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GOUVERNER SANS DECIDER / DECIDER SANS GOUVERNER : DEUX PROTOTYPES

1. Gouverner sans décider : Prototype dominant

La première section du titre, a vocation à attirer l’attention sur l’aporie constitutive du travail gouvernemental. A un premier niveau, l’action de gouverner n’est pas destinée à

produire des effets. Dans la progression de notre thèse, nous avons attiré l’attention sur la faiblesse du thème du pouvoir, qui en dépit de sa forte potentialité n’a pas débouché sur des occasions concrètes d’intervention.

Le possible du politique est une affaire de pouvoir situé et d’interprétation de situation (Belin, Hachette, Hatier, Magnard, Nathan).

Au niveau collectif, les mécanismes en jeu sont méconnus dans cette action spécifique de gouverner, si peu élaborée dans sa généralité, si bien que le pouvoir supra-fonctionnel nous a conduit à cette remarque, que les gouvernants n’ont pas de prise réelle dans leur manière d’animer le gouvernement.

Pour ce premier prototype, on est ramené à l’excès d’une structure totalisante, dont les effets d’imposition surdéterminent l’activité politique de la communauté politique mais en interdit la vérification dans la vie publique.

Dans ce premier groupe de définition, la démocratie renvoie à un mode de gouvernement dans lequel la question participative est inscrite dans une approche fonctionnelle du pouvoir, et pour laquelle les citoyens sont les interprètes du jeu politique.

Dans la réflexion dominante, la participation peut être assimilée au rôle institutionnel des citoyens qui datent la conjoncture démocratique.

Pour les cinq premiers manuels, la question participative fait l’objet d’une inégale attention. La conception identitaire de la démocratie focalisée sur la présence des citoyens au gouvernement, admet plus ou moins d’intervention sans jamais s’imposer.

La reconnaissance de forme de ce premier prototype passe par la présence des citoyens au gouvernement. Du point de vue de la mise en œuvre de la démocratie, trois arguments viennent étayer la réflexion.

a. Un mode d’intervention laissé en suspens

Dans notre interprétation, la participation est soumise au rang d’animatrice du gouvernement, la dimension expérientielle n’est pas conçue. Ce premier trio de manuels ne n’envisage pas de donner forme à l’organisation du gouvernement.

Dans le premier type de fiction (pouvoir appartient) portée par les manuels Belin, Magnard et Nathan, nous avons retenu le caractère solipsiste du fonctionnement des citoyens qui puisent exclusivement en eux-mêmes les moyens d’exercer le pouvoir souverain. La logique de la situation veut que l’ensemble des citoyens s’autosaisissent dans une structure d’opportunités qu’est le gouvernement.

Dans les ambitions dominantes, l’ensemble des citoyens gagne une forme d’existence politique, sans visibilité publique. La communauté politique collectivise le pouvoir mais n’intervient pas dans son œuvre.

Dans ce rapide parcours, nous y voyons davantage une invitation à saisir le caractère démocratique par la dynamique capacitaire du corps des citoyens, habilité à la fonction politique.

Cette fonction est, elle-même, intégrée à une manière conventionnelle d’exercer le pouvoir que nous saisirons dans le point suivant avec les manuels d’histoire Hachette et Hatier.

Dans ce premier modèle théorique, nous inscrivons la dynamique capacitaire sur la lignée des travaux de J.L Genard, qui a conceptualisé ce que « gouverner par les capacités et compétences veut dire ».

Dans notre lecture scolaire, cette anthropologie de la potentialité a conduit l’auteur, à la « réhabilitation d’une interprétation responsabilisante de l’action »149 des citoyens,

marquée par la confiance dans les dispositions qu’ont les acteurs dans l’expertise ordinaire « du pouvoir de faire ».

149 In GENARD CANTELLI « Pour une sociologie des compétences » Contribution qui s’inscrit dans le fil des travaux de Pierre

Bourdieu et de Daniel Gaxie ayant ouvert la porte de la compétence

b. Rôle impersonnel au niveau suprafonctionnel

Dans la partie médiane de notre schéma, porté par les manuels Hachette et Hatier, le gouvernement est le lieu d’exercice de la citoyenneté politique dans une configuration fermée.

Dans les dimensions de « la gouvernance »150, les fonctions politiques rassemblées

assurent le fonctionnement régulier du pouvoir ainsi que la continuité de la fonction gouvernementale.

Nous avons distingué une catégorie d’acteurs, unis par leur qualité d’administrateurs, exerçant des prérogatives fonctionnelles préfigurant une démocratie domestiquée dans les expression scolaires (exercer le pouvoir/diriger) dans le gouvernement.

Cette conception de la participation au pouvoir s’oppose à la conception du manuel Bordas misant sur l’intervention politique du peuple agissant pour le compte de la société.

L’examen des deux premières définitions regroupant les cinq manuels, permet d’apprécier l’activité de gouvernement de l’ensemble des citoyens, une communauté d’intérêt qui gouverne sans contradiction, dans des conditions apaisées.

Dans les conséquences, les gouvernants voient leur rôle nécessairement, limité à l’accomplissement de fonctions préservatrices du système politique (exercer le pouvoir/diriger), sûrement fondamentales pour la stabilité du système politique.

En comparaison avec le prototype de Bordas, et indépendamment de leur mise en œuvre, la décision, dans les idéaux, apparaît comme l’élément le plus pertinent dans l’action spécifique de la société, destinée à produire des effets en acte.

Dans le schéma n° 5 reporté ci-dessous, la participation a été thématisée en fonction des deux prototypes scolaires. Sur le plan référentiel, les deux exemplaires sont distingués sur deux plans : entre l’approche statutaire dominante de cinq manuels sévissant dans le cadre d’opportunité le gouvernement et entre l’approche sociétale de Bordas essentialisant son peuple sur l’activité politique.

150 nous avons retenu la définition de gouvernance proposée par l’OCDE, le concept est employé principalement pour l’exercice

de l’autorité au sein du gouvernement et de l’arène politique. In OCDE, « La gouvernance au XXI° siècle »- Etudes prospectives - Editions de l’OCDE -Paris- 2002 p.35/253

Tableau 5 : Les ressorts de la participation en démocratie

c. Ethos commun : angle mort

Sur le plan théorique, dans le premier type de fiction, une catégorie conventionnelle « les citoyens » couvre les exigences scolaires de la démocratie.

Dans les aspects négatifs, l’incomplétude du système politique masque les pratiques collaboratives et les marques d’intelligence du régime.

Dans la leçon, un des apports stimulants de l’Ecclésia, réside justement dans sa capacité à organiser au sens large, l’activité des citoyens dans la délibération, justifiant le lien entre la pratique publique et le système politique dans l’expérience de la démocratie.

Dans l’Antiquité ARISTOTE penseur antidémocrate posait déjà « la question de l’intelligence collective »151. Malgré son hostilité au peuple, le penseur grec proposait un

151 Nous avons retenu deux déterminants théoriques qui nous semblent pertinent pour caractériser l’idée d’intelligence

collective prégnante dans le modèle oratoire de la discussion dans les séquences scolaires imposées « l’intelligence collective

peut se définir comme la capacité à unir nos intelligences et nos connaissances pour atteindre un objectif ainsi que la capacité d’un collectif à se poser des questions et à chercher les réponses ensembles » in ZARA Olivier « le management de l’intelligence

arbitrage en faveur « de la souveraineté de la masse (polloi) » et pressentait déjà les avantages de cette solution, pensant que le quantitatif peut introduire un changement qualitatif au niveau de la réalité. Le philosophe envisageait « que la multitude est meilleur juge […] que les hommes vertueux l’emportent sur chacun des individus de la foule ».152

Dans les cinq premières définitions, la description de ce qu’est la participation touche à une attention disproportionnée du pouvoir au singulier et à son caractère fascinant au détriment d’une construction collective qui, par la mise en évidence de procédures, pourrait justifier l’ensemble du point de vue d’un gouvernement en démocratie.

La question participative apparaît simplement comme une modalité d’aménagement de la démocratie, dans la montée en généralité du prototype.

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