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UNE EXPLICATION PAR LES GOUVERNANTS OU LES GOUVERNES

1. Renoncement à une dynamique de pouvoir en action

Notre objectif est d’éclairer les enjeux qui se jouent autour des problèmes spécifiques posés par la vision d’un gouvernement de citoyens dont l’exercice institutionnel a été facilité.

Dans la logique dominante, les citoyens tiennent le cap en démocratie et leur activité acéphale se poursuit sur des tâches de conservation qui ne nous permettent pas de retrouver le caractère démocratique de l’institution.

Dans cette cartographie figée, la démocratie s’appréhende comme une direction imprimée au gouvernement par les citoyens. Ce choix nous laisse démunis sur la manière dont la communauté politique est partie prenante à la conduite de la collectivité.

Dans ce premier paragraphe, nous proposons de faire le point sur la place réservée à l’action, sachant que la moitié des auteurs ne font pas la moindre place à l’action gouvernementale. En effet, elle n’a pas d’importance pour la définition (Belin, Nathan, Magnard).

Au niveau supérieur, pour les manuels Hachette et Hatier, la place de l’action gouvernementale est liée à des incertitudes. Les domaines d’action ne ressortent pas et la question se pose de savoir si les citoyens ont charge d’imposer les choix au nom de la collectivité.

En fonction de ces observations, nos hypothèses iront, dans le premier point, à la question du sens de la conduite collective en démocratie dans un lieu particulier, le gouvernement.

Dans les deuxième et troisième point, nous rentrons compte des incertitudes liées à l’action gouvernementale lorsque le gouvernement n’institue pas de contact entre gouvernants et gouvernés. Une forme d’incompréhension s’installe sur les conséquences pratiques que nous pouvons tirer de la participation des citoyens en démocratie.

a. Mission : assurer la continuité du pouvoir

Les citoyens, héritiers du pouvoir dans le gouvernement en démocratie, représentent la force politique unique et participent à la possibilité de continuer la démocratie sur des activités fonctionnelles dont on ne connaît pas l’étendue des domaines.

Dans cette perspective, la participation de l’ensemble des citoyens repose sur une mission fondamentale qui masque toutes les perspectives d’engagement des détenteurs du pouvoir souverain.

Cette justification semble fournir un gage suffisant au régime démocratique en ordonnant les citoyens sur un plan d’ensemble indépassable.

Dans les bases de ce type d’explication, le succès est garanti par les avantages dont les citoyens disposent au départ. Le pouvoir est exercé dans un lieu spécifique, le gouvernement.

Dans les considérations rassurantes, la participation institutionnalisée des citoyens peut être décrite sur une activité centrale et polymorphe propre au fonctionnement du gouvernement.

Les gouvernants s’illustrent pour l’essentiel dans la gouverne sollicitant leur responsabilité sur des fonctions mécaniques et générales d’orientation.

Dans l’aspect lacunaire, certains fonctions sont soustraites à l’exercice du pouvoir gouvernemental, la portée effective des actions qui fait défaut aux fonctions exécutives (exercer) et à certains actes (diriger) qui ne sont pas destinés à produire des effets sur la collectivité.

La référence à la fonction supérieure de direction commune touche la limite des moyens concrets de faire participer les citoyens à l’exercice politique.

Nous pensons que les citoyens jouissent d’une influence politique plutôt qu’un réel pouvoir d’intervention dans le champ politique.

Du point de vue moderne, cet ensemble de citoyens, en charge d’une fonction politique dans le gouvernement correspondent aussi bien à des fonctionnaires de l’administration qu’aux hommes politiques. Les fonctionnaires du gouvernement sont les représentants de l’Etat.

b. Point aveugle : fabrique d’un éthos commun

Ce mode de gouvernement, aligné sur ses seuls tutélaires, formant un ensemble homogène et fonctionnel à la tête du pouvoir, définit ce que peut être la démocratie dans sa forme contrariée.

Le discours général scolaire ne permet pas une connaissance objective de la conduite collective des citoyens en démocratie, et du type de mission qui leur est confié.

Certes, l’action politique est commune aux citoyens dans le rassemblement de « tous les citoyens », « de l’ensemble des citoyens », mettant en exergue la progression égalitaire d’un ensemble, mais toutefois dépourvu d’une forme d’intelligence collective.

Justement les travaux de recherche de Thierry Ménissier, spécialiste en philosophie politique, nous plonge à nouveau dans l’histoire des Grecs. « Les Grecs ont inventé l’idée d’énergie comme force en acte ». 133Toujours selon cet auteur, cette façon de voir l’action

chez les Grecs depuis l’époque archaïque, ressort dans l’œuvre politique d’Annah Arendt, « les Grecs ont inventé l’action collective créatrice et digne de mémoire, ce qui répond au beau nom de ‘politique’,[…] existence conçue dans le cadre de la polis 134».

Cet ethos du commun que Thierry Ménissier définit joliment sur « il s’agit donc de penser quelque chose de si fort, que les hommes assemblés font alors davantage qu’une somme d’individus, qu’ils composent un corps collectif… 135» fait défaut au répertoire du

premier type d’énoncés.

c. Faiblesse d’un script de l’action

Au niveau du gouvernement, le principe d’action est porté par le pouvoir que nous avons défini comme la capacité du système, mais la légitimation de l’action du gouvernement est rendue difficile par l’absence d’un espace public théorique qui mette à l’épreuve le principe et qui puisse en assurer sa publicité.

133 In MENISSIER Thierry, « L’énergie collective ». 2018. Id: halshs-01682121

https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01682121

134 ibidem MENISSIER 135 Ibidem MENISSIER

En théorie scolaire, le défaut d’opposition entre gouvernants et gouvernés, aboutit à l’extrême, à confondre la communauté politique des citoyens avec la société dans l’administration du gouvernement participant directement à l’idée d’Etat.

Pourtant, si par Etat nous nous remettons à la définition proposée par Paul Ricœur empruntée au philosophe politique Eric Weil comme référence politique « l’organe de décision d’une communauté historique »136, cette idée trouve sans problème son

prolongement immédiat dans la conception de la démocratie athénienne, forte de sa Constitution et de son mécanisme délibératif créant l’accord entre les citoyens.

Cette connaissance du politique vaut pour la communauté historique des Athéniens mais pas pour les prototypes scolaires. Le rappel du politique est imprimé dans les modalités de gouvernement athénien, réalisées dans ses institutions, son format d’assemblée et sur sa technique d’expression collective « le débat » ayant pour finalité la prise de décision.

Dans la montée en généralité des prototypes, nous avons perdu la trace de l’organisation du gouvernement. Le discours scolaire nous oblige à accepter, comme vérité, la position sommitale de l’ensemble des citoyens, non soumise à l’épreuve de vérification.

Nous nous trouvons devant une situation bloquée dans laquelle les citoyens sont les héritiers d’une structure politique monopolisant la fonction politique.

C’est une remarque essentielle, dans l’approche de la démocratie de ce premier type de modèle, les citoyens exercent une emprise gouvernementale mais l’exercice politique ainsi conçu, n’exprime pas son ethos démocratique.

Nous n’avons pas de réponse convaincante sur le caractère collectif de l’action, que nous n’avons pas réussi à reconstituer, à partir de la lecture dominante de ce premier prototype.

136En fait cette réflexion est empruntée par l’auteur à la philosophie politique d’Éric Weil dans le cadre de l’analyse de l’Etat

démocratique. Sa théorie de l’Etat mène du formalisme moral dans les contradictions société-communauté. L’auteur fait allusion au tournant décisif de l’Etat dans la formation historique de la communauté définie par sa morale, et ses institutions. Il est la forme de la communauté agissante Ce qui suppose que la communauté est capable de prendre des décisions. In Paul RICOEUR. Éthique et politique. In: Autres Temps. Les cahiers du christianisme social. N°5, 1985. pp. 58-70; lecture en page 63 https://doi.org/10.3406/chris.1985.1000 consulté sur https://www.persee.fr/doc/chris_0753-2776_1985_num_5_1_1000

2.

Dynamique

ancienne

de

participation

renouvelée

sur

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