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L A RESPONSABILITE PENALE SUI GENERIS DES ORGANISATIONS CRIMINELLES 67 Comment réprimer toutes les personnes impliquées dans la commission des atrocités

E VIDENCE DES STATUTS VAINQUEUR VAINCU

§ 2 F ORGER UNE MEMOIRE OFFICIELLE

B. L A RESPONSABILITE PENALE SUI GENERIS DES ORGANISATIONS CRIMINELLES 67 Comment réprimer toutes les personnes impliquées dans la commission des atrocités

décrites ? Il apparaît très vite impossible d’établir la culpabilité de chacun tout en respectant les règles probatoires traditionnelles. « Le souci de surmonter le défaut de preuve individualisée [met] en exergue le besoin d’une nouvelle technique d’imputation de la responsabilité pénale à l’individu en dehors du paradigme binaire auteur/complice »304.

Sur proposition de la délégation américaine305, la solution à cette problématique est trouvée

dans le concept de « groupe criminel ». En stigmatisant un groupe comme criminel, le TMI peut rendre pénalement responsable tout individu qui en a fait partie, sans qu’il soit nécessaire d’apporter des preuves supplémentaires de participation personnelle à la réalisation des crimes. En somme, une nouvelle infraction est créée, le « délit d’appartenance »306. L’article 9 du Statut de σuremberg dispose :

303 Hannah ARENDT, Responsabilité et jugement, traduction française de Jean-Luc FIDEL, Ed. Payot, Coll. Petite bibliothèque, 2009, p. 70.

304 Ahmed Fathy KHALIFA, Les techniques d’imputation devant les juridictions internationales – Réflexion sur la responsabilité pénale individuelle, Thèse de doctorat en Droit, Université de Poitiers, 2012, p. 239.

305 Idée de conspiracy développée par Robert Jackson (voir notamment Henri MEYROWITZ, La répression par les tribunaux allemands des crimes contre l’humanité et de l’appartenance à une organisation criminelle en application de la Loi n° 10 du Conseil de Contrôle Allié, Thèse de doctorat en Droit, Université de Paris, 1960, publiée à la L.G.D.J., 1960, p. 50). Didier REBUT met en avant l’hypothèse

qu’elle lui aurait été inspirée par l’arrêt Ex parte Quirin de la Cour Suprême des Etats-Unis en 1942 n° 317 U.S. 1 (1942), qui avait trait à des poursuites contre des espions allemands des chefs de violation du droit de la guerre et de complot en vue de ces violations. Cf. Droit pénal international, op. cit., p. 502.

306 Expression souvent utilisée par la doctrine, notamment Henri MEYROWITZ, La répression par les tribunaux allemands des crimes contre l’humanité et de l’appartenance à une organisation criminelle en application de la Loi n° 10 du Conseil de Contrôle Allié, op. cit., p. 440 et suivantes ; Jean-François ROULOT, Le crime contre l’humanité, L’Harmattan, Coll. Logiques Juridiques, 2002, p. 321 ; Mireille DELMAS-MARTY, Vers une communauté de valeurs : Les Forces imaginantes du droit, vol. 4, Seuil, Coll. La Couleur des idées, 2011, p. 107.

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« Lors d’un procès intenté contre tout membre d’un groupe ou d’une organisation quelconque, le Tribunal pourra déclarer à l’occasion de tout acte dont cet individu pourrait être reconnu coupable, que le groupe ou l’organisation à laquelle il appartient était une organisation criminelle. »307

68. Gardons-nous d’une interprétation hâtive de cette criminalisation des groupements ou organisations. « Ce sont des hommes et pas des entités abstraites qui commettent les crimes dont la répression s’impose comme sanction du droit international »308. Les juges

n’ont pas le pouvoir de condamner et sanctionner les organisations elles-mêmes. A travers l’incrimination du délit d’appartenance, les Alliés entendent imposer une peine non au groupe en tant qu’entité mais aux membres du groupe pris individuellement. « L’objectif [est] de parvenir à faire la distinction entre ceux des citoyens allemands qui [ont] pris part à la commission des atrocités et les autres. Le but (…) [est] de présenter un cadre dans lequel les individus puissent encourir les conséquences de leur responsabilité »309.

D’ailleurs, le TMI a refusé l’idée selon laquelle « une organisation pouvait être déclarée criminelle dans son ensemble »310. Il a pris soin d’exclure du champ de la pénalisation les

personnes ayant adhéré au groupe sans en connaître le caractère répréhensible et celles qui n’occupaient pas des postes permettant de se livrer à l’activité délictueuse.

69. Ces précisions posées, il convient de s’arrêter sur les conditions de la mise en cause d’une organisation ou d’un groupement. Concrètement, à σuremberg, six groupements ont

307 C’est la première fois que le droit international prévoit la déclaration de criminalité d’un groupe. Cela fait de cette disposition un texte rétroactif puisqu’il s’applique à des faits révolus, contraire au principe de légalité criminelle. Mais cette question, très peu débattue, n’a pas retenu l’attention lors du procès. Sur ce sujet, Semih OZMERT, La notion d’organisation criminelle dans le jugement de Nuremberg, Thèse de doctorat en Droit, Université de Paris, 1952, p. 110 et suivantes.

308 Affirmation du TMI, Procès des grands criminels de guerre devant le Tribunal Militaire International :

Nuremberg, 14 novembre 1945 – 1er octobre 1946 - Texte officiel en langue française, Tome VIII, édité

par le Tribunal, 1947, p. 359. Cela valide la théorie selon laquelle « le pouvoir accordé au Tribunal servait à toute autre chose qu’à imputer la responsabilité à des personnes morales » (Ahmed Fathy KHALIFA, Les techniques d’imputation devant les juridictions internationales – Réflexion sur la responsabilité pénale individuelle, op. cit., p. 242).

309 Ibidem, p. 243.

310 Sofiène BOUIFFROR et Claire DERYCKE, « Les organisations criminelles », in Hervé ASCENSIO, Emmanuel DECAUX et Alain PELLET (sous la dir.), Droit international pénal, Pedone, 2012, p. 170.

fait l’objet d’une demande de déclaration de criminalité de la part de l’accusation : le corps des chefs politique du parti nazi, les Schutzstaffeln (S.S.), les Sturmabteilungen (S.A.), le Cabinet du Reich, le Haut Commandement des forces armées allemandes ainsi que, ensemble, le Sicherheitsdienst (S.D.) et la Gestapo en raison de leur étroite collaboration et de leur réunion officielle sous une même direction dès 1939311. Néanmoins, le jugement

prononcé le 30 septembre 1946 n’a conclu à la responsabilité que de trois d’entre eux : l’assemblée des hauts dirigeants, la S.S. et le groupement S.D.-Gestapo312. Aucune

explication à cette distinction n’est apportée par l’article 9, dont la formulation est large. En revanche, la jurisprudence est éclairante en ce qu’elle délimite la notion de « groupe » et fixe les critères de vérification de son caractère criminel313.

S’agissant de la notion de groupe, il semble que les magistrats du siège aient adopté une conception de bon sens314, conforme à la suggestion faite par le ministère public.

L’organisation ou le groupement se définit comme « une union de personnes ayant entre elles un lien reconnaissable et un but général collectif »315. Autrement dit, l’existence

d’une structure juridique, administrative ou hiérarchique précise n’est pas exigée. Il suffit de constater que les membres « sont liés les uns aux autres et organisés en vue d’un but commun ». Dès lors, deux éléments sont à démontrer μ la poursuite d’un objectif identique et la présence d’un certain cadre, à tout le moins informel.

311 Regroupement de la Gestapo et du S.D. approuvée par les juges. Voir Procès des grands criminels de

guerre devant le Tribunal Militaire International : Nuremberg, 14 novembre 1945 – 1er octobre 1946 -

Texte officiel en langue française, Tome I, Jugement, édité par le Tribunal, 1947, p. 277.

312 L’Etat-Major et le Haut Commandement ne sont pas, aux yeux des juges, des groupes au sens du Statut. En effet, ces entités visaient la coordination des opérations sur le terrain et aucune indication ne permet d’affirmer que les réunions qu’elles ont tenues aient constitué une organisation disposant d’une existence propre (Ibidem, p. 292). Une partie de la doctrine critique ce positionnement pour son manque de clarté, notamment Stanislaw POMORSKI, « Conspiracy and criminal organisation », in George GINSBURGS et V.N. KUDRIATSEV, The Nuremberg trial and International law, Dordrecht, Martinus Nijhoff Publishers, 1990, p. 245.

313 Notons que la partie du jugement consacrée aux organisations adopte une démarche particulièrement

pédagogique. Elle comprend trois paragraphes destinés à expliquer, pour chaque groupe déclaré criminel, sa structure et sa composition, ses buts et missions et son activité infractionnelle. Il faut encore ajouter un quatrième paragraphe qui contient le dispositif de déclaration de criminalité. Voir Procès des grands criminels de guerre devant le Tribunal Militaire International, Tome VIII, op. cit., p. 371.

314 Partageant cette opinion, Ahmed Fathy KHALIFA, Les techniques d’imputation devant les juridictions internationales – Réflexion sur la responsabilité pénale individuelle, op. cit., p. 245.

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Quant au caractère criminel316, il renvoie avant tout à l’idée de crimes commis à grande

échelle. En effet, le TMI a choisi de se fonder sur les comportements de l’ensemble des individus membres du groupe, et non exclusivement de ceux traduits devant lui317. Il est

impératif de prouver que les personnes sont impliquées, à titre de membres, dans la perpétration des crimes de l’article 6. A cet égard, peu importe que la commission de l’infraction ait été le but originel du groupe ou un simple moyen au service d’une politique plus vaste potentiellement licite. Partant, sont considérés comme criminels l’application d’un programme de travail forcé, les mauvais traitements infligés aux prisonniers de guerre, la persécution des Juifs, etc.

70. τn le comprend, à l’issue du procès international, les juges ont reconnu une double responsabilité pénale, individuelle et sui generis de groupe. Cette posture a trouvé en Allemagne des prolongements dans la jurisprudence rendue en vertu de l’article 2 §1 (d) de la loi n° 10 du Conseil de Contrôle Allié, promulguée en décembre 1945318. En effet, cette

disposition reprend la possibilité offerte par l’article 10 du Statut qui dispose :

« Dans tous les cas où le Tribunal aura proclamé le caractère criminel d’un groupement ou d’une organisation, les autorités compétentes de chaque Signataire auront le droit de traduire tout individu devant les tribunaux nationaux, militaires ou d’occupation, en raison de son affiliation à ce groupement ou à cette organisation. »

La difficulté tient au fait que cette disposition conventionnelle ne précise pas la nature de la responsabilité encourue par le membre de l’organisation criminelle μ soit il s’agit d’une responsabilité pour crimes commis par l’organisation, présumant une participation

316 L’imprécision du Statut à ce sujet soulève la critique. En plus d’être rétroactif, l’article 9 ne satisfait pas le principe de légalité des délits et des peines puisque la détermination de ce qui est criminel est laissé à la libre appréciation des juges.

317 S’il est vrai que le Statut ne permet la mise en examen d’une organisation qu’à la condition qu’un de ses adhérents soit déféré devant le tribunal, ce n’est qu’une clause de compétence. La déclaration de criminalité, elle, dépend de l’examen des activités de tous les membres.

318 Soit avant que le TMI rende son jugement et définisse le délit d’appartenance, d’où l’idée que l’article 2 §1 (d) ne prévoit la compétence des tribunaux pour une « incrimination-cadre » selon Henri MEYROWITZ (La répression par les tribunaux allemands des crimes contre l’humanité et de l’appartenance à une organisation criminelle en application de la loi n° 10 du Conseil de Contrôle Allié, op. cit., p. 71). Nous reviendrons dans le détail sur le contenu de cette loi en termes d’incriminations et de répartition du contentieux dans le chapitre suivant (§120 et suivants).

quelconque du membre à ces infractions, soit la poursuite porte sur l’appartenance en tant qu’incrimination autonome, engendrant une responsabilité indépendante de celle des crimes perpétrés. Sur ce point, le jugement rendu par le TMI n’a pas été satisfaisant. S’il a établi les éléments permettant de définir « l’appartenance »319, il a refusé de traiter

directement la responsabilité découlant de celle-ci320. Cette même incertitude se retrouve à

la lecture des dispositions de la loi n° 10 applicables outre-Rhin321. D’un côté, l’affiliation

à une organisation déclarée criminelle est envisagée comme une infraction en soi322ν d’un

autre côté, l’appartenance à un tel groupe s’apparente à une technique d’imputation de la responsabilité pour les crimes de guerre, contre la paix et contre l’humanité323.

Les juridictions allemandes324 ont tranché ce débat. Elles ont clairement affirmé que la

responsabilité de l’individu pour appartenance à un groupe criminel découle d’une incrimination autonome : « le membre « sachant » est puni pour avoir, par son

319 Elément objectif, tenant à la qualité de membre donné à un individu, et élément subjectif, procédant du

caractère volontaire de l’appartenance et de la connaissance des buts et activités criminelles du groupe en question. Pour des explications, Ibidem, pp. 436-440 ; Ahmed Fathy KHALIFA, Les techniques d’imputation devant les juridictions internationales – Réflexion sur la responsabilité pénale individuelle, op. cit., pp. 250-254.

320 Au demeurant, s’il n’avait pas gardé le silence sur ce point, le TMI serait sorti de sa compétence. Ibidem, p. 256.

321 Sur les termes du débat, Henri MEYROWITZ, La répression par les tribunaux allemands des crimes contre l’humanité et de l’appartenance à une organisation criminelle en application de la loi n° 10 du Conseil de Contrôle Allié, op. cit., pp. 127-128.

322 Art. 2 §1 (d) de la loi n° 10.

323 Art. 2 §2 (e) de la même norme : « toute personne (…) est considérée comme ayant commis des crimes [de guerre, contre la paix ou contre l’humanité] (…) si elle (…) a été membre de toute organisation ou de tout groupe impliqué dans l’accomplissement de tels crimes ».

324 Plus particulièrement les juridictions spéciales créées en zone britannique (les Spruchgerichte de

première instance et l’Oberste Spruchgerichtshof, unique juridiction d’appel). En effet, le gouvernement militaire britannique est le seul à avoir mis en place une répression effective du délit d’appartenance par la voie pénale, grâce à l’adoption de l’ordonnance n° 69 du 31 décembre 1946 (Military Government Gazette Germany, British Zone of Control n° 16, p. 405). Dans les autres zones, soit l’incrimination de l’affiliation à une organisation criminelle est restée lettre morte, soit sa répression a été confondue avec l’entreprise de dénazification, soit elle a été l’accessoire de la pénalisation des crimes de guerre, contre la paix ou contre l’humanité. « Au gouvernement militaire britannique revient ainsi le mérite d’avoir sauvé l’existence et l’authenticité juridiques du délit d’appartenance » (Henri MEYROWITZ, La répression par les tribunaux allemands des crimes contre l’humanité et de l’appartenance à une organisation criminelle en application de la loi n° 10 du Conseil de Contrôle Allié, op. cit., p. 130 et p. 450).

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appartenance, renforcé pour l’avenir le potentiel de son organisation »325. En

conséquence, elles ont pu retenir un cumul d’infractions entre l’appartenance au groupe et la commission d’un ou plusieurs autres crimes attribués à celui-ci. La jurisprudence présente ainsi des cas de poursuites séparées contre un même individu pour les deux types de comportements et, plus singulier encore, des cas de cumul de sanctions326.

71. Prenant acte de la sentence de Nuremberg et de ses suites outre-Rhin, des auteurs ont émis l’hypothèse d’une culpabilité qui s’appliquerait à la population allemande toute entière327. Ainsi, Karl Jaspers328 distingue la culpabilité « criminelle », retenue par le TMI

à l’encontre des seules personnes poursuivies et jugées, de la culpabilité « morale », d’une part, et de la culpabilité « politique », d’autre part.

La culpabilité morale relève des rapports internes entre la volonté et les devoirs. Elle se présente comme la reconnaissance par une personne de ses erreurs, notamment des abstentions coupables « faute d'avoir saisi n'importe quelle occasion d'agir pour protéger ceux qui se trouvaient menacés, pour diminuer l'injustice, pour résister »329. La

valorisation des « justes » et des « injustes » par le procès a mis en valeur ce niveau spécifique de responsabilité, tenant au refus de l’intolérable.

325 Ibidem, p. 465 et suivantes. Cette théorie est également partagée par Henri DONNEDIEU DE VABRES, « Le procès de Nuremberg devant les principes modernes du droit pénal international », op. cit., p. 533.

326 Pour une présentation des peines infligées et un bilan statistique des condamnations, Henri MEYROWITZ, La répression par les tribunaux allemands des crimes contre l’humanité et de l’appartenance à une organisation criminelle en application de la loi n° 10 du Conseil de Contrôle Allié, op. cit., p. 465 et suivantes.

327 Par exemple Henri DONNEDIEU DE VABRES qui estime que « dans l’œuvre terrifiantes des organisations criminelles, on trouve, avec la marque d’un homme et d’un parti, celle d’un peuple dont la passivité, la plasticité, l’instinct grégaire, s’allient à une certaine brutalité ancestrale, au goût du « Kolossal », du démesuré ». Voir « Le procès de Nuremberg devant les principes modernes du droit pénal international », op. cit., p. 561.

328 Karl JASPERS, La culpabilité allemande, op. cit., première approche pp. 59-60 puis approche détaillée p. 93 et suivantes.

329 Ibidem, p. 129. L’auteur explique à ce sujet que : « Même lorsqu’on se soumettait par impuissance, il restait toujours du peu permettant une activité, certes non exempte de danger, mais que la prudence pouvait pourtant rendre efficace. On se reconnaîtra, en tant qu’individu, moralement coupable d’avoir par crainte laissé échapper de telles chances d’agir ».

Quant à la culpabilité politique, elle procède des actes commis par les hommes d’Etat et du fait qu’en tant que citoyen, tout individu se doit d’assumer les actes accomplis par cet Etat330. C’est pourquoi « il y a forcément responsabilité collective en tant que

responsabilité politique des ressortissants d'un Etat »331, puisque le citoyen ne peut

profiter d’un pouvoir sans en assumer la contrepartie. A la suite du philosophe allemand, d’aucuns en déduisent que la population germanique entière est pointée du doigt, comme étant aussi responsable des crimes commis par les dirigeants dont la culpabilité a été pénalement sanctionnée par le tribunal militaire.

D’où la conclusion d’Alfred Grosser : « les Occidentaux mirent tout le monde en accusation (…). On donnait surtout ainsi l’impression (…) qu’on attribuait au peuple allemand une culpabilité collective »332, morale et politique.

72. Ce postulat s’est d’ailleurs vérifié dans les faits. Certes, en pratique, la responsabilité pénale (Schuld) n’a été supportée qu’individuellement, par les seuls agents sanctionnés d’une peine. Toutefois, la responsabilité civile (Haftung333) a, elle, obligé

l’Etat – et partant, tous les Allemands – à assumer les conséquences de la faute commise par certains d’entre eux. Cette prise en charge du passé s’est traduite, d’un point de vue matériel, par l’adoption de lois et la signature de traités de réparation des préjudices infligés en application de la politique nazie.

330 « Si toute décence et toute bonne foi ont été détruites dans la politique de l’État allemand, il faut bien que cela ait eu pour raison, entre autres, le comportement de la plus grande partie de la population allemande. Un peuple est responsable de la politique de son gouvernement ». Idem, p. 112.

331 Idem, p. 114.

332 Alfred GROSSER, Le crime et la Mémoire, op. cit., p. 93.

333 Ce mot n’existe pas formellement dans la langue française, mais la doctrine a coutume de le traduire par « responsabilité civile ». Ibidem.

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