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Section I. La compartimentation des administrations publiques et la représentation fragmentée des

III. La représentation fragmentée des intérêts sous le « système de 1955 »

A. La mobilisation maximale de la société par l’administration

1. Une spécificité japonaise ?

Comme on l’a déjà exprimé, la représentation fragmentée des intérêts dans les ministères est un phénomène inévitable, puisqu’inhérent à toute organisation bureaucratique. La littérature sur le sujet a néanmoins mis en avant ce qu’elle présente comme une spécificité

387 Il oppose les termes yūgō (融合) et kongō (混合), que l’on doit traduire ici respectivement par fusion et

réunion. Le premier désigne un regroupement d’administrations dont les structures internes sont remodelées et le second, un regroupement dans lequel les structures internes sont juxtaposées telles quelles. MABUCHI Masaru,

gyōseigaku, op. cit., p. 101.

388 Voir l’article 47 de la loi–cadre relative à la réforme des administrations centrales. La limite du nombre de

directions et de secrétaires généraux des ministres est fixée à l’article 23 de la loi organique relative aux administrations d’État.

389 Il faisait ce constat au lendemain de l’entrée en vigueur de la réforme, mais également six ans plus tard en

observant que les choses n’avaient guère évolué.MABUCHI Masaru, gyōseigaku, op. cit., p. 102-109.

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japonaise de ce phénomène. La compartimentation des administrations est souvent pointée du doigt pour expliquer les dysfonctionnements liés à un manque de communication et à une incompréhension entre deux unités administratives relativement hermétiques. L’inefficacité qui en résulte est ainsi causée par une fragmentation de l’administration que l’on pourrait qualifier de passive. En revanche, certains observateurs ont noté qu’au Japon, le sectionalisme désignait également et avant tout, une lutte active entre les ministères qui mettaient à profit toutes leurs ressources en cas de conflit. Or, en comparaison d’autres pays, les ressources internes de l’administration publique japonaise étaient extrêmement limitées. En effet, la part des emplois de la fonction publique d’État (FPE) dans la population active au Japon était largement en deçà de celle observée dans la plupart des pays de l’OCDE391. De même, la part des dépenses des administrations publiques rapportée au produit intérieur brut (PIB), était l’une des moins importantes des membres de l’OCDE392.

Ainsi, pour mener à bien leur action, les ministères japonais ont été contraints selon MURAMATSU Michio, de procéder à une « mobilisation maximale » (saidai dōin 最大動員) de leurs ressources externes393. Autrement dit, les administrations publiques japonaises ont dû faire appel à différents groupes d’intérêts présents dans la société pour compenser leur relatif déficit en termes de ressources humaines et financières. Dans ces circonstances, l’influence d’un ministère dépendait directement de l’importance des liens qu’il entretenait avec les acteurs clefs du secteur dont il avait la charge394. Aussi, plus un ministère parvenait à s’accaparer certains domaines de compétences disputés avec ses homologues, et plus ses ressources disponibles avaient de chances de croître, renforçant alors d’autant son influence. Ce serait là une explication partielle de l’intensité avec laquelle certains ministères se sont

391 Voir les chiffres de 1980 à 1991. MURAMATSU Michio, Nihon no gyōsei – katsudōgata kanryō no henbō, op.

cit., p. 29. Le Japon est encore aujourd’hui très en deçà de la moyenne des pays de l’OCDE quant à la part des emplois dans les administrations publiques en pourcentage de la population active. Alors que la moyenne était de 15,9% en 2001 et 15,5% en 2011, le Japon affichait 7,8% en 2001 et 6,7% en 2011. À noter cependant que ces chiffres excluent le nombre d’employés dans les entreprises publiques (ces chiffres ne sont pas disponibles dans le rapport de l’OCDE pour le Japon). La part des rémunérations des fonctionnaires rapporté au PIB était en 2010 de 6,2%, constituant le pourcentage le plus faible de tous les pays membres de l’OCDE. OCDE, « Employment in general government and public corporations », dans Government at a Glance 2013, Paris, Éditions OCDE, 2013, p. 102-103. Disponible à l’adresse suivante [consultée le 5 mai 2016] :

http://dx.doi.org/10.1787/gov_glance-2013-en.

392 C’est toujours le cas aujourd’hui. Elle représentait en 2011 43,6% du PIB. À titre indicatif, la France était à

55,9% et le Royaume-Uni à 47,9% la même année. Données disponibles à l’adresse suivante [consultée le 20 juin 2015] : https://data.oecd.org/fr/gga/depenses-des-administrations-publiques.htm#indicator-chart.

393 MURAMATSU Michio, Nihon no gyōsei – katsudōgata kanryō no henbō, op. cit., p. 26-36.

394 Cette affirmation concerne principalement les ministères sectoriels. Cela ne s’applique guère au ministère de

la Justice (MOJ, hōmushō 法務省) par exemple. Le MOF entretenait également des rapports très étroits avec les grandes banques du pays jusqu’à ce que ses services financiers lui soient retirés en 1998 et placés dans une agence des Services financiers (kinyūchō 金融庁, dénomination définitive en 2000).

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parfois affrontés au Japon. Certaines analyses ajoutent qu’une motivation personnelle poussait également les hauts fonctionnaires à multiplier et protéger coûte que coûte les organisations liées à leur ministère395. En effet, les agents voyaient en elles les structures devant leur procurer des emplois une fois retirés de la fonction publique (le pantouflage est au Japon qualifié de « descente des Cieux », amakudari 天 下 り)

396. Les hauts fonctionnaires

s’accommodaient ainsi de rémunérations relativement médiocres dans l’administration en vue de percevoir d’importantes rétributions une fois dans le privé397. Ces entreprises espéraient en échange bénéficier, en plus de la compétence des personnels ainsi recrutés, des faveurs du ministère avec qui elles étaient en contact.

2. Les leviers à disposition de l’administration

La mobilisation maximale des Facteurs privés par l’administration pouvait être observée dans le « système de 1955 » à différents niveaux. Tout d’abord, les ministères avaient recours à leurs commissions consultatives (shingikai 審議会) composés de membres issus du secteur privé et sélectionnés par leurs soins (représentants d’entreprises, chercheurs,…), afin de glaner les informations nécessaires à l’élaboration de politiques publiques. C’est notamment dans ces groupes de réflexion intégrés aux ministères, que la coordination avec les différents acteurs clefs du secteur en question était opérée. Les ministères espéraient une meilleure collaboration de leur part en enjoignant ces derniers, au moins d’un point de vue formel, au processus d’élaboration des projets de loi les concernant398.

395 Voir par exemple MURAMATSU Michio, Nihon no gyōsei – katsudōgata kanryō no henbō, op. cit., p. 26-27. 396 Leur retraite pouvait intervenir relativement tôt pour certains d’entre eux. Selon le coutume du « up or out »

dans la haute fonction publique japonaise, parmi les agents ayant intégrés un ministère la même année, ceux qui ne sont pas promus au cours des mouvements de personnels intervenant de manière cycliques tous les deux ou trois ans se retirent en principe de la fonction publique. Ils ne peuvent rester au poste qu’ils occupaient pour laisser la place à leurs cadets.

397 KOH Byung Chul, Japan's Administrative Elite, Berkeley, University of California Press, 1989, p. 235-242. 398 Ces commissions consultatives furent vivement critiquées dans les années 1990. On leur reprochait leur

manque de transparence et on considérait qu’elles n’étaient que des moyens de légitimer l’action des ministères en faisant appel à des membres extérieurs minutieusement sélectionnés par leurs soins (parmi lesquels beaucoup d’anciens hauts fonctionnaires des ministères ayant pantouflé dans le secteur concerné). Sur les méthodes utilisées par les hauts fonctionnaires pour conserver le contrôle de ces organes, voir NAKANO Masahi, Zaimushō

shihai no uragawa, op. cit., p. 62. Les débats s’y déroulant furent soumis à publicité, sauf exception, et leur nombre fut ramené de 211 à 105 par la décision en Conseil des ministres du 27 avril 1999 (on en comptait 116 en 2014). Pour davantage de précisions, voir NISHIKAWA Akiko, « Shingikaitō – shiteki shimon kikan no genjō to ronten 審議会等・私的諮問機関の現状と論点 (Situation actuelle et enjeux des comités d’examen et autres organes consultatifs) », Refarensu, vol. 57, n°5, mai 2007, p. 59-73 ; NOBLE Gregory W., « Reform and

continuity in Japan’s shingikai deliberation councils », dans AMYX Jennifer et DRYSDALE peter (dir.), Japanese Governance, Londres, Routledge, 2003, p. 113-132.

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Au niveau de l’exécution des politiques publiques, les ministères n’étaient pas non plus dépourvus de moyens d’action sur ces acteurs. En effet, les ministères japonais eurent bien souvent recours à des directives administratives (gyōsei shidō 行 政 指 導) délivrées à l’encontre des acteurs économiques de leur secteur, afin que ces derniers suivent certaines orientations399. Bien que n’ayant aucune force juridique contraignante, ces directives administratives étaient d’une manière générale respectée, dans la mesure où le ministère qui les édictait possédait également le pouvoir de délivrer des permis et autorisations (kyoninka

kengen) souvent nécessaires au développement de l’activité économique des entreprises. De même, celles-ci pouvaient craindre de ne plus bénéficier de certaines subventions (hojokin 補 助金) si elles ne se soumettaient pas à ces directives

400. Il fallut attendre l’instauration en

1993 d’une loi relative aux procédures administratives (gyōsei tetsuzukihō 行政手続法) pour que le fait de sanctionner ainsi de manière purement discrétionnaire les entreprises refusant de suivre les suggestions des ministères soit prohibé (article 32 alinéa 2)401.

Quoi qu’il en soit, l’exceptionnelle intensité de cette coopération entre les ministères japonais et les différents acteurs économiques de la société a frappé dans les années 1970 nombre d’observateurs occidentaux, beaucoup d’entre eux voyant dans cette formidable synergie, la raison principale du « miracle économique » japonais402. Ainsi, malgré des effectifs extrêmement limités par rapport à ses homologues étrangers, l’administration japonaise a, de par sa grande prégnance sur la société, joué un rôle central dans le développement économique du pays, donnant parfois l’impression que le secteur public était hypertrophié (ōki na seifu 大きな政府)

403. Mais les ministères, en entretenant une relation si

fusionnelle avec ces acteurs privés, absorbaient tels quels les intérêts de ces derniers qu’ils faisaient leurs. Si bien qu’ils finirent par constituer avec eux autant de communautés d’intérêts qu’il y avait de secteurs dans la société. Ainsi, la structure fragmentée des intérêts présents dans la société fut directement transposée dans les ministères, expliquant la compartimentation excessive de l’administration publique japonaise.

399 Voir sur ce sujet JOHNSON Chamlers, MITI and the Japanese Miracle:The Growth of Industrial Policy, 1925-

1975, Stanford, Stanford University Press, 1982, p. 242-274.

400 En outre, les anciens hauts fonctionnaires ayant pantouflé dans les entreprises concernées pouvaient aider à la

mise en œuvre des mesures préconisées par les directives administratives. STOCKWIN J. A. A., Governing Japan:

Divided Politics in a Major Economy, op. cit., p. 108-109.

401 OKADA Akira, TANAKA Kazuaki, Chūō shōchō kaikaku…, op. cit., p. 87.

402 On a d’ailleurs parlé « d’entreprise Japon » (Japan, Inc.). Voir JOHNSON Chamlers, MITI and the Japanese

Miracle…, op. cit., p. 3-34. Le rôle central des hauts fonctionnaires du ministère du Commerce et de l’industrie est représenté à merveille dans le roman largement inspiré de la réalité de SHIROYAMA Saburō, publié en 1975 et

adapté en série télévisée en 2009. SHIROYAMA Saburō, Kanryōtachi no natsu, op. cit., 243 p.

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3. Une polyarchie encadrée par l’administration

Selon la théorie de la polyarchie (on parle aussi de pluralisme politique)404, le fait que les doléances de différents groupes d’intérêts soient directement relayées par des parlementaires et des hauts fonctionnaires n’est en rien problématique. Au contraire, cette libre concurrence entre les intérêts et entre les acteurs est présentée par ses promoteurs comme l’expression d’une démocratie saine. Popularisée au Japon à la fin des années 1970, cette théorie qui met l’accent sur la multiplicité et la dispersion des acteurs intervenant dans le processus décisionnel vint battre en brèche la thèse d’une bureaucratie toute puissante et solitaire à la tête de l’État (kanryō shihai-ron 官僚支配論). Néanmoins, les universitaires objectèrent que la représentation des intérêts était au Japon bien plus cadrée par la bureaucratie qu’elle ne l’était dans les systèmes polyarchiques étrangers. AOKI Masahiko parlait ainsi de « polyarchie délimitée par la bureaucratie » (kanryōsei ni yotte shikirareta tagenshugi 官僚制によって仕 切られた多元主義, ou bureaupluralism en anglais)

405, MURAMATSU Michio et Ellis KRAUSS

de « polyarchie stéréotypé406 » (patterned pluralism)407 et INOGUCHI Takashi de « polyarchie bureaucratique englobant les masses » (kanryō shudō taishū hōkatsugata tagenshugi 官僚主

導大衆包括型多元主義)

408. SATŌ Seizaburō et MATSUZAKI Tetsuhisa insistaient de leur côté

davantage sur le rôle croissant du parti majoritaire en parlant de « polyarchie encadrée par le PLD et l’administration » (jimin-kanchō kongōtai ni yotte wakuzukerare, shikirareta

tagenshugi自民=官庁混合体によって枠づけられ、仕切られた多元主義)

409.

Essayer de déterminer quel acteur de la bureaucratie ou du parti majoritaire était le plus influent au sein dans la relation qu’ils formaient avec les acteurs économiques et autres groupes d’intérêts, est une entreprise que la doctrine s’accorde à déclarer stérile depuis

404 Voir l’ouvrage considéré comme fondateur de la théorie du modèle polyarchique : DAHL Robert A., Who

governs?..., op. cit., 355 p.

405 AOKI Masahiko, Information, Incentives and Bargaining in the Japanese Economy, Cambridge, Cambridge

University Press, 1988, p. 257-297.

406 Nous reprenons ici la traduction française choisie par l’un des auteurs. MURAMATSU Michio, « Le pouvoir de

la bureaucratie dans la politique japonaise », op. cit., p. 106.

407 « In patterned pluralism the government and its bureaucracy are strong, but the boundaries between the state

and society have become blurred by the integration of social-interest groups and the government. The government is not weak, it is just penetrated by societal and semi-linkage organizations such as political

parties », voir KRAUSS Ellis S., MURAMATSU Michio, « Japanese Political Economy Today: The Patterned

Pluralist Model », dans OKIMOTO Daniel I., ROHLEN Thomas P., Inside the Japanese System: Readings on

Contemporary Society and Political Economy, Standford, Stanford University Press, 1988, p. 208-210.

408 INOGUCHI Takashi, IWAI Tomoaki, Zoku giin no kenkyū, op. cit., p. 5.

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plusieurs années. Il est en revanche intéressant de s’interroger sur la manière selon laquelle les différents intérêts étaient représentés au sein de cette étroite coopération entre acteurs hétérogènes.

B. La représentation fragmentée des intérêts par le PLD

Selon YAMAGUCHI Jirō, la représentation des intérêts peut se réaliser principalement de deux façons : de manière fragmentée (bunsan 分散) ou de manière unifiée (tōgō 統合)

410. S’il

est normal que les groupes de pression et les ministères défendent les intérêts d’un secteur particulier à la fois (bunsan), il est en revanche nécessaire qu’une synthèse (tōgō) de tous les intérêts présents dans la société soit opérée par les responsables politiques. C’est d’ailleurs parce qu’ils sont supposés faire des choix et établir des priorités entre les intérêts pouvant être concurrents voire opposés411, que l’on attend des responsables politiques qu’ils aient une vision plus transversale des politiques publiques. Or c’est bien là que réside l’une des principales critiques que subira le « système de 1955 ». En effet, bien loin de réunir ces différents intérêts dans le Cabinet en les plaçant dans une situation de trade off et de désigner ceux qui étaient prioritaires, le PLD les a représentés à travers ses parlementaires de manière fragmentée.

Cela tient principalement à deux raisons. La première est que l’importante croissance économique permit pendant plusieurs décennies aux responsables politiques de réduire considérablement la friction pouvant exister entre les divers intérêts présents dans la société. La seconde, qui est également une conséquence de la première, est que le PLD mit en place un processus décisionnel particulièrement décentralisé, dans lequel les parlementaires étaient bien souvent plus influents que le Cabinet.

1. L’accroissement des ressources budgétaires et la tendance clientéliste de la politique japonaise

410 YAMAGUCHI Jirō, Naikaku seido, op. cit., p. 30-36.

411 On parle de trade off ou de « jeu à somme nulle » (zero sum game). Dans un système où les ressources sont

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Tout d’abord, l’important accroissement du budget permit aux responsables politiques de satisfaire simultanément plusieurs pans de la société, alors que ceux-ci auraient dû se retrouver dans une situation de trade off. La croissance exceptionnelle de quelques industries de pointe permit par exemple d’absorber les pertes de nombreuses entreprises412 et de subventionner les secteurs en difficulté en puisant dans les budgets en expansion. Procéder ainsi pourrait paraître irrationnel, mais cela avait l’avantage non négligeable d’assurer une certaine paix sociale en protégeant des secteurs particuliers de brusques mutations. C’est cet aspect particulièrement protecteur du modèle polyarchique japonais qu’INOGUCHI Takashi mettait en avant en parlant de « polyarchie englobant les masses »413. Selon YAMAGUCHI Jirō, la décision en 1965 du ministre des Finances FUKUDA Takeo (1905-1995) d’émettre pour la première fois de la dette publique pour composer le budget fut le point de départ d’une course effrénée entre les ministères, mais également entre les parlementaires, pour capter et distribuer ces dividendes aux différents secteurs avec lesquels ils étaient liés414. D’où une forte tendance clientéliste de la politique japonaise (rieki yūdō seiji 利 益 誘 導 政 治). Les parlementaires du PLD attribuaient d’importants avantages aux groupes de la société constituant une part importante de leur base électorale (agriculteurs, petits commerçants,…), et également aux acteurs économiques dont les ressources financières s’avéraient être utiles en période de campagnes électorales415. Les parlementaires recevaient en échange des voix (fuda フダ) et des financements (kane カネ), soit les deux ressources essentielles pour une réélection (surtout avec le système électoral de l’époque et une législation sur le financement des partis relativement laxiste). Voyant très tôt affluer les propositions de loi clientélistes de ses parlementaires, le PLD avait dès 1960 exigé que toute proposition de loi élaborée par les parlementaires de la majorité soit préalablement examinée par les organes du parti avant d’être soumise à la Diète, et avait purement et simplement interdit les propositions de loi

412 On a parlé de modèle du convoi (gosō sendan hōshiki 護送船団方式), dans lequel les navires les plus faibles

sont attendus et protégés par les plus forts, pour faire l’analogie avec le fait que les secteurs économiques en difficulté étaient protégés en utilisant les ressources générées par les secteurs économiques florissants. Voir par exemple MURAMATSU Michio, Nihon no gyōsei – katsudōgata kanryō no henbō, op. cit., p. 5 ; ou encore

INOGUCHI Takashi, IWAI Tomoaki, Zoku giin no kenkyū…, op. cit., p. 169.

413 INOGUCHI Takashi, IWAI Tomoaki, Zoku giin no kenkyū…, op. cit., p. 12-13.

414 YAMAGUCHI Jirō, Ōkura kanryō shihai no shūen 大蔵官僚支配の終焉 (La fin de la domination des hauts

fonctionnaires du ministère des Finances), Tōkyō, Iwanami shoten, 1987, p. 149.

415 Les différents parlementaires essayaient par exemple de faire bénéficier leur circonscription de « projets de

loi cadeaux » (omiyage hōan お土産法案) à des fins électorales. Ces derniers pouvaient être par exemple des projets de construction (autoroutes, barrages, lignes ferroviaires à grande vitesse,…) qui avaient le double avantage de procurer à la fois des emplois et des infrastructures dans ladite circonscription.

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impliquant une révision du budget et imposé l’initiative collective des lois416. Cela n’empêcha cependant guère le développement du clientélisme et la représentation fragmentée des intérêts dans le système parlementaire japonais.

2. Le processus décisionnel ascendant et le manque de leadership du Cabinet

L’organe habituellement chargé dans un régime parlementaire d’envisager les différents intérêts sectoriels de manière globale est le Cabinet. Comme c’est le cas dans le fameux modèle britannique de Westminster (notamment depuis Margaret THATCHER), le Cabinet établit des priorités entre les différents intérêts sectoriels et s’appuie sur une structure centralisée du parti majoritaire pour que ses orientations soient respectées. Ce type de Cabinet, placé à la tête d’un processus décisionnel descendant (top down) est qualifié par YAMAGUCHI Jirō de « Cabinet global » (hōkatsugata no naikaku 包括型の内閣). Or, sous le « système de 1955 », le Cabinet s’est essentiellement contenté de faire remonter à travers ses ministres, les projets de loi élaborés conjointement par les ministères et les parlementaires du PLD selon un processus décisionnel ascendant (bottom-up). YAMAGUCHI parle de « Cabinet ascendant » (jōshōgata no naikaku 上昇型の内閣)

417.

L’adoption d’un processus décisionnel ascendant fut confirmée et institutionnalisée lorsqu’en 1962, le président du comité des Affaires générales du PLD (sōmukai 総務会)

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AKAGI Munenori (1904-1993) transmit au secrétaire général du Cabinet ŌHIRA Masayoshi