mais ont été très utiles pour vérifier la réalité d'une unité de production et de son champ commun. Ainsi des scissions d'unités, non déclarées, ont pu ëtre découvertes.

Il apparalt donc que l'appréhension des communautés de production n'a pas été rapide mais résulte d'une approche empirique et de tâtonnements successifs. Cet aperçu métho-dologique met en évidence le caractère aléatoire d'un repérage précipité des unités de pro-duction, par simple déclaration des villageois. Un écueil est, en particulier, à éviter:

faire abstraction des deux niveaux dans la production - champ collectif et parcelles indivi-duelles ~- et de considérer que tout titulaire de parcelle est chef d'unité de production. Le cas se présente ainsi pour les planteurs de coton, chaque individu, dont le nom est enregis-tré par la CIDT (1), ne correspondant pas obligatoirement au responsable d'une communauté de production.

• Un aentre de déaision prinaipaZ

L'autorité première de la communauté de prÇ>duction, que nous désignons ·sous le vocable "chef d'unité", est presque toujouJ:s de sexe masculin. Sur les 30 unités de Karakpo en 1975, toutes ont pour chef un homme. Sur les 34 unités en 1978, seules deux sont dirigées\

par une femme; i l s'agit de deux divorcées, l'une travaillant seule, l'autre avec sa fille (2).

Mis à part ces deux cas, le chef d'unité est généralement l'homme le plus âgé. Trois

individus, ne possédant pas toutes leurs capacités physiques ou intellectuelles, constituent l'exception. Ce sont, en 1975, deux vieux Sénoufo, l'un "sinplet" et célibataire, dépendant

d'un neveu, l'autre, aveugle et veuf, ayant rejoint son cousin croisé matrilatéral (3) ; et, en plus en 1978, un Dioula malade de longue date, dont le frère agnatique (4) cadet a pris en charge l'unité.

Titulaire d~ champ collectif (5) de l'unité de production, le chef de celle-ci est le princelle-cipal bénéficelle-ciaire des prestations de travail internes à l'unité. Cecelle-ci est con-firmé par les deux enquêtes emploi du temps, dont i l a déjà été question lors de l'analyse des calendriers culturaux (6). Ainsi, dans l'unité sénoufo dont 7 membres ont été interrogés

(1) Compagnie Ivoirienne de Développement des Textiles. Cf. p. 56 et suivantes.

(2) Il s'agit des unités sénoufo autochtones 521 et 522 de la page 18 des annexes. La prem1ere de celles-ci est l'unité l enquêtée en 1978-1979 (cf. page 64 des annexes). Ces deux nouvelles unités résultent de scissions, qui seront abordées dans la section 323.

(3) Fils du frère de la mère.

(4) • àe même père.

(5) Il a été vu à la page 43 que le chef d'unité ne possède pas de parcelle qui lui soit propre.

(6) Cf. pages 72 et 74. Le déroulement de ces enquêtes et les caractéristiques des unités concernées sont pré-cisés en annexes aux pages 50 et 51 d'une part et 64 à 71 d'autre part.

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du 2 juin 1975 au 30 mai 1976, 49 % du travail interne est exécuté sur le champ commun (1).

Cette proportion atteint 71 %pour l'ensemble des 27 enquêtés des 3 unités suivies du 16 avril 1978 au 15 février 1979 (2). L'examen de la page suivante, donnant la matrice brute des échanges de travail au sein de ces trois unités, permet de constater que ce pourcentage est plus élevé dans l'unité dioula C (87 %) que dans les unités sénoufo A et B (77 et 52 %).

Sur cette matrice, ainsi que sur celles des deux pages qui lui font suite, les lignes correspondent aux enquêtés, portés à gauche, et les colonnes aux bénéficiaires du tra-vail fourni par ces enquêtés. Chaque individu est repéré par quatre informations : son numé-ro d'identification correspondant aux généalogies de la page 65 des annexes, son sexe, son numéro de classe d'âge dont l'équivalence est spécifiée à la page Il des annexes, et son' statut de parenté par rapport à son chef d'unité, dont les abréviations sont celles utilisées pour l'étude des structures familiales de l'exploitation à la page 124. Le travail fourni à un autre membre de l'unité est obtenu à l'intersection de la ligne du donneur et de la 'colon-ne du receveur. La diagonale correspond au travail Il autofourni". Parmi les bénéficiaires, le chef d'unité, dont le numéro d'identification est encadré, correspond au champ collectif de l'unité. Trois colonnes sont ajoutées à droite du tableau: la premiêre indique le total du travail interne à l'unité, la seconde le travail fourni à l'extérieur de l'unité, et la derniêre le total du travail de chaque enquêté. De même, pour les fournisseurs, trois lignes correspondent, respectivement, à l'ensemble du travail réalisé par les enquêtés de l'unité, aux prestations provenant de l'extérieur de l'unité, et au total des journées fournies à l'unité. Pour l'unité dioula C, une ligne supplémentaire est consacrée à l'ouvrier peulh sa-larié (3).

Par contre, le chef d'unité travaille rarement sur les parcelles des autres membres de l'unité. Il en résulte que les soldes des échanges de travail au sein de l'unité sont largement positifs pour le chef d'unité, ainsi qu'il appara1t, pour les trois unités de 1978 - 1979, à la lecture de la matrice nette triangulée de la page 100. Cette matrice a été établie, à partir de celle de la page 99, en calculant la différence dans les échanges de travail pour les enquêtés pris deux-à-deux, le chiffre positif étant porté du côté du béné-ficiaire. Les chiffres de la diagonale demeurant inchangés, les personnes ont été classées de maniêre que tous les soldes positifs se retrouvent du même côté de la diagonale. Un tiret dans la case précise que le solde est nul, le signe ~ qu'il y a absence de relation de tra-vail (4).

Cette prépondérance du chef d'unité se retrouve dans la matrice de la page lOI, constituée en tenant compte de la compensation du travail fourni à l'extérieur de l'unité (5).

En effet, ainsi qu'il sera vu plus loin (6), ces prestations extérieures à la communauté de production sont contrebalancées soit par un salaire, soit, le plus souvent, par du travail rendu. Ce dernier peut l'être sur les parcelles de l'enquêté, sur celles du chef d'unité, sur celles d'un autre membre de l'unité, ou sur celles d'une personne extérieure à l'unité. Les résultats de cette matrice ont été obtenus ~n additionnant le travail exécuté directement

(1) Cf. tableau du haut de la page 109.

(2) Tous les pourcentages sur le travail des 3 unités enquêtées en 197B-1979 sont calculés à partir des matrices contenues dans cette publication, sans pondération selon le sexe ou l'âge.

(3) Par exemple, dans l'unité B, l'individu BB fournit 105 journées au chef d'unité B7, 4 journées à B9, 43 à lui-même, 1 à B5, 1à B2, soit 154 journ~es pour l'ensemble de l'unité. Il exécute en plus 52 journées sur des parcelles extérieures à l'unité, d'où un travail total de 206 jours. De même, outre les 43 journées autofournies, il reçoit 2 journées de travail du chef d'unité B7, 2 journées de B9, 1de B5, 1de BIO, 1 de B4, soit 50 jour-nées provenant de l'ensemble de l'unité. A cela s'ajoute 23 journées fournies par des personnes extérieures à l'unité. D'où un total de 73 jours reçus par les parcelles de B8.

(4) Si l'on reprend l'exemple du même individu de l'unité B, BB ayant travaillé 4 journées chez B9 et reçu 2 jour-nées de ce dernier, le solde de leurs échanges de travail est de 2 jours au bénéfice de B9.

(5) Ce tableau est présenté sous forme simplifiée en annexes: à la page ABD pour l'ensemble des cultures et aux

pa~es ABI à AB3 par t}~e de production.

(6) Cf. page 110.

ENQUETE EMPLOI DU TEMPS DE 3 UNITES D'EXPLOITATION: 16 AVRIL 1978 - 15 FEVRIER 1979

Dans le document SENOUFO DES CULTURES RAPPORTDANSL (Page 96-100)