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Section II. La diversité et l’évolution de la figure des hauts fonctionnaires

II. Les hauts fonctionnaires et la réforme politico-administrative

A. Des hauts fonctionnaires ouverts au principe du « gouvernement dirigé par les élus »

1. Le désir d’une meilleure répartition des rôles avec les responsables politiques

Ainsi, ces hauts fonctionnaires serviteurs, bien loin de vouloir s’accaparer les tâches incombant aux responsables politiques, souhaitent au contraire pouvoir se concentrer sur leur travail originel. Nombreux sont ceux parmi eux à considérer que leur rôle dans le processus d’élaboration des politiques publiques consiste à proposer un éventail de possibilités en se basant sur leur expertise et les directives qu’ils ont reçues de leur ministre, afin que celui-ci tranche et choisisse l’une d’entre elles257. Ils regrettent d’ailleurs parfois d’être amenés par les responsables politiques – ou du fait des lacunes de ces derniers – à remplir à leur place certaines de leurs missions258. En 2001, le politologue SHIODA Ushio avait estimé, sur la base d’entretiens réalisés auprès d’agents de plusieurs ministères, que la réforme administrative de HASHIMOTO et les nombreux scandales ayant touché la bureaucratie japonaise, avaient fait

256 Dans les développements qui suivent, nous regroupons par commodité tout un ensemble de réformes ayant

des objectifs parfois très différents derrière les termes « réformes politico-administratives ». Le comportement des hauts fonctionnaires vis-à-vis de ces différentes réformes varie, de même que leur ouverture au principe même de la réforme, ne signifie pas nécessairement qu’ils partagent le même avis sur les mesures à introduire. Cela étant, nous constatons chez les hauts fonctionnaires une réelle volonté de voir les institutions politico- administratives réformées, contrairement aux affirmations présentant ces derniers comme une force conservatrice par essence.

257 AOKI Yasuhiro, « Seisaku katei to kanryōzō no henka…, op. cit., p. 185.

258 Un haut fonctionnaire du MOFA affirmait ainsi se demander pourquoi ils devaient réduire le nombre de

propositions de projet de loi possibles à une ou deux alors qu’ils en avaient cinq ou six à l’origine, sous entendant que c’était aux responsables politiques de faire un choix. Ibid., p. 184. Les hauts fonctionnaires du secrétariat général du Cabinet s’étaient également plaints en 2010 auprès de journalistes, las qu’on leur demande à chaque fois de trouver un projet de loi satisfaisant à la fois le Premier ministre et le parti majoritaire, alors que c’était aux élus de régler leurs différends et non à eux de trouver une solution. NIHON KEIZAI SHINBUNSHA,

Seiken – The Ruling Power 政権-The Ruling Power (Le pouvoir gouvernant), Tōkyō, Nihon keizai shinbun shuppansha, 2010, p. 417-418.

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naître une nouvelle forme de hauts fonctionnaires (shin-gata kanryō 新型官僚). Il décrivait alors ces derniers comme étant bien plus enclins à réformer l’administration et désireux de voir s’opérer une claire répartition des rôles avec les responsables politiques259. Lors d’un sondage réalisé auprès d’une centaine de jeunes hauts fonctionnaires en février 2001, plusieurs d’entre eux avaient justement appelé à ce que la répartition des tâches soit plus clairement définie, pour en finir avec des situations dans lesquelles on leur demandait par exemple de se charger de la coordination au sein du parti majoritaire260. Aussi, plusieurs hauts fonctionnaires avaient agréablement accueilli la décision du PDJ de moins se reposer sur eux à la Diète pour répondre aux questions adressées au gouvernement, et de ne plus leur demander de venir expliquer aux parlementaires dans les organes du parti le contenu des projets de loi261.

Les hauts fonctionnaires serviteurs appellent ainsi de leurs vœux les responsables politiques à jouer activement leur rôle de décideurs, en leur fournissant des directives claires et en prenant des décisions lorsque cela s’impose262. En réalité, ces hauts fonctionnaires parfois décrits comme des agents passifs, nous apparaissent plus être des agents réactifs. Nous voulons signifier par-là que ces agents peuvent tout à fait devenir actifs et prendre des initiatives, à la condition qu’une action première ait été engagée par leur ministre, tel l’octroi d’orientations limpides ou la désignation univoque de l’objectif poursuivi (c’est en ce sens qu’il s’agit de réaction). Ces hauts fonctionnaires serviteurs, s’ils ne cherchent certes plus à être des leaders, désirent cependant jouer leur rôle de followers, ou soutiens au leader263. Ainsi, contrairement à ce qui est parfois affirmé, les hauts fonctionnaires préfèreraient aujourd’hui davantage être sous les ordres d’un ministre faisant preuve de leadership, que d’un ministre faible et facilement manipulable, ce dernier risquant de plier l’échine sans arrêt

259 SHIODA Ushio, Dare ga tame no kanryō – "kasumigaseki no gyakushū" wa hajimaru ka 誰がための官僚-

「 霞 が 関 の 逆 襲 」 は 始 ま る か (Des hauts fonctionnaires au service de qui ? La « contre-attaque de Kasumigaseki » va-t-elle commencer ?), Tōkyō, Nihon keizai shinbunsha, 2001, 416 p.

260 Un résumé des résultats de sondage réalisé par le bureau pour la réforme administrative du secrétariat général

du Cabinet (naikaku kanbō gyōsei kaikaku suishin jimukyoku 内閣官房行政改革推進事務局) est disponible à l’adresse suivante [consultée le 23 décembre 2015] :

http://www.kantei.go.jp/jp/gyoukaku2001/0102/wakateiken.html.

261 Voir infra, p. 245.

262 En 2001-2002, 63% de hauts fonctionnaires interrogés avaient répondus que la principale condition pour

qu’une bonne politique publique soit mise en œuvre était que les parlementaires affichent clairement aux hauts fonctionnaires la direction à prendre, contre 26% en 1986-1987. MURAMATSU Michio, Seikan sukuramu gata…,

op. cit., p. 151.

263 Pour une réflexion sur ces followers et leur importance au moins égale à celle des leaders, voir notamment

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face aux autres parlementaires de son parti264. Sans ministre influent pour porter les projets de loi du ministère, les hauts fonctionnaires ont en effet de grandes chances de voir le fruit de leur travail travesti au gré de luttes intra-partisanes, les amenant à opérer des ajustements davantage motivés par des raisons électorales et clientélistes que d’efficacité.

2. L’appel à la réforme et à l’amélioration des responsables politiques

D’ailleurs, la plupart des hauts fonctionnaires interrogés à l’occasion de multiples sondages réalisés dans les années 1990 insistèrent clairement sur la nécessité d’une amélioration de la qualité (shitsu no kōjō 質 の 向 上) du personnel politique nommé au gouvernement. Ils sous-entendaient par-là que les membres du Cabinet étaient rarement capables de penser et d’élaborer des politiques publiques dans les domaines dont ils avaient la charge, tout en gardant une vision large de l’intérêt général. Aussi, si certains hauts fonctionnaires étaient déjà à l’époque disposés, voire favorables à ce que les ministres jouent un rôle plus actif dans le processus décisionnel, beaucoup considéraient que les lacunes de ces derniers devaient être auparavant comblées, afin qu’un « gouvernement mené par les élus » soit envisageable ou encore même souhaitable. À la fin du mois d’octobre 1993, lors d’un sondage réalisé par le quotidien Nihon keizai shinbun, 42% des 147 hauts fonctionnaires interrogés avaient répondu que c’était précisément parce que l’on ne pouvait compter sur les hommes politiques pour prendre des décisions que la haute administration avaient dû s’en charger265. D’ailleurs, 24% des sondés estimaient qu’il était plus efficace de laisser la haute administration prendre ces décisions. En revanche, 16% considéraient qu’il fallait faire en sorte que ce soit bel et bien les élus qui décident, tandis que 18% affirmaient qu’il était en premier lieu erroné de penser que les hauts fonctionnaires décidaient des politiques publiques à mettre en œuvre.

Lors d’un autre sondage réalisé en 1999, une question relative à une loi prévoyant d’augmenter le nombre de parlementaires nommés dans les équipes ministérielles266 avait été posée à des hauts fonctionnaires. Cette loi était notamment censée permettre aux ministres de

264 Propos recueillis d’un ancien haut fonctionnaire du MOF. Entretien mené le 19 décembre 2013 à l’OCDE,

Paris. Pour un témoignage quasiment identique, voir AOKI Yasuhiro, « Seisaku katei to kanryōzō no henka…,

op. cit., p. 184.

265 政治家に任せられないので官僚主導は仕方ない. NIHON KEIZAI SHINBUNSHA, Kanryō – kishimu kyodai

kenryoku 官僚―軋む巨大権力 (Les hauts fonctionnaires : un pouvoir colossal objet de frictions), Tōkyō, Nihon keizai shinbunsha, 1994, p. 421.

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mieux maîtriser leurs administrations et de moins dépendre des hauts fonctionnaires dans le cadre des questions qui leur étaient adressées à la Diète267. Parmi les hauts fonctionnaires interrogés, seulement 36% estimaient que cette réforme était un moyen efficace d’instaurer un « gouvernement mené par les élus ». Pour autant, le nombre de hauts fonctionnaires considérant qu’il suffisait d’exploiter davantage les institutions déjà en place était encore moins important268. En revanche, 60% d’entre eux avaient répondu qu’avant d’introduire une telle réforme, il fallait commencer par nommer des ministres disposant des connaissances suffisantes pour pouvoir répondre directement aux questions qui leur étaient posées à la Diète, et qu’il était surtout nécessaire que les parlementaires deviennent plus aptes à élaborer des politiques publiques269.

En mars 1994, un sondage de l’Asahi shinbun présentait des résultats tout à fait comparables, puisque parmi les hauts fonctionnaires interrogés – tous chefs de bureaux270 – beaucoup s’étaient déclarés défavorables à une proposition similaire d’accroître le nombre de parlementaires nommés politiquement dans les équipes ministérielles271. En effet, 59% des chefs de bureaux interrogés avaient déclaré redouter qu’en plaçant de nombreux parlementaires à la tête des ministères, cela ne brise la neutralité politique de l’administration. Certains avaient explicité cette crainte en évoquant la possibilité que les hommes politiques fassent passer en priorité leurs intérêts personnels avant l’intérêt général, ou encore que les décisions administratives soient biaisées dans les ministères disposant d’un pouvoir de délivrance de permis et d’autorisations (kyoninka kengen 許認可権限). Un haut fonctionnaire redoutait le fait que les parlementaires nommés dans les équipes ministérielles ne leur demandent, selon leurs simples convenances, de construire çà et là des barrages ou des routes, tandis qu’un autre estimait percevoir dans ces postes des « zoku giin institutionnalisés » (seidoka sareta zoku giin 制度化された族議員)

272.

267 Les parlementaires nommés dans ces équipes ministérielles devaient alors aider leurs ministres à répondre

aux nombreuses questions qui lui étaient adressées à la Diète.

268 MIZUGAKI Gentarō, « Sengo nihon kanryōsei e no hyōka to yakuwari ninchi 戦後日本官僚制への評価と役

割 認 知 (Évaluation de la haute administration d’après-guerre et appréhension des rôles selon les hauts fonctionnaires)» dans NAKAMICHI Minoru (dir.), Nihon kanryōsei no renzoku to henka, op. cit., p. 222-223.

269 AOKI Yasuhiro, « Seisaku katei to kanryōzō no henka…, op. cit., p. 182.

270 À titre indicatif, les chefs de bureaux en 1994 avaient intégré la haute fonction publique dans les années 1968-

1976 approximativement, selon les règles coutumières de promotion à l’ancienneté.

271 Cette proposition avait été formulée par l’influent parlementaire OZAWA Ichirō dans son ouvrage publié

l’année précédente et avait été en réalité à l’origine de la loi précitée et adoptée en 1999. OZAWA fut d’ailleurs le

principal artisan de cette dernière.

272 « Kanryō "Nihon sasaeru" tsuyoi jifu chūō shōchō kachō e no Asashi shinbun ishiki chōsa 官僚 「日本支

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Bien davantage que la volonté de préserver leur influence dans le processus décisionnel, nous croyons que cette très forte défiance à l’encontre des responsables politiques fut à l’origine des réticences des hauts fonctionnaires, vis-à-vis des réformes politico- administratives introduites dans les années 1990-2000. En ayant été les interlocuteurs privilégiés des zoku giin, il est vraisemblable que certains hauts fonctionnaires ont eu l’impression de constituer le dernier rempart contre les requêtes motivées par les intérêts particuliers des parlementaires. Il est ainsi possible qu’ils aient eu le sentiment qu’en laissant ces élus seuls maîtres au pouvoir, plus rien ne pourrait tempérer leurs tendances clientélistes273. En pointant du doigt les lacunes des hommes politiques qu’ils auraient cherché à pallier, les membres de la haute fonction publique répondaient également aux critiques dont ils étaient la cible depuis plusieurs années. Ces réactions expriment également un ressentiment éprouvé par des hauts fonctionnaires se considérant injustement accusés d’être la cause de tous les maux par des élus tout autant condamnables.

Bien que les agents de la haute fonction publique ne fussent d’une manière générale pas opposés aux réformes politico-administratives, la plupart d’entre eux insistaient néanmoins sur le fait qu’ils ne devaient pas être les seuls à fournir des efforts, et que les parlementaires devaient également travailler sur leurs nombreuses carences. Tout en admettant la nécessité de la réforme et d’une clarification de la répartition des tâches, les hauts fonctionnaires rejetaient l’idée qu’il suffirait que les élus se substituent à eux pour que les politiques publiques soient plus efficaces et que le processus décisionnel respecte davantage le principe démocratique.

Nous pensons d’ailleurs que les transformations progressivement apparues au cours de ces vingt dernières années, au niveau de la figure des parlementaires, ont amené les hauts fonctionnaires à porter un regard différent sur les élus et la réforme. Même si la réforme du système électoral et celle relative aux règles de financement des partis politiques adoptées en 1994 mirent plusieurs années à porter leurs fruits, elles participèrent au moins partiellement à ce que les parlementaires reposent moins sur des logiques clientélistes274. Aussi, en voyant

chefs de bureaux des administrations centrales – les hauts fonctionnaires ont la forte impression de « soutenir le Japon ») », Asahi shinbun, 5 avril 1994, p. 12.

273 AOKI Yasuhiro va même jusqu’à dire que certains hauts fonctionnaires se considéraient comme un rempart

contre les politiques populiste (国民迎合政策の歯止めになるのが自らの務めであると自負しつつも). AOKI Yasuhiro, « Seisaku katei to kanryōzō no henka…, op. cit., p. 184.

274 Les règles relatives au financement des campagnes électorales par les entreprises (interdiction de financer un

homme politique à partir de 1999), le renforcement du pouvoir du président du parti vis-à-vis des parlementaires, l’importance grandissante de l’étiquette du parti pour obtenir une victoire aux élections et l’augmentation de l’électorat flottant (fudōhyō 浮動票) sont autant d’éléments qui ont rendu plus difficile l’émergence de politiques publiques purement clientélistes (sans bien sûr parvenir à les éradiquer complètement). Voir par exemple

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davantage d’élus prôner la poursuite d’un intérêt général – ayant certes parfois recours à une rhétorique populiste – et mettre en place des politiques publiques n’étant pas motivées par des logiques clientélistes, il est possible que les hauts fonctionnaires aient peu à peu montré moins de réticences à laisser les membres du gouvernement jouer un rôle actif dans le processus décisionnel.

B. L’émergence de hauts fonctionnaires réformateurs

1. Des hauts fonctionnaires comme porte-étendards de la réforme

Contrairement aux affirmations qui semblent parfois le sous-entendre, non seulement les hauts fonctionnaires ne constituent pas tous un frein aux réformes politico-administratives, mais certains d’entre eux en sont même les moteurs. Aussi trouve-t-on parmi les hauts fonctionnaires serviteurs des agents extrêmement favorables à la refonte de l’administration, qu’ils considèrent comme absolument nécessaire. Ces derniers, que nous appellerons hauts fonctionnaires réformateurs (kaikakuha kanryō 改 革 派 官 僚)

275, sont généralement des

membres relativement jeunes de la haute administration, ayant souvent participé activement à l’une des réformes politico-administratives menées depuis la fin des années 1990.

Ainsi, en 2003 s’est constitué un groupe de jeunes hauts fonctionnaires issus du MOF, du METI et du MLIT, qui avaient intégré la fonction publique après 1997. Ce groupe nommé « Projet K »276, ou « association des jeunes fonctionnaires pour un nouveau Kasumigaseki » (atarashii Kasumigaseki o tsukuru wakate no kai 新 し い 霞 ヶ 関 を 創 る 若 手 の 会), est

KRAUSS Ellis S., PEKKANEN Robert J., The Rise and Fall of Japan’s…, op. cit., p. 6-7 ; REED Steven R., « The

Evolution of the LDP’s Electoral Strategy: Towards a More Coherent Political Party », SCHOPPA Leonard J.

(dir.), The Evolution of Japan’s Party System – Politics and Policy in an Era of Institutional Change, Toronto, University of Toronto Press, 2011, p. 45-46.

275 Ces hauts fonctionnaires réformateurs ne doivent pas être assimilés aux hauts fonctionnaires rénovateurs

(kakushin kanryō 革新官僚) apparus dans les années 1930, qui se rapprochent bien plus des hauts fonctionnaires « défenseurs de la Nation » (kokushi-gata kanryō). Ces hauts fonctionnaires rénovateurs, qui estimaient devoir transcender les partis politiques alors en perte de vitesse, jouèrent un rôle central dans la confection de la loi de mobilisation générale de l’État (kokka sōdōinhō 国家総動員法) en s’inspirant des méthodes de planification quinquennale mises en place à l’époque en URSS. Ces fonctionnaires relativement proches des hauts responsables militaires de l’époque, parmi lesquels TŌJŌ Hideki (1884-1948), comptaient dans leurs rangs des

hommes tels que KISHI Nobusuke (1896-1987), OKUMURA Kiwao (1900-1969), MŌRI Hideoto (1902-1947),

SAKOMIZU Hisatsune (1902-1977), ou encore HOSHINO Naoki (1892-1978), dont certains furent jugés au procès

de Tōkyō (ou étaient sur le point de l’être pour KISHI). Voir par exemple FAURE Guy, « Le Japon, "empire bureaucratique" ? », op. cit., p. 170-171. Sur le rapprochement entre hauts fonctionnaires rénovateurs et « défenseurs de la Nation », voir MURAMATSU Michio, Sengo no nihon kanryōsei, op. cit., p. 108-109.

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devenu en 2009 une organisation à but non-lucratif. Cette dernière, toujours en activité aujourd’hui, a plusieurs fois soumis ses propositions de réformes aux Premiers ministres successifs et publié au total trois ouvrages, gagnant progressivement en visibilité. Certains de ses membres ont d’ailleurs été détachés en juillet 2008 dans le bureau du quartier général pour la réforme de la FPE (kokka kōmuin seido kaikaku suishin honbu jimukyoku 国家公務員制度 改革推進本部事務局), sur demande du ministre alors en charge de la réforme, WATANABE Yoshimi277. En 2009, le vice-Premier ministre KAN Naoto et plusieurs cadres du PDJ avaient également sollicité certains membres de « Project K » pour qu’ils leur expliquent en détails le contenu de leurs propositions de réformes. D’ailleurs, on remarque que la cellule de la stratégie nationale kokka senryakushitsu 国家戦略室) mise en place par le PDJ se rapproche grandement du quartier général pour la stratégie globale (sōgō senryaku honbu 総合戦略本 部) imaginé plus tôt par le « Projet K ». De même, la session d’évaluation des politiques publiques (jigyō shiwake 事業仕分け) instaurée par le PDJ s’apparente beaucoup à l’idée soutenue par le groupe d’une évaluation des politiques publiques basée sur la participation citoyenne (kokumin sanka-gata gyōsei jigyō rebyū 国民参加型行政事業レビュー)

278.

En 2008 s’est constitué un autre groupe prônant une réforme radicale de l’administration, dont les membres se sont qualifiés de hauts fonctionnaires « déserteurs » (dappan kanryō 脱 藩官僚). Ces derniers sont d’anciens membres de la haute administration qu’ils ont quittée sans pantoufler, leur permettant selon eux de pouvoir la critiquer librement, sans biais majeurs279. Ces hauts fonctionnaires « déserteurs » ont tous en commun d’avoir été impliqués dans la réforme administrative à un moment de leur carrière (souvent à la fin). Ainsi, EDA Kenji, co-fondateur de ce groupe, fut nommé en 1996 premier secrétaire du Premier ministre HASHIMOTO Ryūtarō (naikaku sōridaijin shuseki hishokan 内 閣 総 理 大 臣 首 席 秘 書 官), travaillant de ce fait à la plus importante réforme administrative que le Japon connut depuis

277 IKEDA Makoto y avait par exemple été détaché, alors qu’il n’avait intégré le MLIT que trois ans plus tôt, en

2005.IKEDA Makoto, « Subete no kōmuin wa zentai no hōshisha de aru すべての公務員は全体の奉仕者であ

る (Tous les fonctionnaires sont les serviteurs de l’ensemble de la communauté) », dans PROJEKUTO K, Kasumigaseki kara nihon o kaeru 霞が関から日本を変える (Changer le Japon en commençant par sa haute administration), Tōkyō, Mainabi, 2012, p. 22-23.

278 FUKUSHIMA Keizō, « Seijika rīdāshippu o saidaigen hakki dekiru shikumi to wa ? 政治家リーダーシップを

最大限発揮できる仕組みとは?(Quels sont les mécanismes qui permettraient aux hommes politiques de déployer au maximum leur leadership ?) », dans PROJEKUTO K, Kasumigaseki kara nihon o kaeru, op. cit., p. 48-

50.

279 Voir par exemple la déclaration faite par les membres de l’association des hauts fonctionnaires « déserteurs »

lors de sa création le 19 juin 2008. Document accessible sur le site d’EDA Kenji à l’adresse suivante [consultée le