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EXERCICE DE LA SOUVERAINETE MAL ANCRE DANS LA QUESTION DEMOCRATIQUE

2. Légitimité démocratique caractérisée par un impératif de gouvernement : première hypothèse

Dans la progression des leçons, la souveraineté politique s’inscrit dans la bascule du pouvoir au gouvernement en faveur de la communauté politique des citoyens, organisant la rupture avec la monarchie et la tyrannie, présentées comme des régimes antagonistes à celui de la démocratie athénienne65.

Dans la vision scolaire, la légitimité démocratique est consécutive aux échecs des régimes précédents66 bien plus qu’elle ne relève du mode de production de la démocratie elle-même.

Contrairement au cheminement français emprunté par la démocratie, très inspiré de l’historiographie révolutionnaire, appuyée par le renversement violent du roi, dans l’approche grecque, C. Castoriadis note que le concept de démocratie s’oppose aussi bien « à celui d’oligarchie ou d’aristocratie ». L’auteur place la définition sous la comparaison « entre le démos et les aristoi (les ‘meilleurs’) ou les oligoi (‘les peu nombreux’) » 67 formant une

hégémonie dans la société politique.

Dans la définition théorique, les citoyens sont parvenus au gouvernement à la place de l’ancien modèle monarchique déchu. Ils sont à la source de la légitimité de ceux qui doivent gouverner.

L’axiome de la souveraineté est réactualisé dans la définition théorique à travers le changement généralisé du pouvoir accessible à l’ensemble des citoyens formant une hégémonie dans le régime de la démocratie.

Ce qui différencie les cinq premiers manuels, adeptes de cette formule, touche à la définition de ce que peut être la légitimité démocratique d’un peuple disposant du pouvoir et ayant conservé la mentalité du souverain.

65 Magnard est le seul manuel d’histoire à opposer démocratie et tyrannie en tant que régime dans la définition de la démocratie.

Belin, Bordas et Nathan utilisent la tyrannie dans le contexte de changement de gouvernement pour les Athéniens.

66 In Hachette,La démocratie athénienne [leçon 3 pp.68-69] l La première démocratie. « Après avoir été dirigée par des rois ou des

tyrans, Athènes met progressivement en place une nouvelle façon de gouverner : la démocratie. », in HatierLa démocratie athénienne [leçon 3 pp.58-59]« Après une longue période de tyrannie, Athènes est devenue une démocratie en 508 av. J.-C., et elle

l’est restée jusqu’à la perte de son indépendance en 332 av. J.-C.. »

67 in Cornelius CASTORIADIS, « la cité et les lois » Ce qui fait la Grèce 2-séminaire du 13 avril 1983- La création humaine III- Le SEUIL

Les préférences vont à trois types d’explication concentrés sur les expressions suivantes : üpouvoir appartient üpouvoir exercer üdiriger gouvernement.

Nous souhaitons qualifier l’avantage acquis à un corps politiquement souverain dans la réalité du rapport démocratique, justifiant leur titre à gouverner d’une part, et d’autre part leur capacité à personnifier le souverain.

Ensuite notre optique sera de déterminer la manière dont l’exercice de la souveraineté conditionne la conduite des acteurs dans la pratique du gouvernement en démocratie.

Nous indiquerons ce qui se joue en terme d’obstacle dans la connaissance de la démocratie par l’exercice de la souveraineté.

a. Le titre à gouverner des citoyens

Dans notre premier modèle de raisonnement, la nouvelle configuration du pouvoir échu à l’ensemble des citoyens, procure un exercice plus large du pouvoir de gouverner grâce à l’effet généralisé procuré par l’expression « l’ensemble des citoyens » « tous les citoyens » selon les cinq manuels (Belin, Hachette, Hatier, Magnard et Nathan).

Pour ces cinq manuels en question, l’idée maîtresse repose sur le fait que la démocratie est la source commune du droit à gouverner des citoyens.

Cette première définition n’offre pas à notre investigation un support concret pour expliquer la manière dont se réalise la transmission du pouvoir en démocratie.

Les citoyens possèdent un statut ambigu d’explication du phénomène politique, d’autant que ce qui concerne l’organisation du gouvernement dans le système démocratique n’est pas établi.

Par ailleurs, l’autre reproche que nous pourrions formuler sur la définition de cette première situation interprétée à l’aune du gouvernement, touche à la nature du pouvoir détenu et exercé en commun.

L’examen de ce pouvoir sans adjonction, la Chose « the Thing »68 dont Robert Dahl

« rappelle le caractère intuitif et mal désigné, participe à qualifier le caractère général du

68 “I hope, catch something of one’s intuitive notions as to what the Thing is” in Robert. A Dahl “The Concept of Power”, Behavioral

Science, 2:3 (1957:July) p.202 copyright 2001 General systems Science Foundation https://welcometorel.files.wordpress.com/2008/08/conceptpower_r-dahl.pdf.

pouvoir politique », fait du pouvoir un trait caractéristique du gouvernement valant pour l’ensemble des citoyens.

Appliquée à l’idée politique de « pouvoir du peuple », Raymond Aron montre que cette notion de pouvoir difficile à définir en philosophie politique, présente une espèce de métaphysique « évidemment destinée à confirmer le droit au gouvernement des hommes politiques […] Il est bien vrai que c’est une justification au même titre que le droit divin

des rois … » 69

C’est précisément sur ce thème de transcendance, que les citoyens reçoivent le titre à gouverner. Pour le lecteur, la situation relève de l’évidence naturelle dans les courtes définitions de trois manuels Belin, Magnard et Nathan sur le syntagme (citoyen/pouvoir/appartient).

Dans cette première manière de concevoir la démocratie, les citoyens apparaissent comme le facteur de variation d’un style d’exercice de pouvoir au gouvernement dont nous avons vérifié l’hypothèse, « fiction applicable à n’importe quel régime »70.

Dans ce premier type de définition concernant les manuels Belin, Magnard et Hachette, le pouvoir confère la maîtrise symbolique aux citoyens dans le contexte de la démocratie.

Dans ce contexte précis, la démocratie apparaît comme un système consensuel si bien qu’en théorie, les acteurs politiques ont, a minima, le titre à gouverner. Cependant ce premier lot de définitions, il est question d’un pouvoir de désignation et pas d’exercice, si bien que les citoyens ne rendent pas compte de leur existence en démocratie.

b. Souveraineté versus gouvernement

Nous pensons que les cinq premières définitions imposent la vue d’une souveraineté politique dont l’effort politique peut être discuté à partir d’un sujet fort, les citoyens, accaparant toute la pertinence de la définition.

69 In Raymond ARON “Idées et réalités » Introduction à la philosophie politique (Démocratie et révolution )– Le livre de poche -

Editions de Fallois 1997- 1° publication -page 61

70 Cf point 3 « l’idée de souveraineté en panne pour la construction d’une autorité démocratique » point b. » fiction applicable à

Sous l’égide de la souveraineté, l’ensemble des citoyens représente la catégorie supra- ordonnée des acteurs de la démocratie, tutélaires du pouvoir reçu à titre indivis, formant une sorte d’hégémonie gouvernementale dans ce type de régime.

Par jeu d’évidence pour cinq manuels sur six, le poids de la définition repose sur le primat d’une catégorie d’individus construite antérieurement au régime, à laquelle la démocratie offre l’opportunité de gouverner.

Le contexte du gouvernement fournit une interprétation de la relation de droit entre les citoyens et la souveraineté. La souveraineté est limitée à la dimension politique du gouvernement. L’idée est liée à la question d’autorité à destination des citoyens qui se sont vus confiés le pouvoir politique dans le régime de la démocratie.

On s’aperçoit que les actions visées par l’idée de gouvernement peuvent également viser l’exercice de souveraineté chez deux manuels Hachette et Hatier. La souveraineté puise les moyens de son action dans les situations théoriques de « pouvoir-exercer » et « diriger- gouvernement » qui assument la stabilité du pouvoir dans le temps et maintiennent le cap.

Toutes ces expressions indiquent que ce type d’exercice de souveraineté rend la tâche des gouvernants abstraite.

L’entreprise de dévoilement a lieu dans la leçon dans la polis athénienne, rendant compte des occupations politiques des citoyens en charge de fonctions publiques. Les collégiens prennent connaissance du dispositif démocratique permettant de comprendre la prestation des citoyens dans le gouvernement.

La réflexion scolaire consacre une part importante aux éléments constitutifs de la souveraineté des citoyens avec une problématique axée sur le processus de dévolution du pouvoir au sein de la communauté athénienne et sur les prérogatives consenties à chacun, le tout faisant l’objet d’un rapport détaillé dans le statut des citoyens en annexe 71.

c. Citoyen, unité élémentaire de la participation au pouvoir politique Dans la définition scolaire, la notion de citoyen sert à objectiver un seul type d’individu institutionnalisé agissant dans le gouvernement que la notion de peuple et ses différents types d’acteurs peuvent affaiblir dans son extension moderne.

Dans cette tâche difficile de définition, le terme citoyen se situe donc à la jonction concrète de deux ensembles historiques que sont le démos athénien et sa traduction historique le peuple.

On ne connaît pas les règles d’incorporation et d’organisation de ces acteurs politiques au gouvernement en démocratie mais l’ensemble des citoyens forment un seul capitaine à bord, dont la fraction dynamique de cette entité gouvernementale appelée « morion » 72 par

Aristote fait apparaître le citoyen à la fois comme condition et composante élémentaire de l’Ecclésia, dans la morphologie de la démocratie.

Dans cet axe de lecture, cinq manuels transmettent au terme citoyen cette composante politique73, par le schème de souveraineté transférant aux citoyens, une forme d’autonomie

politique dont on ne parvient pas à lire la dynamique de groupe.

Ce mode de gouvernement tributaire de l’ensemble des citoyens élevé au rang de gouvernants, pose problème pour réaliser la démocratie, puisque les définitions normatives ignorent la nature des liens qui les distinguent ou les unissent.

Dans notre hypothèse, les manuels d’histoire adoptent une perspective surplombante pour les gouvernants dont l’activité commune ne peut être mesurée. Dans le cadre théorique mobilisé par les cinq premiers manuels, la participation politique des gouvernants n’a pas de traduction pratique. Elle reste à négocier.

L’approche des cinq manuels d’histoire s’inscrit en contraste avec la posture de Bordas inspirée par ce qui s’apparente à une volonté générale dans le sillage rousseauiste. Cette forme de politisation de la société, sur le couple de notion (peuple/décide) fonde les conditions de possibilité de l’action collective du point de vue des gouvernés sur la prise de décision.

d. Maîtrise symbolique du pouvoir, mais de faible effectivité : gouvernants Dans les cinq premières contributions, la souveraineté politique se nourrit de la mise en scène institutionnelle des citoyens ayant en charge la conservation du pouvoir dans le cadre réglementaire du gouvernement.

72 Aristote parle de morion pour préciser la nature du citoyen comme chacun faisant partie de la plus petite composante de la

communauté politique dans le cadre des institutions collectives telle l’Ecclesia. Il exprime le primat de l’idée de communauté sur celui de l’individu .in ARISTOTE « Les politiques » (III, 1282 a 35-40) Traduction Pellegrin nouvelle édition 2015 – Flammarion – p. 257

73 Le terme citoyen porte toute la charge de la définition de la démocratie visant la mise en ordre de la société par la souveraineté. Le

mot citoyen fait partie de la liste des indispensables à retenir dans la rubrique vocabulaire des six manuels. Dans la logique collective il participe à définir les prescriptions associées au rôle politique des acteurs politiques.

Au passage, les citoyens détiennent le pouvoir politique à la manière d’un souverain puisque l’exercice du pouvoir ne s’est pas modifié avec la venue des citoyens au gouvernement.

Les réticences à l’encontre de ce premier type de définition porte la mise en scène d’un pouvoir très généraliste dont l’exercice ne permet pas d’engager une discussion sur les perspectives réelles d’exercice et diminue fortement les opportunités d’action collective.

L’art de gouverner, dans les trois types de définition réunit les cinq premiers manuels, dans la tendance de (pouvoir-exercer/diriger-gouvernement/pouvoir-appartient)).

A partir de ce type d’exercice du pouvoir, l’idée souverainiste formulée n’offre pas de changement organisationnel permettant d’établir le caractère démocratique de l’action des citoyens. L’idée de souveraineté masque les possibilités d’intervention crédibles, en prise avec la réalité de la vie quotidienne.

Parmi nos reproches, l’exercice en commun du pouvoir politique exercé dans la collégialité et indistinctement par tous les citoyens à la fois, couronne la maîtrise symbolique des acteurs, bénéficiaires du « pouvoir indivis ». Cette activité centrale ne donne pas encore forme à la démocratie.

La maîtrise symbolique du pouvoir sous-tend que les citoyens sont à la source de la démocratie, mais que ces derniers sont incapables de se prévaloir de la légitimité nécessaire pour faire progresser la société, vers un avenir démocratique.

Par déduction, cette hypothèse de travail ouvre à une voie minorée de la démocratie, car tous les citoyens forment une hégémonie au gouvernement mais leur monopole du pouvoir se traduit par une forme de servitude qui ne leur permet pas de faire usage de leur volonté.

Pour ces cinq définitions, les acteurs bénéficiaires de ce type de démocratie participent à l’administration du pouvoir. Dans cette forme d’autogouvernement, la mécanique fonctionnelle oblitère ce qui se joue dans l’intervention, faisant de l’autonomie selon les convictions morales de Kant « une propriété de la volonté »74.

Toute la subtilité théorique des définitions réside dans l’inconstance du pouvoir prenant sa coloration sur l’identité des gouvernants.

En somme, sur le plan théorique, ce pouvoir politique considérable placé sous l’autorité des acteurs institutionnels, élève l’ensemble des citoyens à la jouissance d’une activité politique

74 Déduit de la célèbre ouverture des Fondements de la métaphysique des mœurs AK IV,393 que l’auteur a introduit pour justifier

qu’un acte tire sa valeur de l'intention qui y préside notre responsabilité. In Mickaël FŒSSEL « Kant ou les vertus de l’autonomie » S.E.R « Etudes » 2011/3 Tome 4143- pp 341-351 article disponible sur https://www.cairn.info/revue-etudes-2011-3-page-341.htm

qui commande toutes les autres, mais qui ne débouche pas sur l’opportunité de faire entendre sa volonté.

Globalement pour les cinq premiers manuels, la démocratie tire sa justification en priorité de l’identité des gouvernants qui remplissent la fonction de dévoilement du mécanisme de la démocratie.

3.

la légitimité démocratique impulsée par une puissance publique en

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