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Section I. Les outils théoriques utilisés dans l’étude des rapports entre responsables politiques et hauts

I. Les relations politico-administratives selon la théorie de l’agence

A. L’équilibre entre respect du principe démocratique et efficacité du gouvernement

1. Démocratie représentative et chaîne des mandats

Si la problématique des rapports politico-administratifs est aussi fondamentale, c’est qu’elle est directement liée à celle de la démocratie. Ainsi, comme l’expriment Dominique CHAGNOLLAUD et Jean-Louis QUERMONNE :

En démocratie, le principe de l’autorité du pouvoir exécutif sur l’administration n’est pas matière à discussion. La structure du pouvoir implique, en effet, que les agents appelés au service de l’État soient placés sous le contrôle des gouvernants élus par le peuple. Et la subordination de l’administration au gouvernement constitue la règle autour de laquelle

s’ordonnent leurs rapports respectifs.128

La théorie de l’agence est intéressante en ce qu’elle présente un outil didactique, permettant de saisir assez aisément les principaux enjeux et les principales mécaniques à l’œuvre dans les relations qu’entretiennent les responsables politiques et les agents de l’administration. D’abord développée par les sciences économiques, la théorie de l’agence fut par la suite introduite dans différentes disciplines telles que la science politique. Appartenant

127 BEZES Philippe, « Le renouveau du contrôle des bureaucraties…, op. cit., p. 26-37.

128 CHAGNOLLAUD Dominique, QUERMONNE Jean-Louis, Le gouvernement de la France sous la Ve République,

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au courant du néo-institutionnalisme rationnel – lui-même largement fondé sur la théorie des choix rationnels – la théorie de l’agence part du postulat que chaque acteur cherche à maximiser les bénéfices qu’il peut retirer d’une situation et minimiser les coûts qu’il doit engager pour cela. Or, certains acteurs sont parfois amenés à s’en remettre à d’autres s’ils veulent atteindre un objectif qui leur était hors de portée ou qui aurait nécessité un investissement trop coûteux de leur part. L’acteur qui délègue ainsi une partie (ou la totalité) de sa mission est appelé un mandant (principal), tandis que celui à qui la mission a été déléguée est nommé mandataire (agent)129.

Concernant l’exercice du pouvoir politique, nous observons une chaîne de mandats dont l’origine se situe au niveau du Peuple souverain, et dont chaque maillon fait intervenir des mandants et des mandataires. En effet, dans nos systèmes démocratiques modernes, bien que la souveraineté appartienne au Peuple, il est possible de considérer que celui-ci a décidé de s’en remettre à des représentants (parlementaires, présidents,…), pour qu’ils exercent à sa place les pouvoirs découlant de cette souveraineté. Dans une démocratie représentative, le Peuple (le mandant), estimant la difficulté qu’il aurait à exercer dans sa pluralité et sa diversité les pouvoirs dont il dispose130, les délègue ainsi par le biais d’un mandat131 à un nombre restreint d’acteurs (les mandataires), pour qu’ils gouvernent. Ces représentants eux- mêmes peuvent à leur tour mandater d’autres acteurs – devenant alors leurs mandants – pour qu’ils les assistent ou se substituent à eux dans la réalisation de certaines tâches. C’est ainsi que dans un régime parlementaire, les membres de l’assemblée législative nomment un Premier ministre afin que celui-ci exerce le pouvoir exécutif. En effet, une assemblée est

129 La question de l’imperfection du contrôle du mandataire par le mandant, élément sans lequel la théorie de

l’agence ne peut s’appliquer, sera évoqué ultérieurement, voir infra, p. 59.

130 Nous tenons à préciser que nous ne faisons ici aucun jugement de valeur. Il ne s’agit que d’une explication

simplificatrice de la démocratie indirecte par le biais de la théorie du mandat. Outre les difficultés d’ordre purement pratique à l’exercice d’un gouvernement direct par le Peuple, il est possible de voir, à l’instar de Pierre BOURDIEU notamment, des mécaniques sociales qui sont à l’œuvre dans ce processus de délégation (BOURDIEU

parle d’une « "concentration en quelques individus" […] de la capacité d’action consciente sur ce monde »). Il existe, selon BOURDIEU, « deux représentations contrastées et complémentaires de la division du travail politique, la représentation technocratique qui fait de la compétence purement technique telle qu’elle la définit la condition d’accès aux "responsabilités politiques" ou aux choix politiques "responsables", et la représentation complémentaire, fondée sur le sentiment de l’incompétence et de l’impuissance, qui voue les plus démunis économiquement et culturellement au recours à ces "experts" ou à la croyance en la cryptocratie, cette autre manière de surestimer les autres classes ». Pour faire simple, l’intériorisation par certains individus d’un sentiment d’incompétence socialement construit (BOURDIEU parle d’une incompétence statutaire) joue tel un

mécanisme d’autocensure, et à l’inverse, la croyance chez d’autres individus qu’ils sont statutairement compétents les amène à penser, non seulement qu’ils peuvent, mais encore qu’ils doivent acquérir la compétence technique, débouchant sur cette division du travail politique. Voir BOURDIEU Pierre, La Distinction, Paris, Les

éditions de minuit, 1979, p. 463-480.

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idéale pour représenter dans une certaine mesure les diverses sensibilités des citoyens, mais elle est relativement inadaptée lorsqu’il s’agit de prendre rapidement des décisions comme le requiert un exercice efficace du pouvoir exécutif.

Toutefois, le Premier ministre ne pouvant à lui-seul supporter cette charge, il s’entoure de ministres pour l’assister dans sa mission au sein de ce qui devient alors son gouvernement. Chaque ministre, responsable d’un ou plusieurs domaines, s’appuie à son tour sur son ministère (autrement dit sur les fonctionnaires d’État qui y travaillent), étant dans l’impossibilité de s’acquitter intégralement des missions qui lui incombent sans assistance. Au sein même de ces ministères, les missions sont à nouveau réparties entre différentes directions, puis différents bureaux, et les fonctionnaires de grades inférieurs sont tenus, selon le principe hiérarchique, de se conformer aux directives (mandats) de leurs supérieurs. En remontant cette chaîne des mandats, on constate ainsi aisément que les fonctionnaires, bien qu’ayant pour « mandant direct » leurs ministres (qui est le chef du département ministériel), sont en réalité indirectement les mandataires du Peuple souverain. C’est en ce sens qu’une administration qui ne se soumettrait pas au gouvernement briserait le principe de la démocratie représentative, en ôtant au Peuple le moyen d’influer sur le processus de décision par le biais de leurs élus.

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Figure 2 - La chaîne des mandats dans le régime parlementaire japonais

2. La nécessité et l’intérêt pour les responsables politiques de déléguer à leurs administrations

En déléguant certaines de ses missions à un mandataire, le mandant espère recueillir davantage de bénéfices que s’il avait dû les effectuer lui-même. Ce gain peut être tant un gain de temps (qu’il peut allouer à une autre tâche précise), qu’un meilleur résultat (le mandataire est plus apte à réussir la mission), qu’un moindre coût (le mandataire est plus efficient), etc. Il existe plusieurs éléments qui poussent les responsables politiques à déléguer aux hauts fonctionnaires l’élaboration des politiques publiques. D’une manière générale, les hauts fonctionnaires détiennent davantage de ressources que leurs ministres. Tout d’abord, leur supériorité numérique leur permet de réaliser des tâches plus nombreuses, dans des délais plus courts. Ils disposent ensuite de nombreuses informations recueillies par leurs services et réseaux, sur lesquelles ils peuvent s’appuyer pour ajuster au mieux les politiques publiques en cours d’élaboration. Peuple 国民 Diète 国会 Premier ministre 首相 Ministre A 大臣 Fonctionnaires d'État 国家公務員 Ministre B 大臣 Fonctionnaires d'État 国家公務員 Détenteur de la souveraineté 主権者 Organe législatif 立法府 Cabinet 内閣 Organe exécutif 行政府

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Les hauts fonctionnaires possèdent également selon Max WEBER deux types de savoirs : le premier, le « savoir spécialisé », correspond aux connaissances techniques relatives aux domaines concernés par les projets de loi qu’ils doivent élaborer. Ce sont ces connaissances qui font d’eux des experts, dont la maîtrise d’un nombre important de paramètres est nécessaire à l’élaboration d’une politique publique efficace. C’est justement cette expertise qui est la source de légitimité et la condition de recrutement des hauts fonctionnaires (du moins dans la fonction publique de carrière chère à Max WEBER). Le deuxième type de savoir est celui que WEBER qualifie de « savoir du service », acquis avec le temps « dans le cours du service »132. Il est possible d’inclure dans ce « savoir du service » ce que l’on appelle couramment le savoir-faire. En effet, l’expérience acquise par les hauts fonctionnaires au cours de leur carrière renforce leur capacité d’élaboration des projets de loi, dont l’aspect formel n’est pas à négliger (rédaction d’un texte de loi, cohérence avec l’ordre normatif préexistant,…). On parle par exemple au Japon de « littérature de Kasumigaseki » (Kasumigaseki bungaku 霞ヶ関文学)

133 pour désigner le langage spécifique qu’emploient les

hauts fonctionnaires lors de la rédaction de textes normatifs. Cette expression est souvent utilisée dans des cas où les hauts fonctionnaires effectuent sur un texte de loi de subtiles modifications semblant anodines à l’œil profane, mais qui en transforment radicalement le sens. La maîtrise de ces codes est essentielle à la rédaction des projets de loi et peut constituer pour les hauts fonctionnaires une arme qu’ils mettent parfois à profit134. C’est en prenant en compte tous ces paramètres, que les acteurs rationnels que sont les responsables politiques, décident de déléguer une partie de leurs missions aux hauts fonctionnaires.

132 WEBER Max, « La domination légale à direction administrative bureaucratique », op. cit., p. 17-18.

133 Kasumigaseki est le nom du quartier dans lequel se situe l’essentiel des organisations centrales japonaises et

désigne par extension la bureaucratie au Japon. On utilise également l’expression Kasumigaseki yōgo (霞ヶ関用 語) pour désigner le « jargon de Kasumigaseki » employé par les fonctionnaires, lequel apparaît parfois obscures aux personnes extérieures.

134 À titre d’exemple, l’introduction à la fin d’une proposition du caractère tō ou nado (等), que l’on pourrait

traduire ici par « entre autres », crée une marge d’interprétation quant à la disposition concernée. On peut également évoquer l’épisode relatif à la privatisation de la Poste survenu sous le gouvernement KOIZUMI. La formule initialement inscrite dans le texte de loi était kanzen min.eika (完 全 民 営 化 ), soit « réaliser une privatisation complète », laquelle obligeait l’État à vendre avant une certaine échéance ses parts de la future entreprise publique (de type kōsha 公社) qu’allait devenir la Poste. Or, une particule ni fut insérée de sorte que la formule devienne kanzen ni min.eika (完全に民営化), soit « réaliser complètement une privatisation », excluant ainsi l’obligation établie dans la formule originelle. Aussi, l’État japonais détient encore aujourd’hui l’intégralité des parts de la Poste (la société holding), qui est depuis 2012 une entreprise spéciale (tokushu gaisha 特殊会社) rattaché au MIC. Voir notamment KISHI Hiroyuki, « Kanryō no seisaku dokusen o uchiyaburi, kansei fukyō o

tomeru ! 官僚の政策独占を打ち破り、官製不況を止める ! (Brisons le monopole des hauts fonctionnaires sur les politiques publiques et stoppons la crise engendrée par la bureaucratie !) », dans DAPPAN KANRYŌ NO KAI,

Dappan kanryō, Kasumigaseki ni sensen fukoku ! 脱藩官僚、霞ヶ関に宣戦布告 ! (Hauts fonctionnaires « déserteurs », déclaration de guerre à Kasumigaseki !), Tōkyō, Asahi shinbun shuppan, 2008, p. 110-113.

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3. Préférences et motivations des hauts fonctionnaires

Cependant, selon la théorie de l’agence, les mandataires (ici les hauts fonctionnaires) possèdent également des préférences qui leur sont propres, pouvant à l’occasion diverger de celles de leurs mandants. Certains auteurs, partisans de la théorie du choix rationnel, ont tenté de déterminer à quoi correspondaient concrètement les préférences des membres de la haute fonction publique, c’est-à-dire de définir quels étaient les bénéfices qu’ils souhaitaient accroître et les coûts qu’ils voulaient réduire. Le premier à avoir dégagé un modèle visant à répondre à ces questions est William NISKANEN (1933-2011)135. Selon lui, le comportement des hauts fonctionnaires serait guidé par la volonté de maximiser le budget alloué à leur unité administrative (budget maximising). Il affirme par ailleurs que ce comportement serait une des causes de l’hypertrophie générale des administrations publiques. Accroître ainsi les ressources financières de leurs ministères (ou empêcher qu’elles ne soient réduites), permettrait aux agents d’augmenter non seulement les moyens à leur disposition pour remplir leurs missions, mais également de bénéficier d’une hausse de traitement, de gagner en prestige (le ministère dont ils dépendent devenant plus puissant) ou encore de faciliter leur promotion (de nouveaux postes pouvant être créés avec ces ressources). Pour ce faire, les hauts fonctionnaires auraient alors tendance à surévaluer les moyens nécessaires à la mise en place des politiques publiques dont ils ont la charge, pour jouir ainsi du surplus dégagé.

Cette vision extrêmement réductrice – et légèrement cynique – des motivations animant les hauts fonctionnaires, a depuis subi de nombreuses critiques. Certaines font notamment remarquer que, dans les faits, les gains individuellement perçus par les agents à l’issue de l’augmentation du budget de leur ministère sont négligeables. En effet, concernant les traitements, ceux-ci sont généralement fixés selon des grilles indiciaires qui ne laissent guère de marge de manœuvre. De même, la création de postes facilitant la promotion des agents, si elle a lieu, se produit généralement trop tard pour que ceux-ci en bénéficient directement136. Cela étant, le fait que les hauts fonctionnaires désirent bénéficier de davantage de ressources afin d’élaborer des politiques publiques plus ambitieuses et plus efficaces, est une hypothèse bien plus crédible. Comme l’exprimait un haut fonctionnaire du MLIT, interrogé dans le cadre

135 NISKANEN William A., « The peculiar Economics of Bureaucracy », The American Economic Review, vol. 58,

n°2, mai 1968, p. 293-305 ; NISKANEN William A., Bureaucracy and Public Economics (1971), Cheltenham, Edward Edgar Publishing, coll. « The John Locke Series », 2ème édition, 1996, 320 p.

136PETERS Guy B., The Politics of Bureaucracy: An Introduction to Comparative Public Administration, Londres,

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de notre étude, « si les agents d’un ministère souhaitent que le budget alloué à leurs politiques publiques soit augmenté, c’est parce qu’ils estiment profondément que celles-ci sont essentielles au Japon »137.

On a également fait remarquer que le modèle de NISKANEN ne tient pas compte de la diversité des budgets et omet ainsi de noter qu’ils ne se valent pas tous pour les hauts fonctionnaires. Un budget accordé à un ministère pour qu’il le redistribue directement sans qu’il n’ait de réelle marge de manœuvre (laquelle peut être plus ou moins importante lorsqu’il s’agit de subventions accordées par ledit ministère), ne peut pas vraiment être interprété comme un gain pour les hauts fonctionnaires138. Certains objecteront qu’au Japon (mais pas seulement), les hauts fonctionnaires peuvent indirectement bénéficier des ressources attribuées au secteur privé, dans la mesure où ces dernières sont susceptibles d’être utilisées pour créer des postes dans lesquels ils pourront pantoufler une fois leur carrière terminée139.

Mais le principal problème de ce modèle réside avant tout dans le fait que certaines situations empiriquement vérifiées l’invalident. En effet, celui-ci ne permet pas d’expliquer le comportement de certains hauts fonctionnaires qui, loin de s’opposer à des coupes budgétaires décidées par des responsables politiques, épaulent activement ces derniers dans leur projet en obtenant parfois des résultats dépassant les espérances initiales140. Patrick DUNLEAVY a depuis résolu ce problème en proposant un modèle alternatif connu sous le nom de bureau-shaping

model141. Il remarque ainsi qu’un haut fonctionnaire peut parfois espérer être promu en réalisant des coupes budgétaires, en réduisant la taille de ses équipes, puisqu’il satisfera aux attentes des responsables politiques. Ses intérêts peuvent être ainsi complètement contraires à ceux de l’organisation dans laquelle il évolue. Il arrive également que la seule chance de

137 Entretien mené le 24 juin 2013 à l’office national du tourisme japonais, Paris. Pour une analyse identique :

Ibid., p. 24.

138 Ibid., p. 14.

139 Il est arrivé selon les témoignages, que l’attribution même de ces ressources ait été parfois soumise à la

condition que les entreprises bénéficiaires accueillent une partie des hauts fonctionnaires du ministère concerné. Voir par exemple TAKAHASHI Yōichi, « Amakudari no assen kinshi de kanryō no shitsu wa appu suru 天下りの

斡 旋 禁 止 で 官 僚 の 質 は ア ッ プ す る (En interdisant l’intermédiation des ministères dans le cadre des pantouflages, les hauts fonctionnaires gagneront en qualité) », dans DAPPAN KANRYŌ NO KAI, Dappan kanryō, Kasumigaseki ni sensen fukoku !, op. cit., p. 62.

140 Bien que n’étant pas directement lié au budget, on peut évoquer l’exemple de hauts fonctionnaires ayant

soutenu la réforme de la fonction publique d’État (FPE) avec parfois plus d’ardeur que les hommes politiques, alors même qu’elle supprimait ce que l’on présentait souvent comme des privilèges de la bureaucratie. KOGA

Shigeaki, qui avait été détaché dans le bureau du quartier général pour la réforme de la FPE (kokka kōmuin

kaikaku seido suishin honbu jimukyoku 国家公務員制度改革推進本部事務局), est devenu par la suite le plus médiatisé d’entre eux.

141 DUNLEAVY Patrick, « Bureaucrats, Budgets and the Growth of the State: Reconstructing an Instrumental

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survie d’une organisation soit que celle-ci réduise en taille, éventualité que le modèle de NISKANEN exclut. Le Bureau-shaping model suppose en réalité une notion fondamentale : l’hétérogénéité des acteurs composant la fonction publique. En effet, les hauts fonctionnaires ne forment pas un bloc homogène face aux responsables politiques : leurs intérêts et motivations divergent selon leur ministère d’appartenance, leur place dans la hiérarchie (cadre, cadre supérieur,…), ou encore leur psychologie propre142.

Lors d’une enquête réalisée en 1999 auprès des hauts fonctionnaires japonais, NAKAMICHI Minoru a avancé qu’il était possible de classer leurs motivations en trois grandes catégories143. Il a alors montré que chacune d’entre elles exerçait une influence, plus ou moins grande et parfois contadictoire, sur le comportement des hauts fonctionnaires. La première catégorie est celle des motivations relatives aux intérêts de l’organisation. Le haut fonctionnaire va alors se comporter comme un membre de l’administration (gyōseijin 行政人), cherchant à accomplir les buts fixés par l’organisation dont il dépend. La deuxième catégorie est celle des motivations centrées autour des intérêts privés de l’agent. Celui-ci va donc rechercher à optimiser sa situation personnelle avant tout. NAKAMICHI parle ici de comportements de bureaucrate (kanryōjin 官 僚 人, que l’on pourrait traduire ici par « carriériste »). Enfin, la dernière catégorie est celle des motivations relatives à l’intérêt général. Le haut fonctionnaire exerce alors sa mission pour ce qu’il considère être l’intérêt général, se présentant comme un serviteur du Peuple tout entier (kōkyōjin 公共人)

144. NAKAMICHI montre ainsi que les hauts

fonctionnaires répondent à différentes sources de motivation qui coexistent, s’opposent parfois les unes avec les autres, remettant ainsi largement en cause le caractère prévisible des préférences et des comportements des hauts fonctionnaires145.

142 PETERS Guy B., The Politics of Bureaucracy…, op. cit., p. 204 ; HOOD Christopher, LODGE Martin, The

Politics of Public Service Bargains…, op. cit., p. 50-51.

143 Les questions posées visaient principalement à connaître les raisons ayant poussé les hauts fonctionnaires à

travailler dans la haute fonction publique. NAKAMICHI Minoru, « Sengo jōkyū kanryō no kōdō yōshiki to "seikan

kankei" no hen.yō 戦後上級官僚の行動様式と「政官関係」の変容 (Les modèles de comportements des hauts fonctionnaires d’après-guerre et l’évolution de leurs relations avec les hommes politiques), Nara daigaku

kiyō, n°35, mars 2007, p.183-185.

144 Bien entendu, la première et la dernière catégorie de motivations ne signifient pas que le haut fonctionnaire ne

retire personnellement aucun bénéfice en poursuivant les intérêts de son organisation ou de la société auxquelles il appartient. Il peut retirer en effet de la satisfaction au niveau de ses besoins d’appartenance (à un groupe) et d’estime de soi (reconnaissance par autrui, prestige) comme les définissaient Abraham H. MASLOW. MASLOW

Abraham H., Motivation and Personality, New York, Harper & Row, 1954, p. 43-46.

145 Pour une étude qui replace dans une perspective historique la « personnalité bureaucratique » et la