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EXERCICE DE LA SOUVERAINETE MAL ANCRE DANS LA QUESTION DEMOCRATIQUE

1. Exercice souverain suspendu dans une portée trop générale

Etendue de la sorte quant à sa définition, la nature de l’exercice souverainiste nous semble être une première clef de lecture importante pour traduire concrètement la souveraineté de deux groupes d’acteurs.

En théorie, il s’agit pour nous de reconnaître l’autorité de l’ensemble des citoyens ou du peuple en démocratie, en dépit du fait que le pouvoir conféré aux citoyens ou attribué au peuple par la décision, ne s’inscrit pas dans un aspect relationnel, ni dans des faits de domination.

Comme point de départ dans cette réflexion, les véritables auteurs de la démocratie sont ceux qui ceux qui possèdent le pouvoir et ceux qui l’exercent selon l’exemple athénien.

Dans cette entreprise de maitrise de pouvoir, les manuels d’histoire ont élaboré plusieurs types de conduite, dont on a remarqué le passage graduel de la simple référence de souveraineté incarnée aux exigences de son expression posée sur une situation en acte.

Dans les difficultés, les termes de pouvoir et de décision, au-delà de leur généralité, sont deux référents déstabilisants et ne permettent pas de rendre compte de manière valable, du mode d’effectuation de l’exercice souverainiste.

Ces deux concepts feront l’objet d’un état des lieux dans lequel nous faisons part de notre ressentiment sur l’effectivité du rôle accordé aux acteurs de la démocratie et sur un jeu politique qui tourne à vide, dans le premier volet de notre réflexion.

Dans les deux points suivants, nous rendrons compte de la diversité des formes de l’exercice de la souveraineté, sur des postures théoriques impliquant des principes devenus quasi-intemporels.

a. notions embarrassantes de pouvoir et de décision : posture partagée par les manuels

Les préoccupations des auteurs sont perceptibles sur la nature de l’exercice du pouvoir dont les formes de participation institutionnalisées reposent sur un clivage structurant opposant le terme pouvoir utilisé par cinq manuels scolaires à une rare exception, le manuel Bordas et son choix de du pivot verbal « décide » dans l’expression « peuple décide ».

L’idée du pouvoir complice de la participation, une seule fois remplacé par « décide », reproduit largement les hésitations que soulève la question de la participation en démocratie et la manière dont elle est souhaitable.

L’enjeu de la démocratie se trouve là, dans l’interrogation de la forme du pouvoir souverain généré par le principe général de pouvoir ou de décision, qui rendent l’action possible ou pas en démocratie.

Du point de vue de son manque de clarté en théorie, la notion de pouvoir très abstraite participe à une forme d’impasse explicative sur ses affinités avec la démocratie.

D’ailleurs, les recherches théoriques confrontées à la tâche de définition, ont indiqué la difficulté d’aboutir à une véritable adaptation du pouvoir dans le fonctionnement de ce que peut être la démocratie par le recours à ce concept.

Pour Gérard Bergeron, politologue à l’université de Laval, le terme de pouvoir « est bien inapte à servir de référentiel aux études de prises de décision » 60, et en contrepartie on

gagnerait à remplacer ce terme par ses diverses qualifications.

60L’auteur propose quatre couples de remplacement de pouvoir en fonction du contexte : (autorité et souveraineté) (fonction et

compétence) (contrôle et influence) (contrôle et régulation) in Gérard BERGERON, « Pouvoir, contrôle et régulation (1970) » Une

« marchandise » douteuse importée de la science politique - In article publié dans la revue Sociologie et sociétés, vol. 2, no 2,

novembre 1970, pp. 227-248. Montréal : Les Presses de l’Université de Montréal-sur internet dans le cadre de la collection: "Les classiques des sciences sociales" Site web: http://www.uqac.ca/Classiques_des_sciences_sociales/

Selon cet auteur canadien, le succès rencontré par le terme de pouvoir, tient à sa notion « fourre-tout » et à sa polyvalence stimulant notre imagination.

Dans les solutions privilégiées, l’attribut du pouvoir est contraint de fonctionner comme une capacité à la disposition des citoyens. au gouvernement. Dans notre exercice de substitution, sa fonction d’agencement procède d’une généralisation de l’exercice du pouvoir souverain, sans changer la nature de l’exercice en fonction des détenteurs politiques.

Pour autant le schéma décisionniste de Bordas connaît des difficultés sur les contours de l’épreuve de la décision rendant l’interprétation de ce qui s’y joue impossible.

Selon deux homologues anglo-saxons de G. Bergeron, les « notions de choix ou de décision ne sont guère plus faciles à manipuler que celle de pouvoir […] Il y a autant de politique ou de pouvoir, de décision même dans une décision qu’on ne prend pas, que l’on refuse ou hésite à prendre… » 61.

La décision deviendra un acte compréhensible pour les lecteurs de Bordas, dans le rapprochement avec le mode de conduite athénienne, puisque les citoyens rassemblés à l’Ecclésia sont invités à participer au processus de discussion, donnant consistance à toutes sortes de décisions, prises ou non prises, dans le dossier complet consacré au débat à l’Ecclésia. Dans notre recherche de fondement de la démocratie, l’exercice de souveraineté est bloqué dans les deux termes de pouvoir et décision, par la façon ambigüe qu’ils ont d’offrir les conditions nécessaires à la lecture de nos deux types de situation.

Pour les lecteurs de l’ensemble des manuels, ces deux mots ont un fort potentiel pour ceux qui en disposent.

61 La décision est également difficile à cerner et à délimiter. de deux auteurs de sciences-politiques Peter BACHRACH et Morton S.

BARATZ, « Decisions and Nondecisions : An Analytical Framework », American Political Science Review, septembre 1963/ in Gérard BERGERON, « Pouvoir, contrôle et régulation (1970) » Une « marchandise » douteuse importée de la science politique - In article publié dans la revue Sociologie et sociétés, vol. 2, no 2, novembre 1970, pp. 227-248. Montréal : Les Presses de l’Université de Montréal-sur internet dans le cadre de la collection: "Les classiques des sciences sociales" Site web:

b. Renoncement à l’exercice de souveraineté : premier modèle

Dans le premier modèle définitoire conçu par les manuels d’histoire Belin, Magnard et Nathan, l’autorité conférée à l’ensemble des citoyens au gouvernement traduit difficilement ce que peut être une dynamique de groupe dans une démocratie sous l’angle du gouvernement.

Dans cette hypothèse de travail, les citoyens incarnent l’autorité souveraine, mais l’exercice de la souveraineté n’est pas le point de passage obligé de la définition sur la démocratie.

Dans cette hypothèses de travail, la démocratie rend acceptable le pouvoir parce qu’il est la possession commune de l’ensemble des citoyens qui ont le tempérament d’un monarque.

Néanmoins, les modalités d’exercice de l’autorité ne sont pas indiquées dans ce premier lot de définitions. La légitimité de l’autorité souveraine repose sur la généralisation apaisante du pouvoir revenant à l’ensemble des citoyens, au sein de l’institution.

En arrière-plan, la légitimité des citoyens est posée comme une évidence. Par ce postulat, les citoyens, détenteurs de la souveraineté, font autorité en démocratie, mais ne se livrent à aucune démonstration de pouvoir.

Dans ce premier type de situation, la démocratie n’a pas fait disparaître l’allusion à « la concentration du pouvoir indivisible, imprégné de la tradition monarchique »62 faisant obstacle

l’organisation des citoyens et leurs modalités de participation au gouvernement.

Sur le plan théorique, l’interprétation particulière de la démocratie vue depuis son tempérament monarchique renvoie à une perspective spécifique où les citoyens remplissent le rôle autrefois réservé au roi, dans les régimes politiques modernes.

62 Cette allusion est tirée des différentes polémiques sur la concentration des pouvoirs dans le contexte spécifique français de la V°

République spécificité française qui ne se retrouve dans aucune autre démocratie au point que les observateurs envisagent toujours une VI° République pour rompre avec l’idée d’une V° République « monarchique » in Jean-Pierre DUBOIS« La République et les institutions », Après-demain, 2013/3 (N ° 27-28, NF), p. 25-27. DOI : 10.3917/apdem.027.0025. URL : https://www.cairn.info/revue- apres-demain-2013-3-page-25.htm

c. Marque symbolique des occasions : deuxième modèle

A l’opposé du premier type de définition élaboré par les manuels Belin, Magnard et Nathan basée sur la possession du pouvoir (pouvoir/appartient) des citoyens au sein du gouvernement dont on soupçonne que le supplément d’âme démocratique dépendra fortement de l’identification des détenteurs du pouvoir, les manuels Hachette et Hatier nous donnent la mesure de définitions minimalistes se situant au-dessus des débats de valeur que peut augurer l’offre de participation en démocratie.

Ce qui différencie les trois premiers manuels (Belin, Magnard, Nathan) des seconds manuels Hachette et Hatier, objet de la présente réflexion, est que le pouvoir commun est projeté sur des fonctions invariables et statiques.

La logique souverainiste est intégrée à un répertoire d’action (exercer le pouvoir), de responsabilité politique (diriger gouvernement) qui ne permettent pas de saisir les ressorts démocratiques des propositions théoriques.

Ce faisant, cette situation souverainiste présente une affinité restreinte avec la problématique de la participation. L’exercice du pouvoir est fondu dans le fonctionnement mécanique et routinier de l’appareil gouvernemental, un tout participatif noyant le critère organique de la décision.

Par conséquent, ce premier lot de définition prend ses distances avec le modèle de souveraineté athénien des V° et IV° siècles avant J.-C, caractérisé en priorité sur l’assemblée populaire de l’Ecclésia et sur ses activités souveraines de délibération et d’élection63.

En théorie, les propositions scolaires ne s’appuient pas sur des éléments de démocratie immédiate, à l’exception du manuel Bordas qui introduit un écart essentiel avec les autres manuels d’histoire. Ce manuel table sur la prise de décision, qui devient la marque essentielle de la souveraineté du côté des gouvernés.

C’est l’un des effets de remise en cause par Bordas qui qualifie le pouvoir politique sur les actes concrets du peuple : la décision

d. Décision, socle éthique de l’action : Bordas

En opposition à une vision trop encline à un univers centré sur le fonctionnement du gouvernement, et à la limitation de la participation des acteurs au cadre institutionnel, l’exercice de la souveraineté impose de penser la participation comme le temps nécessaire à la prise de décision pour les lecteurs de Bordas sur l’expression « le peuple décide ».

Nous faisons l’hypothèse que les rédacteurs de ce manuel sont attachés à l’obligation de décider pour les gouvernés dans une société. Leur voix à l’unisson est présentée comme la norme pour qualifier le régime de démocratie. La volonté législatrice à la portée de la société caractérise le mode de vie des gouvernés dans le cadre de la démocratie.

Au premier niveau de compréhension « décide » est une catégorie d’action qui fait paraître l’opportunité à ses acteurs d’intervenir sur l’exercice du pouvoir.

Par rapport à cette définition théorique, on peut mesurer une certaine familiarité avec la démocratie athénienne, approchée dans l’apprentissage du débat à l’Ecclésia.

Dans le support scolaire, les citoyens puisent leur légitimité dans la pratique de délibération, dans les conditions de production très cadrées.

Par choix, Bordas fait partie de ceux dont l’idée de démocratie associée au pouvoir de décider, participe comme condition même à la réalisation de l’idéal démocratique tout en prenant ses distances avec le modèle institutionnalisé athénien dans la définition énigmatique du « peuple »64.

Nos différentes interprétations de l’exercice de souveraineté, peuvent être ramenées à deux stratégies antagonistes résumées par la prééminence de sujets politiques forts possédant la souveraineté, dont l’argumentation de l’exercice souverain ne peut être traité que de manière implicite dans la partie supérieure du schéma scolaire et dans la partie inférieure de ce schéma, la logique de l’action explique l’exercice de souveraineté dans la forme objective du fait de décider.

Dans tous les cas, l’expérience athénienne est susceptible de clarifier les apories de la définition théorique. Son supplément d’âme démocratique interviendra sur la représentation du vécu athénien jouant sur la formation politique de ses citoyens et sur la manière de concevoir le vivre-ensemble dans les pratiques d’assemblées.

2.

Légitimité démocratique caractérisée par un impératif de

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