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EXPRESSION DE LA SOUVERAINETE POPULAIRE CONFRONTEE A UNE QUALITE DIFFERENTE D’ATTENTE DU PASSE

4. Matrice scolaire forgée au contact de l’Assemblée athénienne

Au terme de notre réflexion, la quête d’éléments historiques, nous a permis d’identifier deux références scolaires plus prometteuses que les deux références classiques, pour maximiser le pouvoir des citoyens et établir une connexion avec l’activité fondamentale de l’Ecclésia.

Cependant, aucune des deux propositions n’est en mesure de rivaliser avec l’expérience de « l’Assemblée du peuple assemblé ».

Dans notre hypothèse, la restitution historique de l’Ecclésia, organise le chapitre de la démocratie. Cette institution liée à la vie politique de la cité, sert d’explication au vivre- ensemble en démocratie, forgée sur un idéal de participation directe des citoyens à la gestion des affaires de la cité.

En théorie scolaire, l’activité politique est différenciée entre les gouvernants, « l’ensemble des citoyens » et les gouvernés, « le peuple », faisant que l’exploration est limitée par chacune des propositions, à l’usage historique d’une seule propriété de l’Assemblée athénienne.

La démocratie peut ainsi se rapporter à deux caractéristiques majeures de la participation au pouvoir, avec une première annonce d’action des acteurs politiques, située au gouvernement et la seconde annonce façonnée sur la pratique d’assemblée, la prise de décision collective.

Ces deux entrées sont considérées plus pertinentes que les notions de peuple et de pouvoir pour traduire les valeurs de vérité contenues dans le format politique de l’Ecclésia.

Nous discuterons des raisons qui nous amènent à penser que ces deux catégories disposent d’une efficacité pour éclairer la plasticité de l’Ecclésia sans lui donner une forme excessive. Cette réflexion fait l’objet du premier point.

Dans cette vision scolaire de la souveraineté, cinq manuels ont fait le choix, dans un mouvement commun, de s’intéresser à la référence de « l’ensemble des citoyens » participant au gouvernement, dans une relation abstraite de pouvoir. Dans le cas particulier du manuel Bordas, le choix du peuple et de son mode d’action sur le pivot verbal « décide » ne peut pas se confondre avec la solution des premiers manuels.

Ainsi dans les deux points suivants, nous justifions la manière dont les deux annonces scolaires imposent leur marque dans la construction théorique des énoncés, pour entrainer la participation de chacun en démocratie.

Globalement, dans les deux types de définition, le regard comparatif porté sur le jeu des étymons. Leur réemploi terme à terme dans les catégories scolaires, participe à définir la nature de notre relation par rapport à l’expérience humaine de l’Ecclésia.

Ce dernier point met l’accent sur la question de sens de l’Ecclésia, interprétation dominante de l’Athènes démocratique, permettant de voir, ailleurs, la question de citoyenneté et du pouvoir que dans la polis athénienne.

a. Citoyen et décide : deux points de contact

Dans la formation des deux types de définition de la démocratie, les catégories scolaires sont comparées aux étymons (démos/kratos) traduit par les termes de peuple et pouvoir replacés dans l’expérience politique de l’Ecclésia, dans la cité grecque du V° siècle avant J.-C.

Dans la composition théorique des énoncés, deux termes mis entre parenthèse () se sont révélés plus déterminants dans chaque couple de notion (citoyen-pouvoir) et (peuple/décide), pour la représentation de la démocratie au point que les deux autres termes qui les accompagnent (peuple/pouvoir), renvoyant à la traduction classique des deux étymons démos et kratos en réception française, font obstacle aux objectifs de la démocratie du point de vue de nos fictions scolaires.

De ce fait, nous avons mis en avant la notion démos plus apte à capter la souveraineté des citoyens sur la vision de l’Ecclésia, tandis que la notion de kratos traduit par pouvoir nous semble présenter une vue réductrice de la situation.

Rassemblées, curieusement ces deux catégories scolaires « l’ensemble des citoyens » et « décide » à la place des références classiques de « peuple » et de « pouvoir », conservent une certaine efficacité historique et affichent leur compatibilité avec la conception athénienne de la pratique politique et son premier principe d’assemblage.

Néanmoins, découplées, ces deux catégories d’analyse remplissent à moitié leur promesse.

b. Les citoyens au gouvernement : imbrication majeure

Pour le lecteur, la notion de citoyen instaure une prise en charge plus adéquate de la démocratie dans cinq définitions formées sur le couple (citoyen/pouvoir). Dans cette approche construite sans accommodement, la démocratie prend sens strictement dans la relation de pouvoir établie entre l’ensemble des citoyens et le gouvernement.

Ce cadre de référence permet de penser la condition de possibilité de la démocratie, sur une expérience à laquelle les citoyens sont l’origine.

On peut dire que le gouvernement participe à une iconographie de l’ordre démocratique, porté par la communauté politique qui se différencie par la fonction politique, de ceux qui n’en ont pas.

Dans ce sens, le gouvernement produit un ressort d’élévation en désignant ceux qui sont « à la tête de » par le biais d’une fonction officielle, donc par une affiliation encouragée par le statut politique.

L’aspect statutaire et réglementaire génère des effets de continuité avec le démos athénien dans la composante du corps civique qui forme le gouvernement en démocratie et dans le maintien des opportunités d’action de ces mêmes gouvernants en démocratie.

Cette représentation fait que le pouvoir de l’ensemble des citoyens apparaît comme une hégémonie, une direction dans le cadre du gouvernement, perçu comme la sphère d’action des citoyens. Dans cette hypothèse, la notion d’espace public n’est pas utile à l’administration du pouvoir.

Le pouvoir politique relève de l’entente de la communauté politique dont nous ne connaissons pas la manière d’organiser les volontés, une fois les citoyens arrivés au pouvoir pour les cinq premiers manuels.

c. Engagement public du peuple : imbrication mineure

Dans le tableau brossé par Bordas, nous sommes limités par la valeur argumentative de l’énoncé « peuple décide » et des conclusions que nous pouvons en tirer.

Toutefois, la dynamique insufflée par l’acte « décide » accroît la compréhension d’une citoyenneté s’exerçant par la prise de décision. Dans l’esprit, c’est au prix de l’effort que la conquête se réalise, contrairement au pouvoir acquis aux citoyens au gouvernement.

La décision indique que les gouvernés participent aux enjeux qui les concernent et à la résolution de leurs problèmes. En théorie, le pouvoir de décision donne raison aux gouvernés et procure une certaine efficacité à leurs agissements en dernier ressort.

On peut faire le grief à Bordas, de n’accorder aucune place aux modalités de production de la décision politique.

Tout de même, le caractère public de l’intervention du peuple peut être entendue pour réduire l’écart entre pouvoir et société, même si nous ne savons pas s’il s’agit juste d’une consultation de cette dernière, ou d’une véritable intervention de sa part sur les affaires publiques.

Toutefois dans les traits essentiels de ce modèle théorique, on ne peut pas reprocher à Bordas, de mettre en situation le peuple sur un moment crucial de la prise décision. Par ce côté son prototype renoue avec le démos athénien sur le fait de tirer profit du pouvoir de décision. Par rapport au démos, le peuple de Bordas, abolit l’idée d’acteurs centraux à l’exemple des gouvernants du premier type de prototype.

La spécificité de l’énoncé repose sur la centralité de la décision, règle partagée dans le régime démocratique établi par ce manuel.

Dans cette fiction, la société de Bordas envisage la possibilité de dire non. Le peuple peut se confronter à la dynamique institutionnelle et aux acteurs qui détiennent le pouvoir.

d. Phénomène politique desserré par rapport à l’Ecclésia

Ce panorama scolaire nous offre deux itinéraires possibles pour prendre part à la souveraineté collective. Nous avons repéré deux lignes de force avec des effets opposés qui nous paraissent essentiels pour la suite, dans la définition du contenu politique de la citoyenneté.

Dans le tableau brossé par les cinq premiers manuels, le premier type d’individu cognitivement souverain s’appuie sur le titre à gouverner des citoyens. La définition fait référence à la réputation des citoyens formant le cercle des gouvernants en démocratie.

Dans le second tableau proposé par le manuel Bordas, la participation au pouvoir souverain se construit sur l’acte pour une autre catégorie d’acteurs. Les auteurs de ce manuel d’histoire ont isolé un trait spécifique de la pratique du pouvoir chez les Athéniens : la décision. En dépit d’un fort sentiment d’imprécision, ces deux types de situation permettent d’entrer en rapport avec la démocratie et nourrissent un état d’esprit différent pour le contenu politique de la citoyenneté que nous proposons de discuter encore une fois avec l’étymologie, mais cette fois-ci, sur la démarche discutée par E. Benveniste.

De manière anecdotique, nous nous sommes intéressés à la formation historiquement constitué du terme « citoyen » dont l’interprétation théorique fait surgir des réalités différentes en contexte grec et en contexte latin.

Sur cette piste, l’argument de Benveniste, pose que la formation du terme citoyen renvoie à deux constructions inversées opposant le citoyen de la polis grecque à celui de la civitas romaine.

Dans un mode opératoire inversé, « la terminologie latine dit que les citoyens font la cité » au motif que l’idée de civitas s’est formée sur la racine de civis, que nous avons traduit par citoyen en français, et que dans la terminologie grecque, le sens est inversé car « le politès est le membre d’une polis lui préexistant, et dans ce cas précis, la cité fait les citoyens »109.

Selon la remarque de l’auteur, du côté français, la traduction de citoyen n’a aucune parenté sémantique avec le politès, mais sa formation sur le terme premier de cité, montre son affinité avec le mode opératoire grec sur la polis.

« Qu’en est-il du modèle dominant dans le discours scolaire ? »

Dans les propositions théoriques, les conditions d’affirmation de la citoyenneté sont très marquées par le lien à la souveraineté exposée depuis le titre à gouverner des citoyens relevés dans cinq manuels sur six, au point de former une unité politique avec le gouvernement.

109 Ce raisonnement par opposition sémantique est proposé par Balibar dans le cadre des interprétations antithétiques que peuvent

prendre le sens des collectivités dans le rapport de places définies pour l’homme. In E. BENVENISTE, ‘Deux modèles linguistiques de la cité », dans id, « problèmes de linguistique générale, vol. II, Paris, Gallimard, 1974, p.272-280 in BALIBAR Etienne “ des Universels” Essais et conférences, Paris, 2016, Editions Galilée pp.170

Dans un souci de montée en généralité, le citoyen est associé à un tout super-ordonné « l’ensemble des citoyens » formant la communauté de citoyens dont on peut dire qu’elle est la seule forme raisonnable de gouvernement en démocratie.

Du point de vue de la comparaison, la matrice scolaire permet de montrer la force du cadrage réalisée en démocratie sur la configuration de l’Ecclésia. Cependant son mode opératoire fait l’objet d’ajustement pour cinq manuels du point de vue de l’accès généralisé au gouvernement, et pour le manuel Bordas du point de vue de l’extension de l’injonction de décision à toute la collectivité.

Dans notre hypothèse, le phénomène démocratique est requalifié dans une formulation englobante. D’un point de vue moderne, l’interprétation théorique marque une progression d’ensemble pour les citoyens au gouvernement et dans l’extension de la décision aux gouvernés.

En conclusion la dialectique entre l’étymologie et les tentatives définitoires nous a permis de comparer l’idée de souveraineté en montrant les limites des rapprochements effectifs entre les différentes traditions.

Dans l’écart creusé avec les deux étymons, toutes les propositions montrent la difficulté de théoriser la démocratie à un niveau générique, sans dépendre des contextes et des circonstances qui ont déjà fait l’objet de calculs.

Dans notre réflexion, les arguments les mieux compris, nous ramènent à privilégier un cas de référence, l’Ecclésia, la société politique placée à l’intersection de toutes les tentatives définitoires avec ses critères différenciateurs (citoyen) et (décide) que la comparaison éclaire.

Au-delà de cette constatation, l’appropriation de l’espace public par la décision tentée par le manuel d’histoire Bordas, et la suppression des différences entre les acteurs, initiée dans le contexte dominant des six manuels, participent au renouvellement d’une problématique moderne de la citoyenneté, voulue plus inclusive et participative.

Nous restons attentifs aux formes de réutilisation de ces deux catégories de mots qui retranscrivent les aspirations scolaires en matière de contenu de citoyenneté dans son rapport à la démocratie.

Dans ce qui suit, nous pensons la comparaison de l’expérience politique en termes relationnels et non plus de terme à terme dans notre contexte d’étude.

Cette nouvelle comparaison devrait nous permettre d’approfondir des questions restées en suspens, liées à des logiques participatives.

II. PARTICIPATION AU POUVOIR : UN CHAMP D’INITIATIVE PEU

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