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CHAPITRE 3 : ÉTUDE DIAGNOSTIQUE DE LA FILIÈRE RIZ AU BÉNIN

II. D E LA RECHERCHE AGRONOMIQUE À LA VULGARISATION RIZICOLE

II.1. Ressources génétiques et semences de riz

En dehors de la terre, « les semencesconstituent le principal facteur de production. Dans la filière riz, les populations sont habituées à utiliser une partie de leur récolte précédente comme semences pour la campagne suivante. Depuis quelques années, cet état de chose évolue et on assiste de plus en plus à l’utilisation de semences certifiées » (Konnon , et al., 2014). L’analyse des caractéristiques des espèces de riz cultivées au Bénin montre que nous avons deux groupes d'écotypes de riz à savoir le groupe de « Oryza glaberrima » et le groupe de « Oryza sativa ». Chaque groupe possède aussi bien des potentialités que des faiblesses.

II.1.1. Caractéristiques de « Oryza glaberrima »

Les traits caractéristiques de l’espèce africaine, Oryza glaberrima lui permettent de résister aux stress biotiques et abiotiques. En effet, le riz africain montre une résistance à la salinité, à la sécheresse et à la toxicité ferrique (Bezançon et Diallo, 2006 ; citée par Akakpo, 2011). C'est une espèce qui peut survivre dans des conditions de faibles apports en intrants et de compétitivité avec les adventices (Sarla , et al., 2005); de même que dans des écosystèmes difficiles telles que les zones très pluvieuses, les zones côtières, les zones de mangrove et même les zones accidentées (Sarla , et al., 2005). Sa capacité de compétition face aux adventices est due à une vigueur rapide, un faible coefficient d'extinction et une utilisation efficace de lumière. Elle possède des feuilles pendantes qui évitent que les rayons solaires n'atteignent le sol. En plus de sa grande accumulation de biomasse aérienne, elle possède de nombreuses racines minces avec une bonne exploration de la rhizosphère ; ce qui l'aide à lutter effectivement et efficacement contre les adventices (Akakpo, 2011). Aussi, l'espèce a-t-elle un tallage abondant et une couverture rapide du sol lui permettant d'étouffer et d'éliminer les adventices (ADRAO, 2002). En plus de sa capacité à lutter contre les adventices, l'espèce Oryza glaberrima dispose d'autres caractéristiques avantageuses (ADRAO, 2002). Il s'agit de :

- la maturité précoce : Oryza glaberrima arrive, en général, à maturité entre 90 et 100 jours après le semis par rapport aux Oryza sativa améliorées pluviales qui n'arrivent à maturité qu'entre 120 et 140 jours en Afrique de l'Ouest ;

- la tolérance à la sécheresse ;

- la résistance à la cécidomyie(insecte de l'ordre des diptères) africaine du riz ;

- la résistance au virus de la panachure jaune, une maladie importante en riziculture de bas-fond ;

- la résistance à la pyriculariose (maladie des organes aériens du riz dont les symptômes débutent par l'apparition de lésions blanchâtres qui évoluent vers des lésions nécrotiques en forme de losange) et

- le goût, l'arôme et d'autres qualités de grains prisées par les paysans.

A côté de ces caractéristiques appréciées, « l'espèce Oryza glaberrima est sujette à de traits indésirables qui peuvent entraver son adoption et sa production à grandes échelles. Il s'agit du fait que ses panicules s'égrènent facilement, ce qui est préjudiciable à son potentiel de rendement. Ensuite, il faut noter que ses grains ont une longue dormance, ce qui fait que sa culture n'est pas prisée par les paysans. Aussi, faut-il retenir que l'espèce est hautement exposée au phénomène de la verse. En effet, l'espèce africaine a des tiges trop fragiles, donc ne supporte pas les fleurs et les grains. Ainsi, elle succombe facilement sous le poids avant la récolte : c'est la verse » (Akakpo, 2011).

II.1.2. Caractéristiques de « Oryza sativa »

De nombreux caractères sont aussi appréciés chez l'espèce Oryza sativa. C'est d'ailleurs ce qui justifie sa présence en Afrique malgré l'existence de l'espèce autochtone de l'Afrique. Ainsi, nous pouvons citer en premier, le fort potentiel de rendement de l'espèce Oryza sativa comparé à Oryza glaberrima; ensuite, l'absence du phénomène de la verse contrairement à l'espèce africaine. En effet, Oryza sativa a une croissance érigée, particulièrement au stade reproductif. C'est une caractéristique qui permet à la plante de supporter des panicules lourdes de graines, depuis la maturité jusqu'à la récolte (ADRAO, 2002). Aussi, la plante possède-telle des ramifications secondaires sur la panicule, ce qui implique un nombre élevé de grains donc un rendement élevé. C'est également une espèce qui répond parfaitement à la fertilisation minérale. Oryza sativa possède certains caractères qui ne sont pas appréciés. C'est le cas de : sa faible résistance aux contraintes environnementales, son exigence en engrais et de sa mauvaise

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II.1.3. Comparaison entre « Oryza glaberrima » et « Oryza sativa » Du point de vue morphologie, nous observons que :

- O. glaberrima a la ligule arrondie et tronquée mais pointue, longue et bifide chez Oryza sativa ;

- à maturité, la panicule reste dressée chez Oryza glaberrima alors qu'elle retombe en forme de crosse chez Oryza sativa.

Ces deux espèces de riz ont été croisées et des sélections ont été introduites à la suite des travaux de prospection et d’expérimentation afin de proposer à la vulgarisation de différents écosystèmes, les variétés améliorées. En effet, différentes variétés de riz sont produites. Le recensement des riziculteurs réalisé en 2010 par le CCR-B a révélé que plus de trente variétés de riz sont produites. On assiste de plus en plus à une réduction du nombre de semences et ceci du fait de la professionnalisation des acteurs et des exigences des consommateurs. Les variétés IR841 et NERICA L20 s’imposent de plus en plus. Le tableau 8 présente les principales variétés de riz et leur performance (Konnon , et al., 2014; CEDEAO/CILSS/UEMOA, 2016).

Tableau 8 : Principales variétés de riz et leur performance Type de

riziculture Variétés Durée du cycle Réponse à la fumure Résistance à la sécheresse Rendement (T/ha) Potentiel Paysan

Riz de bas- fond ou d’irrigation

11365 115 Très bonne Bonne 6 4

TOX 3081 115 Très bonne Moyenne 6 4

ITA 222 120 Très bonne As. bonne 5.5 4

INARIS 88 100 Bonne Bonne 5 4,5

WITA 4 120 Bonne As. bonne 6 5

BERIS 21 115 Bonne As. bonne 5.5 4

TOX 4008 115 Bonne Bonne 6 4

IR 841 100 Bonne Bonne 4 – 7 3 – 6

Nerica L 20 120 Très bonne Très bonne 6 – 7 4 – 5

IRAT 136 115 Bonne As. bonne 3.5 2,5

IDSA 85 110 Très bonne Bonne 4 3,5

WAB 570-

10-B1-A2-6 100 Bonne Très bonne 4 2,5

Riz pluvial

IR 47701-6-

3-1 120 Bonne Très bonne 4 3,5

NERICA 1 110 Bonne Bonne 3 3

NERICA 2 105 Bonne Bonne 3 3

11365 115 Très bonne Bonne 6 4

Source : Konnon et al., 2014; CEDEAO/CILSS/UEMOA, 2016

La percée récente de la recherche d’AfricaRice en collaboration avec les Systèmes Nationaux de Recherches Agricoles (SNRA) et de Vulgarisation (SNVA), a débouché sur l’obtention des « Nouveaux Riz pour l’Afrique (NERICAs) » à partir des croisements entre le riz africain (Oryza glaberrima) et le riz asiatique (Oryza sativa).

II.1.4. Les variétés NERICAs

Tous les efforts consentis depuis la nuit des temps pour la réalisation d'un croisement interspécifique entre l'espèce asiatique et l'espèce africaine ont été vains compte tenu de l'existence d'une barrière génétique entre ces deux espèces (ADRAO, 2002). Les hybrides F1 obtenus à cet effet étaient toujours stériles. Il a fallu attendre l'avènement des biotechnologies avant que des chercheurs de l'ADRAO en l'occurrence Monty Jones, soient parvenus à régler ce problème d'infertilité avec la naissance des variétés NERICAs (New Rice for Africa). Cet idéotype combinait les meilleures caractéristiques de ses parents ; mieux, il dépasse même ces

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derniers pour certains caractères compte tenu de l'effet d'hétérosis (vigueur hybride). Tout comme son parent africain, dès les premiers stades de sa croissance, NERICA pousse abondamment, près du sol, et arrive à asphyxier les adventices "voleuses de grains" qui étouffent la plante, lui font concurrence pour la ressource hydrique et augmentent considérablement le travail (40 à 60 % du travail des riziculteurs était consacré à la lutte contre les adventices) (Volvey, et al., 2005). NERICA a également hérité la résistance à la sécheresse et aux nuisibles. Il pousse mieux sur les sols acides et infertiles. A l'instar de son parent asiatique, NERICA a une productivité élevée : une augmentation de 25 % à 100 % sans engrais, 200 % avec engrais par rapport aux variétés traditionnelles. Ses panicules produisent jusqu'à 400 grains (contre 75 à 100 grains pour les variétés africaines) malgré une faible utilisation d'engrais (Volvey, et al., 2005). Pour autant, bien qu'il n'en ait pas besoin pour assurer une forte production, le NERICA profite très largement de l'apport d'engrais, avec quelques intrants supplémentaires, les agriculteurs utilisant le Nouveau Riz pour l'Afrique peuvent doubler leur production et accroître leurs revenus. Par ailleurs, il faut noter que le NERICA a un cycle relativement court : les variétés arrivent à maturité 30 à 50 jours plus tôt que les variétés traditionnelles, permettant aux agriculteurs de pratiquer la double culture en semant légumes et légumineuses une fois la récolte de riz effectuée. Leurs tiges sont plus hautes, ce qui facilite les récoltes qui se font toujours manuellement. Aussi faudra-t-il souligner que son goût apprécié et sa teneur élevée en protéines sont des atouts non négligeables, cette nouvelle variété a un goût attrayant qu'elle a hérité de O. glaberrima et une teneur élevée (2 %) en protéines sous l'effet de l'hétérosis (ADRAO, 2004). C'est aussi le cas de la résistance à certaines maladies telles que la cécidomyie, la virose et la pyriculariose etc.

Sur le terrain, il existe un déphasage entre les variétés de riz souhaitées par les semenciers et les variétés des semences de base qui sont mises à leur disposition. Alors que les consommateurs exigent de plus en plus du riz parfumé et que la variété IR841 s’y prête plus, les producteurs ne disposent pas toujours de cette variété de riz. Beaucoup d’efforts sont concentrés sur les NERICAs alors que ces variétés ne sont pas toujours celles qui sont demandées (Konnon , et al., 2014).