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CHAPITRE 1 : ENJEUX THÉORIQUE ET PRATIQUE DE LA QUESTION DU RIZ

II. U N TRIPLE CADRE CONCEPTUEL

II.3 Les mesures de soutien à la production des exploitations agricoles

II.3.1 Exploitation agricole (EA) et Système d’exploitation agricole (SEA) en Afrique

Le modèle de l’EA comme unité microéconomique est issu d’une lignée de travaux développés aux États-Unis dès le début du vingtième siècle (farm management), puis en Europe à partir des années 1950. Ces travaux s’adossent à la théorie microéconomique de la firme, soit pour apporter une aide à la gestion des exploitations et proposer des méthodes d’organisation scientifique de l’agriculture, soit pour tenter de décrire le fonctionnement effectif des exploitations et en nourrir une analyse globale du fonctionnement du secteur et de l’impact des politiques agricoles (Laurent, et al., 2003). Selon Chombart de Lauwe et al. (1957; 1963 cité par Laurent et al., 2003), l’EA est considérée comme une entreprise pour laquelle il s’agit de déterminer un système de production optimale des productions et des facteurs de production (terre, travail et capital), afin de maximiser une fonction d’utilité (le revenu appréhendé par divers ratios). Pour analyser l’EA, on s’appuie donc sur les variables telles que les productions et l’emploi des facteurs de production en prenant en compte les contraintes de ressources qui pèsent sur les choix du producteur. Selon Laurent et al. (2003), les techniques de programmation linéaire permettent de tenir compte de la rareté des biens utilisés et de nombreuses relations entre des facteurs et des productions. Cependant, la définition de l’EA telle qu’énoncée ci-dessus, ne s’applique pas très bien à la structure et à l’organisation de la production agricole en Afrique car d’une part, les objectifs au sein du ménage agricole africain peuvent être multiples et même contradictoires et d’autre part, les possibilités en matière de choix de production et des facteurs de production sont souvent très limitées pour des raisons écologiques, sociales et économiques. En effet, l’EA familiale en Afrique subsaharienne comme unité de production est constituée d’un ensemble de groupement familial qui partage la même unité de cuisine et dont l’aîné assure la charge en y effectuant une partie de sa production en contre partie du travail que lui alloue les autres membres du groupement (Cattin, et al., 1982). Au Sahel par exemple, avoir des champs et un grenier collectif commun sous une même autorité (Chef d’exploitation) constitue un repère de base pour délimiter l’EA. Celui-ci regroupe l’ensemble des terres utilisées pour la production agricole, et exploitées directement par une ou

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des personnes, l’exploitant ou les membres du ménage. L’exploitant, le producteur, ou le paysan sont des termes interchangeables qui font référence à la personne qui a l’initiative et la responsabilité économique et technique de gérer l’exploitation agricole (Billaz, et al., 1981). En somme, l’EA est une entreprise agricole qui combine des facteurs de production, des intrants agricoles, des technologies agricoles et des stratégies pour atteindre des objectifs du ménage agricole (sécurité alimentaire, maximisation du revenu, etc.). Elle peut aussi désigner l’ensemble des terres cultivées, les terres en friches, les jachères et les terres cédées à autrui contre une rente foncière appartenant à un ménage agricole.

Pour étudier un système d’exploitation, on a besoin de se référer à une unité d’analyse. En générale, on se réfère à l’EA familiale comme unité d’analyse. Les particularités des SEA africains ont conduit à opter pour une approche plus globale de l’organisation de la production au sein du ménage agricole. En effet, l’approche systémique offre un cadre conceptuel intéressant pour rendre opérationnelle l’analyse des systèmes traditionnels de production agricole. Cette approche définit de façon générale un système comme une série d’éléments ou de composantes internes indépendantes qui réagissent les unes par rapport aux autres. Tout changement endogène (interne) ou exogène (externe) au système aura un impact sur l’organisation de la production. L’approche systémique nous permet d’étudier les SEA. D’après le manuel d’agronomie publié en 1990 par la faculté d’agronomie et de médicine vétérinaire de l’Université d’État d’Haïti et le groupe français de recherche et d’échanges technologiques, l’EA est une unité de production (système d’exploitation) constitué d’un ensemble de facteurs de production gérés par un agriculteur et sa famille (ménage agricole) en fonction de leurs objectifs. Ces objectifs constituent les principes qui guident l’organisation et le fonctionnement de l’exploitation agricole. L’atteinte de ces objectifs sera fonction des ressources dont dispose le ménage, des contraintes qui limitent son développement et de la capacité du ménage à gérer et à organiser les ressources dont il dispose (Fritz , et al., 1991). Pour Biaou (1995), le système d’exploitation est le mode de fonctionnement des unités de production (Biaou, 1995).

La figure 8 ci-dessous présente un modèle descriptif du fonctionnement d’une (EA). Selon Adégbola (1997), l’environnement de l’EA comporte des éléments humain et naturel (ou technique). L’élément naturel regroupe les facteurs physiques (eau, sol, ensoleillement, température, etc.) et biologiques (physiologie des plantes et animaux, les pestes, etc.). L’élément humain se subdivise en facteurs exogènes et endogènes. Les facteurs exogènes se composent de structures, normes et croyances communautaires y compris la région, les institutions extérieures influençant les décisions relatives aux approvisionnements en inputs et

aux marchés pour les produits des agriculteurs. D’autres facteurs tels que la situation géographique des champs et la densité de la population sont pris en compte. Les facteurs endogènes, sous le contrôle des EA sont constitués des besoins et perspectives des ménages agricoles et des facteurs de production. Ces facteurs, qui constituent les ressources du ménage, varient considérablement en qualité et en quantité d’un ménage à un autre et d’une région à une autre. La quantité et la qualité de ces ressources (facteurs de production) combinées à la capacité de gestion de l’EA, influencent l’efficacité et le potentiel de production du SEA. Les stratégies du ménage et de chacun de ses membres auront en dernière instance un impact direct sur l’atteinte des objectifs du ménage. Les objectifs et la motivation des individus qui composent le ménage constituent les éléments qui donnent une dynamique au SEA. Ces éléments humains et naturels, qui composent l’environnement de l’exploitation, représente les contraintes et possibilités de celle-ci (Jouve, 1986). Ils sont à la base du fonctionnement interne du SEA. À l’intérieur du SEA, viennent se greffer aux activités agricoles les activités extra- agricoles (artisanat, commerce, etc.). Ensemble, elles constituent le processus de production ou le système de production qui permet de générer d’une part la production pour l’autoconsommation et, d’autre part les revenus du ménage nécessaires à a satisfaction des besoins non satisfaits par la production du ménage. Le système d’exploitation s’insère dans un environnement social et économique que l’on peut subdiviser en plusieurs sous-systèmes. Ces sous-systèmes sont interdépendants et peuvent être influencés par des politiques de l’État. L’une des tâches principales de la politique gouvernementale est d’investir dans les mesures qui sont appropriées et donc profitables sur le plan social pour augmenter l’efficacité du secteur agricole et satisfaire les besoins de base de la population. En tenant compte de l’environnement de l’EA et de leurs objectifs de production, les décideurs de l’unité de production (chef de ménage, épouses, collatéraux et enfants, adultes) seront amenés à prendre des décisions (techniques et de gestion). C’est l’analyse de ces décisions qui est à la base de la compréhension du fonctionnement du système d’exploitation et par conséquent, de l’évaluation des possibilités de son amélioration (Adégbola, 1997).

Généralement, les décisions que prendront les producteurs en matière de la production agricole se résument à trois questions principales que l’on peut séparer pour mieux les comprendre et qui sont en pratique prises simultanément à savoir :

- Quels produits cultiver ?

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Figure 9 : Modèle de fonctionnement d’une exploitation agricole

Source : Adégbola, 1997

II.3.2 Théorie de l’intervention optimale

Elle stipule que la subvention directe sur la production est l’intervention optimale comparativement à une imposition de droits de douane sur les importations concurrentes (Johnson, 1965; Bhagwati, et al., 1985). Par exemple, si un gouvernement veut protéger une branche de production nationale particulière pour ses avantages sur l’économie locale, il a le choix entre imposer un droit de douane sur les importations concurrentes ou octroyer une subvention directe à la branche de production concernée. Un droit de douane se traduirait par une augmentation du prix intérieur des produits importés et permettrait à la branche de production protégée d’augmenter autant son prix à la production. En conséquence, les

consommateurs nationaux devraient payer un prix plus élevé. En revanche, si une subvention est utilisée, le prix intérieur resterait le prix d’importation en franchise des droits de douane, de la subvention accordée à la branche de production nationale lui permettrait de concurrencer les importations aux prix mondiaux. Les consommateurs ne seraient pas mis à contribution, et la solution de la subvention serait jugée comme plus efficace. Les coûts liés au financement et à la distribution de la subvention sont supposés nuls, même si dans la réalité, il y a toujours des coûts économiques.

II.3.3 Les exploitations agricoles africaines au défi des changements climatiques

« Le climat change en Afrique et les régimes de précipitations devraient évoluer sur l’ensemble du continent. Dans de nombreuses régions les sécheresses deviendront plus fréquentes, plus intenses et dureront plus longtemps. Dans d’autres, de nouveaux régimes de précipitations causeront des inondations et l’érosion des sols. Le changement climatique apparaît comme l’une des principales menaces pour le développement du continent. Simultanément, la population africaine continue de croître. On estime la croissance annuelle de la population à 2,4% et la population totale devrait atteindre le double des 0,9 milliard d’habitants actuels d’ici à 2050 » (CTA/CGIAR, 2014). D’après la FAO, plus d’un quart de la population d’Afrique subsaharienne souffre actuellement de la faim. Pour subvenir aux besoins alimentaires de la future population du continent, la production agricole devra progresser de 260% d’ici à 2050 (FAO, 2010). Ainsi, pour relever les nombreux défis que représentent l’insécurité alimentaire, la pauvreté, les changements climatiques et les dégradations environnementales, l’agriculture des PVD doit subir une profonde mutation. En effet, le concept d’agriculture climato- intelligente (ACI) est né du constat selon lequel l’agriculture les PVD devait faire l’objet de transformations significatives pour répondre aux enjeux de la sécurité alimentaire et du changement climatique (Torquebiau, 2017). L’ACI est définie comme : « une agriculture qui augmente la productivité et la résilience (adaptation) des cultures de manière durable, favorise la réduction/élimination des gaz à effet de serre (atténuation), améliore la sécurité alimentaire nationale et contribue à la réalisation des objectifs de développement du pays » (FAO, 2010). Elle n’est pas une technique agronomique mais une approche permettant de répondre aux enjeux du changement climatique sur la base de solutions souples et adaptées au contexte, reposant sur des mécanismes politiques et financiers innovants (FAO, 2013; Lipper, et al., 2014). Les trois grands critères ou piliers de l’ACI sont : l’adaptation, l’atténuation et la sécurité alimentaire durable (FAO, 2011). Selon Torquebiau (2017), la satisfaction simultanée de ces

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piliers constitue le « triplet gagnant ». La logique réunissant ces trois paramètres dans une même démarche réside dans le fait que face aux changements climatiques, l’agriculture est victime, responsable et fait partie des solutions. D’abord, elle est victime parce qu’elle subit les changements climatiques (hausse de la température, défaut ou excès d’eau, nouvelles maladies, etc.). Ensuite, elle est responsable car d’après elle émet des gaz à effet de serre, dans des proportions non négligeables : 12% directement, et indirectement jusqu’à 24% si l’on inclut les changements d’utilisation des terres liés à l’exploitation forestière et aux fronts pionniers agricoles qui la suivent. Enfin, Torquebiau (2017) explique qu’elle fait aussi partie des solutions au problème des changements climatiques parce qu’elle est capable, par le processus de la photosynthèse, d’augmenter le stock de carbone du sol aux dépens du CO2 contenu dans

l’atmosphère. L’agriculture, en favorisant par des pratiques adaptées le stockage du carbone atmosphérique dans les sols, peut donc participer activement à l’atténuation du changement climatique et tendre vers la neutralité en gaz à effet de serre. Ces pratiques vertueuses ont aussi des conséquences positives en termes de résilience et de propriétés physico-chimiques et biologiques du sol et conduisent à une meilleure adaptation de l’agriculture aux contraintes climatiques (irrégularité des saisons, les évènements extrêmes, l’augmentation de température, l’excès ou le défaut de pluie) en augmentation. Torquebiau (2017) conclut en disant que si l’on associe atténuation des gaz à effet de serre et adaptation, on peut contribuer ainsi à de meilleurs rendements et à la sécurité alimentaire. Compris de cette façon, l’ACI peut aider les pays africains notamment le Bénin à atteindre des objectifs en termes de sécurité alimentaire et de réduction de la pauvreté à l’échelle nationale.